Traitements conservateurs du cancer du rein

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Traitements conservateurs du cancer du rein
Conservative treatments of renal cell carcinoma
IP É. Lechevallier*
 résuMé
La néphrectomie partielle est le traitement conservateur
standard des tumeurs du rein de moins de 4 cm. La voie laparoscopique et les indications pour les tumeurs de plus de 4 cm
sont en cours d’évaluation, de même que les techniques ablatives. La cryoablation et la radiofréquence sont les techniques
les plus avancées. Les traitements ablatifs restent réservés
à des cas sélectionnés dans le cadre de protocoles d’essais
cliniques. Leur faible morbidité et leurs résultats initiaux
encourageants en font des techniques prometteuses.
Mots-clés : Rein - Cancer - Néphrectomie - Cryoablation Radiofréquence.
SUMMARY. Partial nephrectomy is the standard treatment of
solid renal masses of less than 4 cm. Laparoscopic surgery and
indications for tumors over 4 cm are under evaluation. Ablative
surgery is growing. Renal cryoablation and radiofrequency
ablation are the more evaluated procedures. Ablative treatments
are indicated for selected cases in clinical trials. Because of the
weak morbidity and favourable initial results, renal ablative
treatments are very attractive.
Keywords: Kidney - Cancer - Surgery - Ablation.
L
es 20 dernières années ont confirmé la place du traitement conservateur pour certains cancers à cellules rénales,
non seulement pour des indications de nécessité mais
aussi pour des indications de principe. La néphrectomie partielle, initialement proposée en alternative à la néphrectomie
totale pour des raisons de conservation néphronique et de
risque de bilatéralité du cancer, fait partie des standards (1).
Cependant, la néphrectomie totale avec ou sans surrénalectomie reste “recommandée pour les tumeurs rénales ne répondant pas aux indications de la chirurgie conservatrice et chez
certains patients métastatiques” (1). La néphrectomie partielle
a permis l’apparition de nouveaux traitements conservateurs
par des agents physiques percutanés et transcutanés.
* Service d’urologie, hôpital Salvator, Marseille.
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Avant toute néphrectomie totale, une évaluation de la fonction
rénale est indispensable par une recherche des facteurs de risque
d’insuffisance rénale (âge, tension artérielle, diabète, athérome),
un calcul de la clairance de la créatinine par la formule de Cockcroft-Gault et une recherche de protéinurie des 24 heures (2).
En cas d’insuffisance rénale chronique (2), une consultation
spécialisée est nécessaire, et un traitement conservateur doit
être discuté.
Le but de cet article est de faire une mise au point des indications techniques et des résultats des différents traitements
conservateurs du cancer à cellules rénales.
népHreCToMie pArTielle : le sTAndArd
Les objectifs de la néphrectomie partielle sont de préserver
la fonction rénale, d’éviter une néphrectomie totale pour une
pathologie bénigne et de prendre en compte le risque de cancer
bilatéral (3). Les indications de néphrectomie partielle élective
sont devenues consensuelles : tumeur rénale de moins de 4 cm
et de localisation corticale exophytique (1).
La technique chirurgicale de référence de la néphrectomie
partielle est la chirurgie ouverte, classiquement par lombotomie extrapéritonéale et contrôle pédiculaire. Le clampage
pédiculaire n’est pas systématique, en particulier pour les petites
tumeurs corticales ou les tumeurs polaires. En cas de clampage
pédiculaire de plus de 30 mn, une réfrigération rénale de surface
est recommandée. La technique de résection est une tumorectomie par wedge resection. L’hémostase parenchymateuse peut
être faite par suture ou avec des agents hémostatiques. Il est
impératif de contrôler les marges chirurgicales par un examen
macroscopique méticuleux. Il n’y a pas de place pour un examen
histologique extemporané.
La néphrectomie partielle peut aussi être réalisée par laparoscopie. Il s’agit d’une technique faisable, mais en cours de
maturation et d’évaluation, car elle n’est, de nos jours, toujours
pas standard. Elle peut se discuter pour les très petites tumeurs
exophytiques.
Pour les tumeurs de moins de 4 cm, la morbidité de la néphrectomie partielle ouverte est comparable à celle de la néphrectomie
totale. En revanche, la morbidité de la néphrectomie partielle,
essentiellement hémorragique et urinaire, augmente avec la taille
tumorale, la multifocalité tumorale et la localisation centrale
de la tumeur.
Les résultats carcinologiques de la néphrectomie partielle pour
les cancers de moins de 4 cm sont équivalents à ceux de la
néphrectomie totale, avec des taux de survie à 5, 10 et 15 ans
La Lettre du Cancérologue - Vol. XV - n° 5 - octobre 2006
respectivement de plus de 95 % et 90 % (4). Cependant, la fonction rénale et la qualité de vie à long terme sont meilleures après
néphrectomie partielle qu’après néphrectomie totale (1).
Les résultats de la néphrectomie partielle pour les tumeurs de
plus de 4 cm sont plus controversés (4, 5). Les survies à 10 ans
sont de 60 à 70 % (4).
Le risque de récidive locale augmente avec la taille (2 % pour les
tumeurs de moins de 4 cm et 4 % pour les tumeurs de plus de
7 cm) et avec le grade tumoral (3, 4). Le risque de progression
est de moins de 7 % pour les tumeurs de moins de 4 cm, de 13 %
pour les tumeurs de 4 à 7 cm et de 25 % pour les tumeurs de plus
de 7 cm (5). La multifocalité augmente avec la taille ; moins de
10 % pour les tumeurs de moins de 4 cm et près de 30 % pour les
tumeurs de plus de 4 cm (6). La multifocalité est aussi corrélée
au type papillaire du cancer à cellules rénales (3). Cependant, le
potentiel évolutif des tumeurs multifocales est controversé.
Pour ces raisons, la place de la néphrectomie partielle élective
reste discutée pour les tumeurs de plus de 4 cm, ainsi que pour
les tumeurs centrales ou de haut grade ou papillaires.
La biopsie percutanée préopératoire sous guidage tomodensitométrique peut être un moyen fiable d’estimer, avant la
décision thérapeutique le sous-type histologique et le grade
tumoral (7).
La cryothérapie est la technique qui a été le plus évaluée. Elle
consiste en la réfrigération de la tumeur à –180-200 °C à l’aide
d’une sonde introduite dans la tumeur par ponction percutanée
guidée par échographie ou IRM, sous anesthésie générale. La
cryothérapie peut aussi être effectuée par voie laparoscopique. La
congélation crée une ice ball de 3,6 cm de diamètre (figure 1a).
La marge de sécurité doit être de 1 cm. La destruction de la
tumeur résulte de la combinaison des effets de la congélation et
du réchauffement (figure 1b). La morbidité de la cryoablation
est faible : 10 %, même pour les tumeurs hilaires (8). La série
ayant le plus long suivi est celle de la Cleveland Clinic : survie
spécifique à 3 ans de 98 % et disparition de la tumeur dans près
de 40 % des cas (9).
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TrAiTeMenTs AblATiFs : l’Avenir
La chirurgie conservatrice rénale a ouvert la voie à des techniques moins invasives pour le traitement du cancer à cellules
rénales. Dans ces techniques, la tumeur n’est pas enlevée mais
détruite. Ces traitements sont regroupés sous le terme de
traitements “ablatifs”. Ils consistent en la destruction de la
tumeur rénale par des agents physiques ou chimiques délivrés
par voie percutanée ou par voie transcutanée. La plupart de
ces techniques sont utilisées depuis peu pour la destruction
des tumeurs rénales et sont en évaluation. Leurs indications
actuelles sont des indications de nécessité, et si possible dans
le cadre de protocoles d’essais cliniques. Toutes ces techniques
ont en commun l’évaluation de leur efficacité par un suivi
radiologique (TDM, IRM). Le succès de l’ablation est défini par
l’absence de rehaussement radiologique de la tumeur, avec ou
sans réduction de taille ou disparition de la tumeur. Ces traitements, le plus souvent réalisés sous anesthésie, peuvent l’être
en ambulatoire. Ils sont actuellement réservés aux tumeurs
de moins de 4 cm.
TrAiTeMenTs perCuTAnés
Les traitements ablatifs percutanés consistent en la destruction
de la tumeur par un agent physique délivré par une aiguille (ou
“sonde”, pour utiliser le terme technique). Les agents physiques
utilisés et évalués sont le froid (cryothérapie) et l’hyperthermie
par radiofréquence.
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Figure 1a. Cryoablation rénale : ice ball.
Figure 1b. Cryoablation rénale : réchauffement.
L’ablation par radiofréquence (RFA) consiste en la destruction
de la tumeur par la chaleur (> 70 °C) induite par une antenne
introduite dans la tumeur par voie percutanée sous guidage TDM
ou échographique (figure 2). La radiofréquence est produite par
un générateur de courant électrique de haute fréquence qui doit
avoir une puissance de plus de 200 watts. La radiofréquence
crée des rayonnements électromagnétiques non ionisants. Il y a
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TrAiTeMenTs TrAnsCuTAnés
Figure 2. Radiofréquence : antenne déployée sous contrôle
tomodensitométrique.
peu de complications (14 %) en dehors du syndrome post-RFA
associant douleur et fièvre (8). Cependant, les tumeurs centrales
proches des vaisseaux ou de la voie excrétrice ont un taux de
complications plus important (fistules urinaires essentiellement)
[10]. Avec un suivi moyen de près d’un an, le taux de succès est
de 92 % (8) [figure 3]. Les facteurs de succès de la RFA sont les
tumeurs périphériques et de moins de 3 cm et une puissance
de plus de 200 watts (10).
Ces deux techniques sont prometteuses, car elles sont peu
morbides et ont un taux d’échec faible. Cependant, dans les
séries publiées, les patients sont sélectionnés, le suivi est court
et le risque de récidive locale ou de contamination du trajet n’a
pas été complètement évalué. Les indications actuelles idéales
sont les tumeurs uniques, de moins de 3 cm, postérieures, et
périphériques pour la RFA.
Il existe d’autres énergies et d’autres techniques de destruction
percutanée des tumeurs, telles que le laser interstitiel ou les
thermocouples. Ces techniques n’en sont encore qu’à un stade
expérimental.
Avec les traitements transcutanés, une étape supplémentaire
pourrait être franchie dans le traitement des cancers du rein :
la destruction tumorale sans effraction cutanée. La technique
ablative transcutanée la plus avancée est l’utilisation des ultrasons focalisés (High-Intensity Focused Ultrasound : HIFU). Le
générateur est extracorporel, et les ultrasons sont focalisés par
une lentille acoustique sur la tumeur qui est repérée par échographie. L’HIFU utilise des ultrasons d’une fréquence de 0,8 à
1,6 Hz qui ont une pénétration corporelle de 10 à 16 cm et qui
créent une lésion de 12 x 3 mm. La morbidité paraît très faible.
Les limites de l’HIFU sont les mouvements respiratoires du rein,
les tumeurs polaires supérieures, les côtes et l’obésité. Il s’agit
d’obstacles à la visée ou à la propagation des ultrasons vers la
tumeur. Cette technique n’en est encore qu’au stade d’évaluation
de sa faisabilité. Cependant, les résultats initiaux montrent un
taux de succès de 60 % (8).
Les autres techniques ablatives des tumeurs du rein en évaluation sont le Cybernife et les micro-ondes. Le Cybernife détruit la
tumeur par une irradiation ionisante à haute dose. Ce système
de radiothérapie permet de diviser la dose d’irradiation en près
de 1 200 faisceaux focalisés sur la tumeur afin de réduire les
lésions des organes de voisinage et de délivrer des doses d’irradiation importantes.
Ces techniques sont actuellement expérimentales.
TrAiTeMenTs du FuTur
Le développement technologique pour le traitement des tumeurs,
et particulièrement des tumeurs rénales, est en marche. Les
techniques actuelles devraient devenir plus performantes, et
des nouvelles devraient apparaître : chimio-ablation par injection d’agents chimiques (éthanol, acide acétique), d’agents
biologiques, d’agents pharmacologiques (antiangiogéniques,
immunothérapie).
Par ailleurs, on peut imaginer l’association des traitements ablatifs
(cryothérapie, RFA, etc.) à des traitements systémiques, notamment à des thérapies ciblées ou à des agents sensibilisants.
Figure 3. Radiofréquence : évolution tomodensitométrique.
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La Lettre du Cancérologue - Vol. XV - n° 5 - octobre 2006
Enfin, les traitements ablatifs pourraient avoir non seulement
des effets destructeurs directs mais aussi des effets antitumoraux biologiques systémiques (induction immunitaire, effet
antiangiogénique, pro-inflammatoire).
2. Diagnostic de l’insuffisance rénale chronique chez l’adulte. Recommandations
et références professionnelles. ANAES, septembre 2002.
3. Krejci KG, Blute ML, Cheville JC et al. Nephron-sparing surgery for renal
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ConClusion
La néphrectomie partielle est le traitement conservateur standard des petites tumeurs du rein. La voie laparoscopique et les
indications pour les tumeurs de plus de 4 cm sont en cours d’évaluation, de même que les techniques ablatives. La cryoablation
et la radiofréquence sont les techniques les plus avancées. Les
traitements ablatifs restent réservés à des cas sélectionnés dans
le cadre de protocoles d’essais cliniques. Leur faible morbidité
et leurs résultats initiaux encourageants en font des techniques
prometteuses.
■
5. Patard JJ, Shvarts O, Lam JS et al. Safety and efficacy of partial nephrec-
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
papillomavirus et tumeurs orl
19 janvier 2007
à l’hôpital Tenon (amphithéâtre
Béclère) – université Paris-VI,
faculté de médecine Pierreet-Marie-Curie
Comité d’organisation scientifique :
Jean Lacau-Saint-Guily (ORL), coordonnateur, Jean-François Bernaudin (histologie et biologie tumorale), Patrice
Callard (anatomopathologie), Emile Daraï
(gynécologie), Jean-Claude Nicolas (virologie), Sophie Périé (ORL).
Avec la participation de : A. BebyDefaux (Poitiers), C. Clavel (Reims),
F. Denis (Limoges), S. Faivre (Clichy),
P. Froehlich (Lyon), M. Lefèvre (Paris),
J.L. Mergui (Paris), S. Morinière (Tours).
Thèmes abordés :
– Oncongenèse et HPV
– Aspects cliniques et anatomopathologiques
– Épidémiologie des tumeurs ORL à
HPV
– L’expérience gynécologique
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Agenda
– Vaccins anti-HPV
– Les papillomatoses laryngées
– Traitements anti-cancéreux et HPV :
chimiothérapie, thérapies ciblées
– Conclusion, perspectives, quelles
études multicentriques ?
Organisation pratique :
BCA, 6, boulevard du Général-Leclerc
– 92115 Clichy Cedex
Tél. : 01 41 06 67 70. Fax : 01 41 06 67 79
Site internet : www.b-c-a.fr/papillo2007.
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