Le théorème des nombres premiers
A Introduction
On sait depuis Euclide que l'ensemble Pdes nombres premiers est inni .
En effet, si pest premier, le plus petit diviseur premier de 1 + p!dépasse p.
La répartition des nombres premiers a été étudiée par des générations de mathématiciens,
mais il a fallu attendre 1896 pour que le résultat asymptotique suivant soit enn démontré .
Théorème des nombre premiers (TNP)
Si on note (x)le nombre d'éléments de Pinférieurs ou égaux à x, alors (x)sx
ln x.
Petite chronologie
On peut dresser une liste (non exhaustive) de mathématiciens célèbres ayant contribué à cette étude :
EUCLIDE (Grec 330-275 av JC) montre que Pest inni .
Leonhard EULER (Suisse 1707-1783) démontre que : P
p
1
pdiverge .
Adrien LEGENDRE (Français 1752-1833) consacre un ouvrage à la théorie des nombres .
Carl GAUSS (Allemand 1777-1855) est le premier à conjecturer le TNP .
August MÖBIUS (Allemand 1790-1868) introduit la fonction qui porte son nom .
Pafnouti TCHEBYCHEV (Russe 1821-1894) prouve que : (8x30) 0;9(x) ln x
x1;2.
Bernhard RIEMANN (Allemand 1826-1866) introduit la fonction (z) =
+1
P
n=1
1
nz.
Jacques HADAMARD (Français 1865-1963) et Charles de LA VALLEE-POUSSIN (Belge 1866-1962)
démontrent indépendamment l'un de l'autre le TNP en 1896 . Leurs démonstrations reposent en grande
partie sur la fonction de Riemann .
Pavel ERDÖS (Hongrois 1913-1996) et Atle SELBERG (Norvégien 1917) publient en 1949, et à la
surprise générale, une démonstration dite «élémentaire» du TNP , qui n'utilise ni la fonction , ni plus
généralement les fonctions d'une variable complexe .
C'est une démonstration de ce type qui est présentée ici . Elle est adaptée de l'excellent livre intitulé
Les nombres premiers de William John Ellison et Michel Mendès France publié chez Hermann .
Les notations utilisées ont été regroupées ci-après pour permettre au lecteur de s'y référer facilement .
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B Notations
Conventions
xdésignera toujours un nombre réel supérieur ou égal à 1, pun nombre premier, et k; l; m; n; :::
des nombres entiers naturels non nuls . On allègera les notations en ne précisant pas les ensembles .
Ainsi, par exemple, le produit des diviseurs premiers de l'entier npourra être noté Q
p=n
pou Q
pk=n
p.
Ensembles de référence
Pest l'ensemble des nombres entiers premiers .
P0est l'ensemble des entiers qui n'ont pas de diviseur carré supérieur à 1 . (nombres de Möbius)
P00 =fp= p 2Pet 2Ngest l'ensemble des nombres primaires . Remarque : P=P0\P00
Fonctions de la variable entière n
(n) = card fp=pdivise ng(n) = 0si n =2P0
(1)(n)si n2P0(fonction de Möbius)
(n) = P
k=n
(k)  (n) = 0si n =2P00
ln (p)si n=p(fonction de von Mangoldt)
b(n) = P
kl=n
 (k)  (l) (n) ln (n)c(n) = P
kl=n
 (k)  (l) +  (n) ln (n)
n1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13
(n) +1 1101 +1 1 0 0 +1 101
 (n) 0 ln 2 ln 3 ln 2 ln 5 0 ln 7 ln 2 ln 3 0 ln 11 0 ln 13
Fonctions de la variable réelle x
[x] = P
kx
1(partie entière de x)(x) = x[x](partie fractionnaire de x)
(x) = card fp2P= p xg0(x) = card fp02P0= p0xg
U(x) = P
kx
x
kM(x) = P
kx
(k)(fonction de Mertens)
V(x) = P
kx
x
kln x
k'(x) = jM(x)jln2x2xln x
(x) = sup
tx
M(t)
tp(x) = ln (x)
ln (p)=0si p>x
max f = pxgsi px
(x) = P
px
ln (p) (x) = P
px
p(x) ln (p) = P
nx
 (n)(fonction de Tchebychev)
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C Les fonctions et
Erdös et Selberg ont utilisé (x) = P
px
ln p. Nous lui préfèrerons (x) = P
pxln x
ln pln p.
La proposition suivante prouve que l'on peut remplacer l'étude de (x)par celle (x)ou de (x).
Proposition 1
Si l'un des quotients q1(x) = (x)
x,q2(x) = (x)
xou q3(x) = (x) ln x
xconverge vers une
limite réelle quand xtend vers +1;alors les deux autres quotients convergent vers la même limite .
Démonstration
(x) = P
px
ln pP
pxln x
ln pln p= (x)P
px
ln x
ln pln p=(x) ln x.
On en déduit que q1(x)q2(x)q3(x). Soit maintenant x>e, et soit x=x
ln2x2]1; x[.
Alors u(x) = ln x
ln x=ln x2 ln (ln x)
ln x!
x!+11et "(x) = xln x
x=ln xln ln2x
ln2x!
x!+10.
d'où (x)P
x<px
ln pP
x<px
ln x= ((x)(x)) ln x(x)u(x) ln xx "(x).
On en déduit que q1(x)q3(x)u(x)"(x), ou encore q3(x)q1(x) + "(x)
u(x).
Finalement q1(x)q2(x)q3(x)q1(x) + "(x)
u(x)q2(x) + "(x)
u(x)q3(x) + "(x)
u(x)si x>e,
et le théorème d'encadrement permet de conclure .
D Un lemme d'Abel
Le résultat suivant permet d'exprimer une somme nie à l'aide d'une intégrale .
Proposition 2 (Lemme d'Abel)
Soit 'une application complexe continûment dérivable sur [1;+1[.
1. Si (ak)k1est une suite de nombres complexes, et si on pose A(x) = X
kx
akpour tout réel x1, alors
X
kx
ak'(k) = A(x)'(x)Zx
1
A(t)'0(t)dt .
2. En particulier X
kx
'(k) = [x]'(x)Zx
1
[t]'0(t)dt .
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Démonstration
On pose n= [x]. Alors A(x) = A(n)et
Zx
1
A(t)'0(t)dt =
n1
X
k=1 Zk+1
k
A(k)'0(t)dt +Zx
n
A(n)'0(t)dt
=
n1
X
k=1
A(k) ('(k+ 1) '(k)) + A(n) ('(x)'(n))
=
n
X
k=2
A(k1)'(k)
n
X
k=1
A(k)'(k) + A(x)'(x)
=
n
X
k=2
(A(k1) A(k)) '(k)A(1)'(1) + A(x)'(x)
=A(x)'(x)
n
X
k=1
ak'(k).
Notations
On vérie aisément que les fonctions suivantes sont des applications bornées de [1;+1[dans [0;1] .
(x) = x[x]1(x) = 1
ln xZx
1
(t)
tdt prolongée par continuité en posant 1(1) = 0
0(x) = ln x
px2(x) = xZ+1
x
(t)
t2dt 3(x) = xZ+1
x
2(t)
t2dt
On rappelle d'autre part que lim
n!1 n
X
k=1
1
kln n!== 0;57721566::: (constante d'Euler)
Or Zn
1
(t)
t2dt =Zn
1
t[t]
t2dt = ln n
n1
X
k=1 Zk+1
k
k
t2dt = ln n
n1
X
k=1
1
k+ 1 = ln n
n
X
k=1
1
k+ 1 ,
donc 2(1) = Z+1
1
(t)
t2dt = lim
n!1 Zn
1
(t)
t2dt = 1 .
On peut alors déduire du lemme d'Abel les développements asymptotiques suivants :
Proposition 3
Il existe trois fonctions bornées b1; b2et b3à valeurs dans [1;+1] vériant
1. ln ([x]!) = P
kx
ln (k) = xln xx+ 2 b1(x)px.
2. U(x) = P
kx
x
k=xln x+ x +b2(x).
3. V(x) = P
kx
x
kln x
k=1
2xln2x+ x ln x+x +b3(x)=3(1) 2(1) .
4. W(x) = P
kxx
kx
1pour tout 2[0;1[ .
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1.Démonstration
1. P
kx
ln (k) = [x] ln xZx
1
[t]
tdt = (x(x)) ln xZx
1
t(t)
tdt
=xln x(x) ln x(x1) + 1(x) ln x=xln xx+ 2 b1(x)px
b1(x) = 1
2px+1(x)(x)
2
ln x
px
et donc jb1(x)j  1
2px+j1(x)(x)j
20(x)1
2+1
2= 1 .
2. P
kx
1
k=[x]
x+Zx
1
[t]
t2dt =x(x)
x+Zx
1
t(t)
t2dt
= 1 (x)
x+ ln xZx
1
(t)
t2dt = 1 (x)
x+ ln x+2(x)
x2(1)
= ln x++2(x)(x)
x.
Alors U(x) = P
kx
x
k=xln x+x +b2(x)avec b2(x) = 2(x)(x)2[1;+1] .
3. On applique le lemme d'Abel avec '(t) = ln x
tet ak=1
k.
Alors '0(t) = 1
tet A(x) = P
kx
1
k= ln x++2(x)(x)
x.
P
kx
1
kln x
k=A(x) ln x
x+Zx
1
A(t)
tdt
=Zx
1ln t
t+
t+2(t)
t2(t)
t2dt
=1
2ln2x+ln x+3(1) 3(x)
x2(1) + 2(x)
x,
d'où V(x) = P
kx
x
kln x
k=1
2xln2x+x ln x+x +b3(x)
avec =3(1) 2(1) 2[1;+1] et b3(x) = 2(x)3(x)2[1;+1] .
4. P
kx
1
k=[x]
x+Zx
1
[t]
t+1 dt x1+Zx
1
tdt =x1+x11
1x1
1
d'où W(x) = P
kxx
k=xP
kx
1
kx
1.
Dans cette quatrième partie, on s'est contenté d'une majoration qui servira plus loin . On aurait pu
chercher un développement asymptotique plus précis en s'inspirant des questions précédentes .
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