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déplore que « les psychiatres… [n'aient pas] conjugué leurs efforts pour s'entendre sur la
définition même de ce mot magique » (Ey, 1958).1 Des contributions récentes, que nous
discuterons dans la dernière partie de notre travail, témoignent de la pérennité du problème
(Andreasen, 1999 ; Tsuang, 2000a ; 2000b).
Les avatars, les transformations et les bouleversements qui n'ont cessé de modifier la
compréhension et l'extension du concept de schizophrénie, depuis sa formulation par Bleuler en
1908, reflètent l’évolution générale des idées en psychiatrie au cours du siècle écoulé et sont
l’expression de ses conflits idéologiques et de ses enjeux théoriques. Rappelons à ce propos la
position des antipsychiatres, qui déniaient toute validité scientifique à cette notion et la
considéraient comme un instrument utilisé, délibérément ou plus naïvement, à des fins
idéologiques et politiques (Szasz, 1976) ; rappelons également l'embarras où s'est trouvé le
mouvement psychanalytique, qui selon les époques et les auteurs a oscillé entre le rejet de ce
concept et sa dissolution dans la classe plus générale des psychoses (Vincent, 1995).
Le rôle accordé aux facteurs biologiques dans l’étiopathogénie de la schizophrénie dépend
étroitement du sens que l’on donne à ce concept : entité nosologique, maladie, syndrome ou
« création commode donnant l'illusion d'un fait précis ».2
Demander à la biologie de découvrir l’étiologie de la schizophrénie, d’en comprendre la
physiopathologie, n’a de sens que si le cadre nosologique adopté est compatible avec ses
méthodes de recherche, ses techniques, ses concepts opérationnels. Toute entité clinique en
psychiatrie - et la schizophrénie n’échappe pas à cet impératif épistémologique - doit être
préalablement construite comme une catégorie clairement délimitée et précisément définie, s’il
s’agit d’en révéler les bases biologiques. Or il y a là, bien des exemples l'illustreront, le risque
d’une logique circulaire. Si la définition de la schizophrénie est fondée sur la clinique et la
psychopathologie, rien n’assure que cette pertinence classificatrice rencontre celle de ses
hypothétiques fondements biologiques, qui pourraient demeurer inaccessibles. Si au contraire on
adopte une définition subordonnée aux impératifs de la recherche biologique, comme c'est
1 Dans son rapport au deuxième congrès mondial de psychiatrie, tenu à Zürich en 1957 et consacré exclusivement aux
schizophrénies, Henri Ey se demande « quelle est la définition de la schizophrénie? Quel est son trouble fondamental? Est-elle une
entité clinique, une psychose endogène spécifique, un syndrome ou un mode d'existence pathologique, effet de multiples
processus? Quel sens donner au concept de processus schizophrénique? » « Toutes ces questions, ajoute-t-il, depuis Kraepelin et
Bleuler ne cessent de hanter l'esprit des psychiatres » (Ey, 1958).
2 Marchand, cité in Morselli G. E. (1955).