curriculum
Forum Med Suisse 2012;12(17):347–351 348
kinétique [11, 12]. Seule une surcharge de pression chro-
nique provoque une hypertrophie compensatoire du
myocarde (= cœur pulmonaire) [13]. La dilatation du VD
peut être à l’origine d’une insufsance tricuspidienne,
avec surcharge de volume et dysfonction supplémen-
taire du VD [5]. De plus, l’insufsance VD provoque une
augmentation des pressions de remplissage droites et
une diminution du volume d’éjection pouvant être à
l’origine d’un choc cardiogène avec bas débit cardiaque.
Etiologie de l’insufsance droite aiguë
L’ étiologie la plus fréquente de l’insufsance VD est
l’hypertension pulmonaire, elle-même secondaire à de
très nombreuses pathologies de la circulation pulmo-
naire et des poumons. Il est vrai que bon nombre de ces
pathologies sont plutôt la cause d’une insufsance car-
diaque droite chronique; toutefois, certaines de ces pa-
thologies peuvent déclencher une insufsance VD aiguë
et potentiellement fatale (par ex. embolie pulmonaires
aiguë). Selon les directives actuellement en vigueur, il est
question d’hypertension pulmonaire (HP) si la pression
moyenne dans l’artère pulmonaire (mPAP) mesurée par
cathétérisme cardiaque droit invasif est 025 mm Hg au
repos [14]. Les différentes étiologies de l’HP sont sub-
divisées en 5 groupes (tab. 2 p) [14]. Les pathologies
du groupe 1 ont des caractéristiques hémodynamiques
et histologiques semblables (prolifération de l’intima,
hypertrophie de la media, inammation périvasculaire
modérée au niveau des artères pulmonaires distales) et
répondent bien aux inhibiteurs de la phosphodiestérase
(par ex. sildénal) et aux antagonistes du récepteur de
l’endothéline (par ex. bosentan). La maladie occlusive
des veines pulmonaires est classée dans ce groupe 1. Le
groupe 2 comprend la plus grande partie des HP [1]. Il
se produit ici une transmission passive en amont des
pressions du ventricule gauche insufsant via le lit post-
capillaire vers les artères pulmonaires; le gradient
transpulmonaire entre la mPAP et la pression bloquée
dans les artères pulmonaires (wedge pressure) est dès
lors <12 mm Hg [14]. Si ce gradient est >12 mm Hg,
l’HP est dite exagérée ou-hors de proportion. Cette HP
exagérée peut résulter d’une part d’une vasoconstric-
tion réactive et donc être reversible; d’autre part, elle
peut être provoquée par des lésions vasculaires structu-
relles non réversibles après administrations de vasodi-
latateurs. 5–10% des patients souffrant de broncho-
pneumopathie chronique obstructive (groupe 3) ont
une HP et développent une insufsance cardiaque
droite chronique [15, 16]. Les mécanismes qui en sont
à l’origine sont une vasoconstriction des artères pulmo-
naires en réaction à l’hypoxie et à l’hypercapnie, ainsi
qu’un épaississement de toutes les couches des parois
vasculaires. Dans l’ARDS (acute respiratory distress
syndrome) vient s’y ajouter une oblitération capillaire
[17]. Sont caractéristiques du groupe 4 des embolies
fraîches et/ou anciennes et organisées, dans les artères
pulmonaires; il y a fort heureusement dans ce tableau
clinique (HP thrombo-embolique chronique) des chances
de guérison par intervention chirurgicale (thromben-
dartérectomie pulmonaire). Le groupe 5 rassemble des
maladies rares (par ex. maladies myéloprolifératives,
thésaurismoses) pouvant provoquer une HP, dans les-
quelles les mécanismes étiologiques et pathologiques
sont multifactoriels ou non précisés.
En dehors de l’HP, l’hypoperfusion coronaire droite (isché-
mie) est une importante étiologie d’insufsance a iguë du
VD [18]. La coronaire droite perfuse généralement le myo-
carde du VD. Physiologiquement, le VD est perfusé aussi
bien pendant la systole que pendant la diastole en raison
des pressions intracavitaires basses. Ceci n’est par contre
pas le cas pour le ventricule gauche, qui est perfusé
princi palement pendant la diastole. Une occlusion aiguë
de la coronaire droite provoque une ischémie et consécu-
tivement une diminution de la fonction du VD [3]. Du fait
que le nœud sinusal et le nœud atrioventriculaire (AV)
sont tout deux perfusés par des branches de la coronaire
droite [19], les arythmies telles que brillation auriculaire
ou les troubles de la conduction de type blocs AV sont fré-
quents après un infarctus du myocarde droit et a ggravent
encore l’hémodynamique cardiaque [20].
L’ insufsance VD est un problème fréquent après inter-
vention cardiochirurgicale. Dans une étude portant sur
75 patients ayant un bas débit cardiaque après une
i ntervention cardiochirurgicale, 42% avaient une dys-
fonction VD [21]. Les causes possibles d’une insuf-
sance VD post opératoire sont: (1) une ischémie myocar-
dique par air intramyocardiaque, suite à un «dearing»
incomplet des cavités cardiaques et passage d’air dans
la coronaire droite située ventralement, (2) une cardio-
protection insufsante par la s olution de cardioplégie et
(3) des lésions de reper fusion.
Ta bleau 1. Causes d’insufsance cardiaque droite.
Mécanisme Causes
Diminution de la précharge (= preload)
par diminution du remplissage du VD
Hypovolémie, tamponnade péricardique,
pneumothorax sous tension, syndrome du
compartiment abdominal, ventilation
mécanique (PEEP)
Diminution de la contractilité
(= inotropie)
Ischémie myocardique, cardioprotection
insufsante pendant cardiochirurgie, air dans
les coronaires après machine cœur-poumon,
cardiomyopathie septique, myocardite,
cardiomyopathie arhythmogène du VD
Augmentation des résistances vasculaires
pulmonaires (= afterload) par obstruction
vasculaire, remodeling vasculaire,
hypertension veineuse pulmonaire,
vasoconstriction hypoxique et/ou
hypercapnie, raréfaction vasculaire,
augmentation de la pression
intrathoracique
Hypertension artérielle pulmonaire,
hypertension pulmonaire dans les pneumo-
pathies telles que ARDS/COPD, embolies
pulmonaires ou CTEPH, congestion veineuse
pulmonaire dans l’insufsance cardiaque
gauche, ventilation mécanique (PEEP)
Anomalie anatomique (surcharge
pression/volume)
Anomalie des valves pulmonaire ou
tricuspide, communication interauriculaire,
communication interventriculaire
Arythmies et troubles de la conduction Bloc AV degrés II et III, brillation auriculaire
ARDS = acute respiratory distress syndrome
Bloc AV = bloc atrioventriculaire
COPD = chronic obstructive pulmonary disease
CTEPH = chronic thromboembolic pulmonary hypertension
PEEP = positive end-exspiratory pressure
VD = ventricule droit