Chirurgie thoracique du sujet âgé
M. Riquet et P. Berna
L’abord « chirurgical » du thorax permet la chirurgie du cœur, des gros vais-
seaux, de l’œsophage et des autres éléments contenus à l’intérieur du thorax ou
le constituant. La chirurgie cardiaque ne concerne qu’exceptionnellement des
tumeurs. La chirurgie des cancers de l’œsophage a été traitée dans un autre
chapitre de cet ouvrage. La chirurgie thoracique, dont les indications pour
cause tumorale sont les plus fréquentes, s’adresse aux autres structures intra-
thoraciques : trachée, bronches, poumon, médiastin et plèvre. Elle s’adresse
également à la paroi du thorax elle-même. Rares, et le plus fréquemment obser-
vées chez le sujet jeune, les tumeurs de la paroi thoracique peuvent aussi
toucher le sujet âgé (fig. 1). Chez celui-ci, elles sont plus souvent malignes.
Elles nécessitent parfois le recours à des gestes chirurgicaux majeurs d’exérèse
et de reconstruction pariétale (fig. 2). L’âge n’est plus une contre-indication
chez un patient par ailleurs en bonne santé (1).
Fig. 1 Tumeur du sternum (homme de 80 ans). Fig. 2 – Résection et reconstruction pariétale.
Chirurgie Thoracique et pathologie tumorale
du sujet âgé
Le tableau I illustre la pathologie tumorale des structures intrathoraciques
ayant nécessité un geste chirurgical. Ce tableau subdivise les patients en fonc-
tion de l’âge. Il montre la fréquence des principales pathologies : poumon,
plèvre, médiastin. Il porte sur 1 106 tumeurs opérées à l’hôpital européen
Georges-Pompidou de janvier 2001 à décembre 2004 (4 ans) et remplace le
tableau de l’édition précédente qui portait sur 2 887 patients opérés à l’hôpital
Laennec de janvier 1984 à décembre 1996 (13 ans). Les patients de 75 ans et
plus représentaient 10,4 % sur la première période (n = 300/2887) et 17,4 %
sur la seconde période (n = 193/1 106), ce qui est une augmentation significa-
tive (p < 0,0000001).
Il y a trois grands types d’actes chirurgicaux : la chirurgie à visée diagnos-
tique, la chirurgie à visée diagnostique et palliative et la chirurgie à visée
thérapeutique.
La pathologie tumorale du médiastin
La pathologie tumorale du médiastin représente 11,9 % des indications chirur-
gicales (n = 131) en oncologie chirurgicale thoracique. Elle se subdivise en
deux sous-groupes : la pathologie tumorale ganglionnaire n = 98 (74,8 %) et
les tumeurs solides n = 33 (25, 2 %). Les patients âgés de 75 ans et plus ne
représentent que 13 % (n = 17) de cette pathologie non pas tant constituée de
pathologie ganglionnaire d’origine métastatique (n = 5) que de pathologie
ganglionnaire hématologique (Hodgkin n = 1 et lymphome n = 5). On observe
dans cette tranche d’âge quelques thymomes (n = 3). Les neurinomes sont rares
et volontiers malins chez les sujets âgés (2). La pathologie ganglionnaire ne
nécessite que des gestes de diagnostic (médiastinoscopie, médiastinotomie et
quelques rares cas de biopsies par vidéothoracoscopie). Les tumeurs solides
nécessitent quant à elles une chirurgie d’exérèse par sternotomie ou thoraco-
tomie. Les problèmes posés sont alors ceux de la chirurgie d’exérèse pulmonaire
simple et/ou limitée.
La pathologie tumorale de la plèvre
Les pathologies tumorales de la plèvre représentent 16,9 % de l’activité chirur-
gicale (n = 187) en oncologie chirurgicale thoracique. La chirurgie avant tout
est à visée diagnostique. Toutefois en cas d’épanchement pleural, qu’il soit par
carcinose et métastases pleurales ou par mésothéliome, un geste de chirurgie
palliative de symphyse pleurale est couramment proposé (talcage). Il convient
50 Cancer du sujet âgé
Chirurgie thoracique du sujet âgé 51
Tableau I – Pathologies tumorales intrathoraciques prises en charge en chirurgie thoracique (Hôpital européen Georges-Pompidou, période janvier 2001 – décembre
2004). Les médiastinoscopies à visée diagnostique réalisées en cas de CNPC ne sont pas mentionnées.
Poumon Fièvre Médiastin
Âge CPNPC Mésoth- Adéno ss Métas. Hodgkin Lymphome CPC Métas ggl Thymome Tumeur Neurinome TOTAL
liome primitif pleural ss primitif germinale
501201115
171315462
185
(15,2 %) (2 %) (%) (12 %) (68 %) (44,8 %) (5 %) (28,8 %) (36,4 %) (31,6 %) (66,6 %) (16,8 %)
51-69 445 22 5 50 7 8 10 15 4 9 0 575
(56,5 %) (43 %) (%) (40 %) (28 %) (27,6 %) (50 %) (62,5 %) (36,4 %) (47,4 %) (%) (52 %)
70-74 109 9 1 21 0353011
153
(13,8 %) 17,6 %) (%) (16,8 %) (10,3 %) (25 %) (12,5 %) (%) (5,3 %) (33,3 %) (13,8 %)
75-79 82 11 4 17 0221320
124
(10,4 %) (21,6 %) (%) (13,6 %) (%) (6,9 %) (10 %) (4,2 %) (27,2 %) (10,5 %) (%) (11,2 %)
80328022
1320010
69
(4,1 %) (15,7 %) (%) (17,6 %) (4 %) (10,3 %) (10 %) (%) (%) (5,3 %) (6,2 %)
788 51 11 125 25 29 20 24 11 19 3 1 106
788 (71,2 %) 187 (16,9 %) 98 (8,9 %) 33 (3 %)
N = 131 (11,9 %)
d’être prudent : les patients porteurs de cancers de la plèvre sont fragiles et
c’est chez les sujets âgés qu’ont été observés les cas de décès postopératoires
après vidéothoracoscopie (3). Cette pathologie pleurale tumorale s’observe
dans 33,1 % des cas (n = 62) à partir de 75 ans. C’est donc la pathologie
observée avec la fréquence la plus élevée. La chirurgie d’exérèse dans le méso-
théliome est encore sujette à controverse. Des résultats encourageants dans
certaines formes ont été rapportés, mais pour les promoteurs de cette tech-
nique, même s’il n’y a pas d’âge limite à ces exérèses majeures, il faut être
extrêmement prudent dans les indications après 75 ans (4).
La pathologie tumorale broncho-pulmonaire
Elle peut être la chirurgie de métastases pulmonaires d’un autre cancer. Sur la
période rapportée, 107 patients ont été ainsi opérés et 13,1 % d’entre eux (n =
14) étaient âgés de 75 ans et plus (dont 3 avaient plus de 80 ans).
Toutefois, la pathologie tumorale broncho-pulmonaire, ie le cancer pulmo-
naire non à petites cellules (CPNPC), représente l’immense majorité des
indications oncologique de la chirurgie thoracique (71,2 %). Même si cette
fréquence a baissé sur les deux périodes (71,2 versus 78,4 % ; p = 0,000002),
cela explique pourquoi seul cet aspect de la chirurgie thoracique est commu-
nément rapporté dans la littérature. Cet aspect sera plus particulièrement
développé. Dans ce type de cancer, la chirurgie peut être purement diagnos-
tique (médiastinoscopie par exemple). Le plus souvent elle est réalisée avec
l’ambition de guérir les patients : la chirurgie d’exérèse reste en effet le meilleur
traitement du CPNPC quel que soit l’âge du sujet. Toutefois, les sujets âgés
représentent un pourcentage peu élevé des cas opérés bien que le cancer du
poumon soit plus fréquent chez eux. Les patients de 70 ans et plus ne repré-
sentent que 28,3 % de l’ensemble des malades opérés (n = 223), ceux de 75 ans
et plus ne représentent que 14,5 % (n = 114) et ceux de 80 ans et plus ne repré-
sentent que 4 % des cas (n = 32). Toutefois, ce chiffre a augmenté par rapport
à l’édition précédente (4 % versus 1,9 % ; p = 0,00074).
Chirurgie thoracique et cancer du poumon non à petites
cellules (CPNPC)
CPNPC et sujet âgé
Il fut un temps où un âge supérieur à 70 ans était une contre-indication à la
thoracotomie (5). Actuellement la notion de sujet âgé a évolué et c’est autour
de 80 ans que l’on a tendance à situer le passage dans le vieillesse (6). En géria-
52 Cancer du sujet âgé
trie, une distinction est faite par Yancik (7) entre les « young-old » (65 à
74 ans), les « older-old » (75 ans et plus) voire même les « oldest-old » (85 ans
et plus) : depuis une vingtaine d’années maintenant, quand on parle du cancer
chez le sujet âgé, ce sont en général les « older-old » qu’il est habituel de
prendre en considération.
La littérature chirurgicale sur le CPNCP du sujet âgé est le reflet de cette
évolution. Depuis la fin des années 1970, courantes sont les publications ayant
trait aux patients âgés de 70 ans et plus (8-19). Depuis la fin des années 1980
sont apparues des publications ayant trait à la chirurgie thoracique des patients
âgés de 75 ans et plus (20-23) et de 80 ans et plus (24- 33).
Chirurgie du CPNPC et sujets âgés
Le pourcentage des personnes âgées par rapport à l’ensemble des opérés appa-
raît faible (tableau II) et ce d’autant plus que les patients ont plus de 75 ans.
Les publications traitant de ce sujet ont un gros défaut : essentiellement
chirurgicales, elles ne fournissent pas le nombre de patients du même âge vus
concomitamment et non opérés. De tels renseignements sont fournis par
Brock (33), Brown (34) et Nugent (35). Brock (33) dans le Maryland rapporte
que sur 2 693 opérés, 68 étaient des octogénaires qui représentaient 17 %
(68/408) des cancers du poumon observés sur la même période au même âge.
Brown (34) dans la région de Westclift rapporte que sur 563 cancéreux recensés
en trente mois, 240 (43 %) étaient âgés de plus de 75 ans et que, parmi eux,
moins de 2 % ont été proposés au chirurgien. Nugent (35) dans le New
Hampsphire rapporte que sur 1 802 malades atteints de cancer du poumon,
Chirurgie thoracique du sujet âgé 53
70 ans et plus
Gaillard (11) 1984
Ishida (12) 1990
Roxburgh (13) 1991
Thomas (15) 1993
Gibitekin (16) 1993
Morandi (18) 1997
12,1 % des opérés
28 %
24 %
10,4 %
22 %
10,5 %
75 ans et plus
Burgard (20) 1992
Manac’h (22) 1984
Bernard (23) 1996
3,4 %
8,3 %
6 %
80 ans et plus
Osaki (27) 1994
Riquet (28) 1994
Pagni (30) 1997
Regnard (31) 1998
Port (32) 2004
Brock (33) 2004
3,9 %
4 %
1,4 %
1 %
7 %
2,5 %
Tableau II – Ce que représentent les sujets âgés par rapport à l’ensemble des malades opérés de cancer
pulmonaire non à petites cellules.
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