GRATTER LA SURFACE
DU TRESOR
Le message de Marie à San
Damiano a un charisme propre. Le
cœur simple qui le reçoit simplement
en est tout transformé. Il lui suffit d’é-
couter ce qu’elle dit, comme le ferait
un petit enfant.
La parole de Dieu imprègne ce
message. Le langage de Marie est
aussi celui d’une jeune juive for-
mée par les rabbins. Il faut donc
s’attendre à ce que cette culture
biblique laisse son empreinte dans
ses mots et même dans le Lieu ou
elle pose ses pieds … Tâchons
de gratter un peu la surface de ce
trésor.
« L’amour pour comprendre »,
nous propose-t-elle... Mais
qu’est-ce que comprendre ? A
quoi mène l’exercice de l’intelli-
gence ?
Réponse de saint Thomas :
« Qui dit intelligence, dit une cer-
taine connaissance intime ; faire
acte d’intelligence c’est comme
qui dirait “lire dedans” … la
connaissance pénètre jusqu’à
l’essence de la réalité… Mais la
lumière de notre intelligence n’a
qu’une vertu bornée (qui marque
les limites du don naturel de l’in-
telligence). L’homme a besoin
d’une lumière surnaturelle pour
pénétrer au-delà, jusqu’à la
connaissance de choses qu’il
n’est pas capable d’atteindre par sa
lumière naturelle. C’est cette lumière
surnaturelle donnée à l’homme qui
s’appelle : « le don d’intelligence» (3).
Saint Jean précise : « Nous sa-
vons que le Fils de Dieu est venu et
qu’il nous a donné l’intelligence afin
que nous connaissions le (Dieu)
Véritable » (4).
Dans la citation suivante du
message de San Damiano nous re-
trouvons cette même inspiration que
l’intelligence est ordonnée à la dé-
couverte du divin, mais par les yeux
de l’amour : « Récitez souvent des
“Credo” plusieurs fois durant les
jours et aussi la nuit si vous ne
dormez pas. Ces “Credo” vous don-
neront la foi et vous pourrez la don-
ner aussi aux autres car Jésus ou-
vre les intelligences, ouvre les
cœurs de mes enfants. Il les pénètre
de son amour, de sa splendeur qui
vous font monter avec persévérance
vers le ciel » SD 5 juin 1969.
Tout au long de ces pages, nous
aimerions montrer que le message
de Marie est en pleine harmonie avec
les écritures et avec l’enseignement
de l’Eglise. C’est un des éléments
essentiels pour discerner si un phé-
nomène charismatique comme celui
de San Damiano vient de l’Esprit-
Saint. Passons en revue quelques
citations sur le lien entre intelligence
et amour
« Jusqu’aujourd’hui, Yahvé ne
vous avait pas donné un cœur pour
connaître » (5) enseignait Moïse aux
juifs de l’Exode.
Salomon disait : « La pensée,
c’est une étincelle qui jaillit au batte-
ment de notre cœur » (6) !
Puis Jésus, s’adressant aux pè-
lerins d’Emmaüs :
« O cœurs sans intelligence »…
Ceux-ci, après qu’Il les eût quittés, se
dirent l’un à l’autre : Notre cœur n’é-
tait-il pas tout brûlant au-dedans de
nous quand il nous parlait, quand il
nous expliquait les Ecritures ? » (7) ;
Et enfin, saint Ambroise :
« Rappelle-toi que tu as reçu le signe
spirituel, l’Esprit de sagesse et d’in-
telligence… Le Christ seigneur t’a
confirmé et il a mis en ton cœur le
gage de l’Esprit » (8).
A la lumière de ces textes, il est
clair que la prière de Mamma Rosa
n’a rien d’anachronique, mais qu’elle
s’inscrit dans la droite ligne d’une
tradition biblique.
l’Amour ne s’oppose pas à ce
don surnaturel d’intelligence : l’Amour
(au sens profond de l’Amour qui brûle
dans le cœur de Dieu et qui est versé
dans celui de l’homme) est au
contraire indispensable à l’exercice
de cette intelligence (9).
COMPRENDRE, OUI ! MAIS
COMPRENDRE QUOI ?
Marie annonce à San Damia-
no : « J’enverrai tous mes
anges et saints du ciel illumi-
ner tous mes enfants de la
terre, qu’ils reviennent repen-
tis, qu’ils lèvent les yeux au
ciel et demandent pardon »
SD 30 janvier 1970.
Comprendre : avec les yeux du
cœur tournés vers le ciel en
implorant le pardon et non avec
l’indifférence ou le mépris, du
haut de nos certitudes, mais
avec ce cœur pur, « moulé »
par Marie. Alors, l’intelligence
nous sera rendue.
Rappelons-nous : au temps de
sa déchéance parmi les hom-
mes, un ange apparût a Nabu-
chodonosor le roi de Babylone,
car il avait prié, rempli de
contrition. Il s’écria : « Au
temps fixé, moi, Nabuchodonosor, je
levai les yeux au ciel : l’intelli-
gence me fut rendue, alors je bénis
le très haut…, et pour l’honneur de
ma royauté me revinrent gloire et
splendeur » (10). Etonnante similitude
de ces deux messages qui associent
l’ange, la contrition implorante et le
retour de l’intelligence
Comprendre quoi ? De nom-
breux messages nous invitent à réflé-
chir sur le bien et le mal : « De tou-
tes les parties du monde, je réclame
mes enfants parce que je vois qu’ils
sont tellement dans la boue ! …Ils ne
comprennent plus ni le bien, ni le
mal, et ils ne s’aiment plus. Il n’y a
qu’orgueil et superbe, et tant de ma-
lice ! » SD 27 juin 1969.
3. St Thomas Somme théologique ; La foi t II art I-3
4. 1Jn 5, 20
5. Dt 29, 3
6. Sg 2, 2
7. Lc 24,32
8. St Ambr, myst. 7, 42.
9. Si les anciens d’Israël faisaient résider l’intelligence dans le cœur, ce
n’était pas un anthropomorphisme déplacé, mais plutôt une intuition
d’en haut. D’entretiens personnels avec Mamma Rosa, je retiens qu’elle
considérait que l’âme résidait dans le cœur. Il ne faudra pas envisager le
cœur, ici, en tant qu’organe, mais comme le lieu de ce que les hébreux
nomment «la hesed », c’est à dire tout à la fois : la tendresse, le don de
l’âme, l’amitié confiante, l’abandon, la piété, la charité pour le pro-
chain, la soumission joyeuse à la volonté de Dieu (cf. la note de la Bible
de Jérusalem sur Os 2, 21
10. Dn 4, 31
11. Sir 17, 7-8
12. Ex 9, 7
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