RECHERCHES MÉDICALES La Phenylcétonurie (PCU) Des manifestations graves, mais évitables La phénylcétonurie est une maladie qui possède une très forte prévalence. Bien qu’elle soit considérée comme une maladie orpheline, il est, aujourd’hui, indispensable de connaître cette maladie, du fait de sa gravité et du fait de l’importance de la prise en charge des patients phénylcétonuriques. Et ce, dès un test positif. Dans le monde, la fréquence de la phénylcétonurie est d’environ, 1/16500. Depuis les années 1960, tous les nouveau-nés, dans la plupart des pays développés, subissent un dépistage néonatal pour la phénylcétonurie, Ce qui permet d’instaurer, le plus vite possible, le traitement. Ainsi, les manifestations et les complications de la phénylcétonurie sont devenues très rare, dans ces pays. par Sara Mohammedi Qu'est-ce que la phénylcétonurie? La phénylcétonurie est une maladie héréditaire du métabolisme, transmise sur le mode autosomique récessif; c’est-à-dire, que c’est une maladie due à un seul gène malade et il faut deux exemplaires de ce gène (un hérité de chaque parent), pour que la maladie s’exprime, chez l’enfant. Les enfants, qui ne possèdent qu’un seul exemplaire de ce gène, ne vont pas exprimer la maladie, mais ils deviennent des porteurs sains hétérozygotes. La fréquence de porteurs hétérozygotes, dans la population, est de 1/50. Un couple sur 2500 présente, donc, ce gène. La phénylcétonurie (PCU) est due, dans 98% des cas, à un déficit, d’origine génétique, d’une enzyme hépatique: la phénylalanine-hydroxylase, qui permet la transformation de l’acide aminé «la phénylalanine » en un autre acide aminé « la tyrosine ». Cette transformation est indispensable, pour la bonne structure de l’organisme. Ce déficit enzymatique entraîne, en fait, une accumulation, notamment dans le plasma et le cerveau, de la phénylalanine, qui peut engendrer d’importants troubles neurologiques. La phénylcétonurie (PCU) présente deux formes, selon le taux de la phénylalanine dans le sang, obtenu sous régime 14 Santé-MAG N°16 - Mars 2013 normal, pour l’âge: - la forme, qui nécessite une prise en charge thérapeutique (régime restrictif contrôlé): La PCU typique (le taux de la phénylalanine sanguine dépasse 25mg/100ml) La PCU atypique, où le déficit enzymatique est moins sévère (phénylalanine sanguine entre 12 et 25 mg/100ml) - la forme de l’hyper-phénylalaninémie modérée permanente (HMP): (taux de la phénylalanine sanguine entre 2 et 12mg/100ml). Cette forme ne nécessite qu'une surveillance. Le régime n’est pas nécessaire, mais la famille doit être informée; notamment, s‘il s’agit d’une fille, car la grossesse, future, doit être surveillée. Dans 2% des cas, le déficit enzymatique ne concerne pas l’enzyme, mais son cofacteur: la tétrahydrobioptérine. Cette forme nécessite un traitement particulier (DOPA, etc.) et pour cela, le diagnostic est indispensable. Qu'est-ce que la phénylalanine ? La phénylalanine est l’un des 8 acides aminés essentiels, qui ne peuvent être fabriqués par l’organisme. Alors, il doit être apporté par l’alimentation. On retrouve la phénylalanine dans la plupart des aliments en commun. Les graines et légumes sont les aliments contenant le plus de phénylalanine, suivis, de près, par certains fromages (à pâte sèche, en particulier). En cas de déficit de l’enzyme de conversion - la phénylalanine-hydroxylase -, la phénylalanine va s’accumuler dans l’organisme et peut atteindre le taux toxique, responsable de la symptomatologie clinique. Quels sont les signes de la maladie? Les symptômes de la phénylcétonurie ne se voient que chez les personnes issues de pays où le dépistage néonatal n’est pas réalisé. Les signes d’appel sont, en général, des troubles neurologiques, avec un tableau clinique associant, de façon variable: - un retard mental, plus au moins sévère, - une microcéphalie (une petitesse excessive du crâne), - des convulsions, - des troubles du comportement sévères, avec traits autistiques et agressivité. - une épilepsie généralisée. Les patients non traités peuvent présenter, aussi, une symptomatologie cutanéo-phanérienne à type de dépigmentation (absence de pigments de la peau) et d’eczéma. On peut retrouver, aussi, une hypertonie musculaire (contraction exagérée des muscles), parfois avec des mouvements choréo-athéthosiques (c’est une association de deux mouvements anormaux: le mouvement choréique: contractions musculaires parfois brusques, parfois lentes, entraînant des mouvements désordonnés du corps, et: le mouvement athétosique: c’est un mouvement incoordonné, lent, touchant, principalement, les extrémités des membres et le visage). Devant ces symptômes, le dosage des acides aminés plasmatiques permet de poser le diagnostic. Le dosage de la phénylalanine sanguine maternelle doit être effectué chez toute femme, dont l’enfant présente une microcéphalie inexpliquée et/ ou des signes d’embryofœtopathie non étiquetée. Ce diagnostic est essentiel, pour la prévention du risque de récurrence d’embryofœtopathie phénylcétonurique. Comment s’effectue le dépistage de la phénylcétonurie? En 1963, le médecin Robert Guthrie a mis au point le test qui permet le dépistage de la phénylcétonurie. C’est le test de Guthrie. Pour cela, le dépistage néonatal de la phénylcétonurie est pratiqué, en routine, dans la plupart des pays industrialisés (combiné, en général, avec l’examen de la fonction thyroïdienne et autres maladies métaboliques). Le test de Guthrie est, ainsi, un examen simple, sans complications, bon marché RECHERCHES MÉDICALES et rapide, qui conduit à diagnostiquer, d’une façon certaine et à temps, une maladie grave, mais pour laquelle il existe une stratégie de traitement appropriée et bien nette. Ce qui est important, c’est que tous les nouveau-nés soient examinés, dès les premiers jours de vie (3ème et 5ème jour de vie) et ce test doit être obligatoire, dans toutes les maternités. Chaque année, environ, 85 cas sont découverts, ainsi, en France, grâce au test de Guthrie. Le test consiste à prélever quelques gouttes de sang, au niveau du talon, ou au niveau du doigt et d’en imprégner une carte en papier buvard, qui est envoyée vers un laboratoire. La lecture se fait au bout de 24 heures. Si le taux de la phénylalanine est élevé, des examens plus poussés sont pratiqués, pour confirmer le diagnostic. Avant de commencer un régime, il faut, toujours, exclure la phénylcétonurie due à un déficit du cofacteur tétrahydrobioptérine, puisque celle-ci réclame une autre thérapie. Le dépistage prénatal, chez les mères présentant une phénylcétonurie, consiste en un examen du liquide amniotique (amniocentèse) qui permet, dès la grossesse, de constater si l’enfant à naître est, lui-même, porteur de ce défaut métabolique. Que peut-on dire sur l’évolution et le pronostic de la phénylcétonurie? L’évolution, naturelle, de la maladie se fait vers l’installation de troubles neurologiques graves et irréversibles. Le dépistage néonatal, permet la mise en route, précoce, du traitement qui, seul, assure un développement normal. Les patients, atteints de l’hyperphénylalaninémie modéré permanente (HMP), ont une évolution normale et ne nécessitent pas de traitement, tant que le taux de la phénylalanine ne dépasse pas 12 mg /100 ml. Le pronostic est excellent, pour les phénylcétonuriques qui ont débuté le traitement, lorsque le diagnostic a été confirmé, après le dépistage néonatal systémique et lorsque le traitement et la surveillance sont maintenus, au long cours. En quoi consiste le traitement de la phénylcétonurie? Le traitement consiste en un régime pauvre en phénylalanine. Le but de ce traitement est de maintenir le taux sanguin de la phénylalanine dans les limites non toxiques, tout en assurant une croissance et un développement normal. Le régime, pauvre en phénylalanine, doit être instauré le plus vite possible; dès les premiers jours après la naissance et au plus tard, à la fin du premier mois de la vie. La vérification du taux de la phénylalanine plasmatique est indispensable. Elle se réalise une fois par semaine, pendant la première année de vie; puis, tous les 15 jours. Ce taux de phénylalanine doit être maintenu entre 2 et 8 mg/100 ml. La sévérité du régime est en fonction de la tolérance, en phénylalanine, du patient. Le contrôle métabolique doit être strict, pour, environ, les 8 premières années de vie; puis, le régime est, progressivement, élargi; car, après 8 ans, le risque neurologique sera moindre. Pour certains spécialistes, ce régime doit être maintenu toute la vie; pour d’autres, seulement jusqu’à l’âge de 12 ans. Néanmoins, des complications neurologiques, chez les personnes ayant arrêté le régime, a pu être constaté. Un suivi, scrupuleux, du régime permet d’épargner les patients de toutes les manifestations et les complications de la phénylcétonurie. Les aliments sont classés en fonction de leur teneur en phénylalanine: les aliments trop riches en phénylalanine sont interdits: les viandes, poissons, œufs, produits laitiers, légumineuses, oléagineux, ainsi que certains féculents et produits céréaliers. tout aliment, ou médicament contenant de l’aspartame, est interdit. les aliments contenant peu de phénylalanine sont permis, en quantité contrôlée: lait pour nourrisson, pomme de terre, légumes et fruits. les aliments dépourvus de phénylalanine sont proposés, en quantité libre: matières grasses, produits sucrés, boissons, aliments hypo-protidiques (aliments pauvres en protéines, pour l’apport énergétique du patient). Un tel régime serait carencé, s’il n’est pas associé à un mélange dépourvu de phénylalanine. Ce mélange contient des acides aminés essentiels et non essentiels, des vitamines, des minéraux et oligoéléments, pour couvrir tous les besoins de l’organisme du patient et les apports sont adaptés, selon l’âge. La mise en place de ce type de régime nécessite une certaine éducation des parents et ne peut, donc, être mis en place dans n’importe quelle structure familiale. Le soutien, psychologique et pédiatrique de l’individu malade, est nécessaire; celle des parents, également. Cependant, il existe un traitement médical pour la phénylcétonurie: Kuvan®. Il représente une nouvelle modalité de la prise en charge des patients atteints d’hyperphénylalaninémie. Ce médicament est disponible, uniquement à l’hôpital. Il permet un meilleur contrôle du taux de la phénylalanine, chez les patients répondeurs. Attention ! Ce médicament ne permet pas d’arrêter le régime. Il est prescrit par un médecin ayant de l’expérience du traitement de la phénylcétonurie. Il peut être prescrit aux patients adultes et aux enfants de plus de 4 ans. Ce médicament ouvre l’espoir de rendre le régime moins contraignant; en particulier, chez les enfants et d’améliorer la prise en charge des patients et leur qualité de vie. Grossesse et phénylcétonurie: Toute grossesse, chez une femme phénylcétonurique, doit nécessiter une prise en charge très stricte. En l’absence de contrôle, très rigoureux, du taux de la phénylalanine plasmatique, qui doit être maintenu, pendant toute la durée de la grossesse, à un taux entre 2 et 5 mg/100 ml, il existe un risque – majeur - de développer l’embryofœtopathie phénylcétonurique (EFP), qui se traduit, chez le nouveauné, par des malformations osseuses, cardiaques et oculaires congénitales, une microcéphalie, une hypotrophie et une arriération mentale. La prévention de l’embryofœtopathie phénylcétonurique consiste en: - le suivi des filles phénylcétonuriques, qui doit être, obligatoirement, poursuivi à l’âge adulte. Une information claire doit leur être donnée, à ce sujet, dès la puberté. Toutes ces jeunes filles doivent bénéficier d’une contraception, dès qu’elles débutent une activité sexuelle. - tout désir de grossesse impose la reprise de régime strict, avant la conception et pendant toute la grossesse. Toutes les femmes, présentant une hyper-phénylalaninémie modérée permanente (HMP), doivent être suivies. Si le taux de la phénylalanine est audessous de 5 mg/100 ml, il n’est pas nécessaire d’instaurer un régime restrictif; mais, un suivi nutritionnel, très rigoureux, est obligatoire. Les enfants de mères phénylcétonuriques devraient, également, bénéficier d’un suivi, comprenant une évaluation neuropsychologique et une surveillance clinique N°16 - Mars 2013 Santé-MAG 15