« Les incontournables 2013 en Cancérologie » Prise en charge des métastases osseuses Dr Jean-Pierre CASEZ Service de Rhumatologie – Centre Hospitalier d’Annecy Dr Pierre-Yves BRARD Service de médecine nucléaire – Centre Hospitalier de Chambéry Prise en charge médicale des métastases osseuses Dr. Jean-Paul CASEZ Les incontournables 2013 en oncologie Chambéry - Le Manège 8 octobre 2013 Introduction Fréquence des métastases osseuses Maladie osseuse à part entière Nécessité d’une prise en charge pluridisciplinaire Place importante des traitements “classiques”: chirurgie, radiothérapie Connaissance des interactions tumeur / tissu osseux : “nouveaux” traitements Progression des métas osseuses L’interaction os - tumeur aboutit à un cercle vicieux aggravant l’ostéolyse: • La tumeur stimule les ostéoclastes via les ostéoblates (rank/rankL/OPG) • La résorption osseuse libère des facteurs de croissance et d’angiogénèse Le cercle vicieux de l’ostéolyse maligne Coleman J Natl Cancer Inst 2012 Bisphosphonates et tissu osseux - Analogues structuraux des pyrophosphates PC-P vs P-O-P - Très forte affinité pour le cristal d’apatite - Fixation osseuse parallèle à l’activité ostéoblastique (cf scintigraphie) - Non catabolisés - Restent des années dans le tissu osseux Les bisphosphonates (BP) le BP se fixe sur l’os L’ostéoclaste « mange » le bisphosphonate lors de la résorption osseuse et en meurt… Les bisphosphonates cassent le cercle vicieux STOP BP BP BP BP BP BP BP BP Mécanisme d’action des BP 1ère génération (étidronate, clodronate, tiludronate) • Incorporation dans l’ATP des ostéoclastes à la place des pyrophosphates Cl C Cl • Accumulation et cytotoxicité • Nécessite des doses élevées (800-1600 mg/j p.o.) Mécanisme d’action des amino-BP (pamidronate, Zoledronate) Inhibition de la farnesyl-pyrophosphate-synthase (FPPS) APOPTOSE cellulaire Efficacité à dose 100 -1000x plus faible que BP-1ère génération Efficacité des BP sur les MO P =0.046 380 femmes Kc sein stade IV avec 1+ méta osseuse Randomisation : - pamidronate 90 mg mensuel / 12 mois - placebo Hortobagyi NEJM 1996 zoledronate vs pamidronate P=0.013 528 femmes Kc sein stade IV avec 1+ méta osseuse lytique Rosen, Cancer 2004 Les BP sont efficaces sur les MO mais peuvent-il prévenir la survenue des MO ? BP et progression métastatique • Cancer du sein T1-T4 (N=302) • N0-N2 • Présence de cellules tumorales dans la moelle • Chirurgie, chimiothérapie +/- hormonothérapie • Randomisation: clodronate 1600 mg/j vs placebo Diel NEJM 1998 probabilité de survie sans métastase Clodronate Kc du sein et apparition des métastases 302 femmes 1600 mg/jour pendant 2 ans Métas osseuses probabilité de survie sans métastase mois Suivi moyen 36 mois Métas viscérales mois Diel NEJM 1998 Mécanismes de l’effet antitumoral des BP • Inhibition angiogénèse • Inhibition adhésion osseuse • Induction apoptose • Synergie avec antimitotiques • Effet immunomodulateur Tous les BP sont-il équivalents ? Clodronate Kc du sein et survie Survie globale Survie sans MO Survie sans rechute Kc du sein hormonothérapie +/- zoledronate GNANT ABCSG-12 NEJM 2009 Analyse multifactorielle de la survie sans rechute Kc du sein hormonothérapie +/- zoledronate GNANT ABCSG-12 NEJM 2009 Denosumab • Anticorps monoclonal anti-RankL • Très puissant inhibiteur de la résorption osseuse Le Denosumab casse le cercle vicieux STOP DNS DNS Denosumab vs zoledronate Etude controlée chez 2046 femmes Kc du sein avancé Randomisation: -Zoledronate iv 4 mg / 4 semaines / 20 mois -Denosumab sc 120 mg / 4 semaines / 20 mois Martin, Clin Cancer Res 2012 Denosumab vs zoledronate Kc du sein avancé Evènements osseux Martin, Clin Cancer Res 2012 Denosumab vs zoledronate Kc du sein avancé Recours à radiothérapie Martin, Clin Cancer Res 2012 Denosumab vs zoledronate Kc du sein avancé Evènements osseux ou hypercalcémie Martin, Clin Cancer Res 2012 Denosumab vs zoledronate Kc du sein avancé Qualité de vie Martin, Clin Cancer Res 2012 Denosumab vs zoledronate Kc du sein avancé Effets secondaires Martin, Clin Cancer Res 2012 Conclusions 1 • Les bisphosphonates permettent de limiter la progression métastatique osseuse et viscérale • Le zoledronate permet d’améliorer la survie des patientes atteintes de Kc du sein non évolués Conclusions 2 • Chez des patientes avec Kc du sein évolué, le denosumab apparaît supérieur au zoledronate en terme de : – – – – évènements osseux / hypercalcémie recours à la radiothérapie qualité de vie effet secondaires (acute phase syndrome) • Pas de donnée sur l’effet anti-tumoral du denosumab Prise en charge des métastases osseuses Imagerie des métastases osseuses Radiologie interventionnelle Chirurgie Radiothérapie externe Radiothérapie interne Dr. Pierre-Yves BRARD Les incontournables 2013 en oncologie Chambéry - Le Manège 8 octobre 2013 Imagerie des métastases osseuses • Localisation – Rachis (80 %) (tassements, troubles neurologiques) – Bassin (60 %) – Côtes (30 %) – Crâne (15 %) – Os longs : humérus, fémur – Os périphériques Risque fracturaire ? • Plusieurs moyens d’imagerie – – – – – Radiographies standards Risque radiculaire ou TDM médullaire, épidurite ? IRM Scintigraphie osseuse +/ couplée à la TDM Tomographie par Emission de Positons au 18F-FDG, au 18F-NaF Dépistage, bilan d’extension, réponse au traitement Cas cliniques • Anamnèse – Patient de 74 ans – Lombo-cruralgie droite inflammatoire • TDM lombaire • IRM lombaire – Recherche atteinte radiculaire T1 Hypo T2, Hypo • Scintigraphie osseuse Cas clinique 2 • Anamnèse – Patient de 68 ans – Adénocarcinome bronchique, métastatique au niveau cérébral – Scintigraphie osseuse pour bilan d’extension Radiologie interventionnelle • Cimentoplastie per-cutanée – Principe : • Injection de ciment chirurgical dans la lésion osseuse • Sous AL ou sédation anesthésique • Sous contrôle scopique (radiologie numérisée) puis TDM pour suivre répartition du ciment et rechercher des fuites – Indications • Ostéolyse du toit du cotyle • Métastases vertébrales avec douleurs mécaniques • Os longs – Contre indications • Relative : atteinte du mur postérieur et épidurite • Absolue : compression radiculaire ou médullaire, troubles de l’hémostase, allergie au ciment – Résultats • • • • Action antalgique par consolidation au niveau de microfractures Très rapide, environ 12 heures Efficace dans 60 à 70% des cas Action de consolidation et action antitumorale par lyse thermique – Incidents : • 10 a 15% de fuite du ciment • Moins de 1% de complication neurologique • Radiofréquence, cryoablation… Bull Cancer 2009, 96, 1117-1126 Traitements chirurgicaux • Ostéosynthèse des os longs – Curative • Fractures pathologiques des os longs – Préventive • Lyse corticale des os longs – > 2,5 cm de hauteur – > 50% de sa circonférence • Chirurgie rachidienne – Instabilité rachidienne avec risque de complications neurologiques – Indication portée en fonction espérance de vie du patient, décision multidisciplinaire – Chirurgie d’exérèse vertébrale en bloc – Laminectomie – Ostéosynthèse percutanée Techniques minimales invasives+++ – Décompression percutanée + Radiothérapie Bull Cancer 2013, 100, 435-441 Radiothérapie externe Les objectifs de la radiothérapie antalgique • Effet antalgique – Obtenu dans 60%-80% des cas – Actions anti-tumorale et anti-inflammatoire • Effet de consolidation des métastases osseuses – 65 à 85% de réossification sur les lésions ostéolytiques – Recalcification débute dès le premier mois, maximale à 3 mois (Koswig et al.1999) – Variabilité de la reconstruction suivant le type histologique • Favorable : sein, prostate, poumon… • Défavorable : tumeurs peu radiosensibles (Thyroide, sarcome…) • Effet de décompression neurologique – Rôle majeur de la radiothérapie externe dans la prévention de la compression médullaire par tassement vertébral – Décompression radiculaire • Contraintes de la radiothérapie en phase palliative – – – – Rapidité d’action avec efficacité immédiate ou non retardée Le moins pénible ou contraignant possible pour le patient Bien tolérée Ces préoccupations passent avant l’efficacité et la tolérance à long terme... Radiothérapie en phase palliative • Contraction des délais de prise en charge • « Simplification technique » : – Traitement du volume pathologique exclusif – Simplification de l’installation et de la contention au centrage et sous la machine – Diminution des trajets (consultation, centrage dans le même temps en simulation virtuelle) – « Dosimétrie simplifiée » – • Réduction du nombre de fractions • Augmentation de la dose par fraction • Réduction du nombre de champs de traitement • Antalgiques avant la manipulation des patients Amélioration du confort du patient Radiothérapie externe (3) • Distribution de la dose – Radiothérapie palliative est hypofractionnée et accélérée – But : délivrer une dose importante en peu de temps, en méprisant les règles radiobiologiques habituelles – Plus la dose par fraction est importante, plus le risque de complication à long terme est important – Lors d’une irradiation palliative, les doses par fraction sont de 3, 4, 5 voire 8 Gy • • • J. Sai-Yiu Wu, Int J Radiat Oncol Biol Phys, Vol 55, Issue 3 (March 2003), Même taux de réponse, même délai d’action, effets secondaires identiques Augmentation du nombre de ré-irradiations et du nombre de fractures chez patients hypofractionnés • Choix en fonction du caractère palliatif ou semi-palliatif de l’irradiation : – Connaissance de l’histoire naturelle de la maladie, du pronostic, de l’urgence symptomatique, du site anatomique (organes à risques de proximité) – Des habitudes et de la formation du praticien… – Encombrement des accélérateurs • Effets secondaires : – Variables en fonction du site anatomique et du volume traité • Nausées, vomissements (sétrons) • Asthénie si grand volume • Retentissement hématologique ... (pas de chimiothérapie associée) Nouveautés technologiques : les irradiations en condition stéréotaxique - Primo-irradiation : • Forte dose par séance • 39 Gy en 13 fractions • Tumeurs peu radio-sensibles - Possibilité de ré-irradiation • 5 x 6-7 Gy • Epargne la moelle Radiothérapie interne vectorisée • 2 agents thérapeutiques disponibles actuellement – Biphosphonate : EDTMP-Sm153 (QUADRAMET*) : émetteur β- et γ – Strontium : Sr89 (METASTRON*) : émetteur βNom commercial radioélément Demi vie énergie max (KeV) énergie moyenne (KeV) Parcours maximum emission γ (KeV) Quadramet® 153Sm 1.9 j 810 (β β) 229 (β β) 4 mm 103 (30%) Métastron® 89Sr 50.5 j 1400 (β) 583 (β) 7 mm aucun Radiothérapie interne vectorisée (2) • Indications – AMM : Traitement palliatif antalgique des métastases osseuses douloureuses multiples qui fixent les biphosphonates marqués au 99m Tc à la scintigraphie osseuse, quelque soit le primitif – Patient « oligométastatique » – Espérance de vie > 2 mois • Possible même si irradiation antérieure • Action antalgique isolée • Pas d’action anti-tumorale • Pas de réduction du risque de complication Radiothérapie interne vectorisée (3) • Effets indésirables – Flare effect (effet rebond), transitoire – Toxicité hématologique Radiothérapie interne vectorisée (4) Efficacité • 75% de réponses objectives (diminution ou disparition de la douleur, diminution de la consommation d’antalgiques) • Durée de la réponse variable (quelques semaines à quelques mois) • Peut être répété (délai > 3 mois) Radiothérapie interne vectorisée (5) En pratique • Scintigraphie osseuse récente (< 6 semaines) • Biphosphonates IV Traitement à distance (2-3 semaines) • Contrôle NFS, plaquettes – – – – GB > 3500 PNN > 1500 Hb > 9g/dL Plaquettes > 60000 • Fonction rénale satisfaisante • Possibilité d’adaptation de la posologie • Traitement ambulatoire • Hydratation IV • Recueil urines pendant 6 H – Élimination urinaire : gestion des effluents – Problème si incontinence (sonde) • Scintigraphie à la sortie pour QUADRAMET* (rayonnement γ du 153Sm) • Surveillance NFS une fois par semaine pendant 6 semaines ou jusqu’à normalisation Radiothérapie interne vectorisée (6) • Radium 223, Alpharadin*, XYFIGO* •Emetteur alpha •Fort transfert d’énergie linéique •Irradiation courte (< 100 µm) 2-10 cellules •Lésions ADN double brins Radiothérapie interne vectorisée (7) Réactualisation Février 2012 N = 921 Augmentation de la survie médiane de 3,6 mois 14,9 mois : Alpharadin* vs 11,3 mois : Placebo Radiothérapie interne vectorisée (8) Radiothérapie interne vectorisée (9) • Faible toxicité - 11% anémie grade 3 ou 4 Moins de 5% de thrombopénie, pas de grade 4 Nausées, vomissements Diarrhées grade 1-2 • En pratique - 1 injection IV par mois pendant 6 mois • Quand ? - Approbation FDA en Mai 2013 AMM européenne en cours d’étude • Prix ? Conclusion • Maladie métastatique osseuse est une maladie chronique • Traitements multiples – – – – – – Etiologique Médicaux Chirurgicaux Radiothérapie externe Radiothérapie interne Antalgiques • Prise en charge multidisciplinaire • Au bénéfice du patient – Soulager – Prévenir les risques de complication