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Note d’iNteNtioN
« Il y a une idée du spectacle intégral à faire renaître. Le problème est de faire parler, de nourrir et de meubler
l’espace ; comme des mines introduites dans une muraille de roches planes, et qui feraient naître tout à coup des
geysers et des bouquets ». C’est dans cette idée développée par Antonin Artaud que j’essaie de travailler en utilisant
toute la matière dont nous disposons (musiciens, comédiens, costumes, lumières...) comme outils implantés et coor-
donnés dans l’espace pour qu’il puisse jaillir des artices de notre machine théâtrale.
L’envie n’est pas de mettre en scène un texte mais plutôt de penser, de discuter, remanier une idée première puis un
texte avec l’équipe qui m’accompagne. La démarche du début de travail est de centrer chacun d’entre nous sur une
base, un point de départ commun, puis de voir comment par les réponses relatives aux diérents corps de métier,
nous pourrons voyager, interroger d’autant plus cette base : le texte.
Sachant que je voulais uniquement des matériaux créés par nous-mêmes, nous avons donc remanié, réécrit, cham-
boulé ou coupé le texte d’origine.
Le décor est pris en charge par « des corps » scénographiques, c’est-à-dire des corps qui construisent l’espace, en es-
sayant toujours d’épurer ou de supprimer au maximum l’apport d’objets extérieurs. Ils sont les fantasmes consom-
més de « Lui » et condamnés à errer dans son esprit, relégués au statut de régisseurs ou décors de son imaginaire alors
que Solange en est l’actrice principale.
Le décor musical (morceaux, improvisations ou bruitages) est écrit pendant les répétitions en nous eorçant d’éviter
au maximum les partitions existantes. Il est les sons, les grincements, les illusions sonores du 9m2.
Le travail est l’exhibition d’une solitude, non pas celle due à un certain milieu social ou due à tel ou tel échec mais
de la solitude en ce qu’elle a d’universel. La volonté n’est pas de raconter la petite histoire d’un pauvre monsieur
solitaire, mais plutôt de donner à voir un moment de la machine infernale de son ennui, sans jugement social ou
psychologique.
Nous nous sommes tournés au fur et à mesure vers un théâtre qui donne à observer ces mécanismes et qui laisse
libre le public de prendre ce qui lui parvient plutôt que d’aller vers un théâtre narratif, qui se construit au l d’intrigues
et de situations dénies. Le public est introduit comme observateur.
Le rapport que je cherche à certains moments est celui qu’instaure Bruno Meyssat dans plusieurs de ses specta-
cles et notamment dans Observer. Il donne de nombreux éléments de décor plus ou moins parlants, plus ou moins
explicites des situations de jeu sans jamais donner de réponse claire à la présence de ces objets. C’est au spectateur
« d’observer » et de se construire son spectacle. L’enjeu est de donner le moins de clés possibles pour ouvrir au
maximum les possibilités du contenu sans pour autant perdre totalement le spectateur dans une simple accumula-
tion d’images.
Par ce spectacle, nous souhaitons orir un temps pour se questionner sur deux thématiques principales :
l’enfermement et la notion de fantasme.
L’ambition d’utiliser essentiellement notre propre matière suivant nos
différentes aptitudes et d’en dégager la théâtralité.