1
L’ADENOME DE LA PROSTATE OU HYPERPLASIE
BENIGNE DE LA PROSTATE
Professeur Christian SAUSSINE, Service de Chirurgie Urologique, Nouvel Hôpital
Civil
I. DÉFINITIONS
L’adénome de la prostate, terminologie ancienne utilisée pour le grand public, correspond
à la maladie appelée hyperplasie bénigne de la prostate (HBP). L’HBP répond à plusieurs
définitions, histologique, clinique ou compliquée.
A. L’HBP histologique
L’HBP histologique est définie par une hyperplasie stromale (fibromusculaire) et
épithéliale (glandulaire) de la zone de transition et périurétrale de la prostate. La zone de
transition désigne selon l’anatomie zonale de la prostate définie par Mc Neal, la portion
de la prostate située de part et d’autre de l’urètre prostatique.
En l’absence d’HBP cette zone de transition est virtuelle. Classiquement le
développement histologique d’une HBP va se faire sur le plan macroscopique par la
formation de deux lobes latéraux, droit et gauche auxquels se rajoute parfois un
troisième lobe appelé lobe médian dont le développement va se faire en direction du
plancher vésical.
Ainsi une prostate dont le poids normal est d’une vingtaine de grammes pourra atteindre
du fait du développement d’une HBP des poids très variables allant de plus de 20g à plus
de 200 voire 300g dans des situations exceptionnelles. Le lobe médian est souvent
responsable de signes cliniques importants qui réagissent mal au traitement médical.
B. L’HBP clinique
L’HBP clinique est plus difficile à appréhender car plusieurs composantes sont intriquées :
une obstruction sous-vésicale (OSV), une augmentation du volume de la prostate, et des
signes du bas appareil urinaire (SBAU). La relation entre ces trois composantes est
complexe. Des patients peuvent avoir une augmentation du volume de la prostate sans
SBAU ni OSV ; tous les SBAU ne sont pas liés à une HBP. L’OSV liée à l’HBP peut être
asymptomatique. L’OSV peut avoir d’autres causes que l’HBP. Tous les SBAU ne sont pas
gênants pour le patient. Enfin, une des conséquences de l’OSV est la survenue d’une
hyperactivité vésicale.
En pratique, on parle d’HBP clinique pour un homme ayant des SBAU gênants et chez
lequel il existe des arguments cliniques et paracliniques permettant de les relier à une
HBP.
2
C. L’HBP compliquée
Il est classique de parler d’HBP compliquée lorsque l’HBP est responsable d’infections
urinaires à répétition, de calculs vésicaux, de diverticules vésicaux, de rétentionsicale
aiguë ou chronique, d’hydronéphrose avec ou sans insuffisance rénale, d’incontinence par
regorgement, ou d’hématurie récidivante.
II. DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
A. HBP histologique
Pour l’HBP histologique il n’y a pas de diagnostic différentiel, mais il faut savoir que des
lésions histologiques microscopiques d’HBP peuvent exister en l’absence d’ HBP
macroscopique.
B. HBP clinique
Pour l’HBP clinique et en considérant ses 3 composantes il faudra distinguer :
1. Pour l’augmentation de volume de la prostate :
a. le cancer localement avancé de la prostate dont le diagnostic repose sur une
consistance anormale, dure ou pierreuse de la prostate au toucher rectal, une élévation
du PSA et des biopsies prostatiques.
b. La prostatite aiguë dont le tableau clinique est dominé par de la fièvre élevée
(>38°5), des douleurs suspubiennes et au toucher rectal et une élévation souvent
marquée mais transitoire du PSA.
2. Pour les SBAU : tous les mécanismes principaux impliqués dans leur
survenue.
Il peut s’agir d’une OSV, d’une hyperactivité vésicale, d’une hypoactivité vésicale ou
d’une polyurie des 24 heures ou nocturne.
a. En présence d’une OSV avérée et d’une augmentation marquée du volume de
la prostate, il est cohérent de relier les SBAU à une HBP. En dehors de cette
situation, l’OSV peut être d’origine neurologique par hypertonie sphinctérienne lors de la
miction (dyssynergie vésico-sphinctérienne par atteinte médullaire par exemple) mais
aussi prostatique (maladie du col, prostatite aiguë, cancer évolué) ou urétrales
(sténoses, traumatisme). Toute OSV peut entraîner une rétention vésicale aiguë ou
chronique.
b. L’hyperactivité vésicale peut être idiopathique, d’origine neurologique, être
secondaire à une pathologie vésicale ou à une OSV telle que l’HBP. Le vieillissement
vésical est aussi évoqué comme cause possible d’hyperactivité vésicale.
3
c. L’hypoactivité vésicale peut être d’origine neurologique, iatrogène, ou secondaire à
une distension vésicale aiguë classiquement appelée « vessie claquée ». Le vieillissement
vésical est aussi considéré comme responsable d’hypoactivité vésicale chez l’homme âgé.
Une hypoactivité vésicale peut entraîner une rétention vésicale aiguë ou chronique.
d. Une nycturie peut être le fait soit d’une polyurie sur 24heures, soit d’une polyurie
nocturne, soit d’une diminution de la capacité vésicale. La nycturie observée dans l’HBP
est le fait d’une diminution de la capacité vésicale nocturne.
C. HBP compliquée
Pour l’HBP compliquée, un épisode isolé de rétention vésicale aiguë peut-être relié à une
HBP en cas de SBAU préalables avec hypertrophie de la glande mais peut aussi être de
nature réflexe en l’absence d’HBP (post-opératoire par exemple). L’hématurie
macroscopique ne sera rattachée à l’HBP qu’après avoir écarté toutes les autres causes
(cancer vésical, cancer du rein, lithiase urinaire etc...)
III. ÉPIDÉMIOLOGIE
L’épidémiologie de l’HBP est compliquée à préciser du fait des diverses définitions
décrites ci-dessus. Certains chiffres peuvent être donnés pour fixer les esprits.
A. HBP histologique
L’HBP histologique n’est pas retrouvée avant l’âge de 30 ans mais a une prévalence qui
augmente avec l’âge et culmine à 88% chez les hommes de 80 à 89 ans.
B. HBP clinique
L’HBP clinique existe chez 40% des hommes de 60 ans, touche environ 2 millions
d’hommes en France dont la moitié sont traités médicalement.
C. HBP compliquée
L’HBP compliquée associée à l’HBP clinique non soulagée par les traitements médicaux
conduit aux interventions chirurgicales pour adénome qui intéressent environ 60000
hommes par an.
4
IV. PHYSIOPATHOLOGIE
La ou les causes exactes de l’HBP ne sont pas connues. Cependant deux facteurs sont
clairement identifiés comme jouant un rôle dans le développement de cette maladie
bénigne.
- L’âge
Le rôle joué par l’âge est démontré par l’épidémiologie.
- L’imprégnation androgénique normale de l’homme.
Des études ont montré qu’en l’absence d’imprégnation androgénique normale (et
notamment en l’absence de dihydrotestostérone), l’HBP ne se développait pas.
V. LE BILAN CLINIQUE D’UNE HBP
Le médecin généraliste va appréhender l’HBP au travers de deux situations bien définies
que sont les SBAU ou les complications de l’HBP. Ces situations vont en général
intéresser des hommes à partir de la cinquantaine mais certains patients plus jeunes
peuvent être concernés.
A. Identifier les SBAU
Les SBAU peuvent faire partie des motifs de consultation d’un patient mais pour les
patients de plus de 50 ans il est de bon usage en médecine générale de s’en inquiéter.
Les SBAU seront précisés ou recherchés par l’interrogatoire. On distingue les symptômes
de la phase de remplissage de ceux de la phase de vidange.
1. Les symptômes de la phase de remplissage
a. la pollakiurie elle désigne la survenue de mictions trop fréquentes (> 8 mictions
/24h) et peu abondantes (< 200ml). Elle doit impérativement être distinguée d’une
polyurie qui correspond à une diurèse supérieure à la normale (normale = 1,2 à
1,5l/24h) du fait d’une ingestion de liquide inappropriée. L’outil le plus simple, à la portée
de tous, qui est malheureusement sous-utilisé en médecine générale et qui permet
d’évaluer précisément cette diurèse de 24 heures est le calendrier ou catalogue
mictionnel. Le patient doit retranscrire pendant une durée de 3 jours l’ensemble de ses
mictions en précisant leur volume et leur horaire.
Une fois une polyurie éliminée, la pollakiurie peut être appréhendée la nuit au travers du
nombre de levers nocturnes (normale = 0 à 1 lever) ou le jour au travers de l’intervalle
mictionnel diurne (normale = 2 heures ou plus). La pollakiurie traduit le retentissement
vésical d’une OSV et correspond à une réduction de la capacité vésicale fonctionnelle.
5
b. les urgenturies elles désignent la survenue brutale et souvent irrésistible d’un besoin
d’uriner. Elles peuvent s’accompagner de fuites urinaires lorsque le patient ne peut pas
se soulager rapidement. Elles peuvent s’accentuer en ambiance froide, être déclenchée à
la vue ou au bruit de l’eau qui coule ou dans certaines situations conditionnées
(syndrome de la clé dans la porte). Les urgenturies traduisent l’hyperactivité vésicale
secondaire à l’OSV.
2. Les symptômes de la phase de vidange
a. La dysurie
Elle désigne toute difficulté à effectuer une miction normale. Ces difficultés peuvent
intéresser :
- La phase initiale de la miction : dysurie d’attente (le patient ressent un besoin
mictionnel mais ne peut déclencher immédiatement une miction) ou dysurie initiale
(nécessité de pousser pour initier la miction)
- La phase terminale de la miction : dysurie terminale (nécessité de pousser pour
accompagner les dernières gouttes) ou gouttes retardataires ou impression de mauvaise
vidange vésicale après avoir fini d’uriner.
- Toute la miction avec jet faible, poussées successives, mictions longues ou en plusieurs
temps.
b. Les gouttes postmictionnelles.
Elles correspondent à l’émission involontaire de quelques gouttes d’urine alors que la
miction est terminée et que le patient s’est rhabillé. Leur physiopathologie suppose une
mauvaise vidange de l’urètre bulbaire. Il faudra garder à l’esprit que les gouttes post-
mictionnelles peuvent intéresser des patients jeunes qui n’ont pas d’HBP.
........................................ ........................................ .................................
En plus de l’interrogatoire il est possible de préciser tous ces symptômes en utilisant des
autoquestionnaires dont le plus courant est le questionnaire IPSS (International Prostatic
Symptom Score), malheureusement insuffisamment utilisé en médecine générale. Les
résultats de ces questionnaires informent sur ces symptômes et permettent de mieux
apprécier les changements sous l’effet des traitements.
........................................ ........................................ .................................
B. Rechercher les complications de l’HBP
Face à la dysurie, la décompensation de la vessie pourra prendre plusieurs formes.
Une forme aiguë représentée par la rétention vésicale aiguë.
1 / 13 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans l'interface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer l'interface utilisateur de StudyLib ? N'hésitez pas à envoyer vos suggestions. C'est très important pour nous!