Souffrance au travail - Médecine du Travail de l`Aisne

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LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 4 du 19-02-2008
Avec l’allongement des années d’études et du
temps de la retraite, le travail qui occupait, en
1900, 40 % de la vie d’un individu n’en occupe
plus, un siècle plus tard, que 10 %* ! Pour-
tant, travail et identité restent étroitement liés : c’est
en forgeant que l’on devient forgeron ! Pas étonnant
donc que la souffrance au travail se traduise par une
perte identitaire et confine à la dépression (p. 204).
Au début du XXIesiècle, les salariés ont vu la reconnais-
sance de leur souffrance liée au travail, à tel point que
le harcèlement fait l’objet d’une prise en charge en
maladie par le biais de la législation sociale depuis la
loi du 17 janvier 2002. Est-ce pour cette raison que l’on
a trop tendance à vouloir étiqueter « harcèlement »
toute plainte liée au travail ? Pourtant, comme le rap-
pelle utilement Marie Pezé, Marie-Christine Soula et
Nicolas Sandret dans ce dossier, le clinicien doit exer-
cer son esprit d’analyse pour démêler ce qui revient
au stress, à la névrose traumatique, à l’épuisement
professionnel ou au harcèlement. Pour cela, il doit
bien connaître la méthodologie de l’entretien avec le
salarié en souffrance (tableau p. 214), il peut s’aider de
critères de repérage des pratiques organisationnelles
potentiellement pathogènes (tableau p. 207) et d’indi-
cateurs de souffrance (tableau p. 214).
Doté d’une telle perspicacité clinique, chacun se ren-
dra compte de la facilité avec laquelle la hiérarchie
met en avant les conflits interpersonnels, les diffi-
cultés relationnelles, au lieu de repérer les dysfonc-
tionnements de l’organisation du travail, voire de
remettre en cause ses compétences.
Reste que malgré toutes les avancées dans ce
domaine, il est encore bien difficile pour un salarié de
prendre conscience de sa souffrance, puis de la faire
reconnaître, même si les intervenants sont nombreux
(p. 215).
Christine Maillard,
le Concours médical
* En 1900, la durée de vie était de 500 000 heures, et le temps passé au
travail de 200 000 heures ; en 2004, la durée de vie était de 700 000 heures,
et le temps de travail de 63 000 heures pour quarante années de travail.
Les nouveaux visages du travail, Le journal du CNRS, 184, mai 2005.
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SOUFFRANCE
AU TRAVAIL
Sommaire
Marie Pezé*, Marie-Christine Soula**, Nicolas Sandret***
* Docteur en psychologie, psychanalyste, expert près la cour d’appel
de Versailles, consultation « souffrance et travail », hôpital
Max-Fourestier, Nanterre
** Médecin inspecteur régional du travail, attachée de consultation
de pathologie professionnelle, hôpital Raymond-Poincaré, Garches
*** Médecin inspecteur régional du travail, attaché de consultation de
pathologie professionnelle, CHIC de Créteil
204 Le travail, c’est la santé
208 Pathologies de « surcharge »
213 S’entretenir avec le salarié en souffrance
215 Les acteurs de la prise charge
Stress, épuisement,
harcèlement…
WEB +
La liste des consultations spécialisées « souffrance au travail »
est disponible sur : www.concoursmedical.com et www.egora.fr
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SOUFFRANCE AU TRAVAIL
TRAVAILLER, SE TRAVAILLER
La construction de l’identité reste toujours inachevée
et grevée de failles, qui marqueront le sujet, d’impasses
relationnelles auxquelles il s’est heurté dans l’enfance.
La souffrance du sujet est donc héritière de la souffrance
des parents ; elle est aussi attente d’accomplissement de
soi, de construction identitaire. Cette identité, nous la
tenons aussi du regard d’autrui. À l’âge adulte, la quête
de l’accomplissement de soi va se jouer sur deux scènes
majeures : le théâtre amoureux, d’abord ; le champ social
où le travail joue un rôle central, ensuite.
Construire son identité grâce au travail
La régulation de notre « estime de soi » dépend sou-
vent des autres. Le retrait d’amour de « la société » serait
l’équivalent d’une blessure narcissique ; ce retrait d’a-
mour, dans la mesure où il équivaut à un retrait d’estime,
peut aboutir à des affects très particuliers comme la
honte.
Le sujet attend une reconnaissance de son travail
En contrepartie de la contribution qu’il apporte à l’or-
ganisation du travail, le sujet attend une rétribution. Pas
simplement un salaire mais aussi une reconnaissance. La
psychodynamique du travail souligne l’importance de
cet axe de réflexion. La reconnaissance de la qualité du
travail accompli est la réponse aux attentes subjectives
dont nous sommes porteurs. Alors, les doutes, les diffi-
cultés, la fatigue s’évanouissent devant la contribution à
l’œuvre collective et la place que l’on a pu se construire
parmi les autres.
La reconnaissance est fondée sur deux jugements :
– le jugement d’utilité, énoncé par la hiérarchie, porte
sur l’utilité sociale, économique ou technique du travail
(il évalue les objectifs atteints) ;
– le jugement de beauté, énoncé par les pairs de la com-
munauté d’appartenance. Ce jugement esthétique com-
porte 2 volets : conformité du travail par rapport aux
règles de métier qui constituent le collectif de travail (le
simple respect des règles renvoie au conformisme) ; ori-
ginalité du travail, différent de celui des autres.
La reconnaissance de la qualité du travail accompli va
s’inscrire en termes de gain dans le registre de l’identité.
Elle subvertit la souffrance et les efforts en plaisir du tra-
vail accompli. Cette construction de l’identité dans le
travail est l’armature de la santé mentale et physique ; si
l’organisation du travail ne la permet pas, l’armature
s’effondre (Ch. Dejours, 1993, 1995, 1998).
Le travail se situe dans l’écart entre le prescrit et le réel
Le travail fait l’objet de nombreux discours savants. Le
juriste parle du contrat de travail, le chef d’entreprise
évoque les objectifs, l’organisateur définit les consignes,
le physiologiste parle de biomécanique. Du côté de l’or-
ganisation du travail, l’expérience du travail est banali-
sée, c’est l’application des consignes. Mais sur le terrain,
travailler implique de se confronter au monde.
Travailler, c’est tenir d’un côté la prescription de la
hiérarchie et de l’autre la résistance du réel. Car la pres-
cription sous-estime toujours la variabilité de la situa-
tion : les directives sont données pour une situation type
qui ne se présente jamais. Affecté à une tâche, le tra-
vailleur cherche un ordre, une séquence de gestes, d’opé-
rations mentales, un choix d’outils, qui réalisent un
mode opératoire spontané, se perfectionnant au gré des
modifications successives. La même tâche, effectuée par
des travailleurs différents, n’est pas toujours réalisée
selon un seul et même protocole. C’est dans cet écart
entre le prescrit et le réel que se trouve d’ailleurs la véri-
table définition du travail : « Le travail, c’est la mobilisation
En travaillant, le sujet se forge une identité, véritable armature
pour la santé, mais l’impossibilité de faire comprendre à sa
hiérarchie les impasses de l’organisation du travail aboutit à une
crise identitaire, avec à la clé, dépression, fatigue, absentéisme,
voire démission.
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LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 4 du 19-02-2008
Le travail, c’est la santé
À condition d’en reconnaître
la qualité
DR
La reconnaissance
de la qualité du
travail accompli est
la réponse aux
attentes subjectives.
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des femmes et des hommes face à ce qui n’est pas donné par l’or-
ganisation du travail » (Ph. Davezies, 1997).
Dans le travail, la construction de l’identité implique la
relation à autrui, mais aussi au réel. Ce que le sujet cher-
che à faire reconnaître là, c’est son faire, non son être.
Dans le travail, le réel se fait essentiellement connaître
par le décalage irréductible entre l’organisation prescrite
et l’organisation réelle du travail.
TRAVAILLER ENSEMBLE (SCHÉMA)
En psychodynamique du travail, une attention parti-
culière est apportée à la construction des collectifs de
travail qui soudent un groupe autour des règles du
métier. La coopération nécessite non seulement un ajus-
tement des procédures singulières d’exécution de la
tâche, mais aussi une confrontation des positions
éthiques de chacun sur la base d’une confiance partagée,
et donc d’une coopération possible. Il ne suffit pas de
juxtaposer les tâches et de prévoir les communications
entre les postes. Ce ne sont pas les tâches qu’il faut coor-
donner, mais les façons de travailler des hommes et des
femmes de métier. C’est la mobilisation individuelle et
collective qui vient pallier le manque dans les prescrip-
tions de l’organisation du travail, mais c’est cette même
mobilisation de chacun et de tous qui, du coup, masque
les failles du système. Car si le travail raté se voit, le tra-
vail efficace demeure invisible.
Partager les mêmes règles de métier, confronter
les expériences
Il ne suffit pas d’aligner les personnels les uns à côté
des autres pour que la coopération naisse. La confiance
est fondée sur une communauté de valeurs. La confiance
se construit mais pas à partir du partage de conceptions
théoriques. On a confiance parce qu’on sait qu’on par-
tage les mêmes règles de métier. Cette construction sup-
pose l’existence de discussions, de confrontations des
opinions, de manière formelle au cours de réunions
instituées, mais le plus souvent dans les espaces infor-
mels des pauses-café, des repas, des échanges de couloirs
où s’ajustent les postures pratiques et éthiques person-
nelles.
Cette possibilité de confrontation des expériences
peut être gravement perturbée par une organisation du
travail axée uniquement sur le rendement, la rigidité
des prescriptions, et qui traque les temps dits morts, ou
une organisation du travail trop directive, désubjecti-
vante.
Les initiatives personnelles pallient les carences de l’orga-
nisation du travail
Les initiatives personnelles destinées à pallier les
carences de l’organisation du travail permettent de faire
correctement le travail réel. Le sujet peut, si les condi-
tions s’y prêtent, déployer des trésors d’imagination et
d’ingéniosité. Or l’ingéniosité, l’imagination, la créati-
vité, l’initiative impliquent de manquer aux règlements,
aux procédures, aux prescriptions, bref, de transgresser.
S’il existe une véritable coopération dans le collectif de
travail, les « tricheries » pourront être débattues, rapa-
triées dans le procès de travail, et donc être reconnues.
Reconnaître la contribution du travailleur, c’est donc recon-
naître cette carence organisationnelle
La mise en visibilité de la trouvaille soulève la ques-
tion de confiance. Les conditions de la coopération sont
multiples et reposent d’abord sur la confiance : il faut
que le zèle individuel et les inventions rusées soient arti-
culés de manière visible ; ce qui ne peut se faire que par
la discussion, la délibération, la construction de règles
de travail.
L’impossibilité de partager, parce que le collectif
n’existe pas ou que l’organisation du travail est trop
rigide, oblige à maintenir le secret sur la tricherie ; ce qui
débouche sur deux dangers qui peuvent démobiliser les
travailleurs :
– la sanction : une fois découverte, la tricherie inventée
par le salarié pour faire le travail va être sanctionnée,
alors qu’elle constitue l’essence même du travail ;
– l’impossibilité de faire remonter son expérience et
d’enrichir le contenu officiel du travail ; car reconnaître
la contribution du travailleur à l’organisation du travail,
c’est reconnaître que l’organisation prescrite est
défaillante.
Les contradictions qui surgissent des orientations straté-
giques sont rarement analysées
Les cadres ne peuvent remettre en cause l’organisation
scientifique du travail, et préfèrent penser que c’est le
personnel qui est mauvais. Ils élaborent des stratégies de
défense qui passent par une dissimulation des questions
qui remontent d’en bas, ce qui laisse le travailleur à sa
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LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 4 du 19-02-2008
Ego
Dans le travail la construction de l’identité
implique une relation à autrui, mais aussi au réel.
RéelAutrui
ALIÉNATION SOCIALE
Le sujet est coupé
d’autrui mais maintient
son rapport au réel
• maintien de la conviction :
tableau de paranoïa
• doute sur les compé -
tences : dépréciation,
dépression
ALIÉNATION MENTALE
Coupure du lien entre
le sujet et le réel, le sujet
et ses collègues : bouffée
délirante aiguë, paranoïa
situationnelle, psychose
dissociative
ALIÉNATION CULTURELLE
Perte du rapport au travail
Déni collectif du réel
Décompensation du collectif
• burn-out
• perte des règles de métier
• élection d’un bouc émissaire
Source : F. Sigaut. Folie, réel et technologie. Techniques et culture éd. 1990;15.
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SOUFFRANCE AU TRAVAIL
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LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 4 du 19-02-2008
solitude, à sa souffrance et à l’incohérence du travail à
accomplir.
La souffrance au travail, c’est donc le vécu qui surgit
lorsque le sujet, après avoir épuisé ses ressources person-
nelles pour tenir au travail, se heurte à des obstacles
insurmontables.
Issues psychopathologiques à la crise identitaire
La non-reconnaissance de la validité que le sujet
entretient avec le réel est déstabilisante pour l’identité.
Elle peut mener à une crise identitaire majeure, avec
deux issues psychopathologiques possibles.
Formes mineures de dépression
Si le sujet ne parvient pas à faire comprendre les
impasses de l’organisation du travail à la hiérarchie, il
peut en venir à douter de ce qu’il tient pour vrai, perdre
confiance en lui. Cette dépression peut prendre des for-
mes mineures, comme l’anxiété larvée, la chronicisation
du sentiment d’ennui, de lassitude, de repli sur soi ou
d’insatisfaction, l’augmentation de la consommation de
psychotropes légaux, autant de signes avant-coureurs de
la décompensation à venir.
La fatigue est le symptôme le plus courant
Parce qu’elle se situe dans le territoire de l'infralimi-
naire, la fatigue n’est pas prise au sérieux et est souvent
disqualifiée. Il y a la bonne fatigue, évacuation en après-
coup de l’énergie mobilisée par la tâche à accomplir. Et
la fatigue-usure, du geste vidé de sens mais qu’il faut
accomplir quand même, en réprimant toute activité
spontanée des organes moteurs et sensoriels (Ch.
Dejours, 1993) pour coller à la tâche prescrite, sans écart
autorisé : une fatigue précurseur d’une dépression atone,
blanche, qui ne dit pas son nom.
La fatigue n’est donc pas toujours une réponse à une
charge physique excessive, à un surmenage ; elle peut
aussi trouver son origine dans l’inactivité ou l’activité
monotone et dans la répression de l’imagination. La
souffrance mentale, la fatigue sont irrecevables au travail.
Seule la maladie physique peut être entendue et béné-
ficie d’un statut de réalité. La prise en charge médicale
va achever de déplacer la souffrance mentale vers la dou-
leur physique.
Devant l’absence d’écoute de sa souffrance, des impas-
ses qu’il rencontre dans son travail, le salarié peut tenter
de maintenir son discours contre le système, se retrou -
vant ainsi dans une véritable situation d’aliénation
sociale. Il sera tôt ou tard dénoncé comme fou.
Démission ou absentéisme
Les solutions extrêmes de sortie de situation de souf-
france au travail sont la démission ou l’absentéisme. En
intermédiaire, les salariés déploient des moyens de se
défendre, stratégies défensives individuelles ou collecti-
ves qui permettent de conjurer la maladie.
La résolution des difficultés au travail ne peut jamais
faire l’économie de la mise en discussion, de la prise de
parole. Cette prise de parole n’est possible que si les
conditions éthiques existent.
LE GESTE DE TRAVAIL PARTICIPE À LA DYNAMIQUE
IDENTITAIRE
Quand le choix du métier est conforme aux besoins
psychiques du sujet et que ses modalités d’exercice per-
mettent le libre jeu du fonctionnement mental, le travail
occupe une place centrale dans l’équilibre psychique et
dans la dynamique de l’identité.
Le travail apporte d’abord un plaisir mental à travers le
contenu symbolique de la tâche, puis il apporte un plaisir
corporel à travers une gestuelle spécifique.
Agir sur le geste, c’est agir sur l’identité
« Le corps est le premier et le plus naturel instrument de
l’homme », écrit Marcel Mauss en 1936. La situation de tra-
vail agit sur l’économie des corps à plusieurs niveaux. Si la
tâche est porteuse d’un contenu symbolique, elle permet
au sujet d’exprimer son montage pulsionnel spécifique. Si
le travail autorise, en dépit des contraintes du réel et de
l’organisation, un exercice inventif des corps, il devient
source de plaisir et de sublimation. Psychisme et corps
agissent de concert pour une production valorisante.
Les gestes ne peuvent se réduire à des enchaînements
musculaires efficaces et opératoires. « Actes d’expression de
la posture psychique et sociale que le sujet adresse à autrui »
(Ch. Dejours, D. Dessors, P. Molinier, 1994), ils partici-
pent à la construction de l’identité :
– l’identité transgénérationnelle, car les gestes sont
transmis dans l’enfance, par l’imitation des adultes aimés
et admirés. L’enfant intériorise les gestes, les postures,
les tours de main des adultes par loyauté identificatoire,
en mobilisant des mécanismes de défense précoces et
solides qui vont ancrer le geste dans l’expression corpo-
relle. C’est dire si modifier une procédure de travail par
rationalité ergonomique peut devenir conflictuel avec
ces loyautés gestuelles ;
– l’identité sociale, puisque les gestes sont induits par la
société et la culture (port des charges lourdes sur les
membres supérieurs fléchis, avec fermeture de la cein-
ture scapulaire, en Occident ; sur la tête et le dos en
Afrique). Au travers des apprentissages, les gestes de
métier nouent des liens étroits entre l’activité du corps et
l’appartenance à une communauté professionnelle. Cer-
taines postures et attitudes corporelles acquièrent ainsi,
dans le travail, valeur de dramaturgie ;
– l’identité sexuelle, car si les gestes ont une histoire
familiale, sociale, ils ont aussi un sexe. L’identité sexuelle,
l’identité de genre se doivent d’être traduites par des atti-
tudes, des postures spécifiques. L’éducation inscrit dans
la musculature des postures sexuées spécifiques (injonc-
tions maternelles à la petite fille : tenir les genoux serrés,
ne pas trop bomber le torse…).
Le modelage du corps se fera ainsi au fil des ans, tra-
duisant l’identité sexuelle, les choix existentiels, l’af-
faissement musculaire des défaites et des échecs, la
mémoire tissulaire des événements forts, les emprein-
tes du travail.
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LE CONCOURS MÉDICAL. Tome 130 - 4 du 19-02-2008
Quand le geste ne sert qu’à « tenir au travail »
Si certaines postures et attitudes corporelles acquièrent
valeur de dramaturgie, permettent l’écoulement des exci-
tations, d’autres s’exécutent dans le « silence mental »,
dans la répression d’une activité psychique personnelle,
entraînant des stases énergétiques redoutables. Travailler
à des gestes vides de sens façonne de soi une image terne,
enlaidie, misérable. Quand le geste n’exprime plus rien, il
aide à ne pas penser. Il sert à « tenir ».
Si l’ouvrier à la chaîne, l’employé aux écritures d’un
service de comptabilité, l’aide-soignante prise dans une
organisation du travail verrouillée ne peuvent rien inves-
tir de leurs ressorts personnels et donc ne trouvent pas
dans le regard d’autrui un jugement narcissiquement
soutenant, il y aura souffrance.
La sous-utilisation du potentiel personnel de créati-
vité est une source fondamentale de déstabilisation de
l’économie psychosomatique.
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Lien de subordination
Les pratiques relationnelles assoient la relation
de pouvoir
Tutoyer sans réciprocité
Couper la parole
Utiliser un niveau verbal élevé et menaçant
Faire disparaître les savoir-faire sociaux (ni
bonjour, ni au revoir, ni merci)
Critiquer systématiquement le physique du
salarié
Utiliser des injures publiques, sexistes, racistes
Cesser toute communication verbale (post-it,
note de service)
Siffler le salarié
Regarder avec mépris
Entretien d’évaluation à visée de
déstabilisation émotionnelle
Les pratiques d’isolement entraînent la
séparation du sujet de son collectif de travail
ou d’une partie du collectif de l’autre clan.
Changements d’horaires de repas pour
séparer des collègues habituels
Omission d’information sur les réunions
Omission d’invitation aux réunions
concernant le salarié
Injonction faite aux autres salariés de ne plus
communiquer avec la personne désignée
Afficher de la complaisance pour certains, une
rigueur excessive pour d’autres, p. ex. dans la
gestion des horaires ou des temps de pause
Répartir la charge de travail de manière
inégalitaire, en qualité et en quantité
Stigmatisation publique d’un ou plusieurs
salariés devant le reste de l’équipe
Management de concurrence stratégique
Les règles disciplinaires
Les pratiques disciplinaires
La surveillance des faits et gestes peut devenir
persécutoire :
– contrôle des communications téléphoniques
par ampli ou écoute ;
– vérification des tiroirs, casiers, poubelles,
sacs à main du salarié ;
– contrôle de la durée des pauses, des
absences ;
– contrôle des conversations et relations avec
les collègues ;
– obligation de laisser la porte du bureau
ouverte
« pour que je vous voie »
;
– enregistrement ;
– notations sur un cahier.
Les pratiques punitives mettent les salariés
en situation de justification constante
Refus réitéré aux demandes de formation du
salarié
Incohérence des procédures de notation et
d’évaluation jouant sur les tableaux
d’avancement, d’échelon et de grade
Notes de service systématiques (jusqu’à
plusieurs par jour)
Utilisation réitérée de lettres recommandées
avec accusé de réception (AR)
Procédure disciplinaire non fondée
Affectation autoritaire dans un service
Incitation forte à la mutation
Heures supplémentaires non validées et non
compensées
Vacances imposées ou non accordées au
dernier moment
Le pouvoir
de direction et d’organisation
Les pratiques de direction du geste de travail
peuvent entraîner la perte du sens du travail
Les injonctions paradoxales
Prescrire des consignes confuses et
contradictoires qui rendent le travail infaisable,
ce qui sera reproché dans un deuxième temps
Définir une procédure d’exécution de la tâche,
puis la contester, une fois la tâche exécutée
Donner du travail sur le mode « mission
impossible »
Faire refaire une tâche déjà faite
Fixer des objectifs sans donner les moyens
en qualité et en quantité
Fixer des prescriptions rigides, au pied de la
lettre, sans prise en compte de la réalité du travail
Imposer l’obéissance à la prescription au
pied de la lettre, au détriment du travail qu’elle
est supposée organiser
Faire travailler une secrétaire par terre
Corriger des fautes inexistantes
Déchirer un rapport qui vient d’être tapé en
le jugeant inutile
Exiger de coller les timbres à distance
imposée du bord de l’enveloppe
Faire venir le salarié et ne pas lui donner de
travail
La mise en scène de la disparition
Supprimer des tâches définies dans
le contrat de travail ou le poste de travail
et notamment des tâches de responsabilité
pour les confier à un autre sans avertir le
salarié
Priver de bureau, de téléphone, de PC, vider
les armoires
Effacer le salarié des organigrammes, des
papiers à en-tête
La reddition émotionnelle par hyperactivité :
Fixer des objectifs irréalistes et/ou
irréalisables entretenant une situation d’échec,
un épuisement professionnel et émettre des
critiques systématiques
Déposer les dossiers urgents cinq minutes
avant le départ de l’agent
Intensifier la charge de travail dans un temps
imparti.
Repérage des pratiques organisationnelles potentiellement pathogènes (voir p. 213)
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