AFS RT19-Session 2 : Quel pouvoir des patients ?
Les interfaces entre le Human Brain Project et la société civile : éthique, science et médecine
Catherine Déchamp-Le Roux, Professeur de Sociologie
Clersé UMR8019 CNRS Université de Lille1
Le Human Brain Project est un projet scientifique européen (collaboration avec plus de 90
instituts de recherche européens et internationaux réparties dans 22 pays différents) programmé pour
une décennie 2013-2023. L’objectif est de créer de nouveaux outils pour mieux comprendre le cerveau
et ses mécanismes de base et appliquer ces connaissances dans le domaine médical et contribuer à la
création de l'informatique de l'avenir. Si l’enjeu pour la santé publique, compte tenu de la prévalence
et de la diversité des maladies du cerveau amplifiées par le vieillissement de la population et la
chronicité des maladies, est évident ; l’enjeu industriel que représente le programme Human Brain
Project est plus complexe. Quelles seront les priorités et quels seront les acteurs légitimes pour les
définir?
La mobilisation des malades dans le contexte de l’épidémie du sida a marqué un tournant
dans le rapport de forces avec les chercheurs, les experts et les professionnels de la santé. Les
associations de malades ont pénétré dans le monde fermé de la recherche clinique et ce fait est
interprété par certains scientifiques comme une irruption de la politique dans la science. Les
associations de malades participent à la démocratie technique en permettant la mise en place d’un
débat public entre les professionnels et les profanes.
Le programme Human Brain Project prévoit la consultation du public sur les enjeux éthiques
et sociaux au rythme de 3 par an. Quelles sont les attentes des malades ou des citoyens ? Comment les
malades sont-ils représentés ou non dans le débat public ? Quelles sont les arguments scientifiques ou
politiques pour inclure ou non les associations de malades dans le processus de recherche. Quel est
l’impact de ces consultations sur la dynamique de la recherche ? Que fait la cellule éthique du HBP ?
Que pensent les associations défendant les patients atteints de pathologies mentales d’un tel projet ?
Comment le dialogue s’instaure-t-il ? Comment la plate-forme dédiée à la collecte des données
médicales est-elle concernée ? En quoi les stratégies sont-elles ou non modifiées ou confortées par le
débat public ?
Cette recherche examine l’interface entre les associations de patients, le comité d’éthique et le
HBP. On se propose de répondre à quelques unes de ces questions à partir de l’étude des archives du
projet de recherche en cours de réalisation en nous intéressant-entre autres- à la première série de
consultations du public en 2016 organisées par le HBP. Sous couvert de démocratie technique, ce
programme peut être analysé comme une stratégie de contrôle de la politique dans la recherche
scientifique.