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Le rapport de l'organisation Bizchut - Résumé
"Je pleurais, je criais et je frappais à la porte du médecin. Ils ont menacé de m'atta-
cher si je n'arrêtais pas. Mais à part ces menaces, personne n'a rien fait pour es-
sayer de me calmer. Voir ce qui me faisait mal. Finalement, ils m'ont attachée.
On se retrouve dans un état d'impuissance totale, on fixe la porte en attendant que
quelqu'un vienne et vous sorte de là, on se retient pour ne pas se salir, ne pas faire
ses besoins sur soi, on exerce sa pensée pour ne pas devenir fou. Au début, on est
sûr que, bientôt, quelqu'un va venir vous délivrer, qu'on a juste voulu vous donner
une bonne leçon ; mais personne ne vient. À la fin on abandonne, le temps devient
flou et on se déconnecte du corps physique. Il n'y a plus de début, il n'y a plus de
fin. En fait, si, il y a une fin, c'est la fin de l'espoir que quelqu'un, ici, ne viendra jamais
vous aider."
Yarden, 30 ans,
a été attachée de force dans un hôpital psychiatrique du centre d'Israël
Au cours des dernières années, beaucoup de requêtes ont été déposées à Bizchut,
le Centre pour les droits des personnes handicapées. Lors de leur hospitalisation
dans des hôpitaux psychiatriques, des personnes se sont plaintes d'avoir été san-
glées, les quatre membres attachés, des heures durant. Elles ont indiqué avoir été
menées de force dans une chambre d'isolement comprenant juste un lit fixé à même
le sol ; elles y ont été attaché par quatre et parfois même cinq courroies en tissu
synthétique ou en cuir, verrouillées, et sont restées ainsi immobilisées sur le lit, in-
capables de changer de position, de gratter une démangeaison ou d'aller aux toi-
lettes.
Certains patients ont déclaré avoir été sanglés pendant plusieurs heures. D'autres
ont indiqué l'avoir étoute la nuit ; quelques-uns ont même signalé avoir été atta-
chés jour après jour.
Lorsque nous avons essayé de retracer l'ampleur de la situation et les raisons qui
conduisent des équipes médicales à attacher des patients, nous avons découvert
que ces faits ne sont presque pas rendu publiques et qu'il n'existe quasiment pas
d'informations notoires à ce sujet.
Les résultats de l'enquête que nous avons menée ces derniers mois sont publiés
dans ce rapport ; cette démarche a dévoilé des centaines de rapports de patients
qui ont été soumis à la contention. Cependant, conjointement avec les données que
nous a transmises le Ministère de la Santé, on peut arriver à la conclusion que, dans
les services psychiatriques, l'immobilisation de force des patients est très courante,
voire même routinière.
Selon une estimation basée sur les données fournies par le ministère de la
Santé, le taux moyen de contentions était de 23% au cours de l'année 2014.
Cela signifie qu'un patient sur quatre aurait été attaché pendant son hospita-
lisation. Soit 4000 patients par an.
Ces données sont préoccupantes et sont semble-t-il très élevées par rapport à
d'autres pays occidentaux.
Ce procédé d'attacher un malade est fortement ressenti dans le cadre d'une hospi-
talisation en psychiatrie. Même celui qui ne l'a pas subi a certainement été témoin
de cet acte sur un autre patient. Cette expérience et la peur qu'elle provoque ac-
compagnent des milliers de personnes hospitalisées chaque année et constituent
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un élément important dans la façon dont est perçu l'hôpital psychiatrique à leurs
yeux et aux yeux du grand public.
Ces données sont particulièrement troublantes : de nombreuses études dévelop-
pées dans ce rapport confirment que la contention physique est un acte préjudiciable
et dangereux. On sait qu'en Israël il y a eu des morts comme conséquences directes
de procédés visant à immobiliser des patients. Plus fréquents sont les cas de dom-
mages physiques, des blessures, ainsi que des préjudices psychologiques, y com-
pris le traumatisme, les réminiscences de traumatismes précédents et une aggrava-
tion des symptômes mentaux déjà présents.
80% des personnes qui ont répondu à l'enquête de Bizchut, ont déclaré avoir é
attachées de force.
40% des participants au sondage ont dit avoir été blessés au cours de cet acte.
En outre, la contention est un procédé dégradant en soi qui porte atteinte à la dignité
humaine.
70%, ont indiqué qu'ils se sont sentis humiliés.
30% ont déclaré qu'on ne leur avait pas donné la possibilité de se rendre aux cabi-
nets pour faire leurs besoins et qu'ils durent se retenir de longues heures durant.
25% ont relevé qu'ils durent faire leurs besoins sur eux.
Les patients ont dit avoir ressenti de l'impuissance, de la frustration, de la colère,
qu'on violait leur vie privée et avoir éprouvé un sentiment d'abandon. La plupart ont
mentionné avoir vécu la contention comme l'événement le plus dramatique de leur
hospitalisation.
Le rapport révèle également la gravité et la fréquence de cette pratique. Presque la
moitié des participants au sondage de Bizchut ont indiqué avoir été attachés plus
d'une fois au cours de leur hospitalisation. Des personnes sont restées ainsi plu-
sieurs heures d'affilée. Le sondage montre que près de la moitié des participants ont
été liés plus de huit heures de suite. Dans quelques cas plus rares la contention
durait plus de 24 heures.
Des enfants et des adolescents sont également attachés pendant des heures.
Les données montrent que non seulement le comportement du patient influe sur la
durée du temps qu'il reste sanglé, mais aussi l'attitude du personnel médical et les
conditions objectives qui prévalent alors dans le service. Étonnamment, en dépit de
la violation aux droits de l'homme, la décision et la durée de la contention dépend
des infirmiers du service. Le rapport révèle que, dans la plupart des cas, et contrai-
rement à la loi, les médecins autorisent la contention sans même examiner le pa-
tient.
74% des participants au sondage ont déclaré ne pas avoir eu d'entretien avec un
médecin avant d'être attachés et beaucoup d'autres déclarent ne pas en avoir eu
pendant. Dans la plupart des hôpitaux, ni les chefs de service, ni la direction ne
reçoivent de rapport sur des contentions en temps réel. De son côté, le ministère de
la Santé ne recueille aucune donnée à ce sujet.
Le rapport révèle en outre que les patients sont attachés pour des raisons dispro-
portionnées et qui sortent du cadre légal.
Selon les données présentées dans le rapport, contrairement au droit, la plupart des
patients ne sont pas attachés pour être protégés. Ils le sont parce qu'ils sont agités.
Ils "embêtent", parlent sans arrêt, crient ou bougent avec frénésie. Ces symptômes,
typiques des patients en état de crise, désorganisent souvent l'équipe médicale. Par
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conséquent, quand il n'y a pas suffisamment de personnel dans le service pour s'oc-
cuper des patients, ou qu'on manque de patience, on les attache.
Des phrases comme "arrêtez de courir (ou de crier ou de déranger) sinon on vous
attache" sont revenues fréquemment dans les rapports présentés par les partici-
pants au référendum. De plus, il semble que l'immobilisation de force est utilisée
comme moyen d'imposer une autorité et de sanctionner.
25% des participants au sondage de Bizchut ont mentionné qu'ils avaient été atta-
chés comme punition de leur comportement.
15% ont dit que c'était pour ne pas avoir obéi aux ordres d'un membre du personnel
et 10% pour avoir fait quelque chose de défendu.
Des patients ont déclaré : "ils m'ont attaché pour me punir et m'éduquer." et "Je leur
ai tenu tête alors ils m'ont attaché pour me donner une leçon !". Parmi le personnel
soignant, quelques-uns utilisent la contention parce qu'ils croient à sa valeur théra-
peutique. Cependant, ce concept est considéré comme anachronique, et la re-
cherche dans ce domaine démontre que la contention physique provoque justement
des réactions négatives dans la thérapie. Non seulement cela ne calme pas le pa-
tient mais cela augmente encore plus son agitation, affecte ses capacités relation-
nelles et sape le processus de rétablissement et de réadaptation.
Même lorsque l'acte de contention est exécuté légalement pour prévenir un risque,
le rapport montre que, dans de nombreux cas, la gravité de la situation ne le justifiait
pas ; pas plus que la violence verbale ou des dommages matériels. De même,
l'agressivité résulte le plus souvent d'une ambiance de "cocotte minute" dans le ser-
vice et il serait alors plus judicieux de temporiser sans faire usage de la force. Le
personnel ne reçoit aucune formation pour d'autres alternatives, et il n'y a pas assez
de main-d'œuvre et de temps pour les mettre en pratique. En vertu de ces faits, le
rapport fait valoir qu'en Israël, la contention de patients en psychiatrie surtout
telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui transgresse la loi et porte une atteinte
inestimable aux droits juridiques des malades.
De nombreuses voix dans le monde occidental, et plus récemment celles de profes-
sionnels en Israël, appellent à cesser la contention de force, aussi bien en raison
des préjudices et de son inhumanité, mais aussi en raison de son anachronisme. Le
rapport précise que, ces dernières vingt années, de nombreux pays occidentaux ont
mis en œuvre des initiatives afin de la supprimer ou du moins la réduire à un taux
négligeable.
Des pays dans le monde entier ont réduit leur pourcentage de plusieurs dizaines,
jusqu'à la suppression totale de cette pratique dans certaines régions.
Ils notent tous que réduire la contention de façon dramatique jusqu'à prati-
quement l'abolir est un objectif alisable. En Israël aussi il y a des signes en-
courageants. La direction du Centre de santé mentale de Be'er Sheva a lancé un
projet indépendant pour diminuer les contentions. Au cours des années 2014-2015
on a pu noter une diminution de 70% du temps que durait la contention et près de
60% en moins de pratiquées.
La contention de patients n'est pas une nécessité fondamentale. C'est un outil
archaïque dont le but a toujours été, ni plus ni moins, de maîtriser des per-
sonnes. Pendant des années, on a enrobé cet acte de justifications d'ordre théra-
peutiques, d'arrangements divers législatifs et administratifs. La majorité du person-
nel médical n'attache pas par méchanceté ou par négligence ; les soignants ont
adopté ce procédé parce qu'il est perçu comme légitime et est facile à utiliser. C'est
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ce qu'on leur a transmis durant leur apprentissage, et c'est presque le seul moyen à
leur disposition pour affronter des situations épineuses.
Les dirigeants du système eux-mêmes ont choisi de ne pas combattre, de ne pas
aborder de front les contentions et leur gravité, et n'ont pas pris en compte les re-
commandations présentées dans des comités par des experts pour améliorer la si-
tuation.
Pendant des années, les patients se sont plaints d'avoir été attachés fréquem-
ment et longtemps, et personne ne les a écoutés. Il est temps de regarder la
réalité en face. Le rapport en appelle au Ministère de la Santé de transmettre
au personnel médical des connaissances essentielles, sans équivoque, indi-
quant que la contention de force de patients n'est plus considérée comme le
traitement légitime d'un service psychiatrique.
Ainsi, le rapport en appelle au Ministère de lancer un programme national complet
et détaillé, accompagné d'un modèle pilote expérimental et d'évaluations, qui com-
prendra la mise en place de procédures, de structures directives, d'un développe-
ment alternatif dans le domaine thérapeutique, la formation du personnel médical et
un système de contrôle afin d'assurer la suppression radicale de ces pratiques de
contention et de fournir au personnel médical des alternatives conformes et dispo-
nibles.
Le rapport commente aussi une liste de recommandations fondées sur les travaux
de recherche afin qu'elles ne soient pas seulement théoriques.
Ce rapport révèle une représentation difficile, qui peut même être ressentie comme
scandaleuse pour certains. Il est évident que le sujet ne se réduit pas au seul «tout
noir ou tout blanc». Il est également clair que les tâches des professionnels hospi-
taliers sont complexes et difficiles. Mais, tout le monde en conviendra, l'hôpital est
un lieu de soins et de guérison, de adaptation, d'élévation et d'empathie. Le patient
est quelqu'un qui a besoin de tout cela en cas de crise, et le thérapeute est celui qui
a choisi de consacrer sa vie professionnelle pour l'aider à l'obtenir.
Attacher des patients mine chacune de ces valeurs ; cela sape et détruit à la fois le
patient et le personnel soignant.
Le rapport de l'organisation Bizchut invite à agir :
"Brisons les sangles", et trouvons ensemble le moyen d'assurer une hospita-
lisation sans contention.
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