RSCA n°3 : Qui détient les compétences et les connaissances ?
Nous sommes le lundi 16 février 2015 à l'hôpital de Nanterre. C'est le début de
ma deuxième semaine en diabétologie, dans un service qui fonctionne comme un hôpital
de semaine, avec un programme d'éducation thérapeutique spécifique.
Le lundi, nous (les internes) accueillons les patients entrants de la semaine, les
interrogeons et les examinons. Souvent, les patients sont hospitalisés pour un
déséquilibre de leur diabète, du à des difficultés d'observance du traitement ou du
régime. Le programme d'éducation, avec des ateliers toutes les après midi du mardi au
vendredi, est là pour les remotiver et/ou les ré-informer.
Ce jour, dans mon unité, arrive un jeune patient d'environ 25 ans, diabétique de
type 1, sans suivi depuis presque 5 ans.
Il vient pour reprendre un suivi, lui qui ne faisait presque plus d'insuline rapide
aux repas. Il sait qu'il a une rétinopathie diabétique, et il sait qu'elle a probablement
progressé ces dernières années. Je me rends compte au fur et à mesure de la
conversation que je n'ai pas grand chose à lui apprendre sur sa maladie, chronique, et
que les médecins qui l'ont suivi au préalable l'ont très bien informé : causes, traitement,
complications, suivi… Je prends presque un cours complet après une semaine de stage
de diabétologie, par un patient.
Ce n'est pas la première fois que j'ai cette sensation en discutant avec un patient
jeune, atteint d'une maladie chronique. Il me rappelle une jeune patiente atteinte de
mucoviscidose, transplantée pulmonaire, que j'avais suivie en tant qu'externe. Elle
connaissait mieux (et de loin) sa pathologie que moi.
Cette sensation au cours de la consultation que la connaissance médicale est
entre les mains du patient, qui peut donc faire un choix en connaissance de cause, que
nous l'approuvions ou non ; et qu'il soit validé par les recommandations de bonne
pratique ou non, me donne envie de féliciter les médecins qui l'ont suivi par le passé.
Mais pourquoi a-t-il rompu le suivi ?
Suite à cet entretien, je repense à ce que l'on a essayé de nous transmettre à la
faculté : informer les patients pour qu'ils deviennent acteurs de la prise en charge de
leur pathologie chronique. Au cours de cette "consultation", le patient avait toutes les
cartes en mains pour comprendre la gravité de son diabète, s'il le laissait évoluer sans
suivi. Malgré tout, il a rompu le suivi, à peu près au moment où il est passé d'un hôpital
pédiatrique à un hôpital d'adultes. Nous en avons discuté, et il avoue être revenu vers les
médecins car toute sa vie était stable, mais que sa santé le préoccupait depuis de longs
mois déjà. Il était chef de son entreprise, vivait seul, mais la fatigue et les troubles visuels
qu'il avait supportés depuis plusieurs années l'ont incité à revenir.
En rentrant chez moi, bien que je comprenne la difficulté d'être atteint d'une
pathologie chronique dès ses plus jeunes années, j'ai vérifié quelles étaient les
recommandations actuelles pour le suivi d'un patient diabétique de type 1 ; puis je me
suis questionné sur la place de l'éducation thérapeutique des patients atteints de
maladie chronique, pour éviter les ruptures de suivi.