Réponse à la propagande anti-soja, par Hervé Berbille, ingénieur agroalimentaire 1) Présentation de quelques activistes antianti-soja La Weston A. A. Price Foundation (WAPF) Cette association revendique l'héritage du personnage éponyme, un charlatan notoire, du moins si l'on en croit le psychiatre Steven Barrett, fondateur de Quakwatch, une association qui dénonce les charlatans de la science (l'auteur de ces lignes n'y figure pas...). http://www.quackwatch.org/10Bio/bio.html Mary Enig et Sally Fallon, qui se revendiquent expertes de la question, n'ont jamais publié la moindre étude consacrée au soja comme on peut le vérifier sur le banque de données scientifiques PubMed qui recense toutes les études « peer-reviewed » (à comité de lecture) dans les domaines http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed de la biologie et de la médecine : Il est amusant de noter que le responsable de la filiale française de la Weston A. Price Foundation, qui sans surprise se répand pis que pendre sur le soja, vend du matériel agricole destiné aux éleveurs laitiers (sûrement un hasard...), mais également du matériel destiné à fabriquer des aliments pour bébés... à base de soja ! En d'autres termes, les « dangers » du soja s'arrêtent là où les petites affaires des membres de la WAPF commencent... Parmi les activistes anti-soja, on citera également Joseph Mercola qui lui aussi n'a pas de mots assez durs pour le soja, ce qui ne l'empêche pas de vendre un complément alimentaire... à base de soja, pudiquement appelé « nourriture japonaise ». http://www.mercola.com/Downloads/bonus/discover-the-benefits-of-natto/default.htm Là encore, les « dangers » du soja s'arrêtent là où les petites affaires des affidés de la WAPF commencent... À noter que le natto contient davantage de « phyto-œstrogènes » (58 à 82 mg/100 g) que les aliments à base de soja non fermenté (tofu, tonyu, respectivement 22 mg et 10 mg). http://www.ars.usda.gov/SP2UserFiles/Place/12354500/Data/isoflav/Isoflav_R2.pdf 1 JeanJean-Marie Marie Bourre Jean-Marie Bourre quant à lui, bien qu'il se présente comme un spécialiste omniscient du soja, n'a pas davantage publié d'étude à ce sujet. En revanche, JM Bourre est rémunéré par de nombreuses firmes agroalimentaires, dont le Centre d’information (sic) sur les charcuteries, tout en faisant partie des membres de l’Institut Danone : que des amis du soja... http://www.institutdanone.org/institut-danone/membres/les-membres-de-l-institut-danone/ Mes propos sont évidemment fondés. Si néanmoins vous n'en étiez pas convaincue, je vous laisse le soin de les transmettre à l'intéressé (http://www.bourre.fr/acceuil.htm) pour qu'il m'assigne en justice pour propos diffamatoires. JM Bourre affirme que le soja augmente le risque de cancer du sein. Or, en l'espèce toutes les études disponibles concluent unanimement que le soja protège au contraire contre ce fléau, et ce dans tous les cas : femmes non ménopausées, femmes ménopausées, femmes atteintes de cancer du sein en cours de traitement et femmes en rémission. 2 Bien entendu, JM Bourre ne cite aucune étude étayant ses accusations, ce qui ne relève évidemment pas du hasard. Je laisse à chacun le soin de porter un jugement sur les propos de JM Bourre et sur leurs conséquences. Caan, B. J., Natarajan, L., Parker, B., Gold, E. B., Thomson, C., Newman, V., Rock, C. L., Pu, M., Al Delaimy, W., and Pierce, J. P. (2011). Soy food consumption and breast cancer prognosis. Cancer Epidemiol. Biomarkers Prev. 20 (5): 854-858. Guha, N., Kwan, M. L., Quesenberry, C. P., Jr., Weltzien, E. K., Castillo, A. L., and Caan, B. J. (2009). Soy isoflavones and risk of cancer recurrence in a cohort of breast cancer survivors: the Life After Cancer Epidemiology study. Breast Cancer Res. Treat. 118 (2): 395-405. Shu, X. O., Zheng, Y., Cai, H., Gu, K., Chen, Z., Zheng, W., and Lu, W. (2009). Soy intake and breast cancer survival. JAMA 302 (22): 2437-2443. Wu, A. H., Koh, W. P., Wang, R., Lee, H. P., and Yu, M. C. (2008). Soy intake and breast cancer risk in Singapore Chinese Health Study. Br. J. Cancer 99 (1): 196-200. Pour compléter ce tableau peu flatteur, signalons enfin que JM Bourre est l'heureux récipiendaire du « grand prix de la propagande » décerné par le site La Nutrition. http://www.lanutrition.fr/grand-prix-de-la-propagande/le-gagnant-du-mois/grand-prix-de-lapropagande-septembre-2006-le-dr-jean-marie-bourre.html 3 2) Les Les Asiatiques consomment toujours le soja sous forme fermentée : FAUX ! Les activistes anti-soja, notamment Joseph Mercola, proche de la WAPF, affirment que les aliments à base de soja sont traditionnellement consommés sous forme fermentée, selon eux susceptibles de détruire les composés toxiques du soja, notamment les « phytoœstrogènes », épouvantail de prédilection de ces activistes. En réalité, la fermentation (on devrait parler « des fermentations », mais passons) détruit très peu les isoflavones (« phyto-œstrogènes »), composés peu fermentescibles, contrairement aux fibres solubles (stacchyose et raffinose), principaux substrats des fermentations. En revanche, la fermentation transforme les « phyto-œstrogènes » glycosylés (forme native) en « phyto-œstrogènes » aglycones, augmentant ainsi leur biodisponibilité (assimilation pour faire simple). En résumé, Joseph Mercola dénonce les « dangers » des « phyto-œstrogènes », mais commercialise un aliment à base de soja, le natto, l'aliment le plus concentré en « phytoœstrogènes », et ce sous leur forme la plus assimilable... Mercola a été plusieurs fois mis en garde par les autorités sanitaires étasuniennes (FDA) pour son charlatanisme. http://www.casewatch.org/fdawarning/prod/2005/mercola.shtml La Weston A. Price Foundation prend-elle ses lecteurs pour des idiots ? Compte tenu du nombre de jobards qui prennent cette grossière propagande pour argent comptant, sans vérifier ou recouper quoi que ce soit, on peut légitimement penser que cette officine de propagande, par ailleurs proche des néo-conservateurs étasuniens, aurait tort de s'en priver. (…) Pour fabriquer du lait de soja, on broie des graines de soja dans de l'eau portée à ébullition, puis on filtre le liquide obtenu avec un linge en coton : quoi de plus naturel ? Quant au tofu, il suffit d'ajouter au lait de soja du nigari, un sel (chlorure) de magnésium, extrait d'eau de mer, ou du sulfate de calcium, ou plus simplement encore du jus de citron ou du vinaigre, pour obtenir cet aliment qui nourrit les Asiatiques depuis des millénaires. 4 Comme le montre sans ambiguïté ce tableau publié par Michihiro Sugano, professeur émérite de la Kyushu University et de la Prefectural University of Kumamoto, au Japon, le soja est très majoritairement consommé sous forme de tofu (« soy curd »), donc sous forme non fermentée. Au Japon, le natto, un aliment à base de soja fermenté, est consommé régionalement, son goût et son aspect, très typés n'en font pas un aliment unanimement apprécié, surtout dans l’ouest du pays. in Soy in Health and Disease Prevention. Michihiro Sugano. August 29, 2005. À propos de la Chine, on pouvait ainsi lire en 1880 dans le Bulletin de la Société d'Acclimatation à « Nous n'avons à mentionner ici que l'immense consommation du lait de Soya »... Le Soya. Bulletin de la Société impériale zoologique d'acclimatation. Volume 27, 1880, page 449 5 De même, le tofou est également consommé traditionnellement comme l'atteste entre autre ce document, publié en français, de la Société nationale d'acclimatation, en 1855, qui de ce fait sera difficilement attribuable à un complot du « lobby américain du soja », cette plante étant alors quasi inconnue aux États-Unis (cf. page 645, « Teo-fou »). http://books.google.fr/books?id=76cgAQAAMAAJ&pg=PA645&dq=montigny+teo- fou&hl=fr&ei=CxgsTonfMMaXOtyltOUK&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved= 0CC4Q6AEwAA#v=onepage&q=montigny%20teo-fou&f=false Pour l'anecdote, le premier aliment à base de soja décrit par un Occidental, en 1665, fut précisément le lait de soja. Domingo Fernández Navarrete (1610 – 1689), Una colección de viajes y de recorridos comme le confirme cette gravure ancienne exposée à Tapei montrant un vendeur ambulant de lait de soja : Vendeur ambulant de lait de soja (tou-chiang), National Palace Museum, Taipei, Taïwan À noter enfin que la popularité du lait de soja ne se dément pas en Asie puisque, selon la FAO, il se consomme actuellement en Asie davantage de lait de soja que de Coca-Cola. 6 Pourquoi alors cette petite manigance à propos du soja fermenté de la part des adversaires du soja ? Les activistes anti-soja sont confrontés à un problème : comment expliquer qu'un aliment qu'ils accusent de tous les maux (augmentation du risque de cancer, d'Alzheimer, de maladies cardiovasculaires, d'infertilité, et j'en passe) soit massivement consommé sans le moindre inconvénient par des millions de personnes et ce depuis des millénaires ? Pour contourner l'objection, la WAPF a inventé cette légende urbaine du soja consommé exclusivement sous forme fermentée. Les aliments fermentés (natto, tempeh, et dans une moindre mesure le miso, qui est plutôt un condiment) sont des aliments très typés qui ne se déclinent pas en aliments susceptibles de concurrencer l'industrie laitière ou de la viande, contrairement au lait de soja (yaourts, crèmes desserts, etc.) ou au tofu (steaks, viande hachée, etc.). Remarque : pour ceux qui veulent absolument consommer du soja fermenté, les yaourts au soja (Biochamps, Sojasun, Sojade, etc.) ou fromage au soja (Sojami) sont toujours possibles. Ceci me donne aussi l'occasion de confesser ma forfaiture : je roule effectivement pour le « lobby du soja » puisque mon ami Jean-James Garreau, fondateur du Sojami, m'a définitivement corrompu en m'offrant il y a quelques temps des échantillons de son nouveau produit, en l'occurrence du tofu lacto-fermenté. Ma réputation de scientifique sérieux et intègre survivra-t-elle à cet aveu ? En tout cas, le tofu lacto-fermenté était délicieux. Ceci explique pourquoi la WAPF concentre sa propagande sur ces aliments, pourtant traditionnels et prépondérants en Asie. Seul le tempeh est majoritairement consommé en Indonésie, mais sans pour autant exclure le tofu, qui reste largement prépondérant en Chine, au Japon et au Vietnam. La relative prépondérance du tempeh en Indonésie s'explique par les spécificités climatiques de ce pays (climat équatorial) où un aliment non fermenté comme le tofu se conserve mal, alors que le tempeh, obtenu par fermentation spontanée, bénéficie de cette méthode de conservation naturelle. Le ferment (Rhizopus oligosporus) utilisé empiriquement pour la fabrication du tempeh, empêche en effet le développement de bactéries et de moisissures indésirables (Aspergillus sp.). 7 Liens : http://www.lanutrition.fr/les-news/cancer-du-sein-le-soja-diminuerait-le-risque-derechute.html http://www.lanutrition.fr/les-news/soja-apres-la-menopause-pas-de-risque-de-cancer.html http://www.lanutrition.fr/les-news/hypertension-les-bienfaits-des-isoflavones.html http://www.lanutrition.fr/les-news/cancer-du-sein-le-role-benefique-du-soja-se-precise.html http://www.lanutrition.fr/bien-dans-son-assiette/aliments/le-soja/comment-la-tele-flingue-lesoja.html?pop=1&tmpl=component http://www.lanutrition.fr/communaute/opinions/interviews/herve-berbille-une-place-dechoix-pour-le-soja.html http://www.springerlink.com/content/9c40cgrklffp5e1k/ 8