La préhistoire au Sénégal Table des matières Préface Avant-propos Chapitre 1 Comment identifier une pierre taillée préhistorique Chapitre 2 Les subdivisions de l'âge de la pierre Chapitre 3 Origine et évolution de l'homme Chapitre 4 La méthode du carbone 14 Chapitre 5 Dix années de recherches archéologiques au Sénégal Chapitre 6 Les sites préhistoriques de la sénégambie Chapitre 7 Les sites protohistoriques de la Sénégambie Chapitre 8 Les mégalithiques du Sénégal Chapitre 9 Excursion préhistorique dans les environs de Dakar Chapitre 10 Excursion préhistorique dans les environs de Thiès Chapitre 11 De Dakar à Fadiout, visite de sites préhistoriques Chapitre 12 Visite de sites mégalithiques Annexes Liste des figures 4 La préhistoire au Sénégal Chapitre 1 Comment identifier une pierre taillée préhistorique Chapitre 1 Comment identifier une pierre taillée préhistorique II arrive souvent que les chercheurs appelés à se rendre sur le terrain (géologues, pédologues, géographes, naturalistes...) ou les simples promeneurs se trouvent en présence de pierres dont la forme les intrigue : s'agit-il de pierres taillées par l'homme préhistorique ou de simples cailloux naturels ? Si la réponse à cette question est évidente pour des formes aussi élaborées que le biface ou la pointe de flèche, il n'en est pas de même pour les simples éclats ou les outils sommairement retouchés. Or, si l'on connaît quelques principes généraux, un examen rapide de la pièce permet de se prononcer à coup sûr (dans 95 % des cas) sur l'origine naturelle ou artificielle de la taille de cette pièce. Cette identification sur le terrain, sans avoir recours à l'avis d'un spécialiste, peut rendre de grands services. D’abord en provoquant la recherche et la découverte d'autres pièces, celles-ci étant rarement isolées, et pouvant révéler toute une industrie (terme consacré pour désigner l'ensemble des objets manufacturés par une population préhistorique). Mais aussi en permettant de mieux comprendre le site observé : par exemple la présence d'objets taillés dans un profil pédologique ou stratigraphique est un précieux indicateur pour l’interprétation génétique et chronologique de ce profil. Nous ne nous étendrons pas sur le cas de l'enseignant à qui l'élève amène des pierres de forme bizarre dont il voudrait connaître la nature... 24 La préhistoire au Sénégal Chapitre 1 Comment identifier une pierre taillée préhistorique Dans une première partie, nous signalerons les principales roches susceptibles d’être taillées, puis après avoir définis quelques termes de typologie, « science qui reconnaît, étudie et classifie les différents objets travaillés par l'homme préhistorique » selon François Bordes, nous évoquerons les produits fondamentaux du débitage de la pierre. Dans une seconde partie, nous passerons en revue les principaux types d'outils en pierre taillée. I - Les fondements de la typologie lithique A - Roches utilisées à l’âge de la pierre Pour être apte à la taille, une roche doit être à la fois dure et cassante (à cassure lisse ou conchoïdale). Seuls les matériaux qui réunissent ces deux propriétés donnent de bons résultats, et l’homme préhistorique les a recherchés sélectivement. Deux roches répondent parfaitement à cette exigence : – le silex, roche sédimentaire d'origine organique, présente dans de nombreuses formations géologiques, a été de tous temps le matériau le plus employé. On le trouve sur les cinq continents. Son importance est telle que, pour le profane, silex taillé et pierre préhistorique sont souvent synonymes. Il existe toutes sortes de variétés de silex plus ou moins pures (chert, chaille). La couleur du silex varie d’une région et d’un site à l’autre, suivant son origine et sa patine. 25 La préhistoire au Sénégal Chapitre 1 Comment identifier une pierre taillée préhistorique – 1'obsidienne, lave volcanique de texture vitreuse, est peut-être encore meilleure que le silex. Là où on la trouve (Est africain, Amérique centrale, Sicile) elle a été utilisée abondamment. Les préhistoriens font souvent leurs expériences de taille sur 1’obsidienne, avec laquelle ils obtiennent les résultats les plus spectaculaires. En dehors de ces deux matériaux, d'autres roches ont été utilisées comme le grès quartzite (Acheuléen de Mauritanie par exemple), le quartz, le jaspe, etc. Les roches trop dures, ou à cassure rugueuse (granités, basaltes, gabbros...) sont plutôt employées pour faire le matériel de broyage : percuteurs, meules, molettes, broyeurs. Les roches trop tendres comme le calcaire n’ont pratiquement jamais été taillées. B - Définition de quelques termes1 Le débitage est l’action intentionnelle de fractionner un bloc de matière première en vue d'utiliser tels quels ou de façonner ultérieurement les produits de cette action. La retouche est 1'action de modifier une pièce brute par enlèvement de matière première. Toutes les possibilités de modifications, intentionnelles ou accidentelles, sont incluses dans cette définition (par exemple, esquiller un tranchant par utilisation est une retouche). 1. Nous sommes redevables à Jacques Tixier de la formulation des définitions données ici. 26 La préhistoire au Sénégal Chapitre 1 Comment identifier une pierre taillée préhistorique Retoucher signifie, dans un sens plus restrictif : « aménager en outil un produit de débitage ». Cet aménagement se fait par percussion, pression ou polissage. Les retouches sont les traces laissées par ce travail. Le débitage et la retouche se font au moyen d'un percuteur, un « Marteau naturel » (F. Bordes) utilisé par les tailleurs préhistoriques pour débiter ou retoucher la pierre dure. Le percuteur peut être un galet ou un bloc de pierre, un fragment de bois végétal ou animal (ramure de Cervidé), un os, un fragment d’os ou d'ivoire, etc. On appelle percuteur dormant un bloc de roche plus ou moins dure posé sur le sol, ou immobile, sur lequel on frappe un bloc de matière première pour le façonner. Il diffère de l’enclume, où la matière première est posée avant d’être frappée par le percuteur mobile. Les différents types de percussion sont : – la percussion directe simple (Fig. 1). – la percussion directe sur enclume = écrasée = bipolaire (Fig. 2). – la percussion indirecte pour laquelle on interpose un ciseau de bois dur, d’os, de corne, un galet allongé, etc. (Fig. 3). – la pression (Fig. 4). Deux paradoxes apparents peuvent être vérifiés expérimentalement : – il est possible de tailler la pierre avec une matière moins dure qu'elle, bois ou os, et les produits sont plus fins que dans une taille pierre contre pierre. 27 La préhistoire au Sénégal Chapitre 1 Comment identifier une pierre taillée préhistorique – il est possible de tailler la pierre par pression (technique utilisée rarement et tardivement pour le débitage, plus fréquemment pour la retouche). C - Les produits du débitage Le nucléus (pluriel : des nucléus) est le bloc de matière première d’où ont été tirés éclats, lames et lamelles. Souvent le nucléus subit une préparation intentionnelle pour que les produits du débitage aient une forme prédéterminée. 28 La préhistoire au Sénégal Fig. 1 Chapitre 1 Comment identifier une pierre taillée préhistorique Fig. 1. Percussion directe Fig. 2 Fig. 2. Percussion bipolaire Fig. 3 29 Fig. 3. Percussion indirecte La préhistoire au Sénégal Chapitre 1 Comment identifier une pierre taillée préhistorique A. Débitage Fig. 4 B. Retouche Fig. 4. Débitage et retouche par pression d'après François Bordes On classe les nucléus en : – nucléus cannelés : pyramidaux, plats. – nucléus non cannelés : pyramidaux, cylindriques, plats, croisés, discoïdes, globuleux, divers. Le plan de frappe est la partie du nucléus sur laquelle vient frapper le percuteur. Le plan de frappe peut être une surface naturelle, lisse ou préparée. L’éclat est le produit fondamental du débitage. Sa définition est très générale : fragment de roche dure intentionnellement détaché. 30 La préhistoire au Sénégal Chapitre 1 Comment identifier une pierre taillée préhistorique Le talon est la partie du plan de frappe que l’éclat a emporté. Suivant la nature du plan de frappe, il peut être naturel (cortical), lisse ou facetté. On oriente conventionnellement l'éclat pour pouvoir en décrire les différentes parties (Fig. 5). La face d’éclatement est nommée face inférieure, la face opposée est la face supérieure. Le talon est dans la partie proximale ou basale, 1’extrêmité opposée est dite distale. L’éclat étant posé sur la face inférieure et vu par la face supérieure, on distingue le bord droit du bord gauche. La face supérieure peut porter les marques d'enlèvements préalables, séparées par des nervures, et des résidus de la surface originelle du nucléus ou cortex. S’il s'agit du premier éclat débité d'un bloc, la face supérieure est entièrement corticale. La face inférieure est lisse ou conchoïdale. Sur le dièdre talon / face inférieure, on repère le point d’impact et, à partir de celui-ci, un bulbe de percussion plus ou moins marqué selon l’intensité du choc, le percuteur utilisé et la roche concernée. Le bulbe porte, dans 20 à 40 % des cas, un enlèvement parasite, 1'esquillure de percussion. Un éclat montrant une face supérieure nervuré ou partiellement cortical, une face inférieure lisse sur laquelle on reconnaît un bulbe de percussion, et un talon avec ou sans marques de préparation (facettes) est nécessairement manufacturé. 31