Vivre et raconter : le cas du roman « biographique » (1830

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Vivre et raconter : le cas du roman « biographique » (1830-1880)
Jeudi 30 mars 2017
Université McGill
Cette journée d’étude va s’intéresser à l’une des ambitions du genre romanesque
au XIXe siècle, qui est de « raconter une vie ». La réflexion se focalisera plus précisément
sur la période allant de 1830 à 1880, pendant laquelle foisonnent les romans déroulant la
vie d’un personnage et faisant usage du « chronotope biographique » (Gefen) pour
organiser leur matière. Si la particularité de ces romans « biographiques » est, en théorie,
de faire coïncider un contenu (l’unité d’une vie) avec une forme (celle du récit), cette
adéquation est souvent mise à mal par le désir de se rapprocher de l’existence « réelle »
plutôt que de représenter des modèles édifiants ou idéaux.
En fait, loin d’imposer une forme close à l’existence ou de la forcer dans des
schémas éculés, comme le critiqueront les romanciers du siècle suivant, le roman
« biographique » réfléchit, à même ses récits, aux limites comme aux possibilités de sa
propre entreprise. Ce type de roman interroge et commente en effet – que ce soit au
moyen de la narration, des personnages ou des jeux avec la mise en forme du temps et de
l’espace – sa capacité de configurer les vies qu’il raconte, mais aussi la valeur, ou l’utilité,
des modèles biographiques déjà inventés par le genre romanesque.
Au moyen d’une étude centrée sur une œuvre particulière ou sur un cycle
romanesque, les communications retenues devront s’intéresser à cette réflexivité interne
du roman biographique, qui problématise son rapport à la « vie » au moment même où il
explore les moyens narratifs à sa disposition pour la mettre en forme.
Plusieurs avenues s’offrent à l’analyse. Il est possible de réfléchir à la capacité du
roman de faire achopper sa forme à la durée de l’existence, dont le caractère
problématique est révélé par les divers décalages et effets de coïncidence entre les bornes
du récit et celles d’une vie. On remarque, à cet effet, un travail d’adaptation ou de
transformation, par certains romans, des modèles de dénouements dramatiques qui
permettent traditionnellement de concevoir la vie comme une unité symbolique (grâce à
un mariage ou à la fin d’un apprentissage) ou physiologique (la durée qui sépare la
naissance de la mort du personnage). Il arrive également qu’au sein d’un même roman
plusieurs personnages rivalisent entre eux et qu’une vie en apparence secondaire impose
ses limites au récit de la vie du personnage placé au premier plan.
L’unité, ou l’homogénéité, d’une vie éclate d’ailleurs souvent devant la multiplicité
des vies possibles de l’existence « moderne », que le genre modélise en autant de manières
de vivre dans un roman et que les personnages adoptent avec plus ou moins d’aisance.
C’est pourquoi la question de l’unité d’une vie peut aussi être posée au-delà de l’œuvre
individuelle. Le retour des personnages chez Balzac, par exemple, permet à certaines
existences de déborder du roman qui leur est consacré et auquel elles donnent leur nom.
Les continuations – comme les relances continuelles du roman-feuilleton – fournissent
aussi à certains personnages l’occasion de renaître, de recommencer une nouvelle vie,
subvertissant ainsi l’adéquation entre œuvre et vie singulières.
Enfin, les romans biographiques contiennent des discours sur leur propre forme au
sein de la narration, que ce soit par le biais du personnage lui-même, qui parfois offre une
lecture « romanesque » de sa vie, ou par celui d’un narrateur prenant à partie le lecteur.
À titre d’exemple de cette autoréflexivité, on peut penser à Julien Sorel qui, dans Le Rouge
et le Noir (1830), se dit, au moment où il voit « l’ambition de toute sa vie réalisée » : « mon
roman est fini, et à moi seul tout le mérite », sans que les circonstances lui donnent raison.
Comparant sa vie à un roman, ou à une certaine forme de mise en intrigue romanesque,
Julien Sorel propose une lecture dépassée, voire contredite, par l’œuvre qui la met en
scène.
Le but de cette journée est ainsi de faire surgir le caractère dynamique d’un
corpus souvent assimilé à un modèle romanesque « traditionnel », montrant comment la
vie « véritable », ici, ne s’oppose jamais tout à fait à la vie « romanesque », mais se
présente plutôt comme un horizon toujours déjà médié par le roman.
Nous vous prions de faire parvenir vos propositions de communication (maximum
300 mots) avant le 15 octobre 2016, à Véronique Samson :
[email protected]
Responsables: Gabrielle Roy-Chevarier et Véronique Samson
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