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vOL.44,NO 8
SIÈGE SOCIAL: MONTRÉAL, AOÛT 1963
La fréquentation
desvieuxauteurs
cERTAINS
LISENTpouréchapper
à la vie;d’autres
pour
s’yplonger
et la vivreplusintensément.
Ces deuxsortesde lecturesontleursavantages.
S’ilestparfaitement
légitime
de s’absorber
dansses
livrespréférés
pourse soustraire
auxdésagréments
de
l’existence,
onpeutlireaussipourse renseigner,
pour
trouver
l’inspiration,
pourornersonespritoupourse
distraire.
Lalecture
se distingue
de l’étude.
Ellene nousoblige
pasà analyser
et à disséquer
destextes
pouren chercherle sensprofond.L’essentiel
est de liredans
l’émerveillement
et dansla joie,commeon admirela
beautéd’unefleursansla mettresousle microscope.
Il faudrait,
en matière
de lectures,
toujours
avoir
présente
à l’esprit
cettevérité
fondamentale:
leslivres
sont nos seuls moyensde communication
avec les
grandspenseurs
du passéet,pourla majorité
d’entre
nous,le seulintermédiaire
qui nouspermette
d’entendrele message
desbonsécrivains
de notreépoque.
Collodi,de SelmaLagerl6f,
de LewisCarrollet de
Kiplingsontaujourd’hui
la propriété
communedes
enfants
detoutes
lesparties
de l’univers.
De plus,ceslivrespourenfants
sontgén6ralement
trèsbienfaits.
Le récitse déroule
avectantd’aisance
et lesimagessurgissent
avectantde simplicité
sous
leursyeux’quelesenfants
enacceptent
toutnaturellementle style.
Relisez,
parexemple,
la première
pagedu
Vilainpetitcanardd’Andersen:
"Oh,qu’ilfaisait
bon,dehors,à la campagne!
C’étaitl’été.Les blés
étaient
jaunes,
l’avoine
verte,
le foinétaitramassé
par
tasdanslesprésverts,
et la cigogne
marchait
surses
longues
jambes
rougeset parlait
égyptien,
carsa mère
luiavaitappriscettelangue."
Il n’ya là aucune
prétentionni recherche,mais seulementun heureux
choixde riches
et chaudes
couleurs.
Aprèsle travail
et l’influence
du maître,
leslivres
sontles principaux
instruments
de l’enseignement.
C’estsurtout
grâceà euxquel’enfant
peutexplorer
les
trésors
de l’expérience
et dusavoir
humains.
Toutpetit
Leslivresne sontpasseulement
desassemblages
de
Canadien
appartient
à unedémocratie
quia de grandes
feuilles
inanimés,
où s’alignent
descaractères;
ce sont responsabilités,
dansnotrepayset surle planinterdesobjetsdynamiques
et vivants,
capables
d’illumi- national.
Commentapprendra-t-il
les principes
du
neret stimuler
notreintelligence.
Il seraplusparticu- modede viequiestle nôtre,
sinonparla lecture
?
lièrement
question
dansle présent
Bulletin
desuvres
Le localle plusimportant
dansuneécole,c’estla
quiontenrichi
la viehumaine
au coursdessiècles.
bibliothèque,
et le premierinstrument
de formation
intellectuelle
dansun foyer,
ce sontleslivresqu’il
Leslivres
pourenfants
offreà sesenfants.
Nosconsidérations
ne sauraient
trouver
un meilleur
pointde départquele merveilleux
royaume
deslivres
pourenfants,non seulement
parceque c’estlà que
nousavonsfaitnosvéritables
débutsdansla vie,mais
aussiparcequenousaimonstousà y revenirpar la
suite.De mêmeque beaucoupd’hommesachètentdes
trains
électriques
à leurfilsafind’avoir
ou de ravoir
eux-mêmes
le plaisirde les fairemarcher,de même
beaucoup
retrouvent,
en lisantde vieilles
histoires
à
leursenfants
ou à leurspetits-enfants,
un peude leur
jeunesse
et de leurenchantement
d’autrefois.
Les romans
Beaucoupde romans ne sont que des uvres de
circonstance,
quin’ontqu’unintérêtéphémère,
mais
il y en a desmilliers
queleurrichesse
et leuraccent
profondément
humainsemblent
vouerà l’immortalité.
N’est-cepas SamuelJohnsonqui demandait
un jour:
"Unsimplemortela-t-iljamaisécritquelquechose
queseslecteurs
attendaient
depuispluslongtemps
que
Don Quichotte,RobinsonCrusoé e~ le Voyagedu
pèlerin
?’"
Notonstoutd’abordque la littérature
enfantine
s’adresse
auxlecteurs
de touslespays,de sorteque
A quoi tientnotre amourdu romanesque,si ce
noussommesen communionavecle mondeentierdès
n’estau faitquequiconque
admire
ou réalise
unebelle
quenousen abordons
la lecture.
Lescontesde Peruvre est plusou moinsromanesque.
Se contenter
de
rault,de Grimm, d’Andersen,de Mark Twain,de
copierla vie,commele fontaujourd’hui
certains
romanciers,
c’estécriredes balivernes,
deschoses
complètement
inutiles.
Nousn’avonsquefairede ces
massesde détails
surdesévénements
insignifiants,
ou
surla cruauté,
lemalou lafatalité.
Il suffitde lireun romanbienécritpouren saisir
toutela différence.
Quelleconclusion
applicable
à
notreépoquepeut-ontirer,par exemple,des Misérables
de Victor
Hugo,publiés
il y a centans? Ce que
l’auteur
critique,
ce ne sontpasleshommes,
maisles
institutions
humaines,
qui,selonlui,sontdevenues
la
source
d’unterrible
danger
en affaiblissant
le sensdes
responsabilités
de l’individu.
actuelle,
il fautmentionner
VictorHugo,PaulVerlaine,Beaudelaire,
Valéry,
Claudel.
Personne
ne peut
lirecesgrands
maîtres
sansressentir
un élargissement,
un enrichissement
et uneélévation
desfacultés
lesplus
nobles
de sonêtre.
Le théâtre
Ceuxqui estiment
quele théâtreest faitpourla
scèneet non pourêtrelu se priventd’undes plus
grands
plaisirs
dela lecture.
Mais Racine,Corneille,Shakespeare,
dont les
piècessonttoujours
considérées
commerentables
par
Quelles
grandesleçonsnousapportent
d’autrepart
leséditeurs
et leslibraires
detouslespays,prouvent
lesrécits
de caractère
pluspersonnel,
où sontrelatées quela majorité
des gensne partagent
pas cet avis.
les luttesintérieures
de l’homme:
Hamlet,
princedu
Leurthéâtreconnaîtencoreaujourd’hui
uneforte
Danemark,
dontl’agitation
moraleduredeuxmoiset
quis’endégage
et de la
demi; Faust,pourquil’épreuve
se prolongera
pendant venteà causede la vieintense
richesse
et
de
la
profondeur
des
impressions
qu’il
nous
plusde cinquante
ans;Robinson
Crusoé,qui,pendant
livre
sur
les
façons
de
parler,
d’agir
et
de
penser
de
vingt-huit
ans,dansson"îledu désespoir",
réussit
par
de les citer,de les
desprouesses
d’énergie,
de patience
et d’intelligencel’êtrehumain.Nouscontinuons
lireetde lesétudier
etd’ypuiser
desidéessansjamais
pratique
à conserver
sasérénité
età retrouver,
avecla
nouslasser.
résignation,
lafoiet laconfiance
dansle Seigneur.
Et il enestainsideMolière,
deShawet d’Ibsen,
qui
Le Voyagedu pèlerin,
de JohnBunyan,quiparuten
ont
été
le
reflet
de
leur
époque
et
qui
ont
scruté
et
1678,connut
en dixansonzeéditions
et plusieurs
imde leurscontemporains
aussifidèlepressions
clandestines.
Ce livrequidevaitpénétrer peintle caractère
faitavanteuxAristophane,
Eurijusquedanslesrégions
lespluslointaines
du globe, mentquel’avaient
pide,Eschyle
et Sophocle.
n’estpas seulement
un guidede viemorale,maisun
romanpassionnant,
où fourmillent
lesincidents
dramatiques.
Quantà DonQuichotte,
quiremonteà 1605,
L’histoire
et la biographie
s’ilse litcommeun récitd’aventures,
c’estaussiun
C’estdanslesvolumes
d’histoire
quese trouve
l’âme
traitéde tolérance
et de compassion
indulgente.
destempsanciens.
On peutencorey entendre
la voix
Tousces livresfontévoluerleurshérosdansdes
desnations,
descitéset despeuples,
mêmes’ilsont
rôlesd’hommes
d’ungrandcourage.
Ils pourraient
se
aujourd’hui
disparude la surfacede la terre.En
résumerdanscettephrasedu jeuneJim Hawkinsdans
parcourant
l’Histoire;
essaid’interprétation
deToynbee
l’lle
autrésor:
"Jefusd’abord
glacé
d’effroi,
maisjene
(Paris,Gallimard),
on a l’impression
quele Temps
perdispasmonsang-froid
pourautant."
relevé
sesruines
et ressuscité
sousnosyeuxlesscènes
englouties
du passé.
La podsie
Lapoésie
n’estpasà négliger,
quelquesoitlebutde
noslectures.
Lespoètes
onttoujours
vu leschoses
dans
uneclartéparfaite
à travers
lessiècles.
Nulne peut
avoirunejusteconception
de la grandeur,
de la plénitudeet despossibilités
de lavies’iln’aconsacré
une
partie
deseslectures
à la grande
poésie.
L’hommechanteet fredonne
bienavantde jugeret
de raisonner,
et la poésie
exprime
souvent
desidéeset
desémotions
quiontun profond
accentde véritépour
les hommesde touslestemps.
Il estdeshistoriens
quis’adressent
auxhistoriens,
maisceuxquiont écritpourle profane
ont démontré
qu’ilestpossible
de relater
lesévénements
avecclarté
sanslesdéformer.
L’Histoire
de Francede Michelet,
dontla valeur
littéraire
estgrande,
eutautant
desuccès
queles meilleurs
romansde la mêmeépoque.
L’histoire
du mondeesten sommela biographie
des
grandshommes.
C’estle livrede la supériorité,
aussi
sûrement
quela presse
estle livrede lamédiocrité.
Il estnécessaire
de lirelesviesdes"hommes
illustres",
caril y a danschacune
d’elles
quelque
chose
à apprendre.
Prisescollectivement,
ellesdonnent
une
idée des sommetsauxquelspeut attelndrel’être
humain.
Un recueilde poésien’estpas une collection
de
motsvagueset fleuris,
réunisd’unemanièreplusou
moinsheureuse.La valeurd’un poèmerésidedans
l’intensité
aveclaquelle
l’auteur
a éprouvé
un sentiment
Beaucoupde biographes
estimentqu’ilest de bon
etlafidélité
aveclaquelle
ilen a reconnu
etexprimé
les
ton de consacrer
une partiede leuruvre à démonconséquences.
trerla petitesse
desgrandshommes.
L’auteur,
rabaissantalorsson sujetà son propreniveau,passede
Parmiles poètesdontl’oeuvre
appartient
à cette
catégorie
et quisonttoujours
despluslusà l’heure l’essentiel
à la banalité.
Il nousmontreShakespeare
Certainsmythesont complètement
disparuaprès
léguant,
dansunemention
en surcharge,
sonlitnuméro
avoirjouéleurrôledansl’évolution
de l’humanité,
deuxà son épouseet l’intérêtcontenude George
Washington
pourMme SallyFairfax.Ce qui importe, mais d’autresapportentencoredes réponsesaux
énigmes
de la vie.
c’estqueShakespeare
aitécrit
Harnlet
etleRoiLear,
et
queWashington
aitinstitué
la République
américaine.
La varidt/
dansla lecture
La philosophie
Commecelledes biographies
et de l’histoire,
la
lecturedes ouvragesde philosophie
nous aide à
acquérir
le sensdes proportions.
Pourles anciens
Grecs,
la fautela plusimpardonnable,
en artcommeen
morale,étaitle défautde proportion.
Chez eux,
l’hommearrogant,le vaniteuxou le présomptueux
étaientconsidérés
commede véritables
malfaiteurs.
La splendeur
de notrelittérature
résideen partie
danssoninfinie
variété.
Celuiquiveutlireavecprofit,
sansdevenir
l’homme
ennuyeux
d’unseulsujetou d’unseulauteur,
pourrait
utilementse tracerun programme,
selonlequelil
liraitun ouvragede philosophie,
puisun roman,et
passerait
ensuite
successivement
à l’histoire,
la biographie,
lethéâtre,
lasociologie,
la religion,
lesbeauxartset lessciences.
Peut-être
conviendrait-il
de garder
En plusde rabattrenotreprésomption,
la philola
poésie
et
les
essayistes,
comme
Montaigne,
pour
sophie
perfectionne
notregoûtet nousfaitreconnaître
avecplusde facilité
quenosopinions
lespluschères l’heuredu coucher.La poésiecommeles essaisnous
charment
parlavivacité
et la finesse
de leurstours.
présentent
parfoisdes lacunes.
Ellese nourritde
principes,
c’est-à-dire
desrichesses
intellectuelles
les
Ceux qui n’ontni le tempsni le couragede se
plusvivaces,
lesplusadaptables
et lesplusmobilières. dresser
unelistede livres
peuvent
toujours
sejoindre
à
un
cercle
de
lecture
des
grands
auteurs.
Prenonsle Prince,parexemple.
Il estimpossible
de ledissocier
dela période
oùl’écrivit
Machiavel,
et
Les grandsauteurstraitent
desquestions
de tous
pourtant
on y trouve,
en dépitde nombreux
sophismes, les tempset des problèmes
qui se posentà chacunà
desenseignements
de touslestemps.
toutesles époques.
Leurslivressontles pontspar
lesquels
leurslecteurs
peuvent,
en dépitdesbarrières
On fréquente
les philosophes,
soitpourchercher
de
la
spécialisation,
communiquer
d’unefaçonagréadesréponses
à sesquestions,
soitpoury trouver
des
ble
avec
d’autres
hommes
désireux
d’en
faireautant.
règlesde vie,soittoutsimplement
pourjouirde la
compagniedes hommessages,qui se sont donnéla
Ceslivres
nesontpasd’unelecture
tropdifficile.
Du
peinede coucher
leursidéesparécrità notreintention. moinslesécoliers
dessiècles
passéset ceuxquisont
aujourd’hui
des chefsne lesont pasjugéstels.Les
véritésqu’ilsrenferment
sontsi fondamentales
et
La mythologie
essentielles
qu’iln’estpasnécessaire
d’avoir
desconnaissances
spéciales
pourlescomprendre.
Tout mythe a exprimé à un moment donné une
vérité
admissible,
qu’ils’estefforcé
d’énoncer
leplus
Personnen’apprendra
chez les grandsmaîtresle
exactement
possible
comptetenudesconnaissances
de
secret
de la bombenucléaire
ou le moyende l’interdire,
l’époque.
La mythologie
est une façonintuitive
de
mais on y trouveral’explication
des processusde
saisir
et d’affirmer
desvérités
universelles.
C’estla
pensée
quifontlespartisans
et lesadversaires
decette
représentation
vivantedesaventures
intérieures
ou
arme.Les problèmesde base du bien et du mal,de
extérieures
des hommesqui l’ontfaçonnée.L’iml’amour
et de la haine,
du bonheur
et de la souffrance,
portant
dansla lecture
desmythes
n’estpasde savoir
dela vieetde la mortn’ontguèrechangé.
Se renseigner
quilesa inventés
ni quelle
raceprimitive
ilsontfait
surceschoses,
c’estaccéder
dansunecertaine
mesure
trembler,
maisquelpeuple
fortlesa d’abord
prispour
à la connaissance
du patrimoine
communqui est à la
règlede vieetquelsagelesa racontés
sousleurforme
basedu mondeidéaldontrêvedepuistoujours
l’hulaplusparfaite.
manité.
Le mytheperçoit,
mêmesi c’estd’unefaçonobscure,
deschoses
quisontvraies
pourtouslesâges,etnousle
Lesclassiques
comprenons
et il nousplaîtdansla mesureoù nous
entrevoyons
lesmêmesvérités.
Quelques-uns
desgrandsauteurs
sontdesclassiques,
terme
qui
fait
peur
à
certaines
personnes.
Qu’onse
Ce sontlesvéritésimparfaites
exprimées
dansles
rassure,
le
mot
"classique"
n’est
pas
synonyme
de
mythes
et leslégendes
quiontilluminé
l’esprit
humain
desséché
par
l’âge,
mais
de
ce
qui
s’est
bien
conservé.
aux époquesreculéesoù n’existaitaucuneautre
lumière.
Grâceà elles,l’homme
a réussià vaincre
sa
brutalité
et à surmonter
l’effroi
queluiinspirait
lavie
soustoutes
sesformes.
C’estparla voixpersuasive
des
mythesqu’ila d’abord
appris
la science
du bienet du
malet qu’ila commencé
à se civiliser.
En lisantlesclassiques,
nousconstaterons
souvent
avec étonnementque les véritésque nouscroyons
d’actualité
ontenfaitétédiscernées
et,parfois
même,
biencomprises
et étudiées
soustoutesleursfacespar
lesanciens.
Les classiques
ne sontpas ennuyeux.
L’Agamemnon
d’Eschyle
datede vingt-quatre
siècles,
maisil s’ouvre
avecune animationsanségaledans la littérature
moderne:
les troupes
reviennent
dansleurpaysaprès
la guerre
deTroie...
surlescôtesde Grèce,
lemessage
des feuxse transmet
de sommeten sommet,apportant
la nouvelle
de lavictoire
et duretour
desguerriers...
C’estla T.S.F.du tempsd’Homère.
Voiciuneanecdote
significative
à proposd’Alexandrele Grand,que l’on trouvedans les Vies de
Plutarque.
Sesofficiers
luiayantapporté
un coffret
trèsprécieux
découvert
parmile butinprisaprèsla
défaite
de Darius,
il demanda
à ceuxde sonentourage
ce qu’ilconvenait
le mieuxd’ymettre.
Lorsque
chacun
eutexprimé
sonavis,il leurditqu’ilallaity placer
l’Iliade
d’Homère.
Etqu’est-ce
querIliade
? Elleest,avecl’Odyssée,
un
ancienpoèmeépiquegrec,l’unedespremières
et des
plusgrandesépopéesde notrecivilisation,
en même
tempsqu’unrécitdes pluspassionnants.
Chaquefois
quenousparlons
dessirènes
ou du talond’Achille,
ou
que nous comparonsune femme à la belle Hélène,
c’estde cespoèmesvieuxde troismilleansquenous
nousinspirons.
On ne trouvedansles classiques
aucunetracedu
climatmorbide,
malsain
et pessimiste
quicaractérise
souvent
la littérature
d’aujourd’hui.
Il y a surles
étalages
deslibrairies
et des marchands
de journaux
deslivresoù la pathologie
a usurpéla placede l’art
et où l’écrivain,
devenuspécialiste
desmaladies
nerveuses,nousprésentedes personnages
malheureux,
brouillons
etdéfaitistes.
Pourquoi
lisons-nous?
Aprèsavoirlu un bonlivre,
nousnoussentons
meilleurs,danstouslessensdu mot.Soulevés
parle génie
des grandsécrivains,
nousentrevoyons
les immenses
possibilités
quis’offrent
à l’esprit
humain.
Unpointlumineux
estapparu
dansla nuitde notresavoir,
et nous
refermons
lelivreavecdeshorizons
plusvastes,
unesensibilité
plusviveet uneplusgrandecompréhension.
sèdentces atoutsun antidote
contrela paniqueet
latémérité.
ï
La prétention
que l’onn’apas le tempsde lirea
parfois
l’aird’unevantardise.
Sesauteurssemblent
vouloir
direqu’ilssonttropimportants
et tropoccupésparde grandsproblèmes
pourperdreleurtemps
à lire.Pourtant,
la lecture
estuneactivité
quisied
vraiment
au chefd’entreprise
auquelelleapporte
la
nourriture
intellectuelle
si nécessaire
danslesaffaires,
i
Lalecture
estl’undesvéritables
plaisirs
de lavie.
En notresièclede culture
en série,où circulent
tant
d’abrégés,
d’adaptations,
de falsifications
et de vulgarisations,
et où leshaut-parleurs
du mercantilisme
ne cessent
jamais
debraire
à nosoreilles,
ilestréconfortant
et encourageant
pourl’esprit
de pouvoir
encore
s’asseoir
seulavecun livrequinousplaît.
Le granddialogue
La lecturen’estpasune occupation
passive,
mais
l’undespasse-temps
lesplusactifs
de la vie.On a dit
que lesécritsdes grandsauteurs
étaienten quelque
sortela transcription
d’unevasteconversation
à traverslesâgeset quenouspartageons
lespensées,
les
émotionset les observations
des maîtres,commesi
nouscausions
aveceuxau coinde l’âtre.
Voilàdes amisd’unetrèsagréablesociété.On y
trouve
desgensde touslespayset detouslesâges,qui
sesontillustrés
dansl’artmilitaire,
legouvernement
ou
les lettres.
Ilssontcomplaisants,
d’unhumourinépuisable,
toujours
prêtsà répondre
à nosquestions.
Nousavons,
grâceà leurslivres,
lapossibilité
de jouir
de la compagnie
desesprits
lesplusbrillants
et les
plusvifs,desplussavants
philosophes
etdesconseillers
lesplussages.Toutce qu’ilfautfaire,
c’estde leur
permettre
de nousdirelesbelleschosesqu’ilsontì
nouscommuniquer,
puisde comparer
leursidéesavec
lesnôtres.
Ainsi,nouspouvons
différer
d’avisavecSophocle
à
proposd’Oedipe
et d’Electre,
et des complexes
auxquelsils ontdonnéleurnom;rendreles cheveuxen
quatreavecPlatonet sonprojetde république;
chicanerDescartes
et sa méthode;
admirer
l’érudition
de
Pourlireavecfruit,il n’estpasnécessaire
d’être cetillustre
peintre,
sculpteur
et inventeur
que fut
d’accord
aveclesjugements
et lesopinions
de l’auteur; Léonardde Vinci,et mêmeavoirnotreopinionsurle
maisilesttoujours
intéressant
etutiledelesconnaître sourire
de sa MonnaLisa;ou encorenousplonger
dans
etde savoir
qu’ils
existent.
Lalecture
nouspermet
ainsi
les Mémoiresd’outre-tombe,
de Chateaubriand,
qui
de préciser
et d’alimenter
nosidées,
touten enrichis- futle plusbeaulivredesonsiècle.
santnosconnaissances.
Nousparticipons
à la magie,à
Il y a enfinun autreavantage
à fréquenter
cesamis
la puissance
et à lanoblesse
quis’attachent
à l’étude.
silencieux
et pourtant
si éloquents
quesontleslivres.
Les hommesd’affaires
prétendent
parfoisqu’ily
Leurmessagenousparaîtra
parfoisagaçant,
carils
a tantde choses
à fairedansla viequ’ilne restepas
traitentdes problèmes
qui tourmentent
depuistoude tempspourlire.Maisl’esprit
pratique
quiélabore joursl’esprit
de l’homme
et proposent
biendesidées
desplansde construction
ou d’achat,
de venteou de
contradictoires
pourlesrésoudre.
Maisla conversation
distribution
de marchandises
ou de services,
a besoin
seraclaire,
profonde
et variée.
Et elleservira,
aux
de touslestalents
créateurs
duphilosophe,
du poète,
de
heuresde difficulté,
de conflitet de confusion,
à
l’historien
et du romancier.
C’estce qui distingue comblernotreamournostalgique
et toujoursardent
l’expert
de l’amateur,
touten offrant
à ceuxquiposdel’antique
chevalerie.
Envoiautorisë
pardeuxième
classe
Ministère
desPostes,
Ottawa.
IMPRIMÊ
AU CANADA
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