La Lettre du Neurologue • Vol. XVI - n° 5 - mai 2012 | 169
DOSSIER THÉMATIQUE
évalué de façon prospective cette période de fragilité
chez les femmes migraineuses. Cet effet bénéque
concerne les migraines sans aura : la prévalence
des migraines avec aura ne diminuerait pas après la
ménopause. Notons cependant que la prévalence
diminue avec l’âge, mais le sex-ratio après la
ménopause se maintient à environ 2,5.
Hormones exogènes
et migraine
La prescription d’hormones exogènes chez les
femmes migraineuses pose 2 grandes questions.
➤
Quelle est l’inuence de ces traitements hormo-
naux sur l’évolution des crises migraineuses ?
➤
Quel est le risque d’AVC ischémique chez les
femmes migraineuses qui utilisent ces traitements
hormonaux, et doivent-ils être contre-indiqués de
façon absolue chez certaines femmes ?
Migraine et contraception hormonale
◆Influence de la contraception hormonale
sur la migraine
La prise de contraceptifs combinés estroprogestatifs
(COC) peut aggraver, améliorer ou ne pas modifier
une maladie migraineuse (7). Par ailleurs, des crises
migraineuses peuvent apparaître de novo sous COC.
L’ensemble des études montre des résultats très
variables qu’il est difficile de synthétiser compte
tenu des différences dans l’évaluation à la fois des
divers contraceptifs utilisés par les femmes au cours
de leur vie et des différentes méthodologies de
ces études.
L’étude portant sur le plus grand nombre de femmes
est une étude norvégienne transversale (Head-HUNT
Study) [8]. Les résultats montrent une association
signicative entre les migraines et l’utilisation de
COC (tableau II), quel que soit le type de COC. Les
contraceptions progestatives ne sont pas associées
dans cette étude au risque de migraine. Cependant,
sur ce point, la puissance de l’étude est trop faible
pour pouvoir conclure.
◆Migraine, contraception et risque d’AVC
La survenue d’un AVC ischémique chez la femme
jeune est un événement rare. L’incidence chez les
femmes de moins de 35 ans est d’environ 6 à 20 pour
100 000 années femmes. Cette incidence augmente
avec l’âge (9).
Les résultats des méta-analyses les plus
récentes (10) montrent un doublement du risque
d’AVC ischémique chez les utilisatrices de COC
(RR : 2,12 ; IC95 : 1,56-2,86). Cependant, les COC
ont subi de grandes modifications, à la fois dans
les doses d’estrogènes utilisées et dans le type
de progestatif combiné à l’estrogène. Les pilules
les plus récentes comportent entre 35 et 15 µg
d’éthinylestradiol et un progestatif de deuxième
(lévonorgestrel) ou de troisième génération
(désogestrel, gestodène, norgestimate) ou un autre
progestatif (drospirénone, par exemple). Les pilules
les plus récemment commercialisées contenant de
l’estradiol ne sont pas encore évaluées en termes de
risque vasculaire cérébral. Les résultats d’une étude
de cohorte suédoise récente ne montrent aucune
augmentation de risque d’AVC (11). L’interpré-
tation doit être prudente en raison du type même
d’étude et de la puissance peut-être insuffisante
pour détecter une discrète augmentation du risque
dans un contexte d’événement très rare chez les
femmes jeunes. Les nouvelles voies d’adminis-
tration des COC (voie vaginale, voie transdermique)
ont fait l’objet de très peu d’études. Le rapport
récent de la FDA, comparant les utilisatrices de
nouveaux contraceptifs aux femmes utilisant des
contraceptifs de deuxième génération, ne montre
Tableau II. Contraception et risque de migraine (6).
n=13 944 Migraines Céphalées non migraineuses
n OR (IC95) n OR (IC95)
Estroprogestatif : 0 716 1,0 1 305 1,0
Anciennes utilisatrices 1 746 1,2(1,0-1,3) 2 922 1,1(1,0-1,2)
Contraception orale quelle que soit la dose d’estroprogestatif 390 1,4(1,2-1,7) 659 1,2(1,0-1,4)
Contraception orale 30µg 202 1,4(1,2-1,8) 350 1,2(1,0-1,5)
Contraception orale 30-40µg 56 1,4(1,0-2,0) 99 1,2(0,9-1,6)
Contraception orale 50µg 4 0,9(0,3-2,5) 16 2,6(1,2-5,7)
Contraception triphasique 128 1,5(1,2-1,9) 193 1,0(0,8-1,2)
Progestatifs seuls 52 1,3(0,9-1,8) 84 1,0(0,8-1,3)