Français 603 - 605
Séquence 3 : Jean Genet, Les Bonnes, 1947.
Lecture analytique
Réponse aux questions de l’analyse sous forme rédigée
Extrait 3 : « Hurlez si vous voulez ! »…. Jusqu’à « Claire, nous sommes perdues ». (p. 105 à 109 ; éd. folio)
Introduction
Cet extrait peut-être considéré comme le dénouement métaphorique de cette pièce de Jean Genet en un
acte. Solange tue Claire-Madame dans une projection imaginaire ou cérémonie théâtralisée du meurtre. Elle a
ensuite la vision de sa condamnation et de son exécution. Le meurtre réel de Claire, qui se produit dans la
continuité de cette scène fantasmée, renforce de fait l’effet de réalisme du véritable dénouement. Ce monologue
est ainsi l’expression d’un paroxysme qui confronte Solange à Madame et se réalise dans un flot de paroles qui
confirme la progression de la folie meurtrière des deux bonnes. L’extrait questionne également l’identité des
personnages et la fonction cathartique du théâtre.
Quelles sont les étapes de ce monologue, inscrites dans l’imagination de Solange ? Comment
Solange parvient-elle à faire fusionner le réel et l’imaginaire dans son exaltation face à Claire-Madame ?
I) – Les étapes du monologue de Solange.
Dans la première étape, lignes 1 à 71, on peut parler de meurtre métaphorique. La cérémonie est à son
paroxysme et Claire ne parvient pas à endiguer la violence verbale de Solange. Dans la seconde étape, lignes 72
à 109, qui constitue une mise en abyme dans la mesure où le personnage devient lui-même metteur en scène,
Solange réalise en paroles le fantasme de son exécution. A noter que ces deux étapes se trouvent séparées par
une didascalie qui indique une pause obligée dans la parole du personnage, Solange se dirige vers la fenêtre,
l’ouvre et monte sur le balcon.
De plus, dans cette étape s’opère une inversion des valeurs. Solange invite Madame à « rester assise »,
et cette dernière porte également « une robe noire ». Elle doit désormais appeler Solange « mademoiselle
Lemercier ». La didascalie Elle imite la voix de Madame donne la parole à Madame, qui se substitue à Solange.
Enfin, au moment des condoléances des domestiques, Solange signifie à Madame que, par son crime, elle a
changé de statut, « Je suis l’égale de Madame ».
Ensuite, Solange va s’adresser successivement à des personnages imaginaires. A l’inspecteur de police,
à Madame, à Monsieur puis enfin de nouveau à Madame (cf. texte). A partir de la réplique « Moi, j’ai ma
sœur », Solange rappelle sa nouvelle personnalité et son identité de criminelle, « Je suis l’étrangleuse ».
La seconde étape est annoncée par les paroles mêmes de Solange « Elle va sortir » qui mettent ainsi en
scène le contenu de son monologue. Elle se dirige alors vers le balcon où elle restera « le dos au public ». Le
cérémonial qu’elle décrit ensuite peut être ainsi assimilé à un fantasme qu’elle organise dans une description
théâtralisée parfois étrange. La vision suit alors les différents interlocuteurs auxquels elle semble s’adresser. A
elle-même tout d’abord, puis au public, « Mettez-vous au balcon… ». Elle prend ensuite sa sœur à témoin, « Le
bourreau m’accompagne Claire », puis utilise la troisième personne, « Elle sera conduite en cortège… » et enfin
la première personne, « Je suis pâle et je vais mourir. ». Mais, elle retourne bientôt dans la pièce pour constater
son échec et sa mort, « On lui fait un bel enterrement, n’est-ce pas ? Claire ! Tout ce qui précédait n’était
qu’une performance théâtrale. Elle proclame néanmoins à nouveau sa nouvelle identité, « Maintenant nous
sommes mademoiselle Solange Lemercier. La femme Lemercier. La Lemercier. La fameuse criminelle. Faut-il
y voir une allusion, par les échos sonores, à la Brinvilliers, « fameuse empoisonneuse » du XVIIe siècle.