KNUT WICKSELL : La notion d’auxiliaire au service de la compréhension des relations entre l’Economie et l’Histoire.1 Nicolas BARBAROUX 2 CREUSET, Université Jean MONNET. VIIème UNIVERSITÉ D’ETE EN HISTOIRE DE LA PENSÉE ET MÉTHODOLOGIE ÉCONOMIQUES. Septembre 2004 - Nice. Organisée par LEM / CNRS / UNIVERSITE DE NICE-SOPHIA ANTIPOLIS. Avec le soutien de l’Association Charles Gide pour l’Étude de la Pensée Économique. 1 L’auteur remercie particulièrement BELLET Michel et TRAUTWEIN Hans-Michaël et BOIANOVSKY Mauro pour leurs aides précieuses ainsi que leurs remarques dans l’élaboration de cet article. Néanmoins, l’auteur reste le seul responsable des éventuelles erreurs et imprécisions. 2 [email protected] , Université J. Monnet, CREUSET, 6 rue Basse des Rives 42023 ST ETIENNE. 1 Introduction Woodford (1999) a coutume de résumer l’histoire de la discipline comme une succession de controverses et une alternance de révolutions et contre-révolutions. Parmi les controverses les plus marquantes pour la science économique, et particulièrement en ce qui concerne l’histoire des relations entre l’économie et les sciences sociales, l’épisode du Methodenstreit (Querelle des Méthodes) constitue un point marquant et décisif à ce sujet. Cette querelle s’est traduite par un antagonisme fort au sujet de la méthodologie à adopter en économie entre les tenants de l’Ecole Historique allemande, principalement Schmoller, et les théoriciens autrichiens, tels que Menger. Si Schumpeter (1954, p 94) analyse, ce conflit comme « une histoire d’énergies gaspillées, et dont on eût pu faire meilleur usage », il convient de dire que ce jugement semble abrupt. En effet, cette page de l’histoire de la discipline n’a pas été vaine puisque à l’issue de cet affrontement, la science économique s’est trouvée enrichie. Ceci grâce à la réflexion épistémologique qui s’est opérée traitant ainsi par la même occasion des frontières de la discipline à l’égard d’autres sciences sociales et humaines telle que principalement l’Histoire. L’émergence de l’Ecole Historique allemande constitue ainsi toujours un point de référence dans la réflexion sur les relations qu’entretient l’Economie avec l’Histoire. Cependant, il ne faut pas s’y tromper et voir dans ce tournant de la discipline un rapprochement nouveau du champ économique envers le champ historique. La relation entre les deux disciplines a toujours existé, et, pour Schumpeter lui-même, nul ne peut se soustraire à un recours envers l’histoire économique comme source de vérité économique3. Néanmoins, là où le changement a été radical, c’est dans la place respective accordée à 3 Schumpeter J.A, 1972, p 178 : « En tous temps et en tous pays, notre science a embrassé des éléments historiques et théoriques » . 2 chacune des disciplines. L’Ecole Historique4 proposait ainsi une annexion de l’Economie, avec ses méthodes, par l’Histoire, l’économiste se transformant ainsi en historien de l’économie. Sa mission évolue dans le sens d’un travail de collecte et d’analyse des données empiriques en vue d’en dégager des conclusions et des modèles plus généraux. Face à de telles propositions, on comprend la violence de la réaction autrichienne, C.Menger notamment, pour qui la science économique a un tout autre statut et une toute autre définition. On remarquera que cette opposition suscite toujours des commentaires (Labrousse, 2002 ;.Nadeau, 2003) qui ne se bornent pas à l’opposition traditionnelle stérile entre inductivisme et déductivisme5. Ces apports s’inscrivent dans un débat plus général concernant les rapports entre l’Economie et l’Histoire (Hodgson, 2001) et l’objet exact de la science économique. Malgré la richesse de la littérature traitant de cette thématique, il nous semble que certaines dimensions importantes du Methodenstreit n’ont pas été suffisamment prises en compte. C’est le cas concernant la position de Knut Wicksell. Cet auteur suédois va lui-aussi être marqué par le contexte culturel de langue allemande, et la querelle des méthodes va jouer un rôle essentiel dans le positionnement de toute l’école suédoise. Sa position, cependant, reste souvent méconnue alors même que dans un article de 1904, intitulé lors de sa traduction anglaise en 1958 Ends and Means in Economics, Wicksell va être amené à soulever toute une série de questionnements et répondre, par la même, au sujet qui nous intéresse. A l’image de son œuvre, Wicksell se positionne de manière originale au sein de ce débat, tant vis à vis de l’Ecole Historique que vis à vis de la tradition autrichienne. 4 Il est communément admis de reconnaître 3 générations d’école historique : la vieille école historique qui débute vers 1870 avec Hildebrand, Roscher et Knies ; la jeune école historique avec Schmoller, Kapp et Held ; et la toute jeune école historique à la fin du 19ième siècle avec Spiethoff, Sombart et Weber. 5 Labrousse A., 2002 : « La querelle des méthodes n’est donc en rien le théâtre d’un affrontement entre un Menger, pur déductiviste, et un Schmoller sombrant dans un inductivisme naïf . Les deux auteurs s’accordent sur l’idée d’une combinaison des deux modes de théorisation mais se séparent quant à la nature même de cette combinaison ». 3 L’objet de ce présent article consiste alors à expliciter la réponse wicksellienne sur les relations qu’entretiennent l’Economie et l’Histoire. Ainsi, afin de pouvoir mesurer l’originalité du point de vue de Wicksell par rapport à l’Ecole Historique, il convient de faire un bref rappel sur la position de cette dernière. Nous nous limiterons ici à la Jeune Ecole Historique, selon les termes de Schumpeter (1984), représentée par son leader G.Schmoller. (Première Partie). Nous dévoilerons, ensuite, l’originalité et la richesse de la pensée wicksellienne sur le sujet qui nous intéresse. La spécificité de Wicksell a trait à la notion d’auxiliaire qu’il fait intervenir réciproquement pour l’Economie et l’Histoire. Le recours à cette notion particulière conviendra d’être précisée (Deuxième Partie). Enfin, cette réflexion sera également l’occasion de présenter l’analyse épistémologique qu’entreprend Wicksell, notamment concernant le statut de la vérification empirique au sein de la démarche théorique. (Troisième Partie). Preuve, si besoin en est, de la richesse de la pensée wicksellienne, que nous tenterons de restituer. I. La relation entre l’Economie et l’Histoire selon l’Ecole Historique allemande. Nous appréhenderons ici l’Ecole Historique à partir des travaux de Gustav von Schmoller (1838-1917)6, et laisserons volontairement de côté les précurseurs de ce courant à savoir W. Roscher, K. Knies et B. Hildebrand. Ce choix se justifie à la fois du point de vue pratique et de la cohérence même de cet article. En effet, en premier lieu, nous nous limitons aux travaux de Schmoller car il est reconnu que c’est sous sa direction qu’est née véritablement une école, (Veblen, 1901 ; Schumpeter, 1972 ) sans faire préjudice pour autant à ses prédécesseurs. En second lieu, la focalisation 6 Pour une présentation plus détaillée des travaux de Schmoller : cf Gioia, 1990, Gustav Schmoller : la scienza economica e la storia, ; Gioia, 2000, in Faccarello et Beraud, Nouvelle Histoire de la pensée économique, tome 3 ; Labrousse, 2002, le Methodenstreit : enjeux contemporains d’un débat ancien. 4 sur Schmoller se justifie également par le fait que Wicksell fait principalement référence à Schmoller dans son article de 19047. Afin d’apprécier pleinement l’analyse wicksellienne, il convient de s’arrêter quelques instants sur l’Ecole Historique. Comme rappelé en introduction, il est inconvenu de considérer que la mise en œuvre de données historiques est le trait spécifique de cette école car ceci n’est l’apanage d’aucun courant de pensée. Si tel était le cas, alors on engloberait dans l’Ecole Historique l‘ensemble de l’Economie Politique. La spécificité et le trait distinctif de la jeune l’Ecole Historique allemande tiennent finalement dans la manière dont elle envisage de composer avec la complexité du monde réel. En effet, comme il l’a été parfaitement mis en avant par Larousse (2002)8, ce qui est au cœur du Methodenstreit, et qui constitue l’essence même de l’Ecole Historique, c’est la manière particulière de tenir compte de la complexité du réel. Autrement dit, c’est la réponse à la question suivante qui la singularise : comment faire de la science au sein d’un monde devenu complexe et enchevêtré ? Il faut garder à l’esprit que dans la seconde moitié du 19ième siècle l’Economie Politique se trouve dans une situation critique au point que certains remettent en question sa scientificité. Face à ce débat fondamental qui touche à l’objet de la science économique et son rapport au réel, Schmoller se démarque des autrichiens, et de particulièrement Menger. Il s’engage résolument en faveur d’une méthode holiste qui va conditionner à la fois sa démarche scientifique et sa vision du statut et de la place de l’Histoire dans l’Economie. Sur ce point, Schmoller définit la science économique comme une science des objets réels, et que » toute théorie doit se mesurer avec les dynamismes du monde réel qu’elles essayent de reproduire dans leurs aspects les plus significatifs » (Gioia, 2000, p 54). Il considère la science économique comme un organisme, au sens de W. Roscher, c’est-à-dire un système ordonné par des règles où la politique, le droit et les institutions, notamment l’Etat, se mélangent. De ce fait, seule une description historique des phénomènes est 7 Wicksell vise de manière centrale Schmoller mais il cite aussi la première génération de l’Ecole Historique tels que Hildebrand, Knies ; et parfois également certains auteurs indirectement rattachés à cette école tel que Wagner. 8 Labrousse, ibid. 2002. 5 à même de rendre compte de la réalité. Tout phénomène économique s’inscrit donc dans un champ plus large de l’ordre du social. Ceci explique pourquoi Schmoller définit son école non pas seulement comme historique mais comme historico-éthique dans le sens où elle s’attache à l’histoire des sociétés et de leurs agents. Le lien entre l’Economie et l’Histoire, chez Schmoller, découle directement de cette conception de la science économique. En soulignant le fait que les relations économiques dépendent des processus de transformations concernant toute la société, il souligne par la même occasion leur caractère historique. Toute analyse des phénomènes économiques ne peut pas faire l’économie d’une analyse historique puisque les deux se trouvent enchevêtrées. En ce sens, on ne peut pas réduire les phénomènes économiques à une logique individuelle car cela revient à occulter certaines dimensions. Si l’Economie se soustrait de ce rapport à l’Histoire alors elle tombe rapidement dans le piège dans lequel a succombé Menger, à ses yeux, à savoir celui de l’erreur méthodologique où on « prend le caractère de son temps pour l’essence générale de l’économie politique. »9. Il s’agit de comprendre intimement les phénomènes économiques concrets sans tolérer de formules générales. Si la science économique veut progresser en tant que science, le Schmollerprogram revendique une approche plus statistique et historique. La science économique se doit d’en passer par là avant d’en attendre un résultat théorique. C’est sur ce point précis que l’Ecole Historique constitue un tournant majeur dans l’histoire de la discipline économique. Elle milite pour un travail de prospection et de collecte de données historiques et d’observations empiriques avant d’en dégager des conclusions théoriques plus larges. Contrairement à la vision générale trop souvent répandue, la théorie en tant que telle n’est pas rejetée chez Schmoller. En revanche, elle n’est pas le point de mire de la démarche adoptée. Compte tenu de ses convictions, il n’est pas exagéré de dire que selon Schmoller l’économie s’inscrit dans un cadre plus large qui est l’Histoire. 9 G.Schmoller, 1888, Zur Litteratugeschichte der Staats-und Sozialwisenschaften, traduit dans Beraud et Faccarello, 2000, p 57. 6 Cette dernière étant finalement perçue de manière extensive comme regroupant des dimensions à la fois politique, économique et sociologique. Le rapport de force penche ici en faveur de l’Histoire qui s’impose comme la science sociale par excellence. Malgré l’influence des auteurs germaniques sur les économistes scandinaves, une telle vision des relations entre les deux disciplines est loin de faire l’unanimité. Le positionnement de l’économiste suédois, Knut Wicksell, est là pour en témoigner. II. Le double apport de l’Histoire à l’Economie, et le concept d’auxiliaire chez Wicksell. Comme il l’a été confirmé par Henriksson (1991), il existe très peu d’exposé chez Wicksell relatif au rôle et à la place de l’Histoire en Economie. Ceci peut paraître surprenant lorsqu’on connaît la rigueur que Wicksell consacre à l’analyse et au respect de l’exactitude des faits historiques dans ses travaux. Ceci s’explique par le fait que les dimensions méthodologiques sont peu présentes dans l’œuvre explicite de Wicksell. De plus, contrairement à Cassel, Wicksell a été souvent rapidement rattaché aux auteurs privilégiant la démarche abstraite et rejetant ainsi toutes intégrations des données empiriques. La principale référence qui a trait aux rapports entre l’Economie et l’Histoire est à trouver dans son discours inaugural10, publié dans l’Ekonomist Tidskrift, de l’Université de Lund11. La communication de 1904 est décisive car il en vient à entreprendre une analyse épistémologique de la science économique, adressant ainsi une virulente critique envers l’Ecole Historique ou plutôt l’Ecole Historico-éthique de Schmoller. Outre la position méthodologique qu’il défend, et que nous présenterons dans la troisième 10 Le titre suédois de cette communication lors de l’inauguration de l’Université de Lund en septembre 1904 est :Wicksell K, : Mål och medel i nationalekonomien, 22(4), p 457-74. 11 Les autres références sont très limitées : Wicksell, 1898, Interest and Prices, p 47 avec référence aux travaux de Hildebrand; Wicksell, 1901 (1935), introduction des Lectures tome 1 (p XXIII) ; Wicksell, 1911 (1935), préface seconde édition des Lectures tome 1 Wicksell,; Wicksell, 1906 (1935), Lectures tome 2 avec référence dans la bibliographie à Hildebrand, Roscher et Knies ; Wicksell, 1925, "Matematisk nationalekonomi", Ekonomisk Tiskrift, pp. 103-125, version en anglais sous le titre : Mathematical Economics", in Wicksell K., Selected Papers onEconomic Theory (ed. E. Lindahl), 1958, London: George Allen & Unwin, pp.204-226. dans ce texte de 1925, Wicksell n'éprouve plus le besoin de s'expliquer sur le rapport à l'Ecole Historique. 7 partie, Wicksell en vient à préciser le rôle tenu par l’Histoire ainsi que sa place au sein de la démarche scientifique en Economie. La position tenue par Wicksell concernant l’articulation entre l’Economie et l’Histoire est relativement claire. Sans nier, bien au contraire, l’importance de l’Histoire en Economie, Wicksell milite pour un partage net des disciplines à leur domaine de compétence respectif. Si Henriksson (1991)labellise Wicksell comme un fonctionnaliste, c’est en réaction contre l’Historicisme de Schmoller et de son école. En effet, Wicksell a une vision pratique de l’usage de l’Histoire en Economie. Plutôt que d’en faire les racines du présent, il la perçoit comme le miroir du présent.. Il envisage ainsi un double intérêt du recours à l’Histoire pour la science économique : l’Histoire sert à la fois pour le développement des théories économiques et pour leurs applications. Si on se penche sur la première fonction de l’Histoire, on peut résumer la pensée wicksellienne en disant que l’Histoire offre des opportunités pour créer et tester les théories. L’illustration la plus frappante de cette démarche inductiviste concerne ses travaux sur les questions du développement démographique. En effet, Wicksell s’est intéressé en premier lieu aux questions sociales avant de se tourner vers l’économie. C’est au cours de ce travail d’investigation empirique sur la démographie en Suède qu’il en est venu à proposer sa propre théorie, qualifiée de Néo-Malthusienne, de la population. Dans ce cas précis, c’est la démarche inductiviste qui prime même si elle n’est pas prédominante dans les travaux de Wicksell. Ce sont ici les recherches empiriques qui conduisent aux prémices théoriques. Cependant, ce n’est pas là où l’Histoire est du plus grand secours. Wicksell insiste beaucoup plus sur l’apport de l’Histoire comme instrument pour attester de la validité des modèles théoriques. Elle est, selon lui, un outil de vérification et de validation empirique. C’est au cours de cette dernière étape que l’Histoire est de la plus grande des utilités. L’histoire incarne un laboratoire permanent pour affirmer ou infirmer les innovations théoriques. A l’image des sciences naturelles, Wicksell considère que l’expérimentation est possible même en science économique. Les mesures législatives peuvent se percevoir comme des expériences concrètes de prémices théoriques : 8 « These experiments are frequently even direct and quite deliberate; the measures introduced by the legislation are based upon the supposition that some abstract economic proposition or other is valid, and the result is either confirmation or refutation of the proposition in question.».12 Le législateur se présentant ainsi comme l’expérimentateur au sein de son laboratoire représenté par la réalité empirique, c’est-à-dire l’Histoire au sens de Wicksell. Pour appuyer son propos, Wicksell cite en exemple la Loi de Gresham ou la Théorie Quantitative de la Monnaie. Si on retient la Loi de Gresham, elle illustre de manière frappante sa thèse. Cette loi que l’on a coutume de résumer par la maxime suivante : « la mauvaise monnaie chasse la bonne », a été construite et confirmée à partir des faits de l’histoire monétaire 13. La seconde fonction que Wicksell reconnaît à l’Histoire s’envisage de manière ex-post. Il la perçoit également comme un moyen pédagogique d’évaluation et de régulation de l’économie. En effet, l’Histoire est un outil pour mesurer les progrès, ou, le cas échéant, les échecs, de l’économie envers ses objectifs. Il faut garder à l’esprit que Wicksell, tout comme à posteriori de nombreux économistes de la Stockholm School, a une vision particulière du statut de l’économie au sein de la société, ainsi que de sa mission14. Cette représentation est souvent qualifiée de practical economy dans la mesure où elle considère que l’économie doit conduire à des applications concrètes et se fixer comme ligne de mire celle de favoriser au maximum la richesse sociale et plus particulièrement celle de ses agents les moins dotés. Cette mission allouée à l’économie est reprise dans de nombreuses publications de 12 Wicksell, 1904 , p 58-59 Si on prend le cas de la France, c’est sous l’Ancien-Régime que la France instaure au printemps 1803 un système bimétallique entre l’or et l’argent Le rapport légal officiel instauré par la Loi du 7 et 17 Germinal an 11( printemps 1803) est de 1g d’or = 15,5g d’argent. Le Franc devient unité de compte à la place de la Livre, et il se définit par l’égalité suivante : 1F=5g d’argent. La difficulté qui va apparaître est que l’équivalence officielle entre ces deux métaux ne va plus être respectée si bien qu’il sera avantageux de conserver l’or et le revendre sur le marché. Ainsi, dès que l’or s’apprécie, il y a tout intérêt à ne plus l’utiliser comme monnaie. Ce constat empirique porte ainsi le nom de Loi de Gresham, et il va se trouver confirmé tout au long du 19ième siècle où l’or et l’argent sont tour à tour bonne et mauvaise monnaie. 14 Cf Jonung, Carlson, 2003, How did the great Swedish economists consider their role in public debate?, in Bellet, Gloria-Palermo, Zouache (eds), 2004, Evolution of the Market Process. Austrian and Swedish Economics, Routledge (to be published). 13 9 Wicksell, notamment dans son discours inaugural de 190415, mais elle s’inscrit plus largement comme une sorte de norme de conduite chez les économistes suédois. Face à cette représentation, l’Histoire fournit pour Wicksell un formidable outil pour attester de la performance de l’économie ou de son incapacité. Si tel est le cas, alors des réformes et des politiques publiques doivent être entreprises : « History is the best guide for progress, and it rescues us from throwing away.»16 Dans cette seconde fonction, l’Histoire permet finalement de clarifier l’état actuel des choses et de statuer ainsi sur la faisabilité et la mise en place des réformes institutionnelles. Elle est surtout un moyen pour Wicksell de promouvoir et d’ajuster les objectifs des politiques publiques. L’Histoire permet à l’Economie de fixer et d’adapter ses fins de manière à coller en permanence à la réalité, à ses changements et à ses besoins. C’est une façon pour l’Economie de répondre aux exigences de la practical economy et remplir ainsi sa mission de progrès économiques et sociaux. Afin d’être rigoureux, il convient de s’interroger sur le type d’Histoire que Wicksell considère ainsi que sur la définition qui s’en dégage. A l’issu de la première fonction, Wicksell envisage l’Histoire de manière restrictive comme se limitant majoritairement à la réalité empirique, c’est-à-dire comme reflétant simplement la réalité du présent. Selon les termes d’Henriksson (1991, p 36), l’Histoire se conçoit ici comme « le miroir du présent ». Cependant, il est possible d’entrevoir, à la suite de la deuxième fonction, une définition plus extensive et traditionnelle de l’Histoire. Par analogie avec la première, on peut dire que l’Histoire se perçoit également sous l’angle pédagogique comme étant le miroir du passé. Cette mémoire servant ainsi à ne pas répéter les erreurs et adopter les politiques conjoncturelles, voire structurelles les plus adéquates à la structure de l’économie et la société en général : 15 Wicksell K, 1904, p 63.:“The goal of economic activity must be the greatest possible social prosperity, individually and collectively.” 16 Wicksell, 1904, p 60 10 « History has, in particular, the illuminating and exhilarating task of teaching us to understand the existing order of things, and of showing us how certain out-of-date institutions or social customs which now seem completely irrational to us were once fully justified, under a different set of conditions. “17 L’originalité de la démarche de Wicksell dans son analyse de l’articulation entre l’Economie et l’Histoire a trait à la notion d’auxiliaire qu’il fait intervenir pour clarifier les choses. En effet, tout au long de son analyse, Wicksell utilise cette notion pour qualifier le rapport de l’Economie à l’Histoire et réciproquement. Ainsi, il envisage l’Histoire comme une science auxiliaire pour l’Economie : « Economic history and statistics have an immense importance for economics. They are really its most important auxiliaries.» 18 Et c’est de la même manière, et en ces mêmes termes, qu’il envisage symétriquement l’Economie comme une science auxiliaire pour l’Histoire : « If statistics and history are indispensable aids to systematic economics, it is equally true that the latter is an aid, an auxiliary science, to the former. It may not be possible to study economic history without a proper knowledge of the fundamental concepts and principles of economics.” 19 Il existe donc une interdépendance des deux disciplines mais qui ne conditionne en aucun cas un rapport de supériorité, ni de d’absorption. Si on veut expliciter véritablement le point de vue wicksellien sur la question des relations entre l’Economie et l’Histoire, il convient donc de préciser ce que cette notion d’auxiliaire signifie et sous-entend. Le sens que Wicksell donne à la notion d’auxiliaire ne s’éloigne pas du sens commun rattaché à cet adjectif. En effet, il apparaît que le terme d’auxiliaire renvoie à l’aide et à l’assistance. L’auxiliaire étant celui qui aide par son concours». Autrement dit, appliqué au sujet qui nous concerne, l’Histoire est perçue, par Wicksell, comme une science auxiliaire pour la science économique dans la mesure où elle lui apporte un secours voire une 17 Wicksell, 1904, p 60 Wicksell, 1904, p 60 19 Wicksell, 1904, p 61 18 11 assistance. La signification qu’il convient de retenir sous-tend finalement l’idée d’une force auxiliaire plutôt que d’une science auxiliaire. En effet, ce qu’il faut comprendre c’est que l’Histoire vient ici s’ajouter à l’Economie pour la fortifier. Pour Wicksell, l’articulation entre les deux disciplines est claire, il y a un apport du savoir historique à la science économique sans laisser présager aucunement d’une fusion entre les deux disciplines. Bien entendu, une telle vision rentre en totale opposition avec celle de l’Ecole Historique allemande dirigée par Schmoller20. Comme il a été vu en première partie, Schmoller, et l’Ecole Historique dans son ensemble, milite davantage pour une définition large de l’Histoire incluant à la fois, l’Economie, la politique et la sociologie. Il s’agit d’une vision de l’Histoire comme science maîtresse des sciences humaines et sociales. Bien entendu, il va de soi que l’antagonisme sur le rapport disciplinaire est révélateur finalement d’un antagonisme plus fort sur la question épistémologique. Si le contraste entre Schmoller et Wicksell est flagrant en ce qui concerne l’articulation entre l’Economie et l’Histoire, il l’est tout autant, voire de manière accrue, concernant la démarche scientifique et la méthodologie à privilégier en Economie. III. L’analyse épistémologique wicksellienne sur la science économique et le statut de la vérification empirique. Cette vision duale de Wicksell sur le rapport de l’Histoire à l’Economie renvoie finalement à une question plus large, et plus fondamentale qui appartient à l’épistémologie des sciences. En effet, ce discours de 1904 est l’occasion pour lui de se prononcer sur la méthode scientifique à appliquer en Economie. Comme rappelé précédemment, cette réflexion autour de la 20 Wicksell souligne durement ce désaccord dans la division des tâches entre Histoire et Economie. Il fait explicitement référence dans son discours de 1904 (p 61) à une critique parue dans un journal allemand d’un historien à l’encontre des imprécisions et de l’absence de rigueur historique de Schmoller. 12 méthode scientifique s’ancre dans un climat général de la fin du 19ième siècle où l’Economie Politique est remise en question sur son degré de scientificité. Les auteurs de l’époque, tels que Wicksell, Menger et Schmoller entre autres, ont apporté leur pierre à l’édifice. Ils sont amenés à s’interroger sur les limites de l’Economie Politique et vont ainsi débattre des questions méthodologiques fondamentales. Ces débats passionnés vont déboucher sur une difficile gestation du statut, de l’objet et des méthodes en science économique. Conformément à cette mouvance, Wicksell va être également amené à traiter de la place et du statut de la vérification empirique au sein de la démarche économique. Wicksell est clair quant à la méthodologie à privilégier en science économique. Si l’Economie veut aller de l’avant, notamment du point de vue de sa scientificité, elle doit s’attacher à employer la même méthodologie que les sciences naturelles. Cette démarche étant considérée par Wicksell comme la seule à pouvoir prétendre au titre de scientifique. Cette prise de position n’est pas surprenante compte tenu du parcours universitaire de Wicksell Avant de se tourner vers l’Economie et le Droit, il a d’abord entamé des études universitaires dans les sciences dites dures telles que les Mathématiques et la Physique 21. En premier lieu, Wicksell ne se situe pas dans un débat stérile entre méthode exacte et méthode empirique dans la mesure où il s’agit, selon lui, d’un faux débat. A juste titre, lorsqu’il dresse une présentation de l’Ecole Historique, il échappe à l’habituelle caricature qui la réduit à un courant a-théorique. Tout en reconnaissant les bienfaits apportés par l’Ecole Historique à la discipline, Wicksell leur adresse, cependant, une critique virulente concernant leur attitude exclusive (one sidedness) et désapprobatrice envers les recherches contemporaines. Il considère même que du fait de ce comportement suffisant voire vaniteux « cette école a 21 Pour une présentation détaillée de la vie mouvementée de Wicksell : cf l’excellente biographie de Gardlund, 1958, intitulée The life of Knut Wicksell. 13 retardé et entravé le développement de l’économie, notamment en Allemagne »22. La démarche wicksellienne se propose de poursuivre et compléter celle des Classiques anglais. Contrairement à ce que laisse entendre Schmoller, la méthode d’abstraction préconisée par les Classiques est loin d’être obsolète. Il est possible de poursuivre sur leurs traces et de compléter leur démarche en envisageant entre les phénomènes économiques de véritables rapports d’interdépendance et non plus simplement des liens de cause à effet. Wicksell cite explicitement les travaux sur l’interdépendance des équilibres proposés par Walras23. En effet, Wicksell penche en faveur d’une méthode intuitive-déductive au sein de laquelle la procédure de modélisation qui se met en place est subjective puisqu’elle part d’hypothèses et de l’abstraction. Wicksell fait la part belle aux conjectures (guesswork), c'est-à-dire aux propositions qui formulent une explication de cause à effet à propos d’un phénomène : « The history of science shows conclusively that guesswork has played an immense part in all discoveries, including those in pure mathematics, and that usually it has only been after a series of false analogies that the correct one has eventually been found.»24. A partir de l’échafaudage d’hypothèses, il s’enclenche alors un processus analogique parmi lequel le recours à l’évidence des faits et de l’expérience permettra de trancher entre les bonnes et les mauvaises analogies. Autrement dit, cette méthode par analogie est une démarche de tâtonnement vers la vérité. Plus exactement, si on veut reprendre les termes précis de Wicksell, c’est une démarche où « l’erreur est la mère de la vérité »25. Il est à noter que Wicksell emploie volontairement le terme d’analogie. Cet emprunt n’est pas anodin, il fait implicitement référence à la méthode par analogie de Knies. En revanche, Wicksell se démarque ici de ce dernier dans la mesure 22 Wicksell, 1904, p 57. Wicksell, 1904 : « They (the classical economists) generally considered no other connection between these phenomena than that of cause and effect, while we have now learnt (especially since Walras) to regard them as a whole group of interrelated logical relationships, a system of forces in equilibrium, whether the equilibrium is in static or dynamic sort. », p 62. 24 Wicksell, 1904, p 58 25 Wicksell., 1904, p 58. 23 14 où même s’il revendique une telle méthode dans le processus de construction théorique, cette dernière ne se limite nullement aux seules sciences sociales, et elle appartient même aux méthodes abstraites de raisonnement. Cependant, si Wicksell est proche des Classiques, sa méthode va plus loin que celle qu’ils préconisent, puisqu’il y ajoute un processus de vérification empirique. C’est en ce sens que Wicksell apporte une plus value à l’égard des Classiques et à l’égard même de la démarche proposée par Knies. C’est justement cette seconde étape qui constitue l’originalité pour l’époque de la méthode wicksellienne. C’est à cet instant précis que les auxiliaires de l’Economie, tel que l’Histoire, entrent en jeux. Sur cette question de la vérification empirique, Wicksell s’oppose à Menger. En effet, le chef de file de l’école autrichienne considère que seule la discussion axiomatique est valable et que les hypothèses ont un statut ontologique. De ce fait, la question de validation par les faits est vide de sens. Finalement, la méthodologie wicksellienne se situe de manière intermédiaire entre celle préconisée par l’Ecole Historique et celle usitée par Menger et la tradition autrichienne. Il se rapproche de la tradition mengerienne et s’oppose ainsi fondamentalement à Schmoller et à l’Ecole Historique en adhérant à la démarche hypothètico-déductive. En effet, bien que sa position se soit modérée au fil du temps, Schmoller rejette la démarche axiomatique. Compte tenu de sa définition de la science économique comme science des objets réels, seules les monographies et les études historiques sont à même de générer des modèles d’explication du réel. Sans toutefois le nommer, Wicksell va répondre indirectement à Schmoller au cours de son discours : « Thus speculation, abstraction, and hypotheses are not an escape from reality, but on the contrary, the only way of reaching that reality which cannot be reached by direct observation. Their ultimate goal is always a comparison with reality, or verification». 26 En revanche, là où Wicksell rejoint Schmoller, et s’éloigne ainsi des autrichiens, c’est sur la question du rapport aux faits et de la nécessité 26 Wicksell., 1904, p 58. 15 d’empirisme. Wicksell comme Schmoller affirment la nécessité quasi naturelle pour l’Economie de retourner toujours aux faits et à la réalité. Pour le maître suédois «toute science et toute méthode est empirique dans la mesure ou elle doit partir et s’achever par la réalité»27. De la même manière, Schmoller souligne que «dans tous les cas, les théories doivent se mesurer avec les dynamiques du monde réel qu’elles essayent de reproduire dans leurs aspects les plus significatifs28. Il est à noter que Wicksell va plus loin que Schmoller sur la question de la place et du statut des faits puisqu’il s’engage ouvertement en faveur d’une démarche de vérification par les faits du travail théorique. A ma connaissance, il ne me semble pas qu’il en soit de même chez Schmoller ou les tenants de l’Ecole Historique. Il faut dire qu’au sein de cette dernière les faits empiriques ont soit un rôle pour faire émerger les lois de l’analogie, à l’image de Knies, soit une utilité dans l’apparition des lois de cause à effet comme chez Schmoller. Force est de reconnaître que la démarche de Wicksell ne se satisfait pas des schémas méthodologiques traditionnellement établis, et de ce fait, demeure inclassable. Trop peu souvent, la pensée wicksellienne a été mobilisée, particulièrement dans le domaine méthodologique et épistémologique. Un tel constat est surprenant compte tenu de la richesse et de l’étendue de ses travaux. Peut être est-ce par méconnaissance que le précurseur de la Stockholm School a été souvent oublié au sein des débats permanents de la discipline. L’un des objectifs de cet article fut justement d’y remédier. 27 28 Wicksell, 1904, p 57 V. Gioia, 2000, p 54, chap 24. 16 CONCLUSION Si les contours de l’Economie Politique du 19ième siècle étaient flous vis-à-vis de l’Histoire et des autres sciences sociales telles que la sociologie, la science politique, la religion voire les statistiques. Pour Wicksell, la définition de la science économique est claire et sans appel, elle combine des principes abstraits, y compris avec formalisation mathématique, et des principes verificationistes sous la forme de practical economy. L’articulation entre l’Economie et l’Histoire se comprend aisément à travers la notion d’auxiliaire. Wicksell ne milite pas en faveur d’une redéfinition de la science économique. Il appelle à un clivage net, voire comme Wicksell le dit29, à une division du travail entre l’Economie et l’Histoire30. Cependant, le clivage ne signifie pas l’autarcie. Il revendique une totale coopération interdisciplinaire dans le but de favoriser la compréhension du réel et d’accroître ainsi l’efficacité de l’économie sur cette dernière. Le titre de fonctionnaliste correspond bel et bien à l’analyse wicksellienne sur l’apport de l’Histoire à la science économique. L’histoire doit remplir sa double fonction : favoriser l’émergence des théories et faciliter leurs applications. Elle se conçoit comme une science auxiliaire pour l’Economie dans la mesure où elle lui porte assistance pour la renforcer. En revanche, il n’est nullement question d’une fusion ou d’une interpénétration croissante entre les deux disciplines. C’est bien là la critique qu’il adresse aux théoriciens de l’Ecole Historique allemande : celle d’effectuer le travail des historiens sans en avoir ni la rigueur ni les compétences31. 29 Wicksell, 1893, Préface, p XXii. Wicksell , 1904, p 61: “Foremost it must be questioned whether here, as with all other auxiliary sciences, the actual work of research should not be left to those who devote their whole time to science.” . 31 Wicksell, 1904, p 61: « Nous, les économistes, nous sommes seulement des dilettantes dans le champ de la recherche historique, avec les fautes et faiblesses usuelles à tout dilettantisme : conclusion précipitée, insuffisance critique à l’égard des sources, tendance à colorer les faits, et parfois fabrication inconsciente des faits». 30 17 La position de Wicksell sur cette thématique particulière, qui s’éloigne de ses axes principaux de recherche, démontre une fois de plus la fidélité de son engagement en faveur d’une économie pratique. Cette dernière doit s’acharner de permettre une meilleure répartition des richesses et des agents les moins dotées. Face au débat méthodologique de l’époque, la position de Wicksell est tranchée. A l’image de l’ensemble de ses travaux et de sa vie, la méthode scientifique qu’il défend est originale et marginale au sein de l’Histoire de la pensée économique. Cette démarche occupe une position intermédiaire à michemin entre la démarche axiomatique mengerienne et celle plus empirique de l’Ecole Schmollerienne. Comme suggéré par Henriksson, Wicksell n’a jamais revendiqué le titre d’historien, ni même à celui d’historien de l’économie. Il ne se revendique pas non plus méthodologiste. Ceci est le propre des grands économistes : être compétent sur des domaines vastes tout en restant humble. 18 BIBLIOGRAPHIE Bellet M, Gloria-Palermo S., Zouache A., (eds), 2004, Evolution of the Market Process. Austrian and Swedish Economics, Routledge, London (to be published). Bostaph, S, 1973, The Methodological debate between Carl Menger and the German Historicists. Atlantic Economic Journal 6(3): 3-16. Garlund T, 1958, The life of Knut Wicksell, traduit par N.Adler . 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