mondialisation et emploi informel dans les pays en développement

publicité
MONDIALISATION
ET EMPLOI INFORMEL DANS
LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Étude conjointe du Bureau international du Travail
et du Secrétariat de l’Organisation mondiale du commerce
élaborée par
Marc Bacchetta
Ekkehard Ernst
Juana P. Bustamante
Division de la recherche économique
et des statistiques
Organisation mondiale du commerce
Institut international d’études sociales
Bureau international du Travail
Avertissement
Les désignations utilisées dans les publications du BIT et de l’OMC, qui sont
conformes à la pratique des Nations Unies, et la présentation des données
qui y fi gurent n’impliquent de la part du Bureau international du Travail ou de
l’Organisation mondiale du commerce aucune prise de position quant au statut
juridique de tel ou tel pays, zone ou territoire, ou de ses autorités, ni quant au
tracé de ses frontières.
Les études et autres textes n’engagent que leurs auteurs et leur publication ne
signifie pas que le Bureau international du Travail ou l’Organisation mondiale du
commerce souscrit aux opinions qui y sont exprimées.
La mention ou la non-mention de telle ou telle entreprise ou de tel ou tel produit
ou procédé commercial n’implique de la part du Bureau international du Travail
ou de l’Organisation mondiale du commerce aucune appréciation favorable ou
défavorable.
Copyright © 2009 Organisation internationale du Travail et Organisation mondiale du
commerce.
La reproduction d’informations contenues dans le présent document n’est possible qu’avec
l’autorisation écrite du Responsable des publications de l’OMC.
OMC ISBN 978-92-870-3692-6
BIT ISBN
978-92-2-222719-8
Également disponible en anglais et en espagnol:
Titre anglais
OMC ISBN 978-92-870-3691-9 - BIT ISBN 978-92-2-122719-9
Titre espagnol
OMC ISBN 978-92-870-3693-3 - BIT ISBN 978-92-2-322719-7
Les publications du BIT et de l’OMC peuvent être obtenues dans les principales librairies ou
auprès du:
Service des publications de l’OMC
Organisation mondiale du commerce
154, rue de Lausanne
CH-1211 Genève 21
Suisse
Téléphone: +41 (0)22 739 52 08
Fax: +41 (0)22 739 54 58
Adresse électronique: [email protected]
Site Web: www.wto.org
Librairie en ligne de l’OMC: http://onlinebookshop.wto.org
Service des publications du BIT
Bureau international du Travail,
CH-1211 Genève 22
Suisse
Adresse électronique: [email protected]
Site Web: www.ilo.org/publns
Imprimé par le Secrétariat de l’OMC, Suisse, 2009.
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Table des matières
Remerciements ............................................................................... 5
Avant-propos ................................................................................... 7
CHAPITRE 1: Mondialisation et informalité
en période de crise ................................................................... 23
A. Les marchés du travail dans les économies
en développement ouvertes .........................................................................23
B. Faits essentiels concernant la mondialisation, le commerce
et l’emploi informel dans les pays en développement ............................28
C. Amélioration de l’équité sociale et de l’efficacité grâce
à la lutte contre l’informalité .........................................................................40
CHAPITRE 2: Variétés d’informalité ..................................... 43
A. Trois conceptions de l’économie informelle ..............................................45
B. Un modèle unificateur: les marchés du travail
à segments multiples ......................................................................................47
C. Définitions: comment rendre opérationnels les concepts
d’informalité .....................................................................................................56
D. Le problème de la mesure ..............................................................................59
CHAPITRE 3: Ouverture au commerce et informalité....... 65
A. Comment l’ouverture commerciale influe-t-elle
sur l’emploi et les salaires dans le secteur informel? .............................65
B. Que nous disent les données empiriques?.................................................75
CHAPITRE 4: Impact de l’informalité sur le commerce
et la croissance ......................................................................... 97
A. Comment l’informalité détermine-t-elle les performances macroéconomiques? ..................................................................................................97
B. Informalité et performances macro-économiques:
données empiriques .....................................................................................102
1
2
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
CHAPITRE 5: Résilience économique:
la dynamique de l’informalité ................................................113
A. Mécanismes de transmission des chocs sur les marchés
du travail informels .......................................................................................113
B. Informalité et cycles économiques .............................................................116
C. Flux de capitaux et informalité ....................................................................120
CHAPITRE 6: Mondialisation et emploi informel:
une évaluation empirique...................................................... 127
A. Contexte ...........................................................................................................127
B. Impact de la mondialisation sur l’emploi informel ..................................134
C. L’emploi informel enferme-t-il les pays dans des structures
d’échanges? ...................................................................................................139
CHAPITRE 7: Des politiques robustes
pour un monde incertain ....................................................... 143
A. Formalisation des entreprises ....................................................................146
B. Accompagner la transition entre le travail informel
et l’emploi formel ...........................................................................................151
C. Politiques commerciales favorables à l’emploi ........................................158
D. Cohérence entre la politique commerciale et la politique
du marché du travail ....................................................................................162
Bibliographie .......................................................................... 169
Annexe I. Description des données .................................... 183
A. Mesures concernant le secteur informel ..................................................183
B. Indicateurs économiques et sociaux utilisés
dans l’analyse empirique ............................................................................189
Annexe II. Détails techniques de l’analyse empirique .... 195
A. Considérations méthodologiques ..............................................................195
B. Résultats détaillés de la régression ...........................................................196
C. Tests de robustesse .......................................................................................197
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Liste des graphiques
Graphique 1.1 Travailleurs indépendants et travailleurs familiaux
(par rapport à l’emploi total, en pourcentage) ................................................29
Graphique 1.2 L’informalité dans le monde(par rapport à l’emploi total,
en pourcentage) ....................................................................................................30
Graphique 1.3 Variation des taux d’informalité à l’intérieur des régions
(par rapport à l’emploi total, en pourcentage) ................................................32
Graphique 1.4 Économie informelle
(par rapport au PIB, en pourcentage) ...............................................................33
Graphique 1.5 Économie souterraine
(par rapport au PIB, en pourcentage) ...............................................................34
Graphique 1.6 Incidence de l’informalité par niveau de qualification
(par rapport à l’emploi total, en pourcentage) ................................................35
Graphique 1.7 Situation d’emploi informel en Amérique latine, 2006
(par rapport à l’emploi informel total, en pourcentage) ................................36
Graphique 1.8 Informalité et développement économique ........................37
Graphique 1.9 Ouverture commerciale et informalité en Asie ..................38
Graphique 1.10 Investissement étranger direct et informalité
en Amérique latine ................................................................................................39
Graphique 2.1 Marchés du travail à segments multiples ............................52
Graphique 5.1 Informalité et durabilité de la croissance à long terme
(1990-2006)...........................................................................................................119
Graphique 6.1 Influence de la mondialisation et d’autres facteurs
économiques sur l’emploi informel .................................................................136
Graphique 6.2 Impact des politiques et de la réglementation sur
l’informalité ...........................................................................................................138
Graphique 6.3 Déterminants de la concentration des exportations .......141
Graphique A2.1 Quelques régressions par quantile ...................................204
3
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Remerciements
Ce projet a été mené à bien sous la supervision de Patrick Low et de Raymond Torres.
Les auteurs souhaitent remercier Charlotte Beauchamp, Margaret Fennessy, Sophie
Lièvre, Paulette Planchette et Judy Rafferty de leur aide pour l’élaboration du rapport;
Ana Cristina Molina et Lassana Yougbare de leur aide en matière de recherches,
ainsi que Azita Berar Awad, Franz Ebert, Frank Hoffer, Marion Jansen, David
Kucera, Francis Maupain, Marcelo Olarreaga, Roberta Piermartini, Anne Posthuma
et Uma Rani, qui ont fait des observations sur les versions précédentes de cette
étude. Ils tiennent à préciser qu’ils sont seuls responsables des erreurs ou omissions
qui pourraient encore y figurer. La production du rapport a été assurée en étroite
collaboration avec Anthony Martin, Serge Marin-Pache et Heather Sapey-Pertin de
la Division de l’information et des relations extérieures. Enfin, les auteurs remercient
la Division des services linguistiques, de la documentation et de la gestion de
l’information de l’OMC pour le travail considérable qu’elle a accompli.
5
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Avant-propos
La présente étude est le résultat d’un programme de recherche mené en collaboration
par l’Institut international d’études sociales de l’Organisation internationale du travail
(OIT) et le Secrétariat de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Faisant
suite à l’analyse conjointe des études sur le commerce et l’emploi, publiée en 2007,
elle est axée sur les liens entre la mondialisation et l’emploi informel dans les pays
en développement, sujet qui a fait l’objet de maints débats mais qui est relativement
peu connu.
Dans de nombreux pays en développement, une majorité de travailleurs sont employés
dans l’économie informelle, où ils ont de faibles revenus, une sécurité d’emploi limitée
et pas de protection sociale. La mondialisation, et le commerce en particulier, offrent
la possibilité d’accroître le bien-être à l’échelon mondial et d’améliorer la situation de
l’emploi. Ces dernières années, cependant, tandis que les échanges et la croissance
enregistraient une forte expansion au niveau mondial, la part des travailleurs dans
l’économie informelle a progressé ou est restée constante. Même dans l’économie
formelle, une proportion croissante de travailleurs n’est pas déclarée ou se trouve
dans une situation précaire. Ces conditions risquent fort de se dégrader sous l’effet
de la crise financière mondiale. L’étude présente une analyse approfondie des liens
d’interdépendance entre le commerce et l’économie informelle, et de la manière dont
des politiques commerciales bien conçues et des politiques favorisant des conditions
de travail décentes peuvent contribuer à améliorer la situation de l’emploi.
Nous considérons que cette étude est une initiative utile qui vient à point pour mieux
faire comprendre les liens complexes unissant commerce et emploi dans les pays
en développement. Nous espérons qu’elle aidera les gouvernements à prendre
des décisions dans un environnement complexe en rapide évolution. Conjuguant
les compétences des Secrétariats de l’OIT et de l’OMC, l’étude examine en quoi
les politiques commerciales et sociales peuvent aider à établir une trajectoire de
croissance plus équilibrée dans les pays en développement.
Nous sommes donc heureux de présenter cette étude, qui est le fruit d’une
collaboration suivie entre les deux Secrétariats sur des questions d’intérêt commun.
Pascal Lamy
Directeur général de l’OMC
Juan Somavia
Directeur général de l’OIT
7
RÉSUMÉ ANALYTIQUE
RÉSUMÉ ANALYTIQUE
La mondialisation n’a entraîné qu’une légère réduction de la vulnérabilité
du marché du travail dans de nombreux pays en développement …
Le commerce mondial a connu une vigoureuse expansion au cours de la décennie
écoulée. En 2007, il représentait plus de 60 pour cent du PIB mondial, contre moins
de 30 pour cent au milieu des années 1980. Il serait difficile de nier que cet essor
a favorisé la croissance et la création d’emplois à travers le monde. Mais, jusqu’à
présent, la vigueur de l’économie mondiale ne s’est pas traduite, dans bien des cas,
par une amélioration des conditions de travail et des niveaux de vie. La pauvreté
absolue a certes diminué grâce au dynamisme économique de ces dernières années,
aux efforts des entreprises privées, aux envois de fonds des travailleurs migrants
et aux initiatives de la communauté internationale du développement. Mais bien
souvent, les conditions du marché du travail et la qualité des emplois ne se sont pas
améliorées pour autant. Dans les pays en développement, la création d’emplois a eu
lieu principalement dans l’économie informelle, qui fait vivre près de 60 pour cent de
la population active. Or, l’économie informelle est caractérisée par une plus faible
sécurité de l’emploi, des revenus plus bas, le non-accès à de nombreux avantages
sociaux et une moindre possibilité de participer aux programmes d’éducation et de
formation formels – en somme ce sont les principaux ingrédients d’un travail décent
qui font défaut.
La vulnérabilité persistante du marché du travail a empêché les pays en développement
de tirer pleinement parti de la dynamique de la mondialisation. Bien que l’économie
informelle soit généralement caractérisée par un grand dynamisme, une grande
rapidité d’entrée et de sortie et une souplesse d’ajustement aux fluctuations de la
demande, son caractère informel limite la possibilité pour les pays en développement
de tirer pleinement profit de l’intégration dans l’économie mondiale. En particulier,
les pays où il existe un vaste secteur informel ne sont pas en mesure de se doter
d’une base d’exportation large et diversifiée en raison des entraves à la croissance
des entreprises. Nonobstant la difficulté bien connue d’obtenir des données fiables
sur les activités informelles (pour les raisons expliquées plus loin), il ressort de la
présente étude que les pays où l’économie informelle est importante ont des
exportations moins diversifiées – une augmentation de 10 points de l’importance de
9
10
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
l’économie informelle équivaut à une réduction de 10 pour cent de la diversification
des exportations. Les travailleurs du secteur informel ont du mal à acquérir les
qualifications formelles de base qu’ils pourraient mettre à profit dans une large gamme
d’emplois. De même, les entreprises de ce secteur sont souvent de petite taille et se
heurtent à des obstacles qui freinent leur croissance, et les empêchent d’offrir des
biens et des services de qualité. Et lorsque l’économie s’ouvre, le secteur informel
constitue souvent une variable d’ajustement pour les travailleurs qui perdent leur
emploi au détriment des normes de travail décent, ce qui n’aurait pas lieu s’il existait
d’autres possibilités d’emploi dans l’économie formelle. En bref, les entreprises du
secteur informel ne sont pas en mesure de réaliser des bénéfices suffisants pour
récompenser l’innovation et la prise de risque – deux conditions essentielles d’une
réussite économique durable. Selon les estimations, les pays analysés dans cette
étude ont perdu jusqu’à 2 points de croissance moyenne à cause du marché du travail
informel.
Enfin, la mondialisation a créé de nouveaux facteurs de chocs extérieurs. Les
chaînes de production mondiales peuvent propager les chocs macro-économiques
et commerciaux à travers les pays à une vitesse inouïe, comme l’a montré la crise
économique actuelle. Dans ces conditions, les pays en développement risquent
d’entrer dans un cercle vicieux d’informalisation et de vulnérabilité croissante. Ceux
qui ont un vaste secteur informel sont les plus touchés par les effets des chocs
négatifs. De fait, on estime que les pays où la part du secteur informel est supérieure
à la moyenne risquent trois fois plus de pâtir d’une crise que ceux où l’économie
informelle est moins développée. Il est donc utile de se pencher sur le problème
du secteur informel non seulement dans un souci d’équité sociale, mais aussi pour
améliorer l’efficience dynamique des pays de manière à ce qu’ils puissent accroître la
production à forte valeur ajoutée et affronter la concurrence sur le marché mondial.
Le fait d’encourager l’activité des travailleurs et des entreprises dans le secteur
formel aidera aussi les pays à accroître leurs recettes fiscales tout en leur donnant
les moyens de stabiliser leur économie et d’atténuer les effets négatifs des chocs
extérieurs. Comme l’a montré la crise actuelle, les pays dont le marché du travail
est vulnérable sont aussi ceux qui ont le plus de mal à faire face à la détérioration
des conditions économiques. C’est pourquoi il est essentiel, dans une optique de
développement, de réduire la taille du secteur informel.
L’étude affirme qu’il est possible de relever ces défis et de réduire le taux d’informalité
dans les pays en développement, malgré la pression accrue que la mondialisation
peut exercer sur le marché du travail. En fait, les réformes commerciales peuvent
être bénéfiques à long terme au marché du travail si l’on adopte la bonne stratégie
RÉSUMÉ ANALYTIQUE
d’ouverture – notamment en ce qui concerne le calendrier des réformes et les
politiques de soutien du type «Aide pour le commerce» – combinée à une série de
mesures internes appropriées. Pour que cette approche soit couronnée de succès, il
faut bien comprendre quelles sont les voies par lesquelles les réformes commerciales
influent sur le marché du travail. Il faut aussi comprendre comment les problèmes
liés à l’existence d’une économie informelle entravent la participation au commerce
international, limitent la diversification des exportations et affaiblissent la résistance
aux chocs économiques.
… car le dynamisme économique n’a pas réduit les taux d’informalité
élevés.
Il n’est pas facile de déterminer la taille des économies informelles, ni de suivre
l’évolution de l’emploi dans le secteur informel. S’appuyant sur une définition large
englobant différents «types d’informalité», cette étude montre – pour un échantillon
de pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine – que les taux d’informalité varient
fortement d’un pays à l’autre et sont très persistants dans le temps. Ils peuvent
être de l’ordre de 90 pour cent dans certains pays et de 30 pour cent à peine dans
d’autres. L’incidence de l’activité informelle varie aussi beaucoup en fonction du
niveau de qualification des travailleurs. On estime qu’en Amérique latine les plus
qualifiés ont cinq fois moins de probabilité de travailler dans le secteur informel que
les moins qualifiés. De surcroît, les choix professionnels influent grandement sur
le risque d’informalité. Le travail indépendant semble être associé à l’informalité
dans plus de 50 pour cent des cas, alors que le travail dans une petite entreprise
de moins de cinq employés réduit ce risque à environ 30 pour cent. Mais ce qui
est plus important encore, c’est qu’il est avéré que les taux d’informalité évoluent
peu dans le temps et ne réagissent que faiblement à l’accélération de la croissance
économique ou à l’ouverture du commerce. De fait, seuls quelques pays enregistrent
un recul persistant du secteur informel après l’ouverture du commerce, alors que
dans d’autres, ne diminuent que très faiblement, voire pas du tout, sous l’effet de
l’intégration commerciale. Ce constat remet en cause certaines des affirmations
précédentes concernant les effets bénéfiques de la croissance et de l’intégration
commerciale sur la création d’emplois (dans le secteur formel). Il donne aussi à
penser que les politiques menées – réglementation du marché du travail, coordination
avec les réformes commerciales et mesures de soutien du commerce – jouent un rôle
crucial en déterminant la capacité de chaque pays à tirer profit de l’intégration dans le
commerce international et de l’accélération de la croissance.
11
12
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Dans certains cas, les réformes commerciales ont accentué la
vulnérabilité du marché du travail à court terme …
La théorie économique ne permet guère de faire des prévisions solides sur les
conséquences de l’ouverture du commerce pour le secteur informel. Les modèles
théoriques privilégient les cas où l’ouverture commerciale entraîne une augmentation
de l’emploi dans le secteur informel, analysant dans quelles conditions les salaires
dans ce secteur augmenteront ou diminueront. Comme les modèles disponibles
diffèrent sur bien des points, il est difficile de comparer les résultats et d’isoler le rôle
de leurs hypothèses spécifiques. Les résultats théoriques mettent cependant en
lumière un certain nombre d’éléments essentiels qu’il faut prendre en considération
pour mieux comprendre les liens entre mondialisation et économie informelle. Si
les capitaux sont mobiles entre les secteurs, l’économie informelle peut bénéficier
d’une augmentation de la demande des biens et services qu’elle produit; les salaires
informels pourraient alors augmenter. Les marchés du travail informels pourraient
profiter encore plus des réformes commerciales si leurs produits étaient directement
échangeables sur les marchés internationaux – condition préalable qui ne semble
guère pouvoir être remplie dans de nombreux pays, comme le montrera cette étude.
En revanche, dans la mesure où il existe des relations verticales complémentaires
entre l’économie formelle et l’économie informelle, l’ajustement structurel dans le
secteur formel consécutif à des réformes commerciales peut avoir un effet négatif –
du moins à court terme – sur le secteur informel.
Nonobstant la plausibilité théorique de ces voies de transmission, il a été démontré
que les réformes commerciales ont bien souvent suscité des réactions du marché du
travail différentes de celles que supposaient ces liens a priori. On peut s’attendre,
par exemple, à ce que la mondialisation et l’intégration commerciale amènent les
pays dotés d’une main-d’œuvre abondante à se spécialiser dans les industries
utilisant beaucoup de main-d’œuvre peu qualifiée. Certains espéraient que cela
entraînerait une hausse des salaires ou une amélioration des conditions de travail
de la main-d’œuvre peu qualifiée, notamment du fait de l’augmentation du nombre
d’emplois dans le secteur formel pour les travailleurs peu qualifiés. Or, les données
disponibles indiquent que la prime de qualification a augmenté, aussi bien dans les pays
développés que dans les pays émergents, de sorte que la situation des travailleurs peu
qualifiés s’est (relativement) détériorée. Cette évolution a été expliquée en partie par
le fait que les investissements internationaux sont complémentaires de la demande
de main-d’œuvre très qualifiée. En effet, les grandes entreprises multinationales
ont besoin d’embaucher du personnel qualifié dans les pays émergents pour pouvoir
organiser efficacement leurs chaînes de production internationales, ce qui explique
RÉSUMÉ ANALYTIQUE
pourquoi les primes de qualification ont aussi augmenté dans ces pays. Il a été dit par
ailleurs que l’évolution technologique qui favorise la demande de travailleurs qualifiés
peut être liée à l’augmentation observée des primes de qualification. À mesure que
la technologie se diffuse dans le monde, les pays enregistrent une augmentation de
la demande de main-d’œuvre très qualifiée – que la main-d’œuvre peu qualifiée soit
abondante ou non. Il se peut aussi que l’évolution technologique biaisée en faveur
des compétences soit liée de plus en plus à l’ouverture du commerce. Il est d’ailleurs
attesté empiriquement que l’ouverture commerciale a favorisé le développement et
la diffusion des technologies exigeant des qualifications élevées.
Les quelques données disponibles ne permettent pas de tirer des conclusions
générales quant aux effets de l’ouverture du commerce sur l’emploi. Celles qui
concernent les pays d’Amérique latine semblent indiquer que ces effets dépendent
fortement des circonstances nationales. Le fait que le marché du travail informel
réagit différemment (à court terme) aux réformes commerciales d’un pays à l’autre
semble être dû aussi à des différences dans la redistribution sectorielle du capital et
du travail, liées en partie à la diversité des politiques mises en place.
… et semblent ne profiter à l’emploi et aux salaires que sur le long terme.
En dernière analyse, les difficultés rencontrées dans les études empiriques pour
identifier clairement l’impact de l’ouverture du commerce sur l’économie informelle
semblent dues en partie au fait qu’il faut distinguer les effets à court terme des
effets à long terme. Selon les estimations présentées dans cette étude, il se peut
que l’ouverture du commerce entraîne, à court terme, la croissance du marché du
travail informel, qui oblige les entreprises protégées du secteur formel à s’adapter et
à redéployer emplois et salariés. Mais à plus long terme, le plus grand dynamisme
économique qui devrait résulter de l’intensification des échanges peut stimuler
l’emploi dans le secteur formel. Ce résultat peut permettre de rapprocher en
partie les différences d’interprétation entre les analyses examinées ici. Il cadre
aussi avec les conclusions d’études transversales plus récentes, qui montrent que
les réformes commerciales peuvent entraîner un accroissement de la production
du secteur informel parallèlement à un recul de l’emploi, ce qui signifie que des
gains de productivité peuvent être enregistrés dans ce secteur après une réforme
commerciale. L’analyse empirique présentée dans cette étude montre aussi que les
politiques nationales jouent un rôle clé dans l’explication des avantages que les pays
ont pu retirer des réformes commerciales.
13
14
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Le marché du travail informel pèse sur les résultats à l’exportation des
pays en développement …
Non seulement l’économie informelle est influencée par le commerce international,
mais encore elle influe sur la capacité d’un pays à y participer et à générer de la
croissance. Il y a cependant peu d’études empiriques analysant le lien de causalité
possible entre informalité et commerce. Bon nombre des travaux dans ce domaine
s’appuient sur des déductions indirectes et ont été effectués à un niveau très agrégé.
On sait peu de choses sur la microéconomie de l’activité informelle et la dynamique
de l’emploi, la création d’entreprises et la croissance. La présente étude identifie,
cependant, sur la base des données disponibles et d’une analyse empirique originale,
quatre canaux par lesquels le marché du travail informel peut influer sur les résultats
commerciaux et macro-économiques: l’existence d’un large secteur informel peut a)
réduire le degré de diversification des exportations, b) limiter la taille des entreprises
et, partant, la croissance de la productivité, c) contribuer à l’engrenage de la pauvreté
en empêchant la redistribution des emplois dans l’économie formelle et d) avoir un
effet plus positif en favorisant l’offre de biens et services intermédiaires bon marché
permettant aux entreprises du secteur formel d’être plus compétitives sur les marchés
internationaux.
La diversification des exportations est considérée depuis longtemps comme une
condition préalable à la croissance et au développement, sauf peut-être pour les
(petits) pays très avancés qui peuvent tirer pleinement parti du commerce international
en se spécialisant dans des marchés de niche. Les pays qui ne diversifient pas leurs
exportations – notamment en passant de l’exportation de produits de base dont la
demande n’est pas élastique et qui sont sensibles aux prix à l’exportation de produits
finis et semi-finis – risquent de s’enfermer dans un schéma de spécialisation qui leur
laisse peu de possibilités d’innovation et de création de valeur. Cette dynamique de
spécialisation défavorable peut être liée en partie aux carences de la réglementation
ou à l’absence de réformes commerciales. Mais, l’étude souligne aussi que l’existence
d’une économie informelle importante par rapport à l’économie formelle est une cause
supplémentaire de faible diversification des exportations. Elle montre que cet effet
n’est pas lié au degré effectif d’ouverture commerciale et s’ajoute aux autres facteurs
susceptibles d’influer sur la diversification des exportations, tels que la taille du pays.
L’économie informelle peut aussi nuire aux résultats commerciaux, car les entreprises
informelles sont souvent trop petites pour tirer pleinement parti des économies
d’échelle. Il existe cependant un lien étroit entre la taille des entreprises, les gains de
productivité et les possibilités d’exportation. Non seulement les grandes entreprises
RÉSUMÉ ANALYTIQUE
peuvent bénéficier d’économies d’échelle, mais aussi elles ont plus facilement
accès à la main-d’œuvre très qualifiée et au crédit bancaire (notamment aux crédits
commerciaux). Elles sont généralement plus fiables que les petites entreprises
pour ce qui est de l’exécution des contrats de vente dans les délais, ce qui est un
précieux atout pour nouer des relations durables avec la clientèle. Le fait que les
petites entreprises ont du mal à recruter des cadres compétents et se cantonnent
généralement dans les réseaux commerciaux locaux semble être le facteur le plus
répandu à cet égard. Différentes expériences nationales confirment ce tableau
d’ensemble. Lorsque la taille moyenne des entreprises diminue soudainement, les
pays perdent généralement des parts de marché à l’international et leurs échanges
commencent à diminuer. Cet effet est amplifié par la tendance des petites entreprises
à desservir principalement le marché local, ce qui les prive d’une part, du contact avec
la clientèle internationale – et donc de la possibilité de répondre à ses préférences,
par exemple – et, d’autre part, de l’accès aux circuits de distribution internationaux.
Le secteur informel peut aussi constituer un obstacle à la restructuration de
l’économie. On estime qu’environ 10 pour cent des emplois sont détruits chaque
année dans de nombreux pays, quelle que soit leur situation économique et
institutionnelle, et que bon nombre des travailleurs qui perdent leur emploi doivent
choisir entre le chômage et un emploi dans le secteur informel. Cependant, dans les
pays qui n’ont pas de système de protection sociale, même le plus élémentaire, le
chômage n’est vraisemblablement pas une option. Le taux d’entrée dans le secteur
informel est donc élevé, mais il en va de même du taux de sortie, de sorte que le
niveau de mobilité dans le secteur informel est comparable à celui qui est observé
dans l’économie formelle. Cela donne l’impression que les segments informels de
l’économie sont dynamiques, mais en fait, de nombreux travailleurs y restent pendant
de longues périodes et, bien souvent, ils en sortent par le bas, c’est-à-dire, entre
autres, par le chômage ou le retrait du marché. En outre, il est beaucoup plus difficile
pour les travailleurs du secteur informel de revenir sur le marché de l’emploi formel,
en particulier dans les segments inférieurs de ce marché. Pour les pays qui ont fait
l’objet d’une analyse empirique, l’étude estime qu’une fois sur le marché informel, un
travailleur a deux fois plus de risque de devenir chômeur dans une année donnée
que de retrouver un emploi dans le secteur formel. Et la probabilité qu’il reste dans
le secteur informel est plus de deux fois plus grande. Les mêmes données montrent
que, si la réaffectation des emplois est importante pour la réussite de l’ajustement
structurel, l’économie informelle peut empêcher la transition nécessaire entre
différents segments de l’économie formelle en partie à cause de la perte de capital
humain et social pour ceux qui restent longtemps dans l’économie informelle. Cela
peut entraîner des pénuries de main-d’œuvre dans les secteurs qui prospèrent à la
15
16
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
suite d’une réforme commerciale, de sorte que les entreprises de ces secteurs sont
amenées à réduire leur capital et la taille de leurs installations, ce qui limite leurs
possibilités d’exportation et empêche les pays concernés de profiter pleinement de
l’ouverture commerciale.
Enfin, l’économie informelle est jugée indispensable pour permettre aux entreprises du
secteur formel qui font partie de chaînes d’approvisionnement verticales de soutenir
la concurrence sur les marchés internationaux. Il a été dit aussi que l’existence d’un
vaste secteur informel est importante pour le succès des zones franches industrielles.
Toutefois, les données empiriques disponibles ne permettent pas de tirer des
conclusions claires sur ce point. Il se peut que les entreprises qui utilisent des intrants
provenant de l’économie informelle soient elles-mêmes en position de faiblesse sur
les marchés mondiaux et doivent lutter pour survivre. L’utilisation d’intrants fournis
par le secteur informel est alors pour elles un dernier recours pour faire face à la
concurrence internationale. Cela ne peut pas être considéré comme une stratégie
gagnante pour conquérir des parts de marché. De plus, les données disponibles
semblent indiquer que le soutien par le secteur informel d’entreprises formelles
non rentables peut être préjudiciable à terme au développement et à la croissance
économiques. On peut démontrer, en particulier, que les gains de compétitivité-prix
résultant de l’utilisation de biens intermédiaires provenant du secteur informel ont un
coût en termes de réduction de la taille moyenne des entreprises, de la croissance
potentielle et des gains de productivité, ce qui nuit aux résultats économiques à long
terme et aux performances dans le commerce international.
… et déclenche un engrenage de pauvreté dans les pays où le marché
du travail est vulnérable.
L’économie informelle est associée à une plus grande vulnérabilité aux chocs
économiques, en même temps qu’elle rend ces chocs plus probables. La combinaison
de ces deux tendances peut créer un cercle vicieux, car elle nuit aux performances à
long terme d’un pays, diminue les bénéfices qu’il peut tirer du commerce et réduit le
bien-être économique. La volatilité de la croissance et la fréquence des phénomènes
économiques extrêmes (par exemple brusque alternance de phases de croissance
rapide et de ralentissement) ont tendance à augmenter avec la taille de l’économie
informelle. Les pays où elle est supérieure à la moyenne ont presque deux fois plus
de risque de subir des phénomènes économiques extrêmes que ceux où l’emploi
informel est plus limité. Les données empiriques présentées dans la littérature
confirment généralement cet effet négatif de l’économie informelle sur la volatilité
des cycles économiques – l’informalité étant à la fois une cause directe de volatilité
RÉSUMÉ ANALYTIQUE
accrue et un indicateur indirect de carences institutionnelles qui rendent un pays
moins résistant aux chocs, comme l’absence de stabilisateurs automatiques ou la
présence de distorsions d’ordre réglementaire.
La présente étude montre qu’un taux d’informalité élevé place les pays concernés
dans les segments les plus bas, et les plus vulnérables, des chaînes de production
mondiales. Les pays où le secteur informel est très développé peuvent attirer des types
particuliers de flux de capitaux, liés à l’existence d’un vaste gisement de main-d’œuvre
bon marché. Un certain nombre de pays émergents et de pays en développement
semblent avoir essayé, dans le passé, de tirer argument de la taille de leur secteur
informel pour inciter les investisseurs internationaux à profiter des faibles coûts de
main-d’œuvre. Les zones franches industrielles, par exemple, peuvent abaisser ces
coûts par rapport au reste de l’économie par l’application sélective ou partielle du
droit du travail. Mais les gouvernements peuvent aussi établir ces zones dans les
régions et les secteurs où l’activité informelle est très répandue pour y améliorer les
conditions de travail. Les observations empiriques laissent penser que cet objectif
n’a pas toujours été atteint. Cela tient en partie à ce que le marché du travail informel
et les zones franches industrielles sont souvent les maillons faibles de la chaîne de
production mondiale, ce qui empêche les entreprises opérant dans ces zones de
s’approprier une part suffisamment grande de la valeur ajoutée internationale pour
croître et innover. Les conditions de travail locales peuvent alors s’améliorer dans une
certaine mesure – du moins par rapport à la situation qui existait avant l’ouverture au
commerce et à l’investissement – mais les arrangements de ce type ne permettent
guère aux pays de dégager des bénéfices croissants de l’intégration internationale.
Il se peut même qu’au bout du compte, les conditions du marché du travail ne soient
guère plus favorables qu’avant l’ouverture économique, alors que l’économie peut
être devenue plus vulnérable aux chocs externes.
Les politiques adoptées par les pays en développement jouent un
rôle décisif dans l’augmentation des avantages qu’ils retirent de la
mondialisation …
L’une des principales conclusions de cette étude conjointe du BIT et de l’OMC est qu’il
n’existe pas de relation simple ou linéaire entre l’ouverture du commerce et l’évolution
de l’emploi dans le secteur informel. L’augmentation initiale de la taille du secteur
informel peut s’inverser lorsque l’ouverture commerciale favorise la croissance du
secteur formel. La réaction aux réformes commerciales varie d’un pays à l’autre.
Certains enregistrent une forte hausse du taux d’informalité, tandis que d’autres
ne voient aucun changement à ce niveau ou bénéficient même, au départ, de la
17
18
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
croissance de l’économie formelle. Cette grande diversité des résultats se retrouve
dans les différentes conclusions des études résumées ici. Mais le point essentiel,
c’est que les politiques adoptées jouent un rôle décisif.
… en favorisant la formalisation de l’économie informelle, …
L’étude examine trois cas dans lesquels les politiques peuvent être ajustées de
manière à maximiser l’impact positif des réformes commerciales sur le marché du
travail. Dans le premier cas, l’accent est mis sur l’importance de créer des conditions
favorisant la formalisation de l’économie informelle, indépendamment du degré
d’intégration du pays dans l’économie mondiale. Il faut reconnaître que les stratégies
de formalisation ne peuvent pas régler d’un coup les problèmes du marché du travail
dans les pays en développement. Mais, vu que, dans ces pays, environ 60 pour cent
des actifs travaillent dans l’économie informelle, des pans entiers de la société sont
privés de sources de revenu et de perspectives professionnelles adéquates. Dans
le même temps, des taux d’informalité élevés limitent les ressources publiques qui
pourraient être utilisées de façon productive, freinent la croissance de la demande
globale et entravent l’intégration des pays dans l’économie mondiale. Les politiques
qui permettent de soutenir les entreprises et les travailleurs du secteur informel –
dans le but de les ramener, à terme, dans l’économie formelle – pourraient donc non
seulement aider à améliorer les conditions de travail, mais aussi alimenter un moteur
important de la croissance.
Il faut faire une distinction entre les politiques qui favorisent la formalisation des
entreprises et celles qui visent les travailleurs. Dans le premier cas, les politiques
peuvent renforcer les incitations en abaissant le coût de la formalisation et en
augmentant les avantages qu’elle procure. Bien souvent, ce résultat peut être obtenu
au moyen de modifications de la réglementation ou des dispositions administratives
qui n’ont aucun coût budgétaire pour les autorités. La simplification des formalités,
l’allégement de la pression fiscale (en particulier pour les jeunes entreprises et les
petites entreprises) et l’octroi d’une aide aux entreprises qui souhaitent faire appel
aux marchés de capitaux (locaux) sont autant d’exemples de stratégies que les pays
peuvent mettre en œuvre. Ces mesures peuvent avoir un coût budgétaire limité,
mais elles procurent des avantages qui peuvent être importants à long terme. En
outre, les marchés publics peuvent être utilisés pour stimuler la demande de la part
de l’économie formelle, ce qui peut inciter les entreprises informelles à entrer dans
le secteur formel.
RÉSUMÉ ANALYTIQUE
Pour faciliter le passage des travailleurs informels dans l’économie formelle, les
politiques devraient mettre l’accent sur: a) l’octroi d’un soutien aux travailleurs
pour qu’ils sortent du secteur informel; b) l’investissement dans les infrastructures
de manière à améliorer la productivité des entreprises informelles et faciliter la
formalisation; et c) la mise en place d’une protection sociale de base pour ceux qui
restent dans le secteur informel. À cet égard, il faudrait mettre résolument l’accent
sur les moyens et programmes de formation destinés aux travailleurs informels, étant
donné la relation (négative) très nette mise en lumière dans cette étude entre le
niveau d’éducation et le travail informel. Ces politiques pourraient s’appuyer, dans
la mesure du possible, sur les infrastructures de formation existant dans l’économie
informelle afin de peser moins lourdement sur le budget et avoir une plus grande
efficacité. En outre, pour toucher les travailleurs informels de la catégorie supérieure,
on pourrait modifier le barème d’imposition et, si possible, adopter un code des
impôts très simplifié de manière à renforcer le respect de la réglementation fiscale
et du droit du travail, à accroître l’offre de main-d’œuvre dans l’économie formelle et
à augmenter les recettes fiscales. Cette augmentation des recettes pourrait être
mise à profit pour encourager plus directement la création d’emplois dans l’économie
formelle en mettant en place des dispositifs d’embauche ciblés ou en subventionnant
les salaires. Conjuguées à des possibilités de formation adéquates, ces mesures
pourraient dynamiser considérablement l’emploi dans l’économie formelle.
Toutefois, de telles politiques ne permettent pas de toucher tous les travailleurs
informels. Aussi faut-il renforcer les mécanismes permettant de soutenir ceux
qui restent dans l’économie informelle en assurant au moins une protection
sociale de base, de manière à limiter la vulnérabilité sur ce marché et à améliorer
le fonctionnement du marché du travail informel. Mais ces mesures peuvent avoir
un coût budgétaire élevé, en particulier dans les pays où le secteur informel est
important, ce qui explique qu’elles n’aient pas été appliquées plus largement. À
cet égard, les données disponibles tendent à montrer qu’il est possible d’établir un
minimum social à un coût acceptable sans compromettre la viabilité budgétaire. En
outre, dans les pays où l’économie informelle a commencé à s’auto-organiser (par
le biais d’associations de travailleurs, par exemple), les autorités pourraient soutenir
ces mécanismes d’auto-assurance en fournissant les garanties nécessaires, sans
les gérer elles-mêmes. Plus généralement, il faudrait s’appuyer sur les collectivités
et les initiatives locales pour définir des politiques de soutien à l’économie informelle
qui contribueraient à l’efficacité accrue des mesures prises. Le dialogue social entre
employeurs et travailleurs, notamment au niveau national, est essentiel pour le succès
des stratégies de formalisation.
19
20
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
… en permettant de mettre en œuvre des réformes commerciales tout
en veillant à la création d’emplois …
Deuxièmement, les réformes commerciales peuvent être mises en œuvre d’une
manière favorable à l’emploi, en faisant en sorte que le redéploiement des emplois
soit plus propice à la croissance de l’emploi. Bien que l’on sache peu de chose des
aspects microéconomiques de la dynamique de transformation qui suit les réformes
commerciales, il s’est avéré, dans le passé, que certains principes généraux servaient
de base à un ensemble de politiques solides de nature à rendre les réformes
commerciales plus favorables au marché du travail. Tout d’abord, un processus
graduel peut être nécessaire pour aider les autorités, les travailleurs et les entreprises
à s’adapter au nouvel environnement. Comme cela est indiqué dans la présente étude,
la réduction des obstacles au commerce accentuera sans doute la vulnérabilité du
marché du travail à court terme, malgré la promesse d’effets bénéfiques à plus long
terme. Les autorités doivent en tenir compte lorsqu’elles soupèsent les différentes
options de réforme. De ce point de vue, les flexibilités accordées aux pays en
développement dans le cadre des négociations commerciales à l’OMC et inscrites
dans les règles devraient permettre de réduire les éventuels coûts d’ajustement à
court terme. Le processus d’ouverture devrait néanmoins être exempt, autant que
possible, de toute distorsion. Le fait d’ouvrir seulement quelques segments de
l’économie tout en maintenant certains secteurs ou certaines entreprises à l’abri
de la concurrence étrangère risque d’aggraver les distorsions dans l’économie sans
forcément procurer des avantages macro-économiques. Par ailleurs, l’ouverture du
commerce ne devrait pas être limitée à l’ouverture à la concurrence des importations
– il est en effet essentiel de développer un secteur orienté vers l’exportation pour
réduire les coûts d’ajustement associés aux réformes commerciales et aider les
travailleurs à passer des secteurs exposés à la concurrence des importations aux
secteurs tournés vers l’exportation. L’initiative Aide pour le commerce peut jouer
un rôle important à cet égard. L’ouverture du commerce aux niveaux régional et
multilatéral peut aussi être utile pour diversifier l’économie. Enfin, l’étude soutient que
les réformes commerciales doivent être annoncées d’une façon crédible. L’ajustement
sera d’autant plus rapide que les travailleurs et les entreprises seront convaincus du
caractère irréversible des mesures prises en vue d’ouvrir davantage le commerce. La
mise en œuvre de l’Agenda du travail décent est nécessaire à cet égard.
… et en tirant parti des complémentarités entre la réforme commerciale
et celle du marché du travail.
Troisièmement, l’étude souligne l’importance de la cohérence entre la politique
commerciale et la politique du marché du travail. Les approches antérieures misaient
RÉSUMÉ ANALYTIQUE
généralement sur le commerce, qui était censé contribuer, par effet de ruissellement,
à la création d’emplois et à la croissance des salaires. Ces approches, qui ne
semblent pas avoir donné des résultats satisfaisants, pourraient être complétées par
la prise en compte plus effective des interactions entre le commerce et la dynamique
du marché du travail. L’une d’elles a consisté à demander l’intégration de certaines
normes du travail en particulier les normes fondamentales du travail définies dans
la Déclaration de l’OIT de 1998 – comme la liberté syndicale et la reconnaissance
effective du droit de négociation collective; l’élimination de toutes les formes de
travail forcé et obligatoire; l’abolition effective du travail des enfants; et l’élimination
de la discrimination dans l’emploi et la profession. Bien qu’il n’y ait pas de consensus
sur cette approche à l’OMC, dont les Membres ont reconnu, dans la Déclaration
ministérielle de Singapour, la compétence de l’OIT pour ce qui est d’«établir» les
normes du travail «et s’en occuper», quelques accords commerciaux bilatéraux
contiennent des dispositions de ce genre. Mais l’on ne sait pas très bien dans quelle
mesure elles ont profité aux travailleurs des pays concernés. Il semblerait que les
normes en vigueur sur le marché du travail formel aient des répercussions sensibles
sur les conditions de travail dans l’économie informelle. Par exemple, l’augmentation
prudente du salaire minimum légal peut entraîner une hausse des rémunérations
dans le secteur informel et peut même accroître – comme le montre cette étude – les
incitations à la création d’emplois dans le secteur formel.
L’application plus large de politiques actives du marché du travail est un autre
moyen d’aider les pays à s’adapter à l’ouverture commerciale. On a constaté dans
le passé que, si elles sont bien conçues, ces politiques peuvent être des outils
efficaces de redistribution des emplois, même en période d’ajustement structurel
(ajustement qui a lieu, en général, après l’ouverture du commerce). Cependant, ces
politiques supposent la mise en place de services publics d’emploi et de centres
d’information pouvant recueillir des informations pertinentes sur le marché du travail
(restructurations d’entreprises, faillites, offres d’emploi ou besoins de formation des
entreprises, au niveau local par exemple). En outre, des financements supplémentaires
sont nécessaires pour fournir des services de formation (recyclage) et de recherche
d’emploi aux chômeurs et aux travailleurs du secteur informel. Il est essentiel que
ces mécanismes disposent de ressources financières et humaines suffisantes pour
paraître crédibles. De longues heures d’attente et des services de conseil ou de
formation de piètre qualité risquent de susciter la frustration et le désintérêt de ceux
qui ont recours à ces services. Il ressort des données disponibles que le coût d’une
politique du marché du travail active et effective dépasse rarement 1,5 pour cent du
PIB. Dans de nombreux pays en transition d’Europe orientale, il ne représente pas
plus de 1 pour cent du PIB, dépense qui pourrait être financée en partie par l’aide
21
22
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
publique au développement dans les pays qui n’ont pas la capacité budgétaire requise
pour appliquer un tel système.
Enfin, la politique commerciale et la politique du marché du travail doivent être mises
en œuvre de façon coordonnée. L’offre doit être renforcée parallèlement à l’ouverture
du commerce pour permettre la concrétisation rapide des avantages à long terme de
l’intégration internationale. Il peut être suffisant, dans un premier temps, de réduire
les obstacles à la croissance des entreprises et à la création d’emplois, tels que les
pesanteurs administratives, l’absence de droits de propriété bien définis, ou l’absence
de dosage judicieux des politiques, comme cela a été dit plus haut. L’ouverture du
commerce peut mettre en évidence certaines des contraintes qui pèsent le plus
lourdement sur la croissance des entreprises et la création d’emplois. Les autorités
peuvent donc utiliser aussi ce processus comme un révélateur. Enfin, la collaboration
étroite entre les ministères peut faciliter l’échange d’informations et servir à élaborer
un vaste programme de réformes qui pourra ensuite être affiné. Les organisations
internationales devraient, autant que possible, apporter un soutien à la réforme des
politiques et fournir une assistance technique pour la conception, la mise en œuvre
et la coordination de ces réformes, qui visent à accroître le bien-être.
CHAPITRE 1: Mondialisation et informalité en
période de crise
A. Les marchés du travail dans les économies en
développement ouvertes
L’intégration de l’économie mondiale a atteint un niveau sans précédent. D’après
les Indicateurs du développement dans le monde, le volume du commerce mondial a
représenté, en 2007, plus de 61 pour cent du PIB mondial. La crise financière a de
nouveau montré l’importance du commerce comme moteur de la croissance mondiale
et elle a révélé l’ampleur des répercussions des chocs au niveau international. Environ
un emploi sur cinq est lié au commerce – même dans les grandes économies comme
les États-Unis (International Trade Administration, 2006) – car ces emplois se
trouvent dans des entreprises exportatrices ou dans des secteurs qui produisent des
services essentiels pour les activités commerciales. L’essor du commerce mondial
– lié en particulier à l’ouverture, dans les années 1990, de plusieurs grands pays
représentant plus de la moitié de la population mondiale – a soutenu la croissance
économique dans l’ensemble du monde et a entraîné une croissance rapide de
l’emploi. L’Organisation internationale du travail estime que, grâce à cette expansion
mondiale, 40 millions d’emplois supplémentaires ont été créés chaque année, entre
1995 et 2005, dans les pays membres.
Malgré le dynamisme du marché du travail, les conditions de travail ne se sont pas
améliorées rapidement. La création d’emplois est allée de pair avec la prolifération,
dans les pays développés, des contrats de travail atypiques – travail temporaire,
emploi à temps partiel – et avec la persistance d’une importante économie informelle
dans les pays en développement (Institut international d’études sociales (IIES),
2008). Les travailleurs qui arrivent sur le marché du travail trouvent plus facilement
un emploi occasionnel, dans la production domestique ou sans contrat en bonne
et due forme ni accès à la sécurité sociale (retraite, assurance-maladie, assurance
contre les accidents du travail et allocations de chômage). Ceux qui sont déjà sur
le marché du travail – et qui ont un emploi dans le secteur formel – peuvent être
tentés de quitter ce secteur dans l’espoir d’accroître leur revenu net disponible. Quoi
23
CHAPITRE 1
CHAPITRE 1. MONDIALISATION ET INFORMALITÉ EN PÉRIODE DE CRISE
24
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
qu’il en soit, les travailleurs employés dans le secteur informel sont moins protégés
et sont plus vulnérables aux brusques revirements du marché; ils doivent accepter
de fortes baisses de salaire lorsque la situation change et ils ont moins de chances
de bénéficier des programmes (formels) d’éducation et de formation financés par
les pouvoirs publics (Kucera et Roncolato, 2008). Par ailleurs, l’existence d’une
vaste économie informelle ne permet pas aux pays en développement de profiter
pleinement de leur intégration dans l’économie mondiale, les rend vulnérables aux
brusques changements de conjoncture et les empêche de mettre en place une base
d’exportation large et diversifiée. En conséquence, des taux élevés d’informalité
freinent la croissance des revenus et de la productivité, qui pourrait être beaucoup
plus forte (Lopez et Servén, 2009; Perry et al., 2007).
Le fait que la croissance économique et l’ouverture commerciale ne profite pas
pleinement à toutes les couches de la société a amené à s’interroger sur le schéma
actuel de la mondialisation. Certains estiment que l’augmentation observée de
l’emploi informel est imputable à la mondialisation. D’autres font valoir que le
commerce international n’a pas du tout aidé les travailleurs informels à trouver de
meilleures conditions de travail. Ces deux points de vue ont en commun l’idée que les
salariés ont un contrôle limité sur leurs conditions d’emploi et que l’intensification de
la concurrence résultant du commerce international est un facteur qui détermine la
dynamique des emplois et de la qualité de l’emploi. Le présent rapport montre que le
tableau est plus complexe et qu’il faut faire une distinction entre le coût de l’ouverture
commerciale à court terme et les gains qui en découlent à long terme. Il montre
que certains pays ont réussi à la fois à renforcer leur intégration internationale et à
réduire la taille de l’économie informelle. Il montre aussi qu’il peut falloir du temps
pour que l’intégration commerciale (et des réformes commerciales bien conçues)
procure des avantages manifestes sur le marché du travail. Et surtout, il souligne le
rôle que jouent à cet égard les politiques intérieures relatives au marché du travail
et – dans une moindre mesure – aux marchés de produits.
Ce rapport brosse un tableau multiforme de l’économie informelle. Traditionnellement,
l’informalité persistante est une caractéristique des pays en développement et des
pays émergents. En tant que telle, la dynamique de l’emploi informel peut être
observée à la fois historiquement et d’un pays à l’autre dans toutes les économies
à un certain stade de leur développement. En outre, de nouvelles formes d’emploi
informel apparaissent lorsque le régime fiscal ou réglementaire pousse certains
à se marginaliser pour tenter d’en éviter les effets défavorables. Ces nouvelles
formes d’emploi informel posent des problèmes importants aux décideurs, car elles
montrent que les politiques de croissance et de modernisation ne suffisent pas
nécessairement pour éliminer, ou réduire, l’emploi informel. Cette étude montre en
particulier que l’espoir que la croissance et l’intégration internationale entraîneront
automatiquement la disparition de l’emploi informel n’est pas justifié. Au contraire,
certaines formes d’emploi informel sont une réaction à l’incapacité des pouvoirs
publics d’assurer une protection sociale adéquate et de ramener la fiscalité à un
niveau compatible avec les incitations à travailler et la création d’emplois formels.
Enfin, certaines formes d’informalité peuvent être, et ont été, considérées comme
une réaction des entreprises formelles à leurs difficultés d’intégration ou de survie
sur les marchés mondiaux. Dans ce cas, l’informalité permet aux entreprises opérant
à l’international de limiter l’impact de certains chocs (par exemple, sur les termes de
l’échange) en utilisant les intrants et la main-d’œuvre meilleur marché et plus souples
qu’elles trouvent dans le secteur informel.
Mais, comme le montre l’étude, ces formes d’informalité font obstacle à la croissance
et à l’augmentation de la compétitivité commerciale, du moins à long terme. C’est
seulement dans certains domaines – souvent liés aux chaînes de production
mondiale – que le secteur informel a permis aux entreprises exportatrices de
survivre sur les marchés internationaux, sans toutefois gagner beaucoup de parts
de marché. Au niveau micro-économique, l’emploi informel va de pair avec une
information insuffisante sur les possibilités d’activités rentables, avec l’incapacité
d’acquérir des compétences formelles et avec l’absence d’assurance contre les
événements défavorables. Au niveau global, ces éléments se conjuguent pour créer
des conditions sociales et macro-économiques instables, qui peuvent avoir des
retombées à l’échelon régional. En outre, l’informalité aggrave les inégalités et réduit
l’efficience (et donc la croissance du PIB). Elle empêche de bénéficier d’un avantage
comparatif dynamique qui permettrait de monter dans la chaîne de valeur et de créer
une base d’exportation diversifiée. Enfin, dans la mesure où elle est le symptôme
d’une inefficacité plus large liée à une réglementation excessive ou à une fiscalité
qui crée des distorsions, l’informalité limite le potentiel de rattrapage d’un pays et,
partant, son potentiel de croissance.
Comme on l’a dit, cette étude montre aussi que l’existence d’une importante
économie informelle explique en grande partie pourquoi les pays en développement
ne profitent pas pleinement de leur intégration dans l’économie mondiale. À cet
égard, une formalisation réussie améliorerait les conditions de travail de larges
segments du marché du travail dans ces pays, mais elle constituerait aussi un
important vecteur de croissance future, qui dynamiserait l’économie du pays
concerné et l’économie mondiale. Environ 60 pour cent des actifs dans le monde
ne sont pas employés de manière formelle, ce qui les prive de sources de revenu et
25
CHAPITRE 1
CHAPITRE 1. MONDIALISATION ET INFORMALITÉ EN PÉRIODE DE CRISE
26
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
de perspectives professionnelles adéquates. En outre, cela limite les ressources
publiques qui pourraient être utilisées de façon productive et freine la croissance de
la demande globale. Or, l’intégration d’un pays dans l’économie mondiale – si elle
est bien gérée – est l’une des meilleures occasions pour les travailleurs informels
d’améliorer leur niveau de vie et pour les gouvernements d’instaurer des conditions
de travail décentes.
La crise économique actuelle menace cependant les acquis des dernières décennies
en matière de création d’emplois et d’ouverture commerciale, et elle risque
d’aggraver grandement les inégalités et la pauvreté – dont la réduction est l’un des
principaux objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Malgré les appels
internationaux au maintien de l’ouverture commerciale, les gouvernements restent
tentés de répondre à la crise en réduisant la concurrence étrangère. Les pays
développés comme les pays émergents ont réagi en renforçant certains obstacles au
commerce. Ils pourraient aussi hésiter à défendre les normes du travail et les droits
des travailleurs dans l’espoir de sauver plus d’emplois. Le respect des règlements
en vigueur pourrait être assouplie et contrôlé de façon moins stricte. Il se pourrait
aussi que les initiatives volontaires, comme les codes de responsabilité sociale des
entreprises, suscitent moins d’enthousiasme. Dans une communication récente au
Groupe de travail sur la dimension sociale de la mondialisation, il a été souligné que
les deux démarches – protectionnisme commercial et affaiblissement des normes du
travail – reposaient sur des idées erronées et pouvaient avoir de graves conséquences
pour la croissance et les inégalités (Groupe de travail sur la dimension sociale de la
mondialisation, 2004).
Le rapport soutient que les pays doivent s’intégrer dans l’économie mondiale pour
bénéficier d’une croissance plus forte. Des efforts sérieux doivent être faits pour
adapter les politiques, afin de remédier au problème de l’emploi informel et d’instaurer
des conditions de travail décentes, de manière à tirer pleinement profit des réformes
commerciales. L’intégration dans les marchés mondiaux et la réduction de l’emploi
informel devraient être considérées comme complémentaires. Toutefois, ces politiques
ne permettent pas de résoudre du jour au lendemain des problèmes persistants.
Bien souvent, elles doivent être appliquées de manière à profiter aux catégories
sociales les plus démunies et les plus vulnérables. Le rapport fait valoir que la marge
de manœuvre supplémentaire découlant d’une plus forte croissance potentielle doit
servir à améliorer les conditions de travail de ceux qui quittent volontairement le
secteur formel, en renforçant les incitations à rester dans l’économie formelle ou à y
revenir. Enfin, le rapport fait valoir que, chaque fois que cela est possible, l’expansion
du secteur formel devrait créer des emplois pour absorber rapidement les travailleurs
informels. Les pouvoirs publics devraient accorder des incitations à cette fin aux
entreprises formelles. Ils devraient aussi aider les travailleurs informels à entrer dans
le secteur formel, à la fois en formulant des stratégies d’activation appropriées et
en investissant dans l’infrastructure de recherche d’emploi, qui souvent n’existe pas,
même pour les personnes qualifiées.
La présente étude présente à la fois un aperçu de la littérature sur l’informalité et la
mondialisation et une analyse de la relation entre la dynamique de l’emploi informel et
l’intégration commerciale. Elle réunit des matériaux empiriques originaux et une étude
approfondie des divers mécanismes et canaux de transmission par lesquels l’emploi
informel peut influer sur l’ouverture commerciale et la croissance. Elle suggère
plusieurs voies que les pays peuvent emprunter pour adapter leurs politiques de
manière à profiter pleinement de l’ouverture du commerce, tout en réduisant la taille
de leur économie informelle. De plus, elle analyse de nouvelles données empiriques
afin d’évaluer les liens entre l’ouverture du commerce, les réformes commerciales
et la dynamique de l’économie informelle. Elle examine aussi les choix possibles
pour les réformes commerciales et les politiques du marché du travail et explore les
complémentarités entre ces deux domaines.
L’étude est organisée de la façon suivante. Après un bref résumé des faits essentiels
concernant l’économie informelle et sa relation avec la mondialisation, le chapitre 2
donne un aperçu des notions d’informalité et des mesures de l’économie informelle.
Le chapitre 3 étudie les liens entre la mondialisation et la progression du secteur
informel. Le chapitre 4 passe en revue la littérature qui analyse les incidences
de l’informalité sur les résultats commerciaux et sur la croissance. L’incidence de
l’emploi informel sur la résistance aux chocs est étudiée dans le chapitre 5, où il
est démontré que des taux élevés d’informalité peuvent amplifier les fluctuations
et accroître la volatilité des flux de capitaux. Le chapitre 6 analyse les diverses
questions soulevées dans le rapport sur la base de nouveaux matériaux empiriques
et présente des données originales sur les liens entre les réformes commerciales,
l’ouverture commerciale de facto et l’emploi informel. Il présente aussi des données
sur la corrélation entre l’importance de l’économie informelle et une faible croissance
du PIB, de fortes inégalités et une faible diversification des exportations. Le chapitre
7 résume les implications de l’étude pour les politiques publiques.
27
CHAPITRE 1
CHAPITRE 1. MONDIALISATION ET INFORMALITÉ EN PÉRIODE DE CRISE
28
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
B. Faits essentiels concernant la mondialisation,
le commerce et l’emploi informel dans les pays en
développement
Au cours des 20 dernières années, la plupart des économies ont resserré leurs
liens avec l’économie mondiale La part du commerce dans le PIB a eu tendance à
augmenter, de même que l’investissement étranger direct. L’effet de l’accroissement
du commerce international et de l’investissement sur l’emploi et les salaires a été
examiné dans une précédente étude du BIT et de l’OMC (Bureau international du
Travail et Organisation mondiale du commerce, 2007), dont la conclusion était qu’en
général, la mondialisation tenait ses promesses d’accélération de la croissance
économique et d’augmentation de l’emploi et des revenus. Mais cette étude n’était
pas axée sur les effets du commerce et de l’investissement sur la qualité des emplois
ou l’incidence de l’emploi informel. Or, c’est une question essentielle dans les pays
en développement et les économies émergentes, où l’on s’inquiète de la persistance,
voire de l’accroissement, de l’emploi informel, malgré la croissance plus robuste de
l’économie et de l’emploi.
1. Faits stylisés concernant l’emploi informel et l’économie
souterraine
Il s’est avéré difficile de se faire une idée précise de la taille et de la dynamique de
l’économie informelle. Comme on le verra au chapitre 2, les définitions, les concepts
et les mesures diffèrent d’un auteur à l’autre selon qu’ils privilégient la précision ou la
comparabilité entre pays. Malgré plus de 30 années de recherches, aucun consensus
ne s’est dégagé dans la littérature, et les auteurs se contentent généralement
d’indiquer le caractère multiforme du phénomène. La présente étude ne fera pas
exception. Si l’on examine, par exemple, l’indicateur des OMD qui mesure le nombre
de travailleurs indépendants et de travailleurs familiaux, il semble que l’emploi informel
s’est stabilisé (ou a même légèrement diminué) dans le monde, tout en restant à
un niveau élevé (voir le graphique 1.1). Le graphique fait aussi apparaître de fortes
variations régionales, non seulement entre les régions développées et les régions en
développement, mais aussi à l’intérieur du groupe des pays en développement et des
économies émergentes.
29
CHAPITRE 1
CHAPITRE 1. MONDIALISATION ET INFORMALITÉ EN PÉRIODE DE CRISE
Graphique 1.1 Travailleurs indépendants et travailleurs familiaux
(par rapport à l’emploi total, en pourcentage)
31,4
33,0
40
37,1
29,1
50
52,8
49,9
60
64,4
59,9
70
62,3
68,5
63,2
55,7
63,4
59,3
76,1
71,2
80
35,2
32,9
30
11,4
9,5
Pourcentage de l'emploi total
90
79,2
75,8
100
20
10
Source:
Monde
Régions développées
Océanie
Asie de l'Ouest
Asie du Sud Est
Asie du Sud
Asie de l'Est
Amérique latine et
Caraïbes
2007 (données préliminaires)
Régions en développement
1997
Afrique subsaharienne
Afrique du Nord
0
Indicateurs des OMD, voir: http://mdgs.un.org.
Toutefois, cet indicateur des OMD ne recouvre qu’une partie de la réalité de l’économie
informelle, car il ne tient compte que des travailleurs indépendants et des travailleurs
familiaux. Les autres catégories d’emplois qui seraient normalement incluses dans
l’économie informelle ne sont pas prises en compte. Aux fins de la présente étude, on
a recueilli des données plus complètes, qui concernent diverses formes d’informalité,
décrites dans les chapitres suivants (voir l’encadré 1.1 pour une brève description
des données utilisées dans l’étude). Ces données montrent qu’il y a pour le moins
30
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
une forte hétérogénéité entre les régions en termes de dynamique de l’informalité
(voir le graphique 1.2). Dans les pays africains, le taux d’informalité semble avoir
légèrement baissé (en milieu urbain), alors qu’il a augmenté – légèrement – dans les
pays d’Amérique latine. En Asie, il a d’abord quelque peu diminué, à partir d’un niveau
très élevé, mais il a de nouveau augmenté après la crise asiatique.
Graphique 1.2 L’informalité dans le monde
(par rapport à l’emploi total, en pourcentage)
55,7
63,6
60,9
68,5
52,2
52,8
70
60
78,2
78,3
80
50,1
Emploi informel (en pourcentage)
90
50
40
30
20
10
Début des
années 1990
Fin des
années 1990
Afrique
Asie
Amérique
latine
0
Années 2000
Note:
Groupes de pays: i) Afrique: Afrique du Sud, Botswana, Cameroun, Égypte,
Éthiopie, Ghana, Kenya, Malawi, Tanzanie, Zambie, Zimbabwe; ii) Asie: Chine, Inde,
Indonésie, Pakistan, Sri Lanka, Thaïlande; iii) Amérique latine: Argentine, Chili, Colombie,
Costa Rica, Équateur, Mexique, Panama, Uruguay, Venezuela.
Source:
Estimations de l’IIES, d’après la base de données de l’IIES sur l’informalité.
Ces moyennes régionales masquent la dynamique propre à chaque pays dans
chaque région (Graphique 1.3). Pour l’Amérique latine, par exemple, le léger recul
de l’informalité dans l’ensemble de la région est dû principalement à des évolutions
positives au Brésil et au Chili pendant les années 1990. Dans tous les autres pays,
Encadré 1.1 Mesures de l’informalité utilisées dans l’étude
 Les pays mesurent l’informalité en utilisant des définitions et des
périodicités différentes. Toutefois, pour obtenir une image plus générale de
l’informalité dans le monde, on utilise ici des estimations par pays, lorsqu’elles
sont disponibles et appropriées, ainsi que des estimations individuelles
fournies par des chercheurs.
 La plupart des mesures de l’informalité utilisées sont représentatives
au niveau national. Néanmoins, certaines estimations ne portent que sur
les zones urbaines, ce qui peut donner une idée différente de l’économie
informelle selon le pays. Par exemple, en Éthiopie, en 2005, l’informalité
concernait 38,5 pour cent de la population active dans certains secteurs
urbains, mais seulement 14,2 pour cent de la population des zones urbaines.
 Des comparaisons entre pays ne sont possibles que dans certains cas, en
raison des différences de définition et de couverture.
 Les données permettent des comparaisons dans le temps pour chaque
pays pris individuellement. Cela est important car, dans la plupart des pays, les
enquêtes ont subi des modifications qui influent sur les tendances observées.
Dans ce cas, on utilise des estimations calibrées de manière à obtenir des
séries chronologiques cohérentes pour le pays (par exemple, l’Argentine).
Lorsqu’il n’existe pas d’études de ce type, les données se réfèrent seulement
aux années comparables. Pour des sources précises, voir l’annexe 1.
 En général, les pays d’Amérique latine sont bien couverts, ce qui permet
d’utiliser des indicateurs comparables entre pays pour certains d’entre eux.
Pour les autres (par exemple, Argentine et Colombie), on utilise des données
provenant d’études fiables qui donnent des séries comparables dans le
temps.
 Pour l’Asie et l’Afrique, les renseignements proviennent d’études par pays,
de la base de données sur les indicateurs clés du marché du travail (KILM) et
des statistiques nationales.
 Pour appréhender plus largement ces questions, on a aussi utilisé des
mesures indirectes concernant l’économie souterraine.
31
CHAPITRE 1
CHAPITRE 1. MONDIALISATION ET INFORMALITÉ EN PÉRIODE DE CRISE
32
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
l’emploi informel est resté constant (et élevé), ou a augmenté pendant la même
période. Pour l’Afrique subsaharienne, en revanche, l’échantillon est trop petit et la
période couverte trop limitée pour que l’on puisse tirer des conclusions fiables des
données relatives à l’ensemble de la région. L’évolution (apparemment) favorable de
l’informalité est essentiellement due à une diminution rapide en Éthiopie, tandis que,
dans les autres pays de l’échantillon, l’informalité est restée stable ou a augmenté.
En outre, la petite taille de l’échantillon fausse la moyenne régionale en la faisant
baisser car de nombreux pays pour lesquels il n’existe qu’une observation ont des
taux d’informalité beaucoup plus élevés.
Graphique 1.3 Variation des taux d’informalité à l’intérieur des régions
(par rapport à l’emploi total, en pourcentage)
93,2
90
80,6
80
74,1
70
70,8
60
50
38,5
0
Amérique latine
Minimum
Source:
Asie
Zambie, 1998
10
Éthiopie, 2005
20
Inde, 2004
30
Indonésie, 2003
32,3
Paraguay, 2006
40
Chili, 2006
Variation des taux d'informalité à l'intérieur des
régions (en pourcentage)
100
Afrique
Maximum
Estimations de l’IIES, d’après la base de données de l’IIES sur l’informalité.
D’autres mesures de l’économie informelle donnent une image différente. Les mesures
basées sur la production plutôt que sur l’emploi donnent un classement différent entre
les régions (voir le graphique 1.4). Les indicateurs qui mesurent l’activité informelle
en fonction du PIB montrent que c’est en Afrique subsaharienne que l’informalité est
la plus élevée, que l’agriculture soit incluse ou non. Les pays africains sont suivis par
les pays d’Amérique latine et d’Asie. On obtient une image analogue en mesurant
l’informalité de façon indirecte, sur la base de mesures de l’économie souterraine
(Schneider et Enste, 2000). Ces indicateurs utilisent des variables supplétives
concernant en principe les activités économiques non déclarées (voir le graphique
1.5 et l’analyse du chapitre 2), qui ont l’avantage d’être disponibles pour un échantillon
de pays plus large (mais pas nécessairement sur de longues périodes). Avec l’une
ou l’autre mesure – incidence de l’informalité dans la production ou indicateur de
l’économie souterraine –, la taille de l’économie informelle semble beaucoup plus
petite que lorsqu’elle est mesurée sur la base de l’emploi. Cela donne une première
indication au sujet de la faible productivité globale de l’économie informelle, obstacle
majeur à l’intégration des pays en développement dans l’économie mondiale.
60
54,7
13,9
20
21,7
21,2
22,2
25,9
30,6
26,8
23,9
30
30,4
40
37,7
50
37,7
Économie informelle
(en pourcentage du PIB)
Graphique 1.4 Économie informelle (par rapport au PIB, en pourcentage)
10
Économies en
transition
Pays des
Caraïbes
Amérique latine
Asie
Afrique du Nord
Afrique
subsaharienne
0
Secteur informel (sans l'agriculture) en pourcentage du PIB non agricole
Secteur informel (sans l'agriculture) en pourcentage du PIB total
Source:
Charmes (2006).
CHAPITRE 1
33
CHAPITRE 1. MONDIALISATION ET INFORMALITÉ EN PÉRIODE DE CRISE
34
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
41,1
40,1
32,9
40,4
34,9
40
40,7
50
39,7
Mesure de l'économie souterraine,
modèle MIMIC (en pourcentage)
Graphique 1.5 Économie souterraine (par rapport au PIB, en pourcentage)
30
20
10
0
Amérique latine
Début des
années 1990
Asie
Fin des
années 1990
Afrique
Années 2000
Note:
Groupes de pays: i) Afrique: Afrique du Sud, Botswana, Cameroun, Égypte,
Éthiopie, Ghana, Kenya, Malawi, Tanzanie, Zambie, Zimbabwe; ii) Asie: Chine, Inde,
Indonésie, Pakistan, Sri Lanka, Thaïlande; iii) Amérique latine: Argentine, Chili, Colombie,
Costa Rica, Équateur, Mexique, Panama, Uruguay, Venezuela.
Source:
Schneider et Enste (2000).
La probabilité d’avoir un emploi informel est fortement corrélée au niveau de
la qualification. Le graphique 1.6 présente des moyennes régionales des taux
d’informalité par niveau d’instruction, calculées à trois dates différentes au cours
des dix dernières années pour les pays d’Amérique latine. Comme le montre le
graphique, les taux d’informalité pour les personnes très qualifiées (diplôme de
l’enseignement supérieur) sont restés faibles et stables. L’incidence de l’informalité
augmente sensiblement pour les niveaux d’instruction inférieurs, et elle affiche une
nette tendance à la hausse depuis dix ans, malgré une forte croissance (de l’emploi)
dans la région, même pour les personnes ayant un niveau d’instruction intermédiaire.
Ces variations des taux d’informalité liées à la qualification ont probablement
de l’importance étant donné le biais du commerce international en faveur de la
qualification et elles sont peut-être à l’origine de certains des liens observés
entre l’ouverture commerciale et l’augmentation de l’informalité (voir, par exemple,
Goldberg et Pavcnik, 2007). Il a été dit, en effet, que le commerce international
était biaisé en faveur du travail qualifié, même dans les pays riches en main-d’œuvre
(ce qui contraste nettement avec les prédictions habituelles du modèle HeckscherOhlin-Samuelson), et cela a été considéré comme une cause de la diminution de
la demande de main-d’œuvre peu qualifiée dans les pays en développement. En
l’absence de mécanismes de protection sociale adéquats ou de politiques du marché
du travail permettant le recyclage et le perfectionnement des travailleurs concernés,
on voit que ceux-ci sont confrontés plus fréquemment au travail informel.
37,1
40
40,5
50
42,9
60
64,2
70
65,1
80
61,6
11,9
20
11,0
30
10,1
Incidence de l'informalité par niveau de
qualification (en pourcentage)
Graphique 1.6 Incidence de l’informalité par niveau de qualification
(par rapport à l’emploi total, en pourcentage)
10
0
1996
Travailleurs
peu qualifiés
2001
Travailleurs
moyennement qualifiés
2005
Travailleurs
très qualifiés
Note:
Le graphique montre la part du travail informel en pourcentage de l’emploi
total par niveau de qualifi cation. L’informalité concerne les salariés travaillant dans des
petites entreprises, les travailleurs indépendants non professionnels et les travailleurs
sans revenu. Pays considérés: Argentine, Brésil, Chili, Costa Rica, Équateur, Mexique,
Panama, Paraguay, Uruguay et Venezuela.
Source: Estimations de l’IIES, d’après la base de données de l’IIES sur l’informalité;
Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC)
CHAPITRE 1
35
CHAPITRE 1. MONDIALISATION ET INFORMALITÉ EN PÉRIODE DE CRISE
36
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Comme cela est expliqué au chapitre 2, il subsiste un grand nombre de méthodes et
de concepts différents pour appréhender l’économie informelle. Certaines définitions
sont utilisées parce qu’elles permettent une mesure commode (par exemple,
entreprises employant moins de cinq personnes), d’autres parce qu’elles facilitent les
comparaisons entre pays (travailleurs indépendants ou non salariés). Toutefois, selon
la méthode utilisée, les taux d’informalité mesurés peuvent varier considérablement
à l’intérieur des pays et entre eux. Comme le montre le graphique 1.7 pour les pays
d’Amérique latine, le travail indépendant représente entre 40 et 60 pour cent de
l’emploi informel total, suivi par l’emploi dans des entreprises de moins de cinq salariés.
En revanche, les travailleurs familiaux et les travailleurs domestiques ne représentent
qu’une part assez faible, de 20 pour cent au plus. Le type d’emploi dans l’économie
informelle joue un rôle important car il détermine le revenu disponible des ménages,
les niveaux de rémunération variant fortement entre les quatre types d’emploi. Les
emplois indépendants ou non salariés sont généralement parmi les emplois informels
les mieux rémunérés, avec des niveaux analogues à ceux du secteur formel. En
revanche, les travailleurs familiaux – qui sont surtout des femmes – ne sont pas, ou
presque pas, rémunérés (Chen et al., 2005)
Situation d'emploi informel
(en pourcentage)
Graphique 1.7 Situation d’emploi informel en Amérique latine, 2006
(par rapport à l’emploi informel total, en pourcentage)
60%
56,0
50%
40%
41,5
38,1
30%
20%
22,1
16,9
18,5
10%
0%
Entreprises
de moins de
cinq salariés
Travailleurs
indépendants
2,4
Travailleurs
familiaux
3,9
Travailleurs
domestiques
Note:
Fourchettes de pourcentage de travailleurs indépendants, de travailleurs
familiaux, de travailleurs domestiques et de travailleurs employés dans des entreprises de
moins de cinq salariés. Chiffres pour 2006. Pays considérés: Argentine, Brésil, Costa
Rica, Équateur, Honduras, Mexique, Panama, Paraguay et Venezuela.
Source:
Estimations de l’IIES, d’après la base de données de l’IIES sur l’informalité.
37
CHAPITRE 1
CHAPITRE 1. MONDIALISATION ET INFORMALITÉ EN PÉRIODE DE CRISE
2. Informalité, développement économique et
mondialisation
Les écarts importants entre les taux d’informalité mesurés sur la base de l’emploi ou
sur la base de la production sont étroitement liés aux différences de développement
économique entre les pays. Plus particulièrement, les forts écarts régionaux et les
liens entre l’informalité et les niveaux de qualification peuvent être associés aux
différences dans la capacité des pays de générer de la croissance et de participer
avec succès à l’économie mondiale. Les chiffres précédents indiquent aussi que
les différences de productivité de la main-d’œuvre informelle entre les pays peuvent
aussi expliquer les différences internationales de développement économique. En
Asie, les taux d’informalité relativement faibles basés sur la production, par rapport
aux taux d’informalité relativement élevés basés sur l’emploi, font que cette région a
les taux les plus bas de productivité de la main-d’œuvre informelle. Le graphique 1.8
montre que des taux d’informalité élevés sont associés à de faibles niveaux du PIB
par habitant. Cette corrélation donne à penser que les facteurs qui aident à réduire
la dimension de l’économie informelle peuvent aussi contribuer à l’amélioration des
conditions de vie et du revenu disponible dans les pays en développement.
Taux moyen d'emploi informel (en pourcentage)
Graphique 1.8 Informalité et développement économique
80
70,0
63,8
60
46,1
40
20
0
Faible
Intermédiaire
Élevé
Niveau du PIB par habitant
Note:
Le graphique représente les déciles de PIB par habitant (en PPA) par rapport
à la taille moyenne du secteur informel dans la base de données sur l’emploi informel
utilisée pour ce rapport.
Source:
Estimations de l’IIES, d’après la base de données de l’IIES sur l’informalité.
38
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
En ce qui concerne les liens entre l’ouverture commerciale et l’informalité, l’image
qui ressort des données utilisées dans cette étude est plus ambiguë. Utilisant
une mesure classique de l’ouverture économique basée sur le commerce (somme
des exportations et des importations par rapport au PIB), le graphique 1.9 montre
la relation entre l’ouverture et l’informalité. Elle montre en particulier qu’une plus
grande ouverture peut être liée à une diminution de l’incidence de l’emploi informel
dans un pays. Toutefois, les éléments présentés ici sont spécifiques à la région
considérée. Des calculs analogues pour d’autres régions ne confirment pas cette
corrélation négative, ce qui indique que d’autres facteurs – notamment la politique
du marché du travail propre à chaque pays – peuvent jouer un rôle important dans
l’interaction entre l’ouverture commerciale et la taille de l’économie informelle.
L’analyse empirique présentée au chapitre 4 montre qu’il faut tenir compte de
différents aspects de l’ouverture commerciale pour obtenir une image plus complète.
Il faut en particulier faire une distinction entre l’ouverture commerciale de facto,
mesurée par les courants commerciaux, et l’ouverture commerciale de jure, mesurée
par le niveau des obstacles au commerce. Une fois cette distinction faite – et après
avoir inclus quelques variables de contrôle supplémentaires –, la corrélation négative
entre l’ouverture commerciale et l’emploi informel est confirmée également pour un
échantillon de pays plus large incluant des pays d’autres régions.
Taux moyen d'emploi informel (en pourcentage)
Graphique 1.9 Ouverture commerciale et informalité en Asie
90
85
80
79,9
74,6
75
72,4
70
Faible
Intermédiaire
Élevé
Ouverture commerciale en pourcentage du PIB
Note:
Le graphique représente les déciles d’ouverture commerciale (c’est-à-dire
la somme des exportations et des importations en pourcentage du PIB) par rapport à
l’incidence de l’emploi informel pour plusieurs pays d’Asie (moyenne entre 2000 et 2004
pour la Chine, l’Inde, l’Indonésie, Sri Lanka et la Thaïlande).
Source:
Estimations de l’IIES, d’après la base de données de l’IIES sur l’informalité.
Comme pour l’ouverture commerciale, les données concernant les pays d’Amérique
latine permettent de détecter une relation négative entre les stocks d’investissements
étrangers directs (entrants) et l’informalité (voir le graphique 1.10). Mais, là aussi,
la relation dépend de la région. Il faut en outre tenir compte des spécificités
sectorielles du processus d’investissement. Si l’investissement a lieu dans une ZFI,
l’informalité ne diminue pas nécessairement car, en général, des services (informels)
auxiliaires se développent autour de la zone. En revanche, des investissements
massifs dans les industries extractives réduiront probablement les taux d’informalité
mesurés, qui sont généralement plus faibles dans ce secteur (voir, par exemple, les
données concernant l’Indonésie, Cuevas et al., 2009). Enfin, l’étendue et la portée
des réseaux de production mondiaux jouent un rôle déterminant dans l’interaction
entre l’investissement étranger et les taux d’informalité. S’il y a externalisation, les
taux d’informalité ont tendance à augmenter. Mais, s’il y a un investissement en
installations nouvelles, on peut s’attendre à une amélioration des conditions de travail
et des taux de formalité. Le chapitre 6 contient une analyse plus détaillée de la
relation qui ressort des données, analyse qui nuance quelque peu la relation décrite
dans le graphique suivant.
Taux moyen d'emploi informel (en pourcentage)
Graphique 1.10 Investissement étranger direct et informalité en Amérique
latine
60
57,5
55
51,4
50
47,7
45
40
Faible
Intermédiaire
Élevée
Moyenne des apports au titre de l'IED
Note:
Le graphique représente les déciles d’apports d’IED par rapport à l’incidence
de l’emploi informel pour 12 pays d’Amérique latine (moyenne entre 2000 et 2004).
Source:
Estimations de l’IIES, d’après la base de données de l’IIES sur l’informalité.
CHAPITRE 1
39
CHAPITRE 1. MONDIALISATION ET INFORMALITÉ EN PÉRIODE DE CRISE
40
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
C. Amélioration de l’équité sociale et de l’efficacité grâce
à la lutte contre l’informalité
Les faits essentiels résumés dans l’encadré 1.2 fournissent le contexte empirique
de la présente étude. Dans les chapitres suivants, l’objectif sera de présenter la
littérature disponible et de développer une analyse pour corroborer plus solidement la
relation entre le degré d’ouverture économique dans les pays en développement et la
vulnérabilité de leur marché du travail. Cette étude a pour but d’aider les décideurs à
identifier les principales caractéristiques d’un environnement économique qui permet
aux travailleurs du monde entier d’accéder à des conditions de travail décentes. En
particulier, l’ouverture d’un pays devrait permettre aux plus vulnérables d’entre eux
d’accéder à de meilleurs emplois et à de meilleures conditions de travail et d’avoir
des perspectives d’emploi stables. L’étude démontre que l’ouverture d’une économie
n’est pas systématiquement liée à une augmentation du taux d’informalité. Au
contraire, on peut identifier des exemples réussis et on peut les comparer aux cas
dans lesquels aucune politique appropriée n’a été mise en place pour assurer la
transition vers une amélioration des conditions du marché du travail.
La lutte contre l’informalité est non seulement une priorité pour les responsables
politiques qui cherchent à instaurer l’équité sociale; c’est aussi un moyen d’améliorer
l’efficience économique, car l’économie informelle empêche les pays d’avoir une
production à forte valeur ajoutée et d’être compétitifs sur le marché mondial avec
des exportations plus diversifiées. La vulnérabilité de l’emploi ne permet pas aux
travailleurs d’investir dans leur avenir ni d’améliorer leur valeur pour la société. De
même, les entreprises qui opèrent dans l’économie informelle n’ont pas grand-chose
à offrir en termes de qualité ou de services à valeur ajoutée. Lorsque les économies
s’ouvrent, les entreprises et les emplois informels sont les premiers à être menacés.
L’amélioration des moyens d’existence des travailleurs informels et la réduction
de l’incidence de l’emploi informel ne sont donc pas seulement des priorités pour
des raisons d’équité: ce sont aussi des moyens essentiels de stimuler l’efficience
économique et d’aider les pays vulnérables à s’intégrer dans l’économie mondiale.
Enfin, comme le montre l’étude, l’informalité, le commerce et la croissance sont
intimement liés. L’économie informelle est un symptôme de la faible résistance d’un
pays aux chocs et de la vulnérabilité de son marché du travail. L’assurance contre les
chocs est donc moins développée, ce qui laisse les ménages sans grandes ressources
en temps de crise. En outre, l’emploi informel peut induire des formes particulières
d’échanges et de flux de capitaux qui affaiblissent encore plus l’économie. Par
conséquent, en encourageant la formalisation des travailleurs et des entreprises,
les pays peuvent renforcer la croissance du revenu disponible réel et disposer d’une
marge de manœuvre budgétaire plus importante pour stabiliser leur économie et
atténuer les répercussions des revers de fortune. Comme on le voit bien en cette
période de crise, les pays dont le marché du travail est déjà vulnérable sont ceux qui
ont le plus de mal à gérer les conséquences de la récession économique (Bureau
international du Travail, 2009). Réduire la taille de l’économie informelle est donc la
meilleure défense contre la vulnérabilité aux chocs. De même, on peut démontrer
que les politiques qui favorisent la formalisation permettent aux pays de s’adapter
plus rapidement et moyennant un coût économique et social inférieur durant les
périodes de turbulence économique.
Encadré 1.2 Faits saillants concernant l’informalité et la mondialisation
 Plus de la moitié des emplois dans les régions en développement sont
des emplois indépendants et des emplois familiaux. Les variations régionales
sont importantes, les taux d’informalité dépassant 80 pour cent dans certains
pays d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud.
 L’emploi informel a augmenté dans plusieurs pays, notamment en Asie.
En Indonésie, entre 1997 et 2003, le marché du travail a été caractérisé
par le recul du secteur formel et la progression du secteur informel, liée à
l’accroissement du nombre des travailleurs indépendants et des travailleurs
familiaux non rémunérés.
 Par contre, dans la plupart des pays d’Amérique latine, l’emploi informel
a légèrement diminué. Son incidence est cependant restée élevée au cours
des 15 dernières années, représentant entre 30 et 75 pour cent de l’emploi
total.
 Les différences entre les taux d’informalité mesurés sont dues aussi
aux effets de composition concernant la situation d’emploi dans l’économie
informelle. Les différences entre pays en Amérique latine, par exemple,
peuvent être attribuées à l’incidence différente de l’emploi indépendant.
41
CHAPITRE 1
CHAPITRE 1. MONDIALISATION ET INFORMALITÉ EN PÉRIODE DE CRISE
42
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
 Dans la plupart des pays, l’informalité est associée à de faibles niveaux
d’instruction, ce qui a des conséquences pour la productivité, la modernisation
et la capacité d’absorber de nouvelles connaissances et de nouvelles
technologies. En Colombie, par exemple, les travailleurs formels ont en
moyenne quatre années d’instruction de plus que les travailleurs informels.
Du point de vue du revenu disponible, les travailleurs de certains segments
de l’économie informelle n’obtiennent que la moitié du revenu des travailleurs
formels, même si l’on tient compte des caractéristiques de l’emploi et du
travailleur.
 Les taux d’informalité élevés sont associés à moins d’échanges
commerciaux. Dans l’économie informelle, la taille moyenne de l’entreprise
est petite, ce qui pèse sur la productivité et la capacité d’exporter. Dans
les régions en développement, moins de 50 pour cent du capital humain est
disponible pour affronter la concurrence sur les marchés internationaux.
CHAPITRE 2. VARIÉTÉS D’INFORMALITÉ
43
La distinction entre emploi formel et emploi informel est assez floue. Au lieu d’un
concept unique, universellement accepté, il existe de nombreuses conceptions
différentes et souvent concurrentes, qui se traduisent par une multiplicité de
définitions, ce qui s’explique aussi par la diversité des méthodes employées pour
quantifier les activités informelles. Ce chapitre présente ces conceptions et ces
définitions et décrit une nouvelle approche intégrée qui voit le jour actuellement et
qui s’appuie sur l’idée d’un marché du travail à segments multiples. Les principales
conclusions de ce chapitre sont résumées dans l’encadré 2.1.
Encadré 2.1 Principales conclusions
 La tendance à utiliser des descriptions différentes de l’informalité
a persisté au cours des dernières décennies, et ce concept en est venu à
désigner des phénomènes de plus en plus hétérogènes. La difficulté de
trouver une approche consensuelle du concept d’économie informelle tient en
partie à ce que les chercheurs ont une notion différente des origines et des
causes de l’informalité.
 Jusqu’à ces derniers temps, il était commode de classer ces différentes
conceptions en trois grandes écoles de pensée: l’école dualiste, l’école
structuraliste, et l’école légaliste. Les dualistes considèrent le secteur informel
comme le segment inférieur d’un marché du travail dual, sans lien direct avec
l’économie formelle, tandis que les structuralistes le considèrent comme
composé de petites entreprises et de travailleurs non enregistrés subordonnés
aux grandes entreprises capitalistes. Les légalistes, quant à eux, considèrent
que le secteur informel est composé de micro-entrepreneurs qui préfèrent
opérer de manière informelle pour éviter les coûts liés à l’enregistrement.
CHAPITRE 2
CHAPITRE 2: Variétés d’informalité
44
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
 Des travaux empiriques montrent qu’aucune de ces trois approches ne
permet d’appréhender pleinement la dynamique de l’économie informelle.
Il existe des différences régionales à cet égard, mais surtout, les trois
approches peuvent prétendre à une certaine validité – à des degrés divers –
dans l’explication de certains éléments de l’informalité observée.
 Une approche intégrée apparaît actuellement; elle s’appuie sur l’idée d’un
marché du travail à segments multiples. Cette approche unificatrice combine
des éléments des conceptions dualiste, légaliste et structuraliste en utilisant
les plus appropriés pour expliquer les différents segments de l’emploi informel.
 L’hétérogénéité des conceptions de l’économie informelle explique la
diversité des définitions proposées pour rendre le concept opérationnel.
L’informalité peut être définie au niveau des unités économiques ou au niveau
des travailleurs. On peut utiliser différents critères tels que le statut des
activités (enregistrées ou non enregistrées), l’accès à une couverture sociale
ou la taille des unités économiques.
 Au fil du temps, les définitions ont eu tendance à s’élargir. Selon la dernière
définition de l’OIT, l’emploi informel englobe toutes les activités rémunérées
– emploi indépendant et travail salarié – qui ne sont pas reconnues,
réglementées ou protégées par les cadres juridiques ou réglementaires
existants et le travail non rémunéré fourni dans une entreprise qui génère
des revenus.
 Il s’est avéré difficile de mesurer la taille de l’économie informelle et
l’incidence de l’emploi informel. Plusieurs méthodes ont été utilisées, allant de
la mesure directe, par exemple au moyen d’enquêtes spécifiques, à la mesure
indirecte, telle que la consommation d’électricité.
 Jusqu’à présent, les multiples facettes de l’informalité ont empêché
l’apparition d’un large consensus sur les concepts, les définitions et les
mesures appropriés. Les chercheurs reconnaissent cependant de plus en
plus qu’une telle convergence est improbable et ils s’efforcent de tenir compte
explicitement de l’hétérogénéité des types d’emploi informel.
CHAPITRE 2. VARIÉTÉS D’INFORMALITÉ
45
Dans les années 1950 et 1960, il était généralement admis qu’avec la bonne
combinaison de mesures et de ressources, les économies traditionnelles pauvres
pouvaient être transformées en économies modernes (Chen, 2005). Dans le cadre
de ce processus, leur secteur traditionnel, composé de petits commerçants, de
petits producteurs et de travailleurs occasionnels, serait absorbé dans l’économie
moderne. Mais, au début des années 1970, il est apparu clairement que cette vision
des choses était trop simpliste, et l’on a commencé à se préoccuper de la persistance
d’un sous-emploi généralisé dans les pays en développement. Dans ce contexte,
l’Organisation internationale du travail (OIT) a décidé d’entreprendre une série de
grandes «missions sur l’emploi» multidisciplinaires dans divers pays en développement
(Bangasser, 2000). La première a été effectuée au Kenya en 1972. Cette mission
a permis de constater que le secteur traditionnel – au lieu de reculer, comme on s’y
attendait – s’était en fait élargi pour inclure des petites entreprises rentables mais
non enregistrées. Pour décrire cette évolution, les auteurs du rapport de la mission
ont décidé d’employer l’expression «secteur informel», formulée précédemment par
Hart (1973).
La distinction faite par Hart entre emploi formel et emploi informel reposait sur la
différenciation entre l’emploi salarié et l’emploi indépendant. Selon lui, la variable
clé était le degré de rationalisation du travail, c’est-à-dire le point de savoir si la
main-d’œuvre était recrutée à titre permanent et régulier avec une rémunération
fixe. La Mission sur l’emploi de l’OIT au Kenya a employé cette expression dans
son rapport officiel pour décrire toutes les activités économiques à petite échelle
non enregistrées (Bureau international du Travail, 1972). Depuis, la distinction entre
emploi formel et emploi informel a figuré en bonne place dans le discours sur le
développement. Cela ne veut pas dire toutefois qu’il existe une conception commune
de l’informalité qui sous-tendrait de façon cohérente toutes les analyses théoriques,
empiriques et politiques. En fait, au lieu d’un concept unique, universellement
accepté, il existe une multitude de conceptions différentes et souvent concurrentes.
Guha-Khasnobis et al. (2006) vont jusqu’à dire qu’«il vaut mieux considérer que les
termes formel et informel sont des métaphores qui évoquent une image mentale de
ce que la personne qui les utilise a à l’esprit à ce moment particulier».
L’imprécision et la diversité des approches de l’informalité, qui se réfèrent à des
réalités économiques et sociales très différentes, y compris les activités illégales, sont
largement reconnues dans la littérature (Maloney, 2004; Schneider et Enste, 2000).
Comme le fait remarquer Sindzingre (2006), le caractère flou du concept avait déjà été
souligné durant les années 1970. La tendance à utiliser des descriptions différentes
CHAPITRE 2
A. Trois conceptions de l’économie informelle
46
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
a persisté au fil du temps, et ce concept en est venu à désigner des phénomènes de
plus en plus hétérogènes (Guha-Khasnobis et al., 2006). Le problème de définition
est à la fois la cause et la conséquence de la diversité des méthodes employées par
les auteurs pour quantifier les activités informelles, et il est lié à la continuité des
activités économiques et à la difficulté de classer les phénomènes dans la catégorie
formelle ou dans la catégorie informelle. Il est lié aussi à l’influence des objectifs
politiques et opérationnels. Les études sont arrivées à la conclusion qu’il existe des
perspectives concurrentes plutôt qu’une dichotomie unique entre l’économie formelle
et l’économie informelle (Guha-Khasnobis et al., 2006).
La difficulté de trouver une approche consensuelle du concept d’économie informelle
tient en partie à ce que les chercheurs ont une notion différente des origines et
des causes de l’informalité. Depuis son introduction au début des années 1970, le
concept d’informalité a donné lieu à de vifs débats sur ce point. Les avis divergent
non seulement sur les causes et la nature du secteur informel, mais aussi sur ses liens
avec le secteur formel. Jusqu’au milieu des années 1990, il était commode de classer
ces différentes conceptions en trois grandes écoles de pensée: l’école dualiste,
l’école structuraliste et l’école légaliste (Chen, 2005). Mais la terminologie n’est pas
uniformisée. Les différents auteurs donnent des noms différents aux principales
approches. Cimoli et al. (2005), par exemple, utilisent le terme «structuraliste» pour
décrire l’approche qualifiée de dualiste dans cette étude, et le terme «institutionnel»
pour désigner ce qui est appelé ici l’approche structuraliste.
L’école de pensée dualiste, qui a dominé dans les années 1960 et 1970, a ses racines
intellectuelles dans les travaux de Lewis (1954) et de Harris et Todaro (1970). Les
dualistes considèrent le secteur informel comme le segment inférieur d’un marché
du travail dual, sans lien direct avec l’économie formelle. C’est un secteur résiduel
issu du processus de transformation d’une économie en développement et qui existe
parce que l’économie formelle ne peut pas offrir d’emploi à une partie de la population
active. Avec la croissance économique et la transformation, l’économie informelle
devrait être entièrement absorbée, à terme, par le secteur formel.
Par comparaison, l’école de pensée structuraliste met l’accent sur la décentralisation
de la production et sur les liens et l’interdépendance entre les secteurs formel
et informel (Moser, 1978; Portes et al., 1989). Les structuralistes considèrent
que le secteur informel est composé de petites entreprises et de travailleurs non
enregistrés, subordonnés aux grandes entreprises capitalistes. Les premières
fournissent aux secondes de la main-d’œuvre et des intrants bon marché, améliorant
ainsi leur compétitivité. Selon la conception structuraliste, la croissance ne peut pas
éliminer les relations de production informelles, qui sont intrinsèquement liées au
développement capitaliste. Les entreprises modernes réagissent à la mondialisation
CHAPITRE 2. VARIÉTÉS D’INFORMALITÉ
47
Enfin, l’école légaliste ou orthodoxe, représentée par Hernando de Soto durant les
années 1980 et 1990, considère le secteur informel comme composé de microentrepreneurs qui préfèrent opérer de manière informelle pour éviter les coûts liés à
l’enregistrement. Tant que ces coûts et ceux des autres procédures officielles sont
supérieurs aux avantages que confère le secteur formel, les micro-entrepreneurs
choisiront d’opérer de manière informelle. Ils constituent ainsi une importante réserve
de croissance et d’amélioration du niveau de vie dans l’éventualité d’une réforme de la
réglementation et d’une réduction de la charge fiscale. Contrastant vivement avec les
écoles dualiste et structuraliste, cette approche souligne le caractère potentiellement
volontaire de l’informalité, les travailleurs et les entreprises choisissant eux-mêmes
de sortir de l’économie formelle à la suite d’une analyse coûts-avantages (Fiess et al.,
2008; Maloney, 1998; Maloney, 2004; Packard, 2007).
Au cours des dix ou 15 dernières années, on a observé un clivage de plus en plus net
entre, d’une part, les tenants de l’approche dualiste, qui mettent l’accent sur l’emploi
salarié informel, caractérisé par des salaires bas et de mauvaises conditions de travail
par rapport au secteur formel, et, d’autre part, les tenants de l’approche légaliste,
qui insistent sur «le dynamisme du secteur [informel] et le caractère probablement
volontaire, dans bien des cas, de l’entrée dans l’emploi indépendant informel» (Fiess
et al., 2008). Dans le cas de l’Amérique latine, Maloney (2004) soutient qu’«il faudrait
considérer le secteur informel dans les pays en développement comme l’équivalent
non réglementé du secteur des petites entreprises volontaires dans les pays avancés,
plutôt que comme un secteur résiduel composé de travailleurs défavorisés exclus des
bons emplois».
B. Un modèle unificateur: les marchés du travail à
segments multiples
1. Réseaux sociaux et emploi informel
Au lieu de chercher à conceptualiser l’informalité du marché du travail du point de vue
des motifs des différents acteurs (difficulté de trouver un emploi formel, évasion fiscale
et sociale, sous-traitance bon marché), certains chercheurs ont tenté de comprendre
l’emploi informel sous l’angle des caractéristiques intrinsèques qui différencient un
CHAPITRE 2
en instaurant des systèmes de production plus flexibles et en externalisant, ce qui
leur permet de réduire leurs coûts. La mise en place de ces réseaux de production
mondiaux engendre une demande constante de flexibilité à laquelle seule l’économie
informelle est censée pouvoir répondre.
48
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
emploi informel d’un emploi formel. Les ethnologues, en particulier, ont insisté sur
le caractère réciproque de l’emploi informel qui lie entre eux les différents membres
de réseaux sociaux plus ou moins étendus. Ces réseaux constituent une forme
rudimentaire de filet de protection économique, une sorte de «colle sociale» (Gaughan
et Ferman, 1987). Non seulement ils aident ceux qui n’ont pas de lien avec le marché
du travail formel à trouver un emploi rémunéré, mais encore ils intègrent des systèmes
élémentaires de redistribution et de partage d’informations – fondés principalement
sur la parenté. En l’absence d’interventions publiques appropriées, ce sont souvent
les seules institutions auxquelles les participants au marché ont accès dans les
pays en développement. Par conséquent, la participation à des réseaux sociaux
est essentielle pour la survie de leurs membres, mais elle aide aussi à atténuer les
problèmes que cause à certains d’entre eux la participation à l’économie formelle.
La question des réseaux a été développée par Fafchamps (2004), qui souligne
les énormes asymétries d’information auxquelles sont confrontés les partenaires
contractants dans les pays où les systèmes de droits de propriété sont mal conçus
ou peu développés. Les transactions commerciales sont des contrats qui imposent
des obligations mutuelles (Fafchamps, à paraître). Pour garantir le respect de
ces obligations, et donc la réalisation de la transaction, les réseaux offrent des
mécanismes de partage d’informations et de réputation qui lient entre eux les
différents participants au marché et les aident à conclure un accord mutuellement
avantageux en limitant le risque de comportement opportuniste. Les coûts de
transaction sont liés, par exemple, au fait que les employeurs ne sont peut-être pas
en mesure d’évaluer précisément le niveau de qualification des différents candidats,
leurs références professionnelles ou leur fiabilité dans l’exécution des tâches.
Ces coûts peuvent être considérablement réduits si la transition entre emplois
et le rapprochement de l’offre et de la demande sur le marché du travail ont lieu
seulement au sein de réseaux particuliers. Cependant, pour que les marchandises
et les services de main-d’œuvre puissent être échangés de manière satisfaisante, il
faut que les réseaux soient étroits ou qu’ils soient mis en place par des faiseurs de
marché. Dans ce contexte, un nombre limité de contacts personnels, un petit réseau
social ou des barrières culturelles peuvent constituer des obstacles insurmontables
au développement du marché. Les travailleurs informels sont donc confinés dans
leur sphère géographique et sociale étroite lorsqu’ils cherchent un emploi.
Dans un tel modèle, le marché du travail se segmente de manière endogène. Le
nombre de segments et leur interaction dépendent de l’intensité des liens existant
entre eux et de l’importance des obstacles à l’entrée sur le marché et à la transition
entre emplois. Lorsque les réseaux sont peu développés et que le passage d’un
segment à l’autre est entravé par des obstacles importants, de nombreuses
possibilités de transaction mutuellement avantageuse sont perdues et cela renforce
les difficultés de développement des réseaux – ce qui est une caractéristique de
l’engrenage de la pauvreté. Certaines conditions initiales existant dans le pays
peuvent l’aider à éviter cet engrenage, par exemple, un accès adéquat aux routes
commerciales internationales ou une infrastructure bien développée pour l’échange
de marchandises et de services (routes, lignes téléphoniques, accès à Internet, par
exemple). Il sera tout aussi important de comprendre les processus qui organisent
l’échange entre les associations communautaires et aident à accroître le capital social
dans un réseau plus large ou à établir des mécanismes permettant de développer
la confiance et la réputation, même entre des participants éloignés, ayant peu de
relations entre eux. Dans ce modèle, les segments ne sont pas des entités fixes
entre lesquelles les travailleurs devraient choisir lorsqu’ils entrent sur le marché du
travail. Au contraire, ils évoluent eux-mêmes sous l’effet de la dynamique du marché,
souvent de manière imprévisible et complexe. Avant d’analyser cette dynamique,
nous consacrerons quelques lignes à l’examen de certaines caractéristiques des
différents segments et des facteurs qui déterminent la transition entre eux.
2. Intégration des différents segments du marché du travail
Parallèlement à l’élaboration du modèle d’informalité basé sur les réseaux sociaux,
les travaux empiriques sur l’économie informelle ont montré clairement qu’aucune
des trois approches exposées ci-dessus ne permettait d’appréhender pleinement la
dynamique de l’économie informelle. Il existe des différences régionales à cet égard,
mais surtout, les trois approches peuvent prétendre à une certaine validité – à des
degrés divers – dans l’explication de certains éléments de l’informalité observée. Cela
tient en partie au fait que, même si les trois approches conduisent à des hypothèses
qui s’excluent mutuellement – et qui sont donc vérifiables –, les données disponibles
ne permettent de vérifier directement ces relations que dans certaines circonstances
exceptionnelles.
Face à l’ambiguïté des éléments empiriques et pour établir un consensus malgré
le clivage du débat, une approche intégrée est en train de voir le jour à partir de
l’idée de marché du travail à segments multiples (Chen, 2005; Fields, 2005),
distinguant un segment supérieur et un segment inférieur. Cette nouvelle école de
pensée combine des éléments des approches dualiste, légaliste et structuraliste,
49
CHAPITRE 2
CHAPITRE 2. VARIÉTÉS D’INFORMALITÉ
50
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
en utilisant les plus appropriés pour expliquer les différents segments d’emploi
informel. L’idée fondamentale est que l’économie informelle comprend différents
segments composés de différents types d’agents: un segment inférieur dominé par
les ménages qui exercent des activités de survie ayant peu de liens avec l’économie
formelle, comme le suggèrent les dualistes; un segment supérieur composé de microentrepreneurs qui choisissent d’éviter les impôts et la réglementation, comme le
suggèrent les légalistes; et un segment intermédiaire composé de micro-entreprises
et de travailleurs subordonnés aux grandes entreprises, comme le suggèrent les
structuralistes. En outre, comme cela a été dit plus haut, les différents segments
peuvent eux-mêmes être segmentés en réseaux sociaux entre lesquels il y a peu de
passages osmotiques. Selon les régions et les pays, l’importance relative de chaque
segment peut varier, rendant plus pertinente l’une ou l’autre des trois approches
grâce à cette conception unificatrice, le débat porte maintenant sur l’évaluation de la
taille relative des différents segments et des facteurs qui les influencent (Kucera et
Roncolato, 2008). Le thème commun de ces approches est que les travailleurs n’ont
accès qu’à certains segments du marché du travail en fonction de l’importance de
leur réseau social et du pouvoir de négociation qui en découle, lequel résulte de leurs
atouts particuliers, tels que le capital humain et social (instruction, réseaux sociaux,
etc.), et de considérations relatives au cycle de vie (Gagnon, 2008) (voir le graphique
2.1 ci-dessous).
L’une des caractéristiques des marchés du travail à segments multiples est qu’aucun
des différents flux entre les segments n’est exclu a priori. Le passage entre différents
segments inférieurs, c’est-à-dire d’un réseau social à un autre, est même possible,
contrairement à ce que prédisent les théories du marché du travail dual. Toutefois,
les probabilités de transition peuvent varier considérablement, non seulement entre
les différents types de transition considérés, mais aussi d’un pays à l’autre pour le
même type de transition. Généralement, la probabilité du passage d’un segment
à un autre dépend des caractéristiques du travailleur ou du demandeur d’emploi
(niveau d’instruction et qualifications, expérience professionnelle, âge, sexe) et
des spécificités du pays (qualité du cadre juridique, importance du capital social,
environnement macro-économique). En outre, la transition entre segments peut
différer, eu égard à la fois au type de motivation (économique, sociale, psychologique)
et au niveau de décision auquel elle est opérée (individuel, communautaire, collectif).
Par exemple, si la transition entre un emploi formel et le segment supérieur du
marché informel peut être dictée essentiellement par des motifs individuels tels que
l’évasion fiscale, le passage d’un réseau à un autre dans le segment inférieur du
marché du travail informel peut être lié principalement à des décisions collectives ou
à des arrangements au niveau communautaire.
Le principal aspect de cette approche réside cependant dans la reconnaissance du
fait que les relations du marché du travail ne peuvent pas être considérées comme
constituant des relations contractuelles à long terme, sauf dans des circonstances
exceptionnelles. Au contraire, dans la plupart des cas, la mobilité entre emplois et
la transition entre différents emplois et segments du marché du travail sont la réalité
pour la plupart des travailleurs, qu’ils soient dans le secteur formel ou dans le secteur
informel. La dynamique de la création d’emplois dans les différents segments du
marché du travail et des flux entre l’économie formelle et l’économie informelle
dépend elle-même de plusieurs facteurs, tels que:
 les caractéristiques institutionnelles (fiscalité, droit du travail, réglementation des
entreprises, relations professionnelles, réseaux sociaux);
 les caractéristiques
préférences);
individuelles
(capital
humain,
relations
sociales,
 les caractéristiques propres à l’entreprise (emplacement, taille, secteur d’activité,
réseaux de production);
 les conditions du marché (dynamique de la demande intérieure, politiques
macro-économiques, ouverture commerciale, évolution des taux de change);
 les considérations relatives au cycle de vie – les travailleurs passent d’un segment
du marché du travail à un autre pour échanger des conditions de travail flexibles
contre une progression salariale régulière, en fonction de leur âge et des préférences
liées à l’âge.
CHAPITRE 2
51
CHAPITRE 2. VARIÉTÉS D’INFORMALITÉ
52
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Graphique 2.1 Marchés du travail à segments multiples
1
Emploi formel
Emploi informel:
segment supérieur
5
2
Emploi informel:
segment inférieur 1
4
6
Chômage
3
Emploi informel:
segment inférieur 2
8
7
Inactivité
Note:
Le graphique présente les différents flux du marché du travail en présence
de segments multiples de l’économie informelle. Les flux suivants sont représentés: 1)
transition entre un emploi formel et un emploi informel dans le segment supérieur pour
éviter les impôts et la réglementation; 2) transition entre un emploi formel et un emploi
informel dans le segment inférieur; 3) transition entre un emploi informel dans le segment
inférieur et le chômage en attente d’un emploi formel; 4) transition entre un emploi formel
et le chômage en présence de systèmes de prestations appropriés; 5) transition entre
un emploi informel dans le segment supérieur et dans le segment inférieur, par exemple
en raison d’une amélioration des qualifi cations; 6) transition entre différents segments
inférieurs de l’économie informelle en raison du passage d’un réseau à un autre; 7)
transition entre l’inactivité et le marché du travail formel; 8) transition entre l’inactivité et
l’économie informelle.
Source:
Adapté de Gagnon (2008).
Selon cette approche, les caractéristiques individuelles détermineront le segment du
marché du travail auquel un travailleur aura accès, c’est-à-dire les obstacles à l’entrée
dans les différents segments. Les caractéristiques institutionnelles détermineront la
dynamique des flux entre les différents segments, c’est-à-dire à la fois la direction des
flux et leur importance relative. Enfin, les conditions du marché et les caractéristiques
des entreprises détermineront la demande de main-d’œuvre dans chaque segment
(par l’intermédiaire d’entreprises ou comme travailleurs indépendants) et créeront
– selon un principe classique d’équilibre général – les conditions de la croissance
future de la production et de l’emploi.
Dans la suite de cette étude, cette approche unificatrice sous-tendra l’examen des
différents résultats concernant l’interaction de l’économie informelle et de l’ouverture
commerciale ainsi que les recommandations faites au chapitre 7. Les différentes
études ne soulignent généralement que certains aspects des mécanismes de
transmission examinés jusque-là. On montrera que l’approche unificatrice présentée
ici constitue un moyen efficace de rendre intelligibles les différences entre pays en
soulignant l’importance pour chaque pays des différents segments qui constituent
cette conception généralisée.
3. Dynamique du marché, réaffectation de la main-d’œuvre
et transition entre emplois
Le modèle du marché du travail à segments multiples peut naturellement être élargi
pour intégrer les questions relatives au commerce international et à son interaction
avec l’emploi dans l’économie formelle comme dans l’économie informelle. En effet,
la théorie du marché du travail à segments multiples met l’accent sur les flux d’emplois
et de travailleurs entre les différents segments et sur la dimension endogène de ses
segments. De ce fait, elle constitue un point de départ naturel pour comprendre
les processus d’ajustement déclenchés par les modifications de l’environnement
macro-économique, tels que les réformes commerciales.
Depuis qu’elle existe, la littérature sur le commerce international insiste sur l’importance
de la réaffectation sectorielle des ressources pour tirer parti d’un avantage comparatif.
En outre, la littérature récente souligne qu’une réaffectation doit avoir lieu aussi
entre les entreprises d’un même secteur. L’ouverture commerciale entraîne une
réaffectation du capital et de la main-d’œuvre des activités pour lesquelles le pays a
un désavantage comparatif au profit de celles pour lesquelles il possède un avantage
comparatif. C’est seulement grâce à cette réaffectation qu’il pourra profiter des gains
du commerce une fois que les obstacles de jure au commerce auront été réduits.
L’ouverture commerciale peut entraîner des coûts d’ajustement élevés. D’après des
estimations concernant les États-Unis, il peut falloir jusqu’à 42 semaines avant qu’un
travailleur au chômage retrouve un emploi, souvent avec un salaire beaucoup plus
bas (Bacchetta et Jansen, 2003). La présence de segments multiples du marché
du travail avec des probabilités et des mécanismes de transition différents risque de
rendre encore plus complexe la question de l’ajustement structurel.
Une première difficulté tient au fait que, une fois que la concurrence des importations
s’intensifie dans les pays en développement, les travailleurs licenciés entrent sur le
marché du travail informel, perdant ainsi leurs liens avec le marché formel. Cela est
53
CHAPITRE 2
CHAPITRE 2. VARIÉTÉS D’INFORMALITÉ
54
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
dû en partie à ce que bon nombre d’entre eux n’ont peut-être pas accès à un système
d’allocations de chômage bien développé ou considèrent l’emploi informel comme
une source de revenu complémentaire, s’ajoutant aux prestations ou aux indemnités
de licenciement qu’ils ont pu recevoir. Par ailleurs, les programmes d’activation
et de recyclage généralement offerts aux chômeurs dans les pays avancés sont
rarement disponibles dans les pays moins développés. Toutefois, pour que les gains
du commerce se matérialisent, il faudrait que ces personnes trouvent un emploi
dans les nouveaux créneaux existant dans le secteur exportateur. En l’absence de
mécanismes d’activation fonctionnant bien, ces autres emplois risquent d’être hors
de la portée des travailleurs qui sont entrés dans l’économie informelle. En outre,
le marché du travail à segments multiples suppose que la recherche d’un emploi
n’est pas aléatoire mais orientée. Les travailleurs informels n’ont pas les mêmes
possibilités que les travailleurs formels en termes d’offres d’emploi portées à leur
connaissance. Leurs liens avec certains réseaux du marché du travail signifient aussi
que certaines offres – même connues – ne sont pas accessibles aux travailleurs
informels, même si leurs caractéristiques individuelles correspondent à l’emploi.
Plus généralement, les travailleurs du secteur informel – même dans le segment
supérieur du marché du travail informel – se heurtent à plusieurs obstacles à l’entrée
qui limitent le choix entre les possibilités qui peuvent leur être offertes par l’économie
formelle. Ces obstacles risquent de retarder davantage, voire d’empêcher, le
processus d’ajustement après l’ouverture commerciale. En particulier:
 Les travailleurs du secteur informel manquent peut-être d’informations sur
les possibilités d’emploi existant dans d’autres entreprises, secteurs ou zones
géographiques. Ils ne sont peut-être pas bien informés des salaires ou des
qualifications et des compétences professionnelles requises. Il se peut aussi qu’il n’y
ait pas d’infrastructure publique ou privée pour soutenir leur recherche d’emploi.
 Les travailleurs peuvent manquer de qualifications (transférables). Celles qu’ils ont
acquises par l’apprentissage dans l’économie informelle ne sont peut-être acceptées
que par un nombre limité d’entreprises dans une zone géographique restreinte. Même
si les qualifications sont transférables, l’expérience professionnelle acquise dans
l’économie informelle ne sera peut-être pas reconnue par les employeurs potentiels.
 Les travailleurs n’ont peut-être pas le capital financier et physique nécessaire
pour passer dans le segment supérieur de l’économie informelle (par exemple, emploi
indépendant), segment à partir duquel le retour à un emploi formel est plus facile et
où les conditions de rémunération sont analogues (voire supérieures) à celles de
l’économie formelle.
CHAPITRE 2. VARIÉTÉS D’INFORMALITÉ
55
 Les travailleurs licenciés n’auront peut-être pas les ressources nécessaires en
termes de capital social et de réseaux pour trouver ailleurs un emploi ayant des
caractéristiques analogues. Le passage d’un réseau à un autre sera peut-être hors
de leur portée, ce qui dépend des activités menées au niveau communautaire et
des décisions politiques. Même à l’intérieur de leurs réseaux particuliers, ils seront
peut-être limités dans le choix d’une activité et d’un emploi, en fonction de leur
position dans le réseau ou de leurs relations avec les autres.
Une deuxième difficulté liée aux réformes commerciales dans les pays en
développement vient du fait que, pour que la réaffectation des ressources ait lieu
et que les gains du commerce se matérialisent, il faut que les pays qui s’ouvrent au
commerce aient la capacité d’exploiter leur avantage comparatif. À cet égard, la
théorie du marché du travail présentée ici montre que des coûts salariaux peu élevés
ne constituent pas nécessairement une source davantage comparé pour les pays qui
s’ouvrent au commerce. Comme les coûts d’entrée sur les marchés internationaux
sont irrécupérables, seules les entreprises les plus productives peuvent devenir
exportatrices (Lopez, 2005). Pour s’intégrer avec succès dans l’économie mondiale,
d’autres compétences peuvent être nécessaires, comme la connaissance des
marchés, des contacts avec les clients et un accès à des réseaux de distribution
appropriés (Fafchamps et al., 2008). Si les entreprises ne peuvent pas effectuer
les investissements nécessaires pour commencer à exporter, le pays ne sera pas
en mesure d’exploiter les possibilités commerciales. En outre, ses entreprises
n’auront pas le pouvoir de fixer les prix et de constituer des (quasi-) rentes, condition
préalable à une innovation réussie qui les aiderait à accroître leur valeur ajoutée
intérieure et se développer dans d’autres secteurs (Aghion et Griffith, 2005). Cela
limitera la capacité de développement économique du pays, car l’élargissement de
la base d’exportation peut être considéré comme le meilleur moyen pour qu’un pays
bénéficie d’une croissance tirée par les exportations (Dutt et al., 2008). Le capital
social disponible dans l’économie informelle peut se révéler insuffisant à cet égard
pour établir des réseaux commerciaux stables à l’étranger, de sorte que l’informalité
pèse sur les résultats à l’exportation d’un pays.
Pour acquérir les qualifications et les compétences nécessaires pour réussir sur
les marchés internationaux, les entreprises doivent faire en sorte de rester sur le
marché pendant une période prolongée, en multipliant les contacts au sein d’une
CHAPITRE 2
 La recherche d’un emploi est coûteuse. Dans les pays où il n’y a pas de système
approprié d’indemnisation du chômage, les travailleurs licenciés dans le secteur formel
risquent de ne pas pouvoir permettre de chercher longtemps un emploi et devront
peut-être accepter le premier emploi venu, même dans l’économie informelle.
56
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
communauté de négociants (internationaux) (Bigsten et al., 2004b; Fafchamps,
2004). La création de ces nouveaux réseaux peut prendre du temps et exiger du
pays qu’il engage ses propres ressources pour soutenir les entreprises nationales.
La présence de chambres de commerce étrangères dans les pays en développement
donne une idée des moyens et des ressources déployés par les pays avancés pour
favoriser la réussite de leurs entreprises à l’étranger. En conséquence, et compte
tenu du fait que les entreprises ont besoin de temps et d’aide pour s’adapter à la
concurrence étrangère, les pays peuvent chercher à s’ouvrir à d’autres pays ayant
des conditions similaires en renforçant leur avantage comparatif avant de procéder
à de nouvelles réformes plus profondes. Par contre, l’intégration régionale risque
d’avoir un effet de verrouillage et peut empêcher un pays d’obtenir des avantages
supplémentaires grâce au commerce avec des pays plus développés. Nous
reviendrons sur les avantages relatifs des accords commerciaux multilatéraux par
rapport aux accords régionaux dans le chapitre 7.
La littérature présentée dans les chapitres suivants ne suit pas toujours cette
approche du marché du travail à segments multiples. Certains auteurs privilégient
explicitement un type d’informalité par rapport aux autres pour analyser et évaluer les
marchés du travail dans les pays en développement. Il est bon cependant de garder
à l’esprit ce modèle de référence théorique pour comprendre l’hétérogénéité des
résultats des différentes études empiriques. Le chapitre 6 sera l’occasion d’évaluer
les données à l’aide de notre propre modèle et de déterminer s’il est efficace pour
clarifier la dynamique de l’informalité. Avant d’examiner les éléments fournis par
la littérature, nous donnerons un aperçu des différentes définitions qui découlent
des divers concepts d’informalité et nous présenterons notre mesure préférée pour
l’étude empirique dans la deuxième partie du rapport.
C. Définitions: comment rendre opérationnels les
concepts d’informalité
La diversité des approches de l’économie informelle explique la variété des
définitions proposées pour rendre le concept opérationnel. L’informalité peut être
définie au niveau des unités de production ou des entreprises, ou au niveau des
travailleurs, et elle peut reposer sur divers critères. Les principaux critères utilisés
pour définir les entreprises du secteur informel sont la taille et le statut en matière
d’enregistrement. L’une des définitions couramment utilisées, qui repose sur ce
dernier critère, considère comme informelles «toutes les activités économiques qui
contribuent au produit national brut calculé (ou observé) officiellement mais qui ne
CHAPITRE 2. VARIÉTÉS D’INFORMALITÉ
57
En 1993, la 15ème Conférence internationale des statisticiens du travail (CIST) a adopté
une définition statistique du secteur informel en termes d’unités économiques/de
production.1 Selon cette définition, les entreprises informelles sont des:
«unités produisant des biens ou des services en vue principalement de
créer des emplois et des revenus pour les personnes concernées. Ces
unités, ayant un faible niveau d’organisation, opèrent à petite échelle
et de manière spécifique, avec peu ou pas de division entre le travail
et le capital en tant que facteurs de production. Les relations d’emploi
– lorsqu’elles existent – sont surtout fondées sur l’emploi occasionnel,
les liens de parenté ou les relations personnelles et sociales plutôt
que sur des accords contractuels comportant des garanties en bonne
et due forme.» (Organisation internationale du travail, 1993)»
Selon cette définition, toutes les personnes qui travaillent dans de petites entreprises
non enregistrées, employeurs ou employés, ainsi que les indépendants qui travaillent
dans leur propre entreprise ou dans l’entreprise familiale, appartiennent au secteur
informel. Toutefois, la définition ne précise pas à partir de quelle taille une entreprise
est classée comme informelle; et elle laisse à chaque pays le soin d’inclure ou non le
secteur agricole et les travailleurs domestiques (Flodman Becker, 2004).
Pour harmoniser et faciliter les comparaisons internationales, le Groupe international
d’experts sur les statistiques du secteur informel (Groupe de Delhi) a donné, en 1997,
une définition plus précise du secteur informel, selon laquelle le secteur informel
comprend:
«les entreprises privées non constituées en sociétés (quasi non
constituées en sociétés), dont au moins une partie de la production de
biens et de services est destinée à la vente ou au troc, qui comptent
moins de cinq salariés, ne sont pas enregistrées et exercent des
activités non agricoles. (Bureau international du Travail, 2002)»
Comme on l’a dit plus haut, l’informalité peut aussi être définie au niveau des
travailleurs, sur la base des relations d’emploi. De ce point de vue, les travailleurs
CHAPITRE 2
sont pas enregistrées» (Schneider et Enste, 2000). D’autres approches privilégient
des indicateurs tels que le lieu de l’activité (par exemple, le domicile ou la rue), le
niveau d’organisation (faible) ou le potentiel d’amélioration du revenu et de l’emploi
des entreprises ou des travailleurs.
58
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
informels sont ceux qui ne bénéficient d’aucun système de sécurité sociale ou de
sécurité de l’emploi (réglementation sur l’embauche et le licenciement, le salaire
minimum, la protection contre les licenciements arbitraires, l’assurance-maladie
et l’assurance sociale). L’emploi informel peut concerner diverses catégories de
travailleurs: a) les travailleurs indépendants, c’est-à-dire les personnes travaillant
à leur compte, les chefs d’entreprises familiales et les travailleurs familiaux non
rémunérés; b) les travailleurs salariés, c’est-à-dire les employés d’entreprises
informelles, les travailleurs occasionnels sans employeur fixe, les travailleurs à
domicile, les travailleurs domestiques rémunérés, les travailleurs temporaires et à
temps partiel et les travailleurs non enregistrés; et c) les employeurs, c’est-à-dire les
propriétaires et les propriétaires exploitants d’entreprises informelles (voir aussi le
chapitre 2.D, où cette question est étudiée de plus près).
Outre les définitions les plus couramment utilisées, on peut mentionner au moins
deux définitions particulières (Flodman Becker, 2004). L’une est fondée sur le
lieu où se trouvent les acteurs de l’économie informelle, et l’autre sur le potentiel
d’amélioration du revenu et de l’emploi des entreprises ou des travailleurs. Si l’on
considère le lieu, on peut identifier plusieurs catégories de travailleurs, tels que les
travailleurs à domicile dépendants et indépendants, les marchands ambulants et les
vendeurs de rue et les travailleurs itinérants, saisonniers ou temporaires employés
sur les chantiers de construction ou dans les travaux routiers. Du point de vue du
potentiel d’amélioration du revenu et de l’emploi, on distingue trois segments:
 les entreprises ayant le potentiel d’apporter une contribution importante à
l’économie nationale;
 les entreprises ou les ménages qui exercent des activités informelles pour
survivre;
 les personnes qui partagent leur temps entre des activités informelles et
formelles.
Plus récemment, certains décideurs, activistes et chercheurs ont opté pour une
définition plus large et plus complète de l’informalité. Dans le rapport du BIT «Travail
décent et économie informelle» (Organisation internationale du travail, 2002),
établi pour la 90ème Conférence internationale du Travail, la définition statistique du
secteur informel de 1993 a été élargie pour inclure les ménages et les travailleurs
informels employés dans le secteur formel. Selon cette définition, le secteur informel
– désormais appelé économie informelle – est composé des éléments suivants
(Bureau international du Travail, 2002):
CHAPITRE 2. VARIÉTÉS D’INFORMALITÉ
59
 l’emploi informel en dehors des entreprises informelles, c’est-à-dire dans des
entreprises formelles, pour les ménages ou sans employeur fixe; ce type d’emploi
comprend les travailleurs domestiques, les travailleurs occasionnels ou journaliers,
les travailleurs temporaires ou à temps partiel, les travailleurs à domicile du secteur
industriel et les travailleurs non enregistrés ou non déclarés.
Selon cette définition, l’«emploi informel» s’entend de l’ensemble de toutes les
activités rémunérées – emploi indépendant et emploi salarié – qui ne sont pas
reconnues, réglementées ou protégées par les cadres juridiques ou réglementaires
existants et du travail non rémunéré dans une entreprise qui génère des revenus. 2
Cela correspond aux définitions générales analogues proposées par des chercheurs
universitaires. Flodman Becker (2004), par exemple, définit l’économie informelle
comme «la portion non formelle et non réglementée de l’économie de marché
qui produit des biens et des services pour la vente ou pour d’autres formes de
rémunération».
Dans leur analyse du concept élargi d’informalité, les auteurs du rapport du BIT
«Women and men in the informal economy» (Bureau international du Travail, 2002)
indiquent aussi ce qui n’est pas l’économie informelle. Premièrement, l’économie
informelle est définie par opposition à l’économie formelle. Deuxièmement, l’économie
informelle ne doit pas être confondue avec l’économie criminelle. Les arrangements
de production et d’emploi dans l’économie informelle peuvent être semi-licites ou
illicites, mais l’économie informelle produit ou distribue des biens et des services
licites. Troisièmement, l’économie de la reproduction ou des soins ne fait pas partie
de l’économie informelle, car elle ne relève pas de l’économie de marché.
D. Le problème de la mesure
Tout comme il a été difficile de trouver une définition consensuelle de l’informalité, il
a été difficile de mesurer la taille de l’économie informelle et l’incidence de l’emploi
informel. Différentes méthodes ont été appliquées, allant de la mesure directe
(enquêtes spécifiques, par exemple) à la mesure indirecte (suivi de la consommation
d’électricité, par exemple). Cette section examine brièvement les différentes
méthodes employées pour mesurer l’emploi informel et décrit leurs points forts et
leurs limites.
CHAPITRE 2
 l’emploi informel dans des entreprises informelles (petites entreprises non
enregistrées ou non constituées en société), incluant les employeurs, les employés,
les exploitants à leur compte et les travailleurs familiaux non rémunérés;
60
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Une première approche consiste à estimer la taille du secteur informel sur la base
de renseignements provenant d’enquêtes auprès des entreprises. Ces enquêtes
englobent les entreprises familiales, telles que les entreprises informelles de
personnes travaillant pour leur propre compte et les entreprises d’employeurs
informels. Les entreprises informelles de personnes travaillant pour leur propre
compte ont été définies par la 15ème Conférence internationale des statisticiens du
travail comme étant les entreprises appartenant à des personnes travaillant pour leur
propre compte et gérées par elles, qui peuvent employer des travailleurs familiaux
collaborant à l’entreprise familiale et des salariés de manière occasionnelle, mais
qui n’emploient pas de salariés de manière continue. En revanche, les entreprises
informelles appartiennent à des employeurs et sont gérées par eux et emploient un
ou plusieurs salariés de façon continue, mais ne dépassent pas un niveau d’emploi
déterminé (par exemple moins de cinq salariés) et/ou ne sont pas enregistrées
(l’entreprise ou ses salariés).
Bien que cette approche fournisse des renseignements intéressants, elle présente
quelques inconvénients majeurs. Premièrement, il se peut que dans certains pays,
elle ne tienne pas compte des personnes qui exercent des activités à très petite
échelle (parce qu’elles ne sont pas couvertes par les enquêtes statistiques). C’est le
cas en général des formes d’emploi informel précaire, comme le travail occasionnel
ou saisonnier. Par ailleurs, Charmes (2006) souligne qu’il peut être difficile de
classer comme des entreprises certains types de travailleurs tels que les travailleurs
domestiques et les vendeurs des rues, car il est probable qu’ils échappent à la
classification fondée sur la définition du secteur informel donnée en 1993 par la CIST.
De plus, comme nous l’avons vu plus haut, le travail non rémunéré et l’économie des
soins non rémunérés sont exclus de cette mesure spécifique de l’informalité. Un autre
inconvénient est que cette mesure est principalement axée sur la taille de l’entreprise
et ne tient pas compte du champ de ses activités (Daza, 2005). Les entreprises qui
ont plusieurs activités peuvent fort bien opérer à la fois dans l’économie formelle et
dans l’économie informelle, ce qui ne sera pas pris en compte si seule la taille de
l’entreprise est considérée pour mesurer l’informalité.
Comme cela a été dit au chapitre 2.C, au lieu des caractéristiques de l’entreprise,
on peut utiliser les caractéristiques de l’emploi pour classer les différents types
d’emploi selon qu’ils relèvent du secteur informel ou du secteur formel. Par exemple,
la définition de l’économie informelle donnée dans un document du BIT de 2002
(voir le chapitre 2.C) et adoptée en 2003 par la CIST distingue plusieurs catégories,
qu’elles se trouvent dans des entreprises formelles, des entreprises informelles ou des
ménages. Ces catégories sont les suivantes: personnes travaillant pour leur propre
compte et employeurs employés dans leur propre entreprise du secteur informel;
travailleurs familiaux collaborant à l’entreprise familiale; membres de coopératives
informelles de producteurs; salariés exerçant un emploi informel; et travailleurs à
leur propre compte engagés dans la production de biens exclusivement pour l’usage
final propre de leur ménage. Comme avec la mesure fondée sur les caractéristiques
de l’entreprise, certains types d’emplois sont difficiles à classer, et le système de
classification peut être tout à fait spécifique à un pays. Par exemple, certains pays
utilisent l’emploi indépendant comme indicateur indirect de l’emploi informel. Comme
l’a dit Charmes, cela ne peut donner qu’une approximation grossière de l’informalité,
car l’emploi indépendant comprend certaines catégories de travailleurs qui n’ont rien
d’informel, comme les professionnels. De même, d’autres pays, comme l’Indonésie,
englobent dans l’informalité les travailleurs indépendants et les travailleurs familiaux
non rémunérés.
D’autres renseignements sur l’incidence de l’emploi informel sont fournis par les
enquêtes sur la population active qui demandent une auto-évaluation de la situation
du marché du travail ou qui interrogent sur la couverture des systèmes de sécurité
sociale. Certains pays, comme l’Afrique du Sud, ont commencé à inclure ce type de
questions dans leurs enquêtes. L’évaluation de la protection sociale, en particulier,
aide à caractériser les aspects des conditions de travail décentes dans l’économie
informelle. Cette méthode n’est pas sans défaut, par exemple si les personnes
interrogées ne sont pas sûres de la distinction entre travail formel et travail informel,
ou si elles sont mal informées au sujet du statut d’enregistrement de l’entreprise dans
laquelle elles travaillent. En outre, de nombreux pays émergents sont dépourvus de
véritable système de sécurité sociale. Dans certains pays, il n’est pas rare que même
les travailleurs formels aient accès à une partie seulement du système de sécurité
sociale ou bénéficient d’un régime (de pensions) rudimentaire, ce qui limite l’apport
informationnel de ce type de questions.
Étant donné les limites des estimations fondées sur des enquêtes, on peut utiliser
d’autres mesures pour évaluer la taille et la portée de l’informalité dans une
économie. L’une de ces mesures est la part de l’économie informelle dans la valeur
ajoutée brute totale (PIB) tirée de la comptabilité nationale, qui correspond à la
valeur ajoutée des ménages du secteur informel non agricole en pourcentage du PIB
(Charmes, 2000). Cette estimation est généralement fondée sur des enquêtes sur la
consommation des ménages ou sur le niveau de vie des ménages ou sur une enquête
mixte ordinaire auprès des ménages du secteur informel. Toutefois, comme l’indique
Charmes (2006), l’utilisation de méthodes variables dans le temps et d’hypothèses
spécifiques à chaque pays pour l’établissement des comptes nationaux rend difficiles
61
CHAPITRE 2
CHAPITRE 2. VARIÉTÉS D’INFORMALITÉ
62
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
les comparaisons entre pays et dans le temps.
Au lieu d’évaluer directement la taille de l’économie informelle au moyen d’enquêtes
ou sur la base des statistiques officielles, certains auteurs préfèrent la mesure
indirectement sur la base de la circulation monétaire de la consommation d’électricité,
de valeurs imputées à partir d’un modèle théorique (modèle dynamique multivariables)
ou de sondages d’opinion. Il faut cependant noter qu’aucune de ces mesures ne
permet d’évaluer correctement l’incidence de l’emploi informel:
 La circulation monétaire peut servir à évaluer l’importance de l’économie
informelle du fait que les entreprises et les travailleurs informels n’ont généralement
pas recours à des transactions financières formelles. La demande de monnaie et
le PIB (nominal) devraient donc croître à des rythmes différents, ce qui permet aux
chercheurs d’isoler le chaînon manquant (c’est-à-dire le secteur informel). 3 Cette
approche risque toutefois de sous-estimer la taille réelle de l’économie informelle,
car il est probable que la vitesse de circulation de la monnaie est aussi plus élevée
dans le secteur informel (Schneider, 2005).
 On peut aussi utiliser la consommation d’électricité pour obtenir une mesure
approximative du secteur informel (méthode de l’input physique). Cette approche
suppose une relation stable entre la consommation d’électricité et la production.
En examinant de combien le taux de croissance de la consommation électrique
est supérieur au taux de croissance (mesuré) du PIB, on peut faire une déduction
concernant l’évolution de la taille de l’économie informelle. Toutefois, cette méthode
n’appréhende que partiellement l’économie informelle, car elle omet des activités qui
consomment peu d’électricité ou qui utilisent d’autres sources d’énergie.
 Une autre approche consiste à estimer la taille du secteur informel à l’aide de
différents facteurs pris comme causes indirectes (modèle dynamique multivariables,
DYMIMIC). Les facteurs pouvant généralement entrer dans ces modèles sont,
par exemple, les impôts et les cotisations de sécurité sociale, l’intensité de la
réglementation, les services publics, et les opinions favorables du public sur le secteur
informel. Toutefois, les coefficients estimés sont instables et varient beaucoup
lorsque le modèle sous-jacent est modifié ou que la période d’échantillonnage des
données est ajustée (Savasan et Schneider, 2006; Schneider et Savasan, 2007).
 Enfin, le Forum économique mondial procède régulièrement à des enquêtes
auprès des dirigeants d’entreprises pour connaître leur opinion sur les principales
questions affectant leur environnement de travail. L’une des questions posées porte
CHAPITRE 2. VARIÉTÉS D’INFORMALITÉ
63
En résumé, les multiples facettes de l’informalité ont empêché jusqu’à présent
de parvenir à un large consensus sur les concepts, les définitions et les mesures
appropriés. Plusieurs hypothèses concurrentes ont été utilisées au cours des 20
dernières années, mais aucune mesure unique ne s’est imposée dans le débat. Les
recherches dans ce domaine confirment qu’une telle convergence a peu de chances
d’avoir lieu et s’efforcent plutôt de tenir compte explicitement de l’hétérogénéité des
types d’emplois informels. Comme cela a été dit plus haut, les données sur l’informalité
présentées dans le chapitre 1, qui sont également utilisées pour l’analyse empirique
du chapitre 6, reposent sur une définition large de l’informalité et proviennent d’une
multitude de sources. On a privilégié autant que possible les sources primaires pour
les mesures de l’informalité et on les a complétées par des renseignements fournis
par le Département de statistique de l’Organisation internationale du travail.4
CHAPITRE 2
explicitement sur la taille (évaluée subjectivement) de l’économie informelle.
64
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Notes
1
Cette définition a été formulée au niveau des unités de production et non au niveau des
travailleurs pour être compatible avec le Système de comptabilité nationale.
2 Cette définition a été adoptée en 2003 par la Conférence internationale des statisticiens
du travail (CIST) à sa 17ème session.
3
On parle aussi d’approche par la demande de monnaie, proposée à l’origine par Cagan
(1958) et développée ensuite par Tanzi (1983).
4
L’Organisation internationale du travail (OIT) présente des statistiques sur l’informalité
dans ses Indicateurs clés du marché du travail (ICMT). Ces indicateurs ont deux objectifs
principaux: a) présenter un ensemble d’indicateurs et d’analyses du marché du travail; et
b) améliorer la disponibilité des indicateurs afin de suivre les nouvelles tendances de
l’emploi. Parmi les indicateurs «clés» du marché du travail figure celui qui mesure l’emploi
dans l’économie informelle. Bien qu’il s’agisse d’une tentative importante pour recueillir des
renseignements officiels sur l’informalité, les données posent des problèmes lorsqu’elles sont
utilisées pour des comparaisons dans le temps et entre pays. L’un de ces problèmes est que
les indicateurs peuvent avoir des sources multiples, ce qui rend impossibles les comparaisons
dans le temps. En outre, les définitions, les questions posées dans les enquêtes ou la manière
dont l’informalité est mesurée peuvent varier dans le temps. De nombreux pays africains, par
exemple, en sont à un stade expérimental pour ce qui est de mesurer l’informalité et ne sont
pas encore en mesure de fournir une analyse périodique cohérente de cette question (l’Afrique
du Sud, par exemple, a recours à l’auto-évaluation).
CHAPITRE 3. OUVERTURE AU COMMERCE ET INFORMALITÉ
65
On estime que la mondialisation et l’ouverture au commerce des économies en
développement ont eu des répercussions sur l’emploi informel dans ces pays. Ce
chapitre résume les arguments théoriques qui sous-tendent cette corrélation et
présente les données empiriques pertinentes. Il pose, en particulier, les questions
suivantes: Quel est le rôle des réformes commerciales et de l’accroissement des
échanges dans l’évolution de la part de l’emploi informel? Comment l’ouverture
commerciale influe-t-elle sur la rémunération relative des travailleurs informels,
par rapport à celle des travailleurs formels? Si les effets distributifs à long terme
de l’ouverture commerciale ont été abondamment étudiés par les économistes du
commerce au moins depuis le XVIIIe siècle, ce n’est qu’au début des années 1990
(Agénor, 1995) que l’incidence à court et à moyen terme des réformes commerciales
sur la composition de l’emploi, la structure des salaires et le chômage ont commencé
à attirer l’attention des chercheurs. Ce chapitre est divisé en deux parties. La
première résume les approches théoriques concernant les incidences du commerce
sur l’informalité. Et la seconde présente des études empiriques visant à valider les
différentes hypothèses théoriques. L’encadré 3.1 fait une synthèse des principales
conclusions de ce chapitre.
A. Comment l’ouverture commerciale influe-t-elle sur
l’emploi et les salaires dans le secteur informel?
La théorie commerciale classique n’aide guère à comprendre les effets de l’ouverture
commerciale sur l’économie informelle. Un tel cadre repose principalement sur la
différenciation des divers apports de main-d’œuvre en fonction des différences de
qualifications. Il n’a donc qu’une corrélation partielle avec la situation d’un travailleur
sur le marché du travail, en particulier quand certaines formes d’informalité peuvent
être considérées comme volontaires.1 Toutefois, même si le manque de qualifications
pouvait être assimilé à l’informalité, l’approche classique de Heckscher-Ohlin
ne révélerait pas grand-chose au sujet de l’effet de l’ouverture commerciale sur
l’emploi informel, car les dotations en facteurs sont données dans le modèle, mais
elle serait utile pour comprendre l’effet sur les salaires informels. La théorie de
CHAPITRE 3
CHAPITRE 3: Ouverture au commerce et informalité
66
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Heckscher-Ohlin prédit que, comme les pays en développement disposent d’une
vaste réserve de main-d’œuvre peu qualifiée, l’ouverture commerciale les amènera
à exporter des biens et des services exigeant relativement plus de main-d’œuvre
peu qualifiée et à importer des biens et des services exigeant relativement plus de
main-d’œuvre très qualifiée. Ce processus dépend du fait que la libéralisation du
commerce augmente le prix relatif des biens et des services exigeant beaucoup
de main-d’œuvre peu qualifiée, ce qui entraîne une augmentation de la demande
de main-d’œuvre peu qualifiée. La théorie de Stolper-Samuelson pousse plus loin
l’analyse pour démontrer que, dans un tel scénario, les travailleurs peu qualifiés verront
leurs salaires augmenter de manière plus que proportionnelle. On s’attend donc à ce
que les réformes commerciales entraînent une diminution de l’écart salarial entre les
travailleurs qualifiés et les travailleurs peu qualifiés dans les pays en développement. 2
Encadré 3.1
Principales conclusions
 Les spécificités des différents modèles déterminent dans une large
mesure les incidences positives ou négatives de l’ouverture commerciale sur
l’emploi informel. La littérature s’est concentrée en grande partie sur les
modèles dans lesquels l’ouverture commerciale accroît l’informalité.
 Les modèles théoriques se fondent sur diverses hypothèses concernant
les liens entre les secteurs informel et formel, la mobilité du capital entre
les secteurs, la formation des salaires dans les différents secteurs et
l’échangeabilité de la production informelle.
 Ces modèles identifient un certain nombre de mécanismes par lesquels
l’ouverture commerciale peut accroître l’emploi informel, ainsi que les
conditions dans lesquelles elle entraîne une augmentation des salaires
informels.
 Les toutes premières études concluent qu’en général, l’ouverture du
secteur formel en concurrence avec les importations pousse les travailleurs
vers le secteur informel et entraîne une hausse ou une baisse des salaires
informels en fonction de la mobilité du capital et des relations de production.
 Les études plus récentes modélisent généralement les décisions des
entreprises d’utiliser une main-d’œuvre formelle ou informelle. Dans un cas,
l’ouverture commerciale incite davantage les travailleurs formels à rester en
CHAPITRE 3. OUVERTURE AU COMMERCE ET INFORMALITÉ
67
 La question de savoir si l’ouverture commerciale entraîne une
augmentation ou une diminution de l’emploi informel et des salaires informels
est, au bout du compte, une question empirique. Malheureusement, on ne
dispose de données empiriques pertinentes que pour un petit groupe de pays,
essentiellement d’Amérique latine.
 Ces données indiquent que la direction et l’ampleur des effets de
l’ouverture commerciale sur les variables informelles dépendent, dans
une large mesure, des circonstances propres à chaque pays. L’ouverture
commerciale a renforcé l’informalité en Colombie, l’a réduite au Mexique et
n’a eu aucun effet mesurable sur l’informalité au Brésil.
1. Ouverture commerciale et informalité dans les modèles
d’économie duale
C’est seulement dans les années 1980 que les économistes ont commencé à
élaborer des modèles théoriques du secteur informel. La plupart de ces modèles
étaient basés sur le modèle d’économie duale de Harris-Todaro (1970) concernant
la migration campagne-ville. Ce modèle explique que la décision de migrer de la
campagne vers la cible est fondée sur les écarts de revenu anticipés, et pas seulement
sur les écarts de salaire. En situation d’équilibre, le salaire anticipé dans les zones
urbaines, corrigé du taux de chômage, est égal au produit marginal d’un travailleur
agricole. En présence d’une concurrence parfaite et en l’absence de chômage dans
le secteur agricole rural, le salaire agricole rural est égal à la productivité agricole
marginale. Le secteur informel est introduit dans le modèle de Harris-Todaro en
divisant le marché du travail urbain en un segment formel et un segment informel. 3
On suppose que le salaire dans le secteur formel est fixé institutionnellement et que
les travailleurs qui passent du secteur rural au secteur urbain sont absorbés soit dans
le secteur formel urbain, soit dans le secteur informel urbain.
CHAPITRE 3
deçà de leur niveau d’effort optimal, en raison du risque accru de suppression
d’emplois, indépendamment de l’effort. Cela oblige les entreprises à relever
les salaires formels (salaires d’efficience), ce qui a pour effet d’augmenter
le coût marginal de l’embauche de travailleurs formels et entraîne ainsi
une régression de la part optimale du secteur formel. Dans un autre cas,
l’ouverture commerciale réduit le montant des paiements illicites que les
entreprises doivent effectuer si l’on découvre qu’elles ont recours à des
travailleurs informels, ce qui encourage à réorienter la production vers le
secteur informel.
68
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Parmi ces premières études, certaines examinent l’effet des politiques commerciales
sur le secteur informel. Elles analysent différentes spécifications du secteur informel
ainsi que de la structure technologique dans laquelle il s’insère. Par exemple, les
modèles diffèrent par les hypothèses faites au sujet des types de relations de
production. Premièrement, dans certains cas, on suppose que le secteur informel
produit un bien final, tandis que dans d’autres, on suppose qu’il produit un bien ou
un service intermédiaire (Gupta, 1993). Deuxièmement, les modèles d’économie
ouverte prennent en compte aussi bien la production échangeable que la production
non échangeable de l’économie informelle.4 Troisièmement, dans certains cas, la
segmentation du marché du crédit est ajoutée au modèle, la fourniture de crédit au
secteur informel étant soit exclue soit supposée très coûteuse. 5 Quatrièmement,
certains modèles, comme celui de Gupta (1993), tiennent compte aussi de l’existence
d’un chômage urbain. Les résultats concernant les relations entre le secteur formel
et le secteur informel dépendent, dans une certaine mesure, de ces hypothèses.
Dans l’ensemble, il apparaît cependant que la plupart des études ont privilégié les
cas où l’ouverture commerciale accroît l’emploi informel. Par ailleurs, les études
diffèrent dans leur interprétation de l’effet de l’ouverture commerciale sur les salaires
informels, qui dépend de la spécification précise du secteur informel, du degré de
spécificité et de mobilité du capital entre les secteurs et de la nature de l’ouverture
(par exemple, de la question de savoir si les réformes commerciales encouragent les
exportations ou augmentent la pénétration des importations).
Bien qu’il n’y ait pas de consensus, dans ces premières études, au sujet de l’incidence
de l’ouverture commerciale sur l’emploi et les salaires informels, on a identifié
plusieurs hypothèses clé qui déterminent les différents résultats:
 Premièrement, les résultats dépendent du degré de mobilité du capital entre
l’économie formelle et l’économie informelle. Lorsque le capital est mobile entre
l’une et l’autre, l’ouverture du secteur manufacturier formel fait augmenter le salaire
réel dans le secteur informel. Par contre, lorsque les marchés de capitaux sont
segmentés, l’ouverture commerciale fait baisser les salaires des travailleurs non
qualifiés du secteur informel (Marjit et Acharyya, 2003).6
 Deuxièmement, l’échangeabilité des biens et services produits par le secteur
informel est aussi un facteur crucial. Lorsque la production informelle est
commercialisée, une baisse des tarifs entraîne une augmentation de l’emploi et des
salaires dans le secteur informel (Chandra et Khan, 1993; Marjit et Beladi, 2005).
La hausse des salaires informels résulte du fait que, comme le capital sort du secteur
formel et comme le rendement du capital dans le secteur informel diminue, le ratio
capital/travail augmente dans chaque secteur, ce qui entraîne une augmentation du
CHAPITRE 3. OUVERTURE AU COMMERCE ET INFORMALITÉ
69
 Enfin, les relations de production entre les secteurs formel et informel sont
importantes, comme l’indique la conception structuraliste de l’informalité. Lorsque
des biens et services du secteur informel sont utilisés comme intrants intermédiaires
dans le secteur formel, l’ouverture commerciale peut entraîner un recul de l’emploi
informel dans la mesure où elle réduit aussi l’activité dans le secteur formel (Beladi et
Yabuuchi, 2001). Cet effet peut cependant être atténué si les entreprises formelles
tentent de préserver leur compétitivité en sous-traitant une plus grande partie de
la production au secteur informel tout en conservant les activités essentielles, très
qualifiées. De plus, l’incidence de l’emploi informel peut augmenter dans les cas
où le secteur informel produit aussi un bien final échangeable. Par conséquent, le
changement de composition est a priori ambigu et dépend de l’effet net de l’impact
direct et indirect de l’ouverture commerciale sur l’économie informelle.
2. Modèles du commerce avec salaires différenciés
Les modèles d’économie duale supposent que les salaires urbains et ruraux doivent
équilibrer les flux migratoires internes. La main-d’œuvre peut se déplacer librement
entre les différents secteurs de l’économie, et la principale raison pour laquelle le
marché du travail formel urbain n’est pas en équilibre est liée au salaire minimum
élevé, aux négociations salariales et à d’autres fardeaux administratifs. Toutefois,
dans l’ensemble, le salaire du secteur informel doit être inférieur à celui du secteur
rural parce que la moyenne pondérée des salaires formel et informel doit être égale
au salaire rural. Des approches plus récentes ont rejeté cette idée, au motif que les
travailleurs pauvres se déplacent librement entre le secteur rural et le secteur urbain
informel et que, par conséquent, le taux de salaire informel devrait être égal au taux
de salaire rural. Des modèles ont donc été élaborés sur la base de l’hypothèse que
les salaires sont, en moyenne, plus élevés dans le secteur urbain que dans le secteur
rural.
Ces autres approches pour comprendre les écarts de salaire entre le secteur formel et
le secteur informel mettent l’accent sur les obstacles à la mobilité de la main-d’œuvre
entre le marché du travail urbain formel et informel. Le manque de capital ou la
lenteur de réaction de l’offre limitent cependant le nombre de travailleurs pouvant
CHAPITRE 3
salaire informel. En outre, les travailleurs du secteur formel qui sont licenciés sont
absorbés dans le secteur informel, ou deviennent chômeurs, mais le salaire informel
plus élevé attire aussi plus de travailleurs agricoles dans le secteur informel, ce qui
accroît l’emploi global. Par voie de conséquence, l’emploi informel augmente lui
aussi.
70
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
être employés dans le secteur formel. Par conséquent, les travailleurs qui ne trouvent
pas d’emploi dans le secteur formel sont contraints soit de travailler dans le secteur
informel, soit de retourner dans le secteur rural. Dans ces conditions, une réduction
des tarifs pour les produits du secteur formel augmente la taille du secteur informel,
mais il se peut qu’elle n’améliore pas le bien-être, malgré l’augmentation potentielle
des salaires informels et ruraux (Kar et Marjit, 2001).
Comme cela a été dit plus haut, les hypothèses concernant la mobilité du capital
entre les différents secteurs sont cruciales pour analyser la dynamique des salaires
et du bien-être. Dans ces modèles, l’ouverture commerciale peut faire progresser
à la fois l’emploi informel et les salaires informels si le capital est suffisamment
mobile (Marjit et Maiti, 2005). Avec l’ouverture commerciale, le rendement du capital
diminue dans le secteur formel, car celui-ci est censé produire un bien qui est en
concurrence avec les importations de sorte qu’il est exposé à une concurrence plus
grande. Par conséquent, la production diminue, ce qui amène à réduire l’activité, car
le ratio salaire/loyer du capital augmente, les salaires du secteur formel étant fixes.
En l’absence totale de mobilité du capital entre les deux secteurs, l’emploi informel
augmente, tandis que les salaires informels diminuent du fait du redéploiement
de la main-d’œuvre. En revanche, lorsqu’il y a une mobilité totale du capital, le
ratio capital/production augmente dans le secteur informel, ce qui entraîne une
progression simultanée de l’emploi et des salaires dans ce secteur (Kar et al., 2003).
Une réduction tarifaire peut donc entraîner une augmentation de la production dans
le secteur informel, et plus le capital est mobile entre les secteurs manufacturiers
formel et informel, plus les salaires ont des chances d’augmenter dans le secteur
urbain et le secteur agricole rural informel. Toutefois, même si le capital est
totalement immobile, le secteur informel peut bénéficier d’une hausse des salaires
tout en augmentant sa part de l’emploi total lorsqu’une partie du secteur a une forte
intensité de capital. En particulier, si la contraction du secteur formel à la suite
d’une réforme commerciale a des effets préjudiciables sur le sous-segment à forte
intensité de capital du secteur informel, le capital informel va vers le sous-segment à
forte intensité de main-d’œuvre, ce qui augmente le ratio capital/travail et fait ainsi
progresser le salaire informel (Marjit, 2003).
On a tenté récemment d’établir une différenciation salariale entre le secteur urbain
et le secteur rural sur la base de considérations relatives au salaire d’efficience.
Du fait des asymétries de l’information entre les employeurs et les travailleurs,
le salaire est plus élevé dans le secteur formel que dans le secteur informel – le
salaire du secteur informel étant égal, dans ce cadre, à celui du secteur rural –
malgré les caractéristiques analogues du travailleur. Comme les résultats des
CHAPITRE 3. OUVERTURE AU COMMERCE ET INFORMALITÉ
71
Selon une interprétation, l’ouverture commerciale accroît le risque de licenciement
pour les travailleurs du secteur formel, indépendamment de leur performance. L’effort
ne peut être observé qu’avec une certaine imprécision, et le caractère imprécis du
signal d’effort est censé augmenter avec la concurrence étrangère. La variabilité
accrue de l’effort observé signifie toutefois que les travailleurs du secteur formel
risquent davantage de perdre leur emploi, ce qui fait baisser leur niveau d’effort
optimal. Les employeurs sont donc obligés de relever les salaires, ce qui a des
effets négatifs sur le niveau de l’emploi formel (Goldberg et Pavcnik, 2003a). De
plus, dans un modèle de ce genre, la redistribution de l’emploi entre le secteur formel
et le secteur informel est amplifiée s’il existe une législation stricte en matière de
protection de l’emploi.7
Une autre interprétation met l’accent sur la diminution du rendement du capital à la
suite d’une ouverture accrue au commerce (Chaudhuri et Mukherjee, 2002). Dans ce
modèle, il s’opère une redistribution du capital et de la main-d’œuvre entre les marchés
du travail formel, informel urbain et rural. Outre la diminution du loyer du capital,
les salaires d’efficience augmentent, ce qui entraîne une réaffectation du capital
en faveur de l’économie urbaine informelle. Non seulement cette restructuration
de l’économie favorise le développement de l’économie informelle, mais encore la
relative augmentation du capital dans le segment urbain de l’économie informelle
encourage les migrations internes en provenance des régions rurales. Dans un
modèle de ce genre, l’effet des réformes commerciales sur les salaires est ambigu,
car les salaires du secteur informel augmentent par suite de la réaffectation du
capital tandis que la masse salariale totale diminue dans le secteur formel (mais pas
le salaire par employé).
3. Autres relations dans les modèles avec sous-traitance
et/ou exportation
Plusieurs études récentes se sont intéressées aux différents mécanismes par
lesquels l’ouverture commerciale peut influer sur l’emploi et les salaires dans le
secteur informel. Marjit et al. (2007b), par exemple, modélisent la décision des
entreprises en concurrence avec les importations de répartir la production entre le
CHAPITRE 3
modèles d’économie duale examinés plus haut, les effets de l’ouverture commerciale
dépendent de l’hypothèse faite au sujet de la mobilité du capital entre les différents
secteurs. Mais dans ce cas, le mécanisme par lequel l’ajustement s’effectue à la
suite d’une réforme commerciale est différent.
72
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
segment formel et le segment informel, et la corruption qui est associée à l’utilisation
de travailleurs informels. Le cadre est le suivant: a) le recours à des travailleurs
informels est illégal parce qu’il implique une violation de la législation du travail; b) les
pouvoirs publics exercent une surveillance sur les entreprises; c) s’ils constatent que
des entreprises exploitent un segment informel, celles-ci encourent une sanction,
par exemple la perte de leur licence pour la production d’un produit en concurrence
avec les importations et, partant, la perte de l’avantage conféré par la protection
tarifaire; d) les entreprises concernées peuvent échapper à la sanction en versant
un pot-de-vin. Les auteurs élaborent une structure de négociation explicite pour
déterminer le montant du pot-de-vin d’équilibre. Le fait que les réductions tarifaires
favorisent l’emploi informel s’explique principalement par l’existence d’une corrélation
positive entre le pot-de-vin d’équilibre et le niveau du droit de douane. Au départ,
les entreprises tirent profit de l’écart de salaire entre le secteur formel et le secteur
informel et versent un pot-de-vin à l’autorité de surveillance. Une baisse du taux de
droit réduit le pot-de-vin et, partant, le coût de la main-d’œuvre informelle, ce qui
encourage à redéployer la production dans le secteur informel.
Maiti et Marjit (2008) établissent un lien entre la croissance des activités informelles
et l’amélioration des possibilités d’exportation en utilisant un modèle dans lequel
la création d’emplois informels résulte de la délégation/sous-traitance de certaines
tâches par le biais de contrats informels. Au cœur de leur explication se trouve l’idée
que les entreprises doivent faire un arbitrage entre d’une part, la commercialisation
pour exploiter les nouvelles possibilités d’exportation et, d’autre part, la production,
dans la mesure où, si elles investissent davantage dans la commercialisation,
elles accordent moins d’attention à la production. Avec l’ouverture commerciale
et la hausse des prix sur les marchés mondiaux, les producteurs formels voient
augmenter les possibilités de gain à l’exportation. Mais, toutefois, pour réaliser ces
gains, les exportateurs doivent intensifier leurs efforts de collecte d’informations
et d’apprentissage au sujet des marchés d’exportation. Compte tenu de l’arbitrage
évoqué plus haut, le rendement relatif plus élevé de la commercialisation incitera le
producteur à réaffecter les ressources à cette activité et à sous-traiter la production
au secteur informel.
Enfin, Cimoli et al. (2005) examinent l’argument selon lequel la progression de
l’informalité en Amérique latine à la suite des réformes commerciales résulte des
gains de productivité liés à l’adoption de nouvelles technologies qui permettent aux
entreprises exportatrices d’économiser la main-d’œuvre, gains qui ne se sont pas
répercutés sur le reste de l’économie. L’amélioration de la productivité dans les
secteurs exportateurs aurait donc accentué le dualisme de la structure de production
CHAPITRE 3. OUVERTURE AU COMMERCE ET INFORMALITÉ
73
Comme le disent Cimoli et al. (2005), un tel mécanisme repose sur l’existence d’une
croissance entravée par des contraintes extérieures, lorsque les gains de productivité
de l’économie formelle n’entraînent aucun transfert des dépenses en faveur d’une
plus grande absorption interne. Par conséquence, lorsque la croissance de la
production est entravée par des contraintes extérieures, une augmentation du taux
de croissance potentiel de la productivité n’entraînera pas d’augmentation de l’emploi
formel. 9 Une telle situation peut résulter d’une configuration défavorable du commerce
international, dans laquelle les entreprises exportatrices survivent seulement grâce
à des gains de productivité permettant d’économiser la main-d’œuvre (et non par
l’introduction de nouveaux produits). La réduction de l’emploi formel entraîne une
augmentation du nombre de chômeurs, qui survivent en entrant dans l’économie
informelle, ce qui creuse l’écart de salaire. La production et l’emploi informels
augmentent en raison de la dynamique du secteur informel. La conclusion logique
de cette analyse est que, si la productivité est plus faible dans le secteur informel
que dans le secteur formel, l’économie informelle deviendra prédominante, et seule
une petite partie des emplois et des activités se trouveront dans l’économie formelle.
Par conséquent, une stratégie de promotion des exportations n’est pas problématique
en soi. C’est plutôt le type de spécialisation internationale, la structure de l’économie
formelle nationale et d’autres caractéristiques structurelles comme le degré
d’intégration locale entre les différents secteurs économiques et la capacité de
l’économie nationale d’intégrer de nouvelles technologies et de nouveaux savoirs,
qui empêchent celle-ci de profiter des gains dynamiques résultant du commerce. En
raison de ces faiblesses structurelles, il est beaucoup plus difficile que la croissance
de l’économie formelle absorbe l’économie informelle. Différentes caractéristiques
structurelles peuvent déclencher un processus de croissance tiré par les exportations,
dont les effets positifs se transmettront progressivement à l’ensemble de l’économie,
absorbant ainsi l’économie informelle.
CHAPITRE 3
et freiné la croissance de l’emploi dans le secteur formel. En conséquence, le schéma
de spécialisation internationale aurait déplacé l’essentiel de l’emploi en Amérique
latine vers des activités moins productives, y compris les activités informelles (Cimoli
et al., 2005). 8
74
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
4. Résumé de la littérature théorique
Cet exposé succinct montre qu’il existe une riche littérature théorique fondée sur
diverses approches et diverses hypothèses concernant le fonctionnement du marché
du travail et de l’économie informelle. Comme les modèles diffèrent sur bien des
points, il est parfois difficile de comparer les résultats et d’isoler le rôle de leurs
hypothèses spécifiques. Toutefois, même si les modèles diffèrent par leurs hypothèses
fondamentales concernant l’économie informelle, la littérature a généralement mis
l’accent sur les mécanismes de transmission par lesquels l’ouverture commerciale
entraîne une progression de l’emploi informel. En revanche, les modèles diffèrent
considérablement par leurs prédictions sur les salaires du secteur informel et, donc,
sur les implications pour le bien-être. De plus, les résultats théoriques mettent en
lumière un certain nombre de mécanismes intéressants et de facteurs qu’il faut
prendre en considération pour mieux comprendre les liens entre la mondialisation et
l’économie informelle:
 Pour que l’ouverture commerciale entraîne une augmentation des salaires dans
le secteur informel, il faut que le capital circule librement entre le secteur formel et
le secteur informel. La réforme du secteur financier et l’accès au capital sont donc
essentiels pour que les entreprises du secteur informel tirent profit des réformes
commerciales. Par contre, si le capital ne peut pas circuler entre le secteur formel et
le secteur informel après l’ouverture du secteur formel, le loyer du capital diminuera
et les travailleurs passeront dans le secteur informel, tandis que le capital restera
immobilisé dans le secteur formel, ce qui fera baisser les salaires du secteur informel
(Kar et al., 2003; Marjit et Maiti, 2005; Marjit et Beladi, 2005).
 En présence de relations verticales entre l’économie formelle et l’économie
informelle, la réaction des salaires du secteur informel aux réformes commerciales
dépend des ajustements opérés par les entreprises du secteur formel. Il se peut en
effet que la mondialisation transforme les modes de production et l’organisation du
travail dans la mesure où les entreprises formelles adoptent des stratégies efficientes
en établissant des relations de sous-traitance ou d’externalisation avec des agents de
l’économie informelle, ce qui a un effet positif sur les salaires du secteur informel.
 Enfin, il se peut que le secteur informel soit totalement déconnecté de l’économie
formelle et constitue une économie de subsistance résiduelle qui aide les travailleurs
à survivre en attendant de trouver un meilleur emploi dans le secteur formel. Dans ces
modèles d’économie duale, les salaires sont assez peu influencés par les réformes
commerciales dans le secteur formel.
CHAPITRE 3. OUVERTURE AU COMMERCE ET INFORMALITÉ
75
B. Que nous disent les données empiriques?
1. Approches ex ante
Les approches ex ante font appel à des simulations numériques pour examiner
l’incidence de la réforme des politiques sur les variables macro-économiques. En
fonction de la capacité de calcul, n’importe quel niveau de détail peut être pris
en compte – par exemple, le nombre de secteurs et de segments du marché du
travail, les types de ménages et d’entreprises, les variétés de biens et de services,
les imperfections du marché du travail et des marchés de produits. À partir d’une
estimation des relations entrées-sorties et de l’élasticité des prix et de l’offre, on peut
obtenir une indication des résultats quantitatifs de certains types de politiques. Cela
est particulièrement commode dans le cas des réformes tarifaires qui peuvent être
introduites directement dans ces approches et qui ont été abondamment utilisées
dans la littérature sur le commerce international. Toutefois, la plupart des études
dans ce domaine ne sont pas axées sur l’analyse du secteur informel.
Il y a cependant une exception, avec une étude sur l’Inde présentée par Sinha et
Adam (2006), qui examinent les effets des réformes commerciales du début des
années 1990 sur le secteur informel indien. L’informalité est identifiée à des
secteurs particuliers dont certains (construction et agriculture de subsistance) ne
participent pas au commerce international. Plus précisément, le modèle englobe
quatre aspects essentiels de l’informalité. Premièrement, il y a une différenciation
des produits entre le secteur formel et le secteur informel. Deuxièmement, les deux
secteurs utilisent des technologies différentes. En général, la technologie utilisée
par le secteur informel exige plus de main-d’œuvre. Troisièmement, les facteurs
de production formels et informels sont différents. On suppose, en particulier, que
le salaire formel est rigide. Enfin, le secteur informel ne paie pas d’impôts directs
sur les revenus des facteurs. Le modèle distingue dix secteurs de production
CHAPITRE 3
Cet aperçu de la littérature théorique a permis d’identifier certains mécanismes par
lesquels l’ouverture commerciale peut influer sur l’emploi informel et les salaires
informels. Dans la plupart des cas, les réformes commerciales augmentent
l’incidence de l’emploi informel, mais leur effet sur les salaires du secteur informel
est ambigu et dépend des circonstances et des spécificités des pays. Cela constitue
la toile de fond de l’analyse ci-après des études empiriques portant sur les liens entre
l’ouverture commerciale et le secteur informel. Pour des raisons de présentation, les
études sont divisées en trois catégories: simulations numériques ex ante, études
empiriques ex-post et essais anecdotiques.
76
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
dont deux (construction et agriculture de base) sont uniquement informels et ne
participent pas au commerce international, deux sont uniquement formels (services
gouvernementaux et biens d’équipement), et trois sont à la fois formels et informels
(agro-industrie, industrie manufacturière et autres services). Le secteur formel et le
secteur informel exportent l’un et l’autre et utilisent des facteurs informels. Le capital
total disponible par secteur est fixe.
Dans un tel cadre, on s’attend à ce que les réformes commerciales entraînent des
ajustements sectoriels et une redistribution de la main-d’œuvre entre secteurs. Deux
versions du modèle sont comparées. La première suppose l’existence du plein emploi
et d’une concurrence parfaite sur les marchés du travail. La seconde considère qu’il
existe une rigidité des salaires seulement pour les travailleurs réguliers du secteur
formel, tout en supposant que les salaires sont pleinement flexibles sur le marché
du travail informel. Il est supposé que les travailleurs formels au chômage entrent
dans le secteur informel. Les simulations quantifient les effets sur l’emploi de deux
types de réformes commerciales: un abaissement général des droits de douane
de 60 pour cent sans incidence sur les recettes, et une réduction correspondante
des restrictions quantitatives existantes. Les réformes entraînent un rééquilibrage
intersectoriel de la production au sein de l’économie nationale en général au profit du
secteur informel. Le secteur formel est exposé à une forte concurrence, et il réagit
en externalisant dans le secteur informel et en licenciant des travailleurs formels
pour les remplacer par des travailleurs informels. Si le marché du travail est flexible,
les travailleurs informels profitent de la réduction combinée des droits de douane
et des restrictions quantitatives, tandis que les employeurs (détenteurs du capital)
sont perdants. En cas de rigidité des salaires réels dans le secteur formel, ce sont
les travailleurs occasionnels qui sont perdants tandis que les travailleurs urbains
indépendants sont gagnants.
2. Approches ex post
(a) Mondialisation, qualifications et inégalité
Comme cela a déjà été dit, lorsque les économistes examinent les effets du
commerce sur le marché du travail, ils se concentrent habituellement sur les écarts
de qualifications et analysent en général ce qu’il est convenu d’appeler la «prime de
qualification», c’est-à-dire la différence entre le taux de salaire des travailleurs très
qualifiés et celui des travailleurs peu qualifiés. Ces dernières années, les chercheurs
ont accordé une attention considérable aux relations entre la mondialisation et la
prime de qualification, en se fondant de plus en plus sur de nouvelles sources de
données de meilleure qualité.10 Les données provenant de quelques pays d’Asie
et d’Amérique du Sud montrent que, dans les années 1980 et 1990, la progression
de la mondialisation consécutive à une forte ouverture commerciale a coïncidé
avec une augmentation de la prime de qualification.11 Cette corrélation positive
entre l’inégalité et l’exposition à la mondialisation dans les pays en développement
contredit les prédictions de la théorie classique du commerce (voir ci-dessus), de
sorte que de nouvelles recherches ont été entreprises pour résoudre l’énigme. La
présente section, qui s’appuie sur une analyse exhaustive, effectuée récemment
par Goldberg et Pavcnik (2007), de la littérature consacrée aux effets distributifs
de la mondialisation dans les pays en développement, résume les résultats de
ces nouvelles recherches qui permettront de mieux comprendre les liens entre la
mondialisation et l’informalité.
Pendant plusieurs décennies, les économistes ont fondé leur analyse des effets
distributifs de l’ouverture commerciale sur le modèle Heckscher-Ohlin et sur le
théorème de Stolper-Samuelson, qui établit un lien entre la variation du prix d’un
produit à celle de la rémunération des facteurs. Le théorème de Heckscher-Ohlin
prédit que les pays qui disposent d’une abondante main-d’œuvre peu qualifiée se
spécialiseront dans la production de produits à forte intensité de main-d’œuvre peu
qualifiée. Le théorème de Stolper-Samuelson prédit, quant à lui, que si le prix de ces
produits augmente par suite de l’ouverture commerciale, la demande de main-d’œuvre
peu qualifiée augmentera, ce qui entraînera une hausse des salaires des travailleurs
peu qualifiés par rapport à ceux des travailleurs qualifiés, et, donc, une diminution
de la prime de qualification. Ces prédictions semblent clairement incompatibles
avec l’écart salarial grandissant observé dans de nombreux pays en développement.
D’autres prédictions du modèle classique semblent aussi incompatibles avec les
schémas observés dans les pays en développement. Premièrement, alors que le
modèle Heckscher-Ohlin prédit une redistribution des ressources entre les secteurs
à la suite de l’ouverture commerciale, de nombreuses études notent qu’il y a peu de
données indiquant une redistribution intersectorielle de la main-d’œuvre (Goldberg
et Pavcnik, 2007). Deuxièmement, le modèle classique prédit que la part de la
main-d’œuvre peu qualifiée augmentera dans tous les secteurs si le prix du produit
utilisant cette main-d’œuvre augmente à la suite de l’ouverture commerciale.
Cependant, des études empiriques concernant des pays en développement
constatent que la part de la main-d’œuvre qualifiée a augmenté dans la plupart des
secteurs au cours des dernières décennies.12
On a envisagé diverses extensions du modèle classique du commerce qui pourraient,
en principe, concilier la théorie et les données de fait. Toutefois, la plupart d’entre
77
CHAPITRE 3
CHAPITRE 3. OUVERTURE AU COMMERCE ET INFORMALITÉ
78
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
elles ne sont pas étayées par des données empiriques ou sont, en fait, contredites
par les données disponibles. Premièrement, si, au lieu de considérer seulement
deux facteurs de production (la main-d’œuvre peu qualifiée et la main-d’œuvre très
qualifiée), on ajoute un troisième facteur, tel que la terre, en supposant que c’est
un complément de la main-d’œuvre qualifiée, le modèle prédit que l’ouverture du
commerce entraînera une augmentation de la prime de qualification dans les pays
où la terre est abondante. Le problème avec cet argument est que rien n’indique
que la production de biens à forte intensité de terres exige un ratio plus élevé de la
main-d’œuvre qualifiée à la main-d’œuvre peu qualifiée, de même que rien n’indique
qu’il y ait une redistribution intersectorielle des ressources à la suite de l’ouverture
commerciale. Deuxièmement, plusieurs études ont montré que les secteurs
employant beaucoup de main-d’œuvre peu qualifiée étaient les plus protégés avant
l’ouverture et les plus durement touchés par les réductions tarifaires. Dans ce cas, le
théorème de Stolper-Samuelson prédirait que l’ouverture commerciale entraînera une
augmentation de la prime de qualification. Mais comme avec l’argument précédent,
l’absence de preuve d’une redistribution intersectorielle constitue un problème.
Troisièmement, l’entrée de la Chine et d’autres pays à faible revenu pourrait avoir
modifié l’avantage comparatif des pays à revenu intermédiaire, ce qui expliquerait
pourquoi l’ouverture commerciale a augmenté la prime de qualification dans certains
pays d’Amérique latine. Mais à ce jour, les implications de cette explication n’ont pas
été étudiées empiriquement.
D’autres explications de l’apparente contradiction entre les prédictions du modèle
classique du commerce et l’augmentation observée de la prime de qualification
supposent que des mécanismes autres que ceux suggérés par le modèle
Heckscher-Ohlin étaient à l’œuvre. Feenstra et Hanson (1996; 1997; 1999; 2003)
font valoir que l’essor rapide du «partage de la production mondiale» a fait croître la
demande de main-d’œuvre qualifiée dans les pays en développement comme dans
les pays développés. Les étapes de la production qui ont été externalisées dans les
pays en développement avaient une forte intensité de main-d’œuvre peu qualifiée
dans les pays développés, mais une forte intensité de main-d’œuvre qualifiée dans
les pays en développement. L’externalisation a donc entraîné une augmentation
de l’intensité moyenne de qualification tant dans les pays développés que dans
les pays en développement et une augmentation correspondante de la prime de
qualification. À ce jour, des données étayant cet argument ne sont disponibles que
pour deux pays en développement: le Mexique et Hong Kong, Chine.13 Un autre axe
de recherche met l’accent sur l’hétérogénéité des entreprises et sur la redistribution
intrasectorielle de ressources induite par l’ouverture commerciale. Par exemple, si
l’ouverture au commerce entraîne un déplacement des ressources des entreprises
CHAPITRE 3. OUVERTURE AU COMMERCE ET INFORMALITÉ
79
D’autres explications attribuent l’augmentation de la prime de qualification aux
entrées de capitaux ou à l’évolution technologique. Si, par exemple, les flux de
capitaux vers les pays en développement augmentent sous l’effet de la mondialisation
et si la main-d’œuvre qualifiée en est un complément, les entrées de capitaux
entraîneront une augmentation de la demande de main-d’œuvre qualifiée et de la
prime de qualification. Quant au progrès technologique biaisé en faveur du travail
qualifié, son rôle dans l’augmentation de la prime de qualification a été abondamment
débattu. Il était initialement considéré comme une autre cause de l’augmentation
de la prime de qualification. Mais aujourd’hui, on pense plutôt que le progrès
technologique était lui-même une réponse à une plus grande ouverture, même s’il
a joué un rôle plus important que la politique commerciale dans l’augmentation de
la prime de qualification. Goldberg et Pavcnik (2007) ont cependant examiné les
données empiriques sur le rôle des mécanismes particuliers par lesquels l’ouverture
commerciale et l’évolution technologique biaisée interagissent de manière à accroître
la demande de main-d’œuvre qualifiée, et ils ont conclu que ces données étaient
ambivalentes et ne permettaient pas de tirer des conclusions.
(b) Réformes commerciales et incidence de l’emploi informel
Malgré l’idée souvent exprimée selon laquelle les réformes commerciales peuvent
avoir des effets pervers en remplaçant les bons emplois formels par de mauvais
emplois informels, c’est seulement depuis peu que l’on s’intéresse à l’acquisition de
données empiriques pour examiner cette question (Goldberg et Pavcnik, 2003b;
2004). Cette augmentation de la recherche est allée de pair avec un intérêt croissant
pour l’évaluation de l’incidence des réformes commerciales et des autres réformes
structurelles sur le marché du travail des pays en développement, ce qui a amené les
économistes à examiner de plus près les effets de ces réformes sur la composition
de l’emploi et sur les marchés du travail informels.14 La plupart des études dans ce
domaine se situent au niveau microéconomique et portent sur des pays spécifiques;
elles analysent des épisodes particuliers de réformes commerciales et leurs effets
sur la dynamique du marché du travail. En général, il est très difficile d’en tirer des
CHAPITRE 3
non exportatrices vers les entreprises exportatrices au sein d’un même secteur et si
la production pour l’exportation exige plus de qualifications que la production pour
le marché intérieur, il s’ensuivra une augmentation de la demande de main-d’œuvre
qualifiée et de la prime de qualification. Goldberg et Pavcnik (2007) examinent
les données empiriques disponibles sur la façon dont les mécanismes basés sur
l’hétérogénéité affectent la prime de qualification et ils en concluent que ces données
sont encore rares et indirectes pour la plupart.
80
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
conclusions solides et pertinentes pour les politiques publiques en dehors du pays
considéré. C’est seulement depuis peu que quelques études tentent de traiter la
question de manière comparative, ce qui augmente considérablement la pertinence
de cet axe de recherche.
L’une des premières études par pays est celle de Currie et Harrison (1997), qui ont
utilisé des données microéconomiques sur les entreprises individuelles pour examiner
les effets sur l’emploi manufacturier d’un vaste programme de réforme commerciale
lancé au Maroc au milieu des années 1980. L’étude a démontré l’existence d’une
redistribution de la main-d’œuvre entre les secteurs, selon que les entreprises étaient
confrontées ou non à une concurrence accrue à la suite de la réforme commerciale.
Si, en moyenne, les entreprises n’étaient pas affectées par les réductions tarifaires
et l’élimination des contingents, les exportateurs et les autres entreprises affectées
par les réformes ont réduit leurs effectifs en réponse à l’ouverture. Par contre, les
entreprises à participation publique ont augmenté leurs effectifs, principalement en
recrutant des travailleurs temporaires faiblement rémunérés.
Parmi les premiers travaux analysant les effets de l’ouverture commerciale sur le
secteur informel, on peut citer aussi l’étude de Maloney (1998). L’auteur utilise
un ensemble de données concernant le Mexique pour examiner la dynamique des
différents sous-secteurs du marché du travail entre 1987 et 1993, période marquée
par une vaste réforme commerciale et par la poursuite de l’intégration régionale
dans le cadre de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).15 Cette
étude corrobore le point de vue structuraliste selon lequel le renforcement de la
concurrence mondiale amène à externaliser davantage pour réduire les coûts de
main-d’œuvre. Elle observe en particulier une diminution séculaire de la contribution
du travail salarié formel, qui est partiellement compensée par une augmentation
de la part des travailleurs contractuels et des salariés informels, tandis que le taux
de transition du travail formel au travail contractuel dépasse le taux de transition
inverse. Ces changements semblent être corrélés à une restructuration du secteur
manufacturier qui est très probablement liée à une concurrence extérieure accrue.
Des effets analogues sont constatés en Égypte à la suite du programme de réforme
économique et d’ajustement structurel lancé en 1991 (Wahba et Moktar, 2000).16
Selon cette étude, la proportion de travailleurs non agricoles ayant un emploi informel
a augmenté de 5 à 6 points de pourcentage dans les années 1990. La part des
salariés informels parmi les travailleurs non agricoles a augmenté, tandis que celle
des employeurs et des travailleurs indépendants a diminué. Les auteurs ont aussi
constaté que, parmi les travailleurs âgés de 41 à 64 ans, il y en avait plus qui étaient
CHAPITRE 3. OUVERTURE AU COMMERCE ET INFORMALITÉ
81
Goldberg et Pavcnik (2003b) ont été les premiers à utiliser des données
microéconomiques pour effectuer une analyse économétrique de la relation entre
l’ouverture commerciale et l’emploi informel.17 L’étude examine de près l’expérience
d’ouverture commerciale du Brésil et de la Colombie, deux pays caractérisés par
la présence d’un vaste secteur informel, qui était en expansion dans les années
1990. Elle utilise les variations intersectorielles et temporelles de la structure de
protection au Brésil et en Colombie pour vérifier si l’ouverture commerciale avait
entraîné une augmentation de l’emploi informel. La concentration sur le Brésil et la
Colombie présentait un autre avantage majeur. Bien que les deux pays aient procédé
à plusieurs autres réformes – en particulier dans le domaine de la réglementation
du marché du travail – à la fin des années 1980 et dans les années 1990, la nature
des réformes commerciales était telle que leurs effets sur l’informalité pouvaient
être identifiés en utilisant la variation transversale des changements de politique
commerciale.18
Le caractère microéconomique des données utilisées pour cette étude permet de
différencier les industries et les secteurs en fonction des caractéristiques de leurs
travailleurs, telles que le sexe, l’âge et le niveau d’instruction. Dans cette optique
dualiste, il faut s’attendre à ce que les travailleurs informels soient plus âgés et moins
instruits et n’aient pas de parents à charge. Il faut s’attendre aussi à ce qu’ils aient
moins de formation, des modalités d’emploi plus flexibles, une plus grande incertitude
quant à la durée de leur emploi et moins de chances de bénéficier d’avantages
sociaux. En outre, l’informalité est limitée à certains secteurs qui ne sont toutefois
pas les mêmes au Brésil et en Colombie (vêtements, production de bois et d’articles
en bois et extraction pétrolière au Brésil, production de bois et d’articles en bois,
agriculture, restauration et hôtellerie et services ménagers en Colombie). Enfin, la
mobilité de l’emploi et le passage d’un emploi à un autre sont fortement concentrés
à l’intérieur des secteurs et sont très rares entre les secteurs.19
Les auteurs utilisent ces faits stylisés pour tenir compte des effets par industrie
et par secteur des réformes commerciales. 20 L’évolution de l’informalité dans le
secteur industriel au fil du temps est retracé et évalué compte tenu des réformes
commerciales mises en œuvre pendant la période considérée. 21 Les résultats font
apparaître des différences importantes entre les pays:
CHAPITRE 3
passés du secteur public au secteur informel que l’inverse, ce qui corrobore leur
hypothèse selon laquelle les réformes ont poussé les employés du secteur public
vers le secteur informel.
82
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
 Dans le cas du Brésil, il n’y a pas de relation entre la politique commerciale et
l’incidence de l’emploi informel, et cela reste inchangé si l’on inclut des variables
de contrôle additionnelles et différentes spécifications estimées. Le coefficient
de la variable tarifaire reste faible et statistiquement non significatif. De même, la
pénétration des importations et l’orientation vers l’exportation restent largement non
significatives.
 Par contre, dans le cas de la Colombie, les variables commerciales sont
significatives en moyenne. Les réductions tarifaires sont associées à une plus
grande incidence de l’informalité (bien que cette association ne soit pas solide). Sur
l’ensemble de la période d’échantillonnage, une baisse de 1 pour cent du taux de
droit pour une industrie donnée a entraîné une augmentation de 0,1 pour cent de
la probabilité de l’emploi informel dans cette industrie. Cet effet semble avoir une
ampleur relativement modeste.
En examinant de plus près les différences dans les réformes commerciales et
structurelles, l’étude identifie les mécanismes qui pourraient expliquer les réactions
contrastées du secteur informel dans les deux pays. Plus précisément, la Colombie
a lancé en 1990 une réforme du marché du travail qui a sensiblement réduit le coût
du licenciement d’un travailleur, augmentant ainsi la mobilité de la main-d’œuvre.
Si l’on met les droits de douane en interaction avec une variable de réforme du
marché du travail, on obtient des coefficients négatifs pour les droits de douane
et des coefficients positifs pour la variable d’interaction. 22 Ces résultats portent à
croire que, même si les réductions tarifaires augmentent la probabilité moyenne de
l’emploi informel dans une industrie donnée, cet effet direct des variations tarifaires
sur l’informalité est atténué par la flexibilité additionnelle découlant de la réforme du
marché du travail qui a réduit le coût du licenciement des travailleurs formels. En
d’autres termes, une réduction tarifaire touchant une industrie particulière n’augmente
la probabilité de l’emploi informel dans cette industrie qu’en présence de rigidités
du marché du travail. À la lumière de leurs résultats, et compte tenu du fait que la
Colombie semble être plus réglementée que le Brésil, Goldberg et Pavcnik attribuent
principalement à la réglementation plus stricte du marché du travail colombien les
différences de résultats entre le Brésil et la Colombie. 23
Bosch et al. (2007) revoient l’étude de Goldberg et Pavcnik pour le Brésil en
concentrant leur analyse sur les flux bruts de travailleurs (plutôt que sur les stocks) et
ils constatent que les réformes commerciales ont un effet statistiquement significatif,
mais quantitativement modeste, sur l’informalité.24 Entre 1995 et le début des
années 2000, la part de la main-d’œuvre non protégée par la législation du travail
CHAPITRE 3. OUVERTURE AU COMMERCE ET INFORMALITÉ
83
En utilisant la même approche que Goldberg et Pavcnik (2003b) pour examiner
l’effet de l’ouverture commerciale sur l’informalité au Mexique dans les années 1990,
Aleman-Castilla (2006) trouve des résultats qui contrastent avec ceux obtenus
pour le Brésil et la Colombie. L’auteur constate que les réductions tarifaires au
Mexique, y compris dans le cadre de l’ALENA, réduisent sensiblement la probabilité
de l’informalité dans le secteur exportateur. Toutefois, les avantages de l’ouverture
commerciale ne semblent pas s’étendre de manière statistiquement significative à
la main-d’œuvre des secteurs non exportateurs. Étudiant de plus près la possibilité
que les effets dépendent de l’exposition de l’industrie au commerce, Aleman-Castilla
constate que, pour une réduction donnée des droits d’importation, la réduction
de l’informalité est moins importante dans les industries qui ont un taux élevé de
pénétration des importations. L’étude examine aussi les effets de la réduction des
droits d’importation aux États-Unis et constate que cette réduction n’a pas eu d’effet
significatif sur l’informalité au Mexique, ce qui n’est peut-être pas surprenant vu que
leur niveau était déjà peu élevé avant l’ALENA.
S’écartant de ces approches par pays, Fiess et Fugazza (2008) évaluent la
relation entre l’ouverture commerciale et l’informalité sur la base de données
internationalement comparables. Leurs résultats présentent un tableau mitigé.
Ils diffèrent en fonction du type de données sur l’informalité utilisé et du cadre
économétrique. Les corrélations transversales corroborent l’idée que l’ouverture
commerciale réduit l’informalité, mais ce n’est pas le cas des résultats de panels.
L’analyse des séries temporelles indique qu’une plus grande ouverture au commerce
est associée à plus d’emploi et de production informels pour la majorité des pays.
Mais, dans la plupart des cas, la réduction des restrictions au commerce semble être
associée à une diminution de l’emploi et de la production informels. Néanmoins les
données agrégées produisent généralement des résultats qui corroborent l’idée que
l’ouverture commerciale accroît l’informalité, ce qui n’est pas le cas des données au
niveau microéconomique.
CHAPITRE 3
a augmenté de 10 points de pourcentage, dans les zones métropolitaines du Brésil,
principalement par suite de la réduction de l’emploi dans le secteur formel. 25 L’étude
compare aussi l’importance des réformes commerciales par rapport aux autres
évolutions du marché du travail, telles que l’augmentation des coûts de main-d’œuvre
et la diminution de la flexibilité résultant des changements constitutionnels de
1988, l’évolution de la force des syndicats ou les variations de l’horaire de travail
hebdomadaire légal. À cet égard, les simulations semblent indiquer que les réformes
commerciales ont joué un rôle relativement moins important dans la variation de
l’informalité que les modifications apportées à la législation du travail.
84
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Globalement, les données empiriques limitées dont on dispose ne permet pas de
tirer des conclusions solides sur le lien entre le commerce et l’informalité. Les effets
estimés sont, pour la plupart, quantitativement modestes et rarement robustes. Les
données provenant des études par pays concernant le Brésil, la Colombie et le
Mexique portent à croire que la réaction aux réformes commerciales diffère entre les
pays, voire au sein d’une même région. Ces différences de réaction ont été mises en
relation avec la réglementation et les institutions du marché du travail. En particulier,
lorsque la réglementation confère beaucoup de pouvoir aux acteurs (segments) du
secteur formel, ceux-ci réussissent à défendre leurs emplois, imposant à l’économie
informelle tout le poids de l’ajustement. À l’opposé, lorsque les modalités d’emploi
sont plus flexibles, les entreprises du secteur formel parviennent à redéployer plus
facilement les travailleurs entre les segments, de sorte qu’il y a moins de retombées
sur l’emploi dans le secteur informel.
(c) Ouverture commerciale et salaires du secteur informel
La plupart des études examinées ci-dessus ont trait principalement à l’effet des
réformes commerciales sur l’incidence de l’emploi informel. Toutefois, dans l’optique
du Programme de l’OIT pour un travail décent, l’effet des réformes commerciales sur
l’évolution des salaires dans le secteur formel comme dans le secteur informel mérite
aussi une attention. Les données sont encore plus rares dans ce domaine. Une
étude faisant autorité est celle de Veras (2005), qui examine le rôle des réformes
commerciales dans la réduction de l’écart salarial entre les travailleurs enregistrés
et non enregistrés. Cette étude analyse aussi la diminution de la proportion de
travailleurs enregistrés au Brésil, entre 1987 et 1998, dans le secteur manufacturier
et dans l’ensemble de l’économie. 26 Il en ressort que les réformes commerciales
qui ont renforcé la concurrence des importations ont limité la recherche de rente
dans les industries manufacturières brésiliennes, ce qui a entraîné une diminution
des salaires relativement plus élevés dont bénéficiaient les travailleurs enregistrés
avant l’ouverture du commerce. Les résultats de Veras concernant la proportion
de travailleurs enregistrés au Brésil sont analogues à ceux de Goldberg et Pavcnik
(2003b), qui ne constatent aucun effet statistique significatif des réformes
commerciales sur l’emploi informel au Brésil.
En outre, l’étude observe des différences entre l’ouverture commerciale de facto et
l’ouverture commerciale de jure. 27 L«ouverture commerciale de facto» c’est-à-dire
l’augmentation de la pénétration des importations, a eu un effet préjudiciable sur
les salaires des travailleurs enregistrés. Par contre, l’ouverture commerciale de jure,
CHAPITRE 3. OUVERTURE AU COMMERCE ET INFORMALITÉ
85
Aleman-Castilla (2006) a examiné l’effet de l’ouverture commerciale du Mexique à
la fois sur l’emploi informel et sur les salaires informels et il a obtenu des résultats
qui contrastent avec les résultats concernant le Brésil. L’ouverture commerciale du
Mexique dans les années 1990 a accentué les disparités salariales dans l’industrie et
a creusé l’écart entre les salaires formels et informels. Étant donné que le niveau de
qualification est généralement plus bas dans le secteur informel que dans le secteur
formel, ce résultat concorde avec le constat d’une augmentation de la prime de
qualification dans la littérature sur les effets distributifs des réformes commerciales.
Kar et al. (2003) estiment une équation salariale pour le secteur informel en Inde
mettant l’accent sur le rôle de la mobilité du capital entre les secteurs formel et
informel dans la détermination des salaires du secteur informel. Ils constatent que
le salaire réel dans le secteur informel a augmenté entre la période antérieure à
la réforme (1984-1985 à 1989-1990) et la période postérieure à la réforme
(1994-1995 à 1999-2000). Ils constatent également que l’accumulation de capital
dans le secteur informel et une augmentation du salaire agricole ont grandement
contribué à la progression des salaires dans le secteur informel. 28 Plus précisément,
l’étude montre que l’accumulation de capital a été plus forte dans le secteur
manufacturier formel que dans le secteur manufacturier informel avant la réforme,
alors que c’est l’inverse qui a été observé pendant la période de transition et après
la réforme. Comme l’épargne n’a pas sensiblement augmenté pendant la période
considérée, Kar et al. concluent que le capital est probablement passé du secteur
manufacturier formel au secteur manufacturier informel. Leur analyse montre qu’une
cassure structurelle a affecté l’évolution des salaires pendant la période de réforme,
puisque les salaires informels ont progressé plus rapidement et ont réagi de manière
significative à l’accumulation de capital, ce qui n’avait pas été observé avant la réforme
commerciale. Dans l’ensemble, ces résultats corroborent généralement l’idée que la
libéralisation du commerce entraîne une augmentation des salaires réels dans le
secteur manufacturier informel indien par le biais d’une redistribution du capital entre
les activités manufacturières formelles et informelles.
En somme, on a moins de renseignements sur l’impact des réformes commerciales
sur les salaires que sur leur impact sur l’emploi informel. Comme dans le cas des
CHAPITRE 3
qui a fait baisser les taux de droits effectifs, a entraîné une augmentation de la
proportion de travailleurs enregistrés, probablement en raison de l’accroissement de
l’activité globale dans le secteur tourné vers l’exportation. Ces constatations sont
confirmés dans les autres cadres empiriques présentés dans cette étude et lorsque
l’on tient compte d’un large ensemble de facteurs additionnels.
86
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
études empiriques présentées dans la section précédente, les chercheurs qui se sont
penchés sur l’évolution des salaires dans le secteur informel n’ont pas pu parvenir
à une conclusion consensuelle claire. Certains éléments donnent à penser que la
réaction des salaires dépend en partie du degré de mobilité du capital (comme les
résultats théoriques le laissaient déjà entrevoir) et, en partie, de la façon particulière
dont l’ouverture commerciale affecte les entreprises en place dans le secteur
formel. Dans la mesure où ces entreprises ont profité des réductions tarifaires pour
augmenter leur activité, la croissance des salaires a été stimulée, en particulier dans
le secteur formel, de sorte que l’écart salarial s’est creusé entre les secteurs formel
et informel.
3. Données anecdotiques
Outre ces analyses systématiques des effets des réformes commerciales sur
l’informalité, plusieurs études ont permis de recueillir des données statistiques
anecdotiques sur les conditions de travail et de vie dans l’économie informelle
après des réformes commerciales. Ces études présentent l’avantage de donner un
tableau des circonstances particulières ou des schémas d’évolution géographique et
régional qui est plus détaillé que celui que l’on peut obtenir au moyen d’approches
plus formalisées et moins désagrégées.
Glick et Roubaud (2004) présentent les résultats d’une enquête menée à Madagascar
pour déterminer les incidences de l’établissement d’activités de transformation
pour l’exportation sur les revenus, l’emploi et la composition de l’emploi par sexe
et sur la différenciation salariale entre hommes et femmes entre 1995 et 2002, à
Antananarivo. 29 Les auteurs observent que l’emploi informel des femmes a diminué
pendant la période 1995-2002, après l’établissement d’une ZFI. Cela concernait
toutes les catégories de travailleurs informels, y compris non seulement les travailleurs
indépendants et les travailleurs informels privés, mais aussi les entreprises du secteur
informel, et cela s’est accompagné d’une progression notable de l’emploi féminin
dans la ZFI. Parallèlement, l’emploi public (administration et entreprises publiques) a
diminué d’un point de pourcentage. Enfin, le secteur privé formel hors ZFI est resté
largement inchangé. 30
Cette étude montre que l’implantation d’une ZFI peut potentiellement avoir des
effets favorables sur l’emploi formel et sur le revenu disponible réel dans la zone.
Certes, le salaire net était légèrement inférieur à celui du secteur privé formel (mais
sensiblement supérieur à celui du secteur informel), mais les avantages sociaux
(congés payés, soins de santé, formation) étaient du même ordre que dans le secteur
CHAPITRE 3. OUVERTURE AU COMMERCE ET INFORMALITÉ
87
Marjit et Maiti (2005) présentent les résultats d’une enquête au Bengale occidental
(Inde) qui montrent comment et dans quelle mesure les politiques d’ouverture
commerciale et l’exposition croissante aux marchés ont influé sur le degré de
formalité dans l’organisation de la production dans les années 1990. 32 Dans ces
années-là, le gouvernement indien a décidé d’accélérer la réforme économique. Les
obstacles au commerce des marchandises ont été abaissés, et les contraintes qui
pesaient sur les transactions financières ont été allégées. Comme les différents
producteurs ont des caractéristiques différentes et un accès différent aux ressources
(financières et technologiques) et à l’information sur les marchés, les réformes
devraient affecter l’organisation de la production. Les entreprises qui ont accès
à des ressources financières suffisantes et à une bonne information sur les prix et
les préférences du marché devraient pouvoir récolter les avantages de l’expansion
du marché intérieur et des marchés d’exportation et développer ainsi leurs activités.
Les autres entreprises - généralement des petites et microentreprises – doivent
compter sur des intermédiaires pour acheminer leurs produits jusqu’aux marchés,
soit parce qu’elles n’ont pas d’informations exactes sur la demande (qualité, prix,
etc.), soit parce qu’elles ne possèdent pas les circuits commerciaux nécessaires pour
promouvoir leurs produits. Par ailleurs, les entreprises formelles sous-traitent une
partie de leurs activités à des producteurs informels. Ce faisant, elles acquièrent une
certaine flexibilité dans l’organisation de la production et elles évitent les coûts liés à
la supervision de l’activité de production et à la formalisation (contraintes imposées
par la législation du travail, charges administratives, etc.). Par conséquent, avec la
croissance des marchés intérieurs et extérieurs, les producteurs ruraux informels
devraient être de plus en plus en liés aux intermédiaires et aux entreprises formelles.
Les résultats de l’enquête de Marjit et Maiti font apparaître des changements
importants dans l’organisation de la production formelle et informelle. Les chiffres
montrent que la part des unités indépendantes, au nombre de 356, est passée de
44,4 pour cent en 1991 à 41,9 pour cent en 2001 et que celle des unités coopératives
a elle aussi diminué, tombant de 34,6 pour cent du total en 1991 à 12,6 pour cent
en 2001. Pendant la même période, la part des unités liées a augmenté, passant
de 21,1 pour cent à 45,5 pour cent. Marjit et Maiti assimilent le fonctionnement des
unités liées à un système de sous-traitance, parce que ces unités de production
exécutent une partie de la tâche globale confiée, sur une base contractuelle, par
les entreprises maîtres d’œuvre ou les capitalistes marchands. La libéralisation du
CHAPITRE 3
public et étaient plus élevés que pour des emplois comparables dans le secteur privé
formel ou informel. Le côté négatif était que les salaires horaires restaient faibles
puisque la durée moyenne du travail était nettement plus longue que dans le secteur
privé formel. 31
88
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
commerce a entraîné l’essor du marché national et des marchés d’exportation pour
les artisans ruraux qui jusque-là dépendaient principalement des petits marchés
ruraux. Par l’intermédiaire des exportateurs et des organismes d’exportation et de
commercialisation, des articles en corne sont exportés en Allemagne et au Japon,
des produits tissés main sont envoyés au Japon et des articles en cuivre sont vendus
sur les marchés régionaux. Marjit et Maiti en concluent: «À mesure que les marchés
d’exportation se développent, les industries rurales informelles renforcent leur
dynamique de liaison (sous-traitance, fourniture d’intrants), d’adoption de technologie
et de croissance.»
Dans une série d’articles, Carr et Chen (2002; 2004) présentent des données
anecdotiques sur la mondialisation et l’emploi dans l’économie informelle. Ils se
concentrent sur les conditions d’emploi des travailleurs pauvres – en particulier des
femmes – plutôt que sur les salaires informels ou la taille de l’emploi informel. Carr
et Chen (2002) examinent comment l’impact de la mondialisation sur les travailleurs
et les producteurs informels varie en fonction de leur localisation, du secteur dans
lequel ils travaillent et du fait qu’il s’agit d’entrepreneurs informels, de travailleurs
indépendants ou d’employés informels. D’après leur étude, la mondialisation a
tendance à provoquer le passage de formes d’emploi sûres à des formes non sûres
et à des formes de travail indépendant plus précaires. Mais elle peut aussi créer de
nouvelles possibilités pour les salariés et les travailleurs indépendants. En outre,
Carr et al. (2004) décrivent les différents mécanismes par lesquels l’«intégration
mondiale» semble influer sur les conditions de travail. Par exemple, la croissance
tirée par les exportations peut contribuer à la participation accrue des travailleurs
à l’économie mondiale, mais à des conditions contestables ou indésirables, et pour
une durée incertaine. De plus, les obstacles à l’entrée empêchent les travailleurs
indépendants et les travailleurs à leur compte de profiter des nouvelles possibilités
économiques découlant de l’ouverture. Enfin, les auteurs soulignent que les réformes
commerciales peuvent entraîner la disparition d’entreprises nationales ou d’emplois
rémunérés lorsque le marché est inondé de produits importés bon marché, ce qui a
des conséquences défavorables pour l’économie informelle.
CHAPITRE 3. OUVERTURE AU COMMERCE ET INFORMALITÉ
89
1
Un autre problème est que l’informalité est souvent liée au secteur non exportateur,
alors que les modèles simples n’englobent généralement pas les biens non exportables. La
présence d’un secteur non exportateur où prédomine la main d’œuvre non qualifiée n’affecte
pas sur la prédiction selon laquelle les prix mondiaux des produits exportables déterminent le
salaire relatif (voir, par exemple, l’étude de Johnson et Stafford (1999) sur les incidences du
commerce international sur le marché du travail, et l’analyse plus récente de Veras (2005)). En
revanche, la présence d’un secteur non exportateur employant principalement des travailleurs
non qualifiés rendrait la diversification moins probable et accroîtrait la probabilité qu’une baisse
du prix relatif du produit à forte intensité de main d’œuvre non qualifiée, par exemple à la
suite de la libéralisation du commerce, entraîne la disparition de l’industrie en question, ce qui
amènerait les travailleurs non qualifiés à passer dans le secteur non exportateur. Dans ce
cas, le salaire relatif serait déterminé comme dans le cas d’une économie fermée. Comme l’a
montré Veras (2005), dans ce contexte, les variables liées au commerce ne devraient pas avoir
d’influence sur le ratio des salaires travailleurs qualifiés/travailleurs non qualifiés.
2
Marjit et al. (2007a) introduisent des segments informels dans un cadre HeckscherOhlin -Samuelson classique. Ils montrent que, même si l’on élimine les relations verticales
et la question de la mobilité du capital, une réduction tarifaire dans le secteur formel peut
entraîner une progression de l’emploi informel et des salaires informels. Dans ce cas, c’est
la propriété Stolper-Samuelson qui explique l’augmentation des salaires informels après la
libéralisation du commerce et la contraction du secteur formel. Le modèle comporte deux
secteurs qui produisent, respectivement, un bien en concurrence avec les importations et un
bien d’exportation. Chaque secteur est subdivisé en un segment formel et un segment informel.
Les travailleurs du secteur formel ont toujours un salaire supérieur au salaire informel, car la
législation du travail accorde aux travailleurs formels divers avantages dont ne bénéficient
pas les travailleurs informels. Il n’y a pas de chômage dans le modèle. Les travailleurs qui
ne peuvent pas trouver un emploi dans le secteur formel passent dans le secteur informel et
trouvent un emploi avec un salaire déterminé par le marché. Le capital est mobile entre les
segments informels mais pas entre les segments formels ni – et c’est là l’hypothèse cruciale
– entre les segments informel et formel. Dans ce contexte, une réduction du droit de douane
protégeant le produit en concurrence avec les importations entraînera une contraction du
segment formel et augmentera l’emploi informel global. Les auteurs montrent que, même s’il y
a une progression de l’emploi informel global, les salaires informels augmenteront aussi si, et
seulement si, la production du bien informel en concurrence avec les importations a une forte
intensité de capital par rapport à la production du bien informel destiné à l’exportation.
3
Voir, par exemple, Stark (1982); Quibria (1988); Chaudhuri (1989); Grinols (1991);
Gupta (1993). Pour l’analyse de la dynamique d’ajustement lent, voir Agénor et Aizenman
(1999), qui examinent l’incidence de la réforme commerciale sur la dynamique des salaires et
la composition de l’emploi en présence de distorsions du marché de l’emploi. Agénor (1995)
donne un bref aperçu de la littérature antérieure, qui excluait les interactions potentielles entre
CHAPITRE 3
Notes
90
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
la formation des salaires dans les différents secteurs et ne tenait pas compte des obstacles à
la mobilité de la main d’œuvre à court terme.
4 Comme l’a noté Gupta (1997): «[L]’idée que la production du secteur informel fait l’objet
d’échanges va à l’encontre de la raison d’être de la production informelle car elle ouvre toutes
sortes de possibilités d’imposition et de subventions qui, par définition, ne s’appliquent pas au
secteur informel».
5 Chaudhuri (1989) établit un modèle dans lequel le coût du capital pour le secteur informel
augmente avec la quantité de capital utilisée. Il considère que cette augmentation est la
principale raison pour laquelle la taille des unités informelles ne s’accroît pas. Gupta (1997)
incorpore deux marchés de capitaux et se concentre sur la modélisation du marché des
capitaux informel.
6 Gupta (1997) met l’accent sur le rôle du marché du crédit informel et sur la mobilité du
capital entre les différents secteurs. Il constate que, en présence de marchés de capitaux
segmentés, une hausse du prix de la production du secteur formel urbain entraîne généralement
une hausse du taux de salaire informel. Dans le modèle de base, le capital est entièrement
mobile entre le secteur informel urbain et le secteur rural, mais le secteur formel urbain utilise
un type de capital différent qui lui est propre. Les trois secteurs produisent trois produits
finis différents qui entrent tous dans le commerce international et dont les prix, dans une
petite économie ouverte, sont déterminés par des facteurs exogènes. Dans ce cadre, l’auteur
montre d’abord que le taux d’intérêt est plus élevé sur le marché du crédit informel que sur le
marché du crédit formel car le taux de salaire est plus bas et les techniques de production
sont inefficientes dans le secteur informel. Il constate également que, si le secteur rural a
une plus forte intensité de capital que le secteur informel urbain et si le secteur informel
prend de l’importance à la suite d’une baisse du prix de la production du secteur formel, cette
baisse entraînera aussi une baisse du taux de salaire dans le secteur informel. Cela signifie
que l’abaissement du droit de douane protégeant la production du secteur formel entraînera
une expansion du secteur informel et une réduction du salaire informel. Dans le même article,
Gupta analyse aussi un modèle élargi qui diffère du premier à deux égards. Premièrement, le
secteur rural est subdivisé en un secteur avancé et un secteur attardé. Deuxièmement, l’auteur
introduit une forme spécifique de mobilité imparfaite du capital. Le capital est parfaitement
mobile entre le secteur informel urbain et le secteur agricole attardé, ainsi qu’entre le secteur
formel urbain et le secteur rural avancé. Selon ces hypothèses, l’abaissement du droit de
douane applicable au produit du secteur formel urbain entraîne aussi une augmentation du
salaire dans le secteur informel mais semble avoir un effet indéterminé sur la quantité de
capital fournie au secteur informel. L’auteur constate cependant que la baisse du prix de la
production du secteur agricole avancé entraîne une réduction du salaire informel.
Gupta (1997) compare ses résultats à ceux d’autres études dans lesquelles des hypothèses
différentes sont faites, entre autres, au sujet de la mobilité du capital. Grinols (1991) identifie
deux types de capital et suppose que le secteur informel produit des biens qui sont exportés.
À partir de ces hypothèses, il constate qu’une variation du prix du produit du secteur formel a
un effet indéterminé sur le salaire informel. Chandra et Khan (1993) identifient un seul type
de capital et examinent à la fois le cas où le produit du secteur informel est exporté et celui
où il ne l’est pas. Mettant l’accent sur l’effet de l’investissement étranger, ils montrent que, en
présence d’un droit de douane et du rapatriement intégral des bénéfices qu’ils engendrent, les
CHAPITRE 3. OUVERTURE AU COMMERCE ET INFORMALITÉ
91
7
Comme l’ont noté Goldberg et Pavcnik (2003), leur analyse, à la différence de la plupart
des études mentionnées ici, fait abstraction des effets d’équilibre général et met l’accent sur les
changements qui s’opèrent au niveau d’une entreprise représentative d’un secteur particulier.
Les effets d’équilibre général pourraient différer des effets au niveau de l’entreprise. La
réaffectation intersectorielle consécutive à la libéralisation pourrait, en principe, compenser
la réaffectation intrasectorielle et stimuler ou réduire l’emploi informel. Les auteurs indiquent
aussi que le modèle fait abstraction des effets de la libéralisation du commerce sur l’emploi total.
Dans la mesure où l’entrée dans le secteur informel est libre, le modèle n’est pas compatible
avec le chômage involontaire.
8
«[L’]économie tirée par les exportations est malheureusement devenue une économie
d’enclave, dans laquelle les gains de productivité du secteur tourné vers l’exportation ont
renforcé l’informalité.» (Cimoli et al., 2005)
9 La contrainte extérieure qui pèse sur la croissance de la production est corrélée
négativement avec l’élasticité revenu des importations et positivement avec la croissance des
exportations.
10 Comme d’autres réformes importantes ont généralement lieu en période de libéralisation
extérieure, Goldberg et Pavcnik (2007) recommandent de ne pas tirer des conclusions au
sujet du lien entre mondialisation et inégalité sur la base de comparaisons avant après. Des
études plus récentes utilisent des données détaillées sur les droits de douane et des micro
enquêtes.
11 Voir l’analyse détaillée de l’expérience du Mexique, de la Colombie, de l’Argentine, du Brésil,
du Chili, de l’Inde et de Hong Kong, Chine dans Goldberg et Pavcnik (2007). Le choix des
périodes et des pays est dicté par le calendrier des réformes commerciales et l’insuffisance
des données. Les pays considérés ont tous connu une importante libéralisation du commerce
au cours des deux dernières décennies et ils recueillent tous des micro données que l’on peut
utiliser pour examiner la prime de qualification.
12 Voir les références dans Goldberg et Pavcnik (2007).
13 Voir Feenstra et Hanson (1997), Hsieh et Woo (2005).
14 Voir les aperçus dans BIT/OMC (2007) et Agénor (1995), et les références dans Veras
(2005).
15 L’étude considère comme informels les employeurs et les employés d’entreprises comptant
moins de 16 salariés, qui ne bénéficient pas de prestations sociales et médicales et qui ne sont
donc pas protégés. Elle distingue quatre catégories de travail rémunéré, dont une formelle et
trois informelles, à savoir les travailleurs indépendants, les salariés informels et les travailleurs
contractuels. Les travailleurs contractuels, qui ne perçoivent pas un salaire régulier mais sont
CHAPITRE 3
apports de capitaux entraînent une paupérisation si, et seulement si, le produit urbain importé
appartient au secteur à forte intensité de capital. En ce qui concerne la modification des droits
de douane, en présence d’un seul type de capital et si la production du secteur informel est
exportée, une baisse de prix du produit du secteur formel urbain augmente le salaire du secteur
informel. Dans le cas où le produit informel est un intrant intermédiaire qui ne fait pas l’objet
d’échanges internationaux, l’effet d’une modification du prix du produit formel est indéterminé.
92
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
payés sur la base d’une commission ou d’un contrat fixe, peuvent être affiliés à une plus grande
entreprise qui fournit les matières premières, mais ils travaillent de manière indépendante et
sont le plus souvent engagés dans des relations de sous traitance.
16 Les auteurs utilisent le module «mobilité de la main d’œuvre» de l’enquête de 1998 sur
le marché du travail en Égypte, qui fournit les caractéristiques de l’emploi en 1990 et 1998
ainsi que des renseignements sur leur dernière et avant dernière modification. La définition
de l’informalité utilisée dans cette étude est celle donnée par l’OIT en 1993. L’étude ne tente
pas de quantifier les effets des réformes, et encore moins de la libéralisation du commerce, sur
l’emploi informel.
17 La définition du secteur informel qui est utilisée dans l’étude est fondée sur le non respect
de la réglementation du marché du travail et de la sécurité sociale; elle englobe les travailleurs
employés par des entreprises formelles au titre d’un contrat temporaire ou à temps partiel et
les travailleurs indépendants ainsi que les petites entreprises. La libéralisation du commerce
est caractérisée essentiellement par des réductions tarifaires dans l’ensemble des secteurs,
mais la pénétration des importations et l’orientation vers l’exportation sont également utilisées
pour vérifier la solidité des résultats au Brésil, tandis que les exportations et les importations
sont utilisées en Colombie.
18 Pour la Colombie, les données sur l’emploi proviennent des enquêtes nationales auprès
des ménages, menées deux fois par an par l’Administration nationale de la statistique (DANE),
de 1986 à 1998. Elles concernent 33 industries manufacturières et non manufacturières
répertoriées au niveau à deux chiffres de la Classification internationale type, par industrie, de
toutes les branches d’activité économique (CITI), en zones urbaines. Le fait que l’employeur
paie ou non des cotisations de sécurité sociale est utilisé pour classer les travailleurs dans le
secteur formel ou dans le secteur informel. Les données tarifaires, également au niveau à
deux chiffres de la CITI, couvrent 21 industries dont neuf sont des industries manufacturières;
elles sont compilées par la Direction nationale du plan de la Colombie. Pour le Brésil, les
auteurs utilisent les données sur l’emploi issues de l’enquête mensuelle sur l’emploi (Pesquisa
mensal de emprego) du Bureau brésilien de la statistique. L’enquête couvre 20 industries
manufacturières dans les six principales régions urbaines et les données concernent les
années 1987 à 1998. Les personnes âgées de 15 à 65 ans travaillant plus de 25 heures par
semaine, sont classés comme dans le secteur formel ou dans le secteur informel selon que leur
contrat de travail est enregistré ou non sur leur carte de travail. Les données tarifaires sont
tirées de Muendler (2002).
19 Les données montrent aussi que la part agrégée de l’emploi informel n’a pas augmenté
pendant la période d’échantillonnage. Toutefois, étant donné la variation transversale des
changements de politique commerciale, les données agrégées pourraient potentiellement
occulter des différences entre industries. S’agissant de la mobilité de l’emploi, les changements
d’emploi au sein d’une même industrie représentent environ 88 pour cent de la variation du
pourcentage de travailleurs informels au Brésil pendant la période 1986-1998. En Colombie,
ce pourcentage atteint près de 100 pour cent pendant la même période.
20 Les auteurs procèdent à une minutieuse analyse économétrique en deux étapes pour
déterminer les effets des mesures de réforme commerciale sur la probabilité de l’emploi informel.
CHAPITRE 3. OUVERTURE AU COMMERCE ET INFORMALITÉ
93
21 Pour expliquer les liens entre la libéralisation du commerce et l’incidence de l’informalité,
on peut d’abord tenter de calculer les corrélations interannuelles au moyen des différentiels
d’informalité dans le temps. Les chiffres pour le Brésil, qui sont supérieurs à 0,9 en moyenne,
donnent à penser que les changements de politique commerciale sont peu susceptibles d’être
associés à des variations de l’emploi informel. En revanche, les chiffres moins élevés pour la
Colombie – entre 0,6 et 0,9 – indiquent que la politique commerciale peut avoir un effet sur
l’emploi informel, du moins en principe. Dans la seconde étape de l’estimation, les auteurs
regroupent les différentiels d’informalité par industrie dans le temps puis effectuent une
régression, en utilisant des moindres carrés pondérés, sur les variables industrielles liées au
commerce – droits de douane, importations et exportations – et sur un ensemble d’indicateurs
industriels et temporels spécifiques. Ils incluent ces indicateurs pour contrôler le biais de
sélection résultant d’hétérogénéités non observables entre individus et industries, ainsi que
l’incidence de la situation macro économique globale et des réformes du marché du travail.
22 La variable de la réforme du marché du travail est construite à l’aide d’une variable muette
qui prend la valeur 1 après la réforme du marché du travail de 1990 et la valeur zéro dans les
autres cas.
23 Marjit et Maiti (2005) proposent une explication différente des résultats contrastés pour
le Brésil et la Colombie. À l’aide d’un modèle théorique simple, ils montrent qu’une réduction
tarifaire et une baisse du taux d’intérêt ont des effets qui se compensent; ils montrent également
que les taux d’intérêt ont baissé entre 1986 et 1998 au Brésil, mais pas en Colombie. À
notre avis, dans la mesure où les variations des taux d’intérêt ont des effets analogues dans
l’ensemble des industries, les indicateurs annuels tiennent compte de leurs effets.
24 En utilisant les données pour la période 1983-2002, les auteurs confirment le résultat de
Goldberg et Pavcnik (2003b) selon lequel le changement entre segments formel et informel
se produit principalement à l’intérieur des secteurs, mais ils constatent que la libéralisation du
commerce a joué un rôle statistiquement significatif, quoique relativement mineur, dans les
différentiels d’informalité par industrie (il faut noter que l’étude est basée sur les différentiels
de formalité et non d’informalité). Ayant élargi les séries utilisées par Goldberg et Pavcnik
concernant la pénétration des importations, ainsi que les données sur le marché du travail pour
les 18 industries en remontant jusqu’à 1983 et en allant jusqu’à 2002, les auteurs estiment
quatre spécifications dans lesquelles la variable dépendante est le taux de création d’emplois
formels, le taux de destruction d’emplois formels, la taille du secteur formel ou les différentiels
de formalité par industrie. La pénétration des importations entre de manière significative (et
avec le signe négatif prédit) dans toutes les spécifications, à l’exception de la destruction
d’emplois.
CHAPITRE 3
Pour chaque individu et chaque année de l’échantillon, ils effectuent d’abord une analyse de
variance de l’emploi informel, fondée sur les caractéristiques de chaque individu (âge, sexe,
niveau d’instruction, etc.) et un vecteur de leur affiliation à l’industrie. Les coefficients estimés
correspondant à l’affiliation industrielle du travailleur, dénommés «différentiels d’informalité par
industrie», sont ensuite normalisés et interprétés comme l’écart en points de pourcentage de la
probabilité qu’un travailleur donné soit un travailleur informel par rapport à un travailleur moyen,
avec les mêmes caractéristiques observables dans l’ensemble des industries.
94
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
25 Les auteurs utilisent des méthodes élaborées récemment pour l’étude de la dynamique du
marché du travail pendant un cycle conjoncturel et montrent que, même si le secteur informel
au Brésil absorbe davantage de main d’œuvre en période de récession, il ne devrait pas être
caractérisé comme le secteur défavorisé d’un marché segmenté.
26 Dans cette étude, les travailleurs informels sont définis comme des travailleurs non
enregistrés. Les changements de politique commerciale sont mesurés au moyen des droits de
douane effectifs et nominaux, du ratio de pénétration des importations et du ratio d’orientation
vers l’exportation pour 17 industries; les données sur les droits proviennent de Kume et al.
(2000), et celles concernant l’orientation vers l’exportation et la pénétration des importations
de Haguenauer et al. (1998). Les données sur l’emploi et les salaires sont tirées des enquêtes
annuelles auprès des ménages (PNAD) pour les personnes travaillant au moins 20 heures par
semaine avec un revenu positif. Toutes les variables commerciales et les données sur l’emploi
sont présentées au même niveau de classification par industrie (niveau à deux chiffres).
27
On mesure la libéralisation du commerce de facto sur la base de la pénétration des
importations, et la libéralisation de jure en calculant les taux de droits effectifs (pondérés par
les échanges).
28 Les données sur l’économie informelle concernent les entreprises manufacturières non
répertoriées (NDME); elles proviennent de l’enquête nationale par sondage sur le secteur non
organisé en Inde. Comme dans l’enquête nationale, les entreprises informelles sont définies
comme les entreprises de cinq employés ou moins. Pour évaluer la mobilité du capital entre le
secteur formel et le secteur informel, les auteurs comparent le taux de croissance des actifs
fixes réels dans le secteur informel et dans le secteur formel.
29 Les données proviennent des enquêtes sur la population active urbaine qui sont réalisées
chaque année par l’Institut national de la statistique (INSTAT, Madagascar) dans le cadre des
enquêtes 1-2-3. Ces enquêtes s’inscrivent dans le cadre du projet MADIO, lancé conjointement
par le DIAL, l’INSTAT et l’ORSTOM.
30 De 1995 à 2001 et 2002, la composition de l’emploi féminin (en parts du total) témoigne
d’une diminution du nombre de travailleuses informelles et d’une nette augmentation du nombre
de travailleuses dans la zone franche, comme suit:
 la part des travailleuses informelles du secteur privé est tombée d’environ 23,6 pour
cent en 1995 à 14,9 pour cent en 2001 et 15,1 pour cent en 2002, après les troubles
politiques;
 la part des travailleurs indépendantes et familiales (entreprises indépendantes et
familiales) est passée de 46,9 pour cent en 1995 à 44,8 pour cent en 2001, mais elle
a fortement augmenté en 2002 pour atteindre 55 pour cent;
 l’emploi dans la zone franche industrielle a augmenté, passant de 5,5 pour cent en
1995 à 14,7 pour cent en 2001, mais il a fortement chuté en 2002, tombant à 6,1 pour
cent.
CHAPITRE 3. OUVERTURE AU COMMERCE ET INFORMALITÉ
95
31 Les effets de revenu ont été estimés sur la base de deux équations salariales de Mincer.
Dans ces estimations, les taux de salaire horaire sont expliqués par le niveau de scolarisation,
l’expérience professionnelle, le secteur d’activité et des variables muettes annuelles. La
seconde équation est une extension de l’équation de base avec des variables d’interaction
(telles que l’interaction des variables muettes sectorielles et temporelles avec celles qui se
rapportent à la scolarisation et à l’expérience professionnelle). Le résultat indique que les
revenus horaires réels sont nettement plus élevés dans tous les secteurs formels que dans
l’emploi salarié informel entre 1995 et 2001. Il est frappant de voir que l’emploi dans les
activités de transformation pour l’exportation augmente moins les salaires horaires réels que
l’emploi dans les autres secteurs formels, indépendamment du sexe (les salariés informels
étant le groupe de comparaison). La comparaison des caractéristiques non salariales (congés
payés, soins de santé, existence d’un contrat de travail, syndicalisation, formation, etc.) révèle
que la ZFI fait presque aussi bien que le secteur public et mieux que le secteur privé hors ZFI
et le secteur salarié privé informel. Le revers de la médaille est que la durée moyenne du travail
dans la zone, est beaucoup plus longue.
32 D’avril 2001 à mars 2002, Marjit et Maiti ont mené une enquête de terrain ad hoc sur
les petites industries rurales et les industries rurales artisanales au Bengale occidental afin
de recueillir les données nécessaires pour décrire l’évolution de la division des activités
productives entre les secteurs informel et formel. Ils ont utilisé un échantillon aléatoire stratifié
à quatre niveaux dans l’ordre de sélection suivant: districts (niveau 1), industries (niveau 2),
villages (niveau 3) et unités/artisans (niveau 4). À chaque niveau, l’échantillon est basé sur
l’échantillon correspondant au niveau précédent (les industries sont tirées de l’échantillon des
districts, les villages de l’échantillon des industries, et ainsi de suite). Les auteurs définissent
les activités informelles comme «des activités productives non criminelles qui emploient des
travailleurs non organisés, à un taux de salaire déterminé par le marché, sans restrictions aux
licenciements pour des motifs de rentabilité». Le dernier échantillon comporte 356 unités ou
ménages propriétaires comprenant 149 unités indépendantes, 162 unités liées – au sens où
leur survie dépend des capitalistes marchands – et 45 unités de production coopératives. Les
auteurs expliquent qu’ils ont choisi le Bengale occidental parce qu’il a des industries rurales
dynamiques, une longue tradition d’artisanat et une forte densité de population.
CHAPITRE 3
Pendant la même période, l’emploi public (administration et entreprises publiques) a régressé,
tombant à 7,7 pour cent en 2001 contre 8,7 pour cent en 1995, après avoir atteint pourtant
8,2 pour cent en 2002. Le secteur privé formel hors ZFI représentait 12 pour cent de l’emploi
féminin en 1995; sa part est restée à peu près stable en 2001, à 12,5 pour cent, avant de
tomber à 10,6 pour cent en 2002. (Glick et Roubaud, 2004, tableau 2).
CHAPITRE 4. IMPACT DE L’INFORMALITÉ SUR LE COMMERCE ET LA CROISSANCE
97
CHAPITRE 4: Impact de l’informalité sur le
commerce et la croissance
A. Comment l’informalité détermine-t-elle les
performances macro-économiques?
1. Les différents types d’informalité, le commerce et la
croissance
Sur la base des trois hypothèses fondamentales relatives aux origines et aux
caractéristiques de l’informalité qui ont été examinées aux chapitres 1 et 2,
l’économie informelle peut être liée de trois façons à l’économie formelle ainsi qu’à la
compétitivité des exportations et à la croissance. Ces trois conceptions diffèrent en
termes de perception des liens entre l’économie formelle et l’économie informelle –
ce qui peut amener à formuler des conseils très divergents en matière de politiques
publiques. Elles aboutissent cependant à des conclusions analogues quant à l’impact
de l’informalité sur le commerce et la croissance:
 Selon la conception dualiste de l’emploi informel, seule l’économie formelle a
suffisamment de ressources pour participer au commerce international. L’économie
informelle ne possède pas le capital humain nécessaire, ou produit à trop petite échelle
pour offrir des produits et des services compétitifs sur le marché international. En
CHAPITRE 4
Les effets d’une grande économie informelle sur la capacité d’un pays de participer
au commerce international n’ont pas encore fait l’objet de recherches empiriques
approfondies. Plusieurs études de cas sur l’expérience de différents pays font
apparaître des résultats divergents, ou permettent pour le moins une interprétation
contradictoire des faits. L’impact de l’informalité sur certaines causes immédiates
du commerce et de la croissance a cependant été analysé à la fois d’un point de vue
théorique et empirique. Les principales conclusions de ce chapitre sont résumées
dans l’encadré 4.1. Avant de passer en revue les études empiriques sur ces relations,
le chapitre commence par un exposé des mécanismes de transmission théoriques.
98
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Encadré 4.1 Principales conclusions
 L’informalité est généralement associée à une plus faible croissance
tendancielle et à de moins bons résultats commerciaux par rapport à une
situation de formalisation complète.
 L’interaction entre l’informalité, la croissance et le commerce dépend
de la forme particulière d’informalité. Sur les marchés du travail duals, les
contraintes pesant sur l’offre freinent le dynamisme économique. Par contre,
lorsqu’il existe des liaisons verticales entre l’économie formelle et l’économie
informelle, l’amélioration des performances économiques à court terme se
fait au prix d’une diminution des gains dynamiques du commerce. Enfin,
l’existence de marchés du travail informels peut être la conséquence d’une
lourde fiscalité, de contraintes administratives et d’obstacles réglementaires
et elle peut donc être le symptôme d’une faiblesse de gouvernance globale.
 La littérature empirique relève trois liens principaux entre l’informalité et
les performances économiques: des taux d’informalité élevés aggravent les
inégalités de revenus, freinent la croissance moyenne du PIB et réduisent les
échanges internationaux.
 Ces effets défavorables de l’informalité peuvent être mis en relation avec
l’absence de gains de productivité, résultant d’obstacles à la croissance des
entreprises. De plus, l’esprit d’entreprise et la prise de risque régressent
lorsque l’informalité est élevée, en raison d’une lourde fiscalité et d’une
réglementation stricte des affaires. Par ailleurs, l’informalité empêche les
pays de tirer pleinement profit de leur avantage comparatif en retardant les
ajustements structurels nécessaires ou en créant des pièges de pauvreté
pour les travailleurs à la recherche d’un emploi.
 Il a été montré aussi que l’existence d’une grande économie informelle
limite la capacité du gouvernement d’investir dans l’infrastructure publique, ce
qui freine la croissance potentielle de la productivité dans le secteur privé.
 Les liaisons entre l’économie formelle et l’économie informelle peuvent
aider temporairement les entreprises à accroître leur compétitivité par les
prix. Les données empiriques montrent cependant que cela se fait souvent
au détriment des gains dynamiques du commerce.
CHAPITRE 4. IMPACT DE L’INFORMALITÉ SUR LE COMMERCE ET LA CROISSANCE
99
 La conception légaliste du secteur informel aboutit à une conclusion analogue en
ce qui concerne l’impact de l’économie informelle sur le commerce et la croissance.
Mais contrairement à la conception dualiste, elle voit l’origine du secteur informel
dans l’action des pouvoirs publics et dans le poids des contraintes administratives.
La fiscalité ainsi que la réglementation tatillonne et les charges administratives
empêchent les entreprises informelles de devenir formelles, de croître et de développer
leur production de biens et de services de manière à soutenir la concurrence des
entreprises étrangères. Toutefois, dès que ces obstacles réglementaires sont
supprimés, les entreprises commencent à croître, à devenir formelles et à participer
de manière rentable au commerce international. Selon la conception légaliste, les
entreprises informelles sont effectivement ou potentiellement productives. Elles sont
considérées comme semblables aux entreprises formelles, mais leur développement
est entravé par les politiques publiques.
 La conception structuraliste interprète encore différemment le rôle de l’informalité
dans la promotion du commerce et de la croissance. Selon elle, le secteur informel
est une réponse rationnelle du secteur formel aux obstacles au développement
économique. Les entreprises sous-traitantes du secteur informel peuvent aider les
entreprises du secteur formel à compenser leur manque de compétitivité en leur
offrant la flexibilité et la main-d’œuvre bon marché dont elles ont besoin pour pratiquer
des prix compétitifs et soutenir la concurrence sur les marchés internationaux.
En un sens, l’économie informelle est subordonnée à l’économie formelle (Carr
et Chen, 2002). Toutefois, les gains de compétitivité par les prix sont purement
statiques. Il est difficile, dans ces conditions, de retirer des gains dynamiques
du commerce, car l’accroissement des qualifications dans l’économie informelle
se heurte à des obstacles qui empêchent aussi les travailleurs et les entreprises
informels de développer un capital industriel suffisant. Par ailleurs, les entreprises
de l’économie formelle risquent d’être enfermées dans des schémas d’avantage
comparatif spécifiques, transmettant la pression de la concurrence internationale à
CHAPITRE 4
outre, les entreprises se spécialisent dans des marchés, des produits et des services
différents selon qu’elles appartiennent à l’économie formelle ou informelle, ce qui
déconnecte de fait les deux secteurs. Les entreprises informelles sont inefficientes
car elles n’ont aucun pouvoir de fixation des prix et elles ont un accès limité aux cadres
et aux travailleurs qualifiés, mais ces limitations ne concernent pas les entreprises
formelles qui ont donc un plus grand potentiel de croissance. Par conséquent, selon
la conception dualiste, il y a une répartition (inefficiente) des compétences et des
actifs entre les deux secteurs qui empêche leur interaction dynamique. De ce fait,
l’impact du secteur informel sur le PIB par habitant et les taux de croissance est lié
principalement à des effets de composition.
100
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
l’économie informelle au lieu de chercher à acquérir de véritables avantages grâce à
la diversification des exportations et à la création de valeur.
En résumé, les conceptions théoriques de l’informalité amènent toutes à la
conclusion qu’à long terme au moins l’informalité et l’emploi informel ne contribuent
pas à la réussite d’un pays à l’exportation ni à sa croissance, du moins par rapport
à la situation génératrice de bien-être dans laquelle le marché du travail serait
entièrement formalisé. Mais à court terme et d’un point de vue statique, l’économie
informelle peut avoir une certaine utilité, du moins pour les entreprises qui opèrent
sur des marchés internationaux sensibles aux prix.
2. Comment l’informalité affecte-t-elle les performances
commerciales et la croissance?
Même si les trois conceptions de l’informalité amènent à des conclusions analogues au
sujet de la relation à long terme entre l’emploi informel, le commerce et la croissance,
elles ont des implications très divergentes en ce qui concerne les mécanismes
de transmission. Cette section présente leurs implications pour la dynamique de
transmission et propose une approche unificatrice de la manière dont elles peuvent
être réunies.
À long terme, l’informalité, le commerce et la croissance sont déterminés de manière
simultanée, ce qui rend difficile de faire une distinction entre les trois conceptions.
Mais à court terme, il est possible d’identifier différents mécanismes de transmission et
différentes interactions dynamiques correspondant à chacune d’elles. En particulier,
même si les trois conceptions impliquent des modes d’interaction globale à peu près
semblables entre la taille du secteur informel et le taux de croissance du pays, elles
aboutissent à des prédictions différentes concernant les variations des flux entre
les secteurs au cours du cycle et la capacité des entreprises et des salariés des
différents secteurs de réaliser des bénéfices et d’obtenir un avantage de salaire:
 Selon la conception dualiste, une accélération de la croissance (mesurée)
devrait être relativement peu corrélée avec une modification de la taille du secteur
informel: il existe des différences discernables entre les entreprises formelles
et informelles en ce qui concerne leur capacité d’acquérir une rente. Comme les
entreprises et les travailleurs de l’économie informelle sont preneurs de prix et se
trouvent même souvent face à une situation monopsoniste, la dynamique de ce
secteur est uniquement influencée par la croissance de l’offre de main-d’œuvre et
CHAPITRE 4. IMPACT DE L’INFORMALITÉ SUR LE COMMERCE ET LA CROISSANCE
101
 À l’opposé, la conception légaliste voit une économie informelle beaucoup plus
dynamique constituant un moteur distinct de la croissance pour l’économie tout
entière (Llosa, 2008). Selon elle, la décision de devenir informel repose sur le coût
d’opportunité du maintien dans le secteur formel. En période d’expansion, ce coût
tend à diminuer, ce qui renforce les incitations à retourner dans l’économie formelle
et aide à stimuler la croissance (mesurée). Comme les deux secteurs interagissent,
les flux changeront de direction au cours du cycle, constituant un multiplicateur du
secteur formel: étant donné que le PIB mesuré repose principalement sur l’information
émanant de l’économie formelle, le PIB effectif et observé varie généralement plus en
période de ralentissement qu’en période d’expansion. Il s’ensuit qu’un accroissement
exogène de la taille de l’économie informelle renforcera ce multiplicateur. Toutes
choses égales par ailleurs, cet accroissement se traduira par un profil de croissance
plus marqué en période d’expansion et par un ralentissement plus prononcé de la
croissance en période de récession.
 Enfin, l’approche structuraliste, qui met l’accent sur les liaisons entre les entreprises
dans la chaîne d’approvisionnement, souligne le caractère complémentaire de la
relation entre les deux secteurs. Selon elle, une plus forte croissance de l’économie
formelle stimulera la croissance de l’emploi dans l’économie informelle.1 L’économie
informelle constitue à la fois un amortisseur des chocs extérieurs et un catalyseur
des réductions de coûts qui aident le secteur formel à devenir ou à rester compétitif
sur les marchés internationaux. L’accroissement exogène de la taille de l’économie
informelle sera donc plus important quand l’économie ralentit ou quand les marchés
d’exportation sont moins dynamiques. Par contre, quand l’économie prospère, les
entreprises formelles ont moins recours à des biens et services provenant du secteur
informel, car les prix ont tendance à augmenter. Les implications concernant la
corrélation entre, d’une part, la taille de l’économie informelle et, d’autre part, la
croissance économique et les performances commerciales sont diamétralement
opposées à celles de la conception légaliste.
CHAPITRE 4
par la possibilité pour les nouveaux entrants d’éviter le piège de l’informalité grâce
à une meilleure éducation ou à l’accès à d’autres ressources. Les entreprises et les
employés de l’économie formelle, en revanche, peuvent tirer pleinement parti des
nouvelles possibilités créées par la dynamique de croissance. En conséquence, une
augmentation (exogène) de l’économie informelle aura un effet défavorable sur le PIB
par habitant, mais laissera intacte la capacité de croissance de l’économie formelle.
Comme on l’a indiqué plus haut, en raison d’un effet de composition, l’impact global
d’un agrandissement du secteur informel peut fort bien se révéler négatif à la fois
pour le PIB et pour la croissance.
102
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
B. Informalité et performances macro-économiques:
données empiriques
1. Informalité, inégalités et inégalité des chances
L’inégalité généralisée est l’un des principaux obstacles à la croissance dans de
nombreuses économies en développement (Institut international d’études sociales
(IIES), 2008; Kucera, 2002). L’absence d’accès aux services de base, privés (par
exemple services financiers) et publics (par exemple éducation et santé), qui résulte
de l’inégalité des revenus et de la répartition inégale de la richesse a empêché
l’épanouissement de l’esprit d’entreprise et a mis sur la touche de nombreuses
personnes potentiellement productives. En outre, les problèmes d’économie politique
faussent la redistribution en faveur des ménages plus prospères. L’informalité est au
centre de cette dynamique de l’inégalité (DAES de l’ONU, 2005). C’est en effet à
travers elle que l’informalité affecte la croissance et la stabilité.
Le lien entre l’informalité et l’inégalité de revenu est désormais bien établi. Les
études empiriques démontrent de façon constante que les mesures classiques de
l’inégalité de revenu, comme le coefficient de Gini, sont fortement corrélées avec
l’incidence de l’emploi informel (Kucera et Xenogiani, 2008a; 2008b). C’est le
cas même si l’on tient compte de plusieurs autres facteurs, comme la qualité de la
gouvernance et les dépenses publiques en pourcentage du PIB, ou si l’on utilise
des indicateurs différents pour mesurer la taille de l’économie informelle (Elbadawi
et Loayza, 2008). Il y a des mesures plus indirectes concernant la relation entre
l’incidence de la pauvreté et l’emploi informel. Comme l’a montré Kucera (2008),
les mesures classiques de la pauvreté (telles que la part de la population vivant
avec moins de 2 dollars par jour) sont étroitement liées à la part de l’emploi informel
dans une analyse transnationale. Néanmoins, cette image globale masque des
différences entre les travailleurs informels au niveau microéconomique, car l’écart
de salaire mesuré varie sensiblement entre les différents segments et les différents
niveaux de l’économie informelle (Bargain et Kwenda, 2009). En effet, en fonction
du type de travail informel – employeur informel, travailleur indépendant, travailleur
occasionnel ou travailleur à domicile –, la rémunération de l’emploi informel varie
fortement, ce qui accentue les problèmes de répartition (Carr et Chen, 2002).
La corrélation qui peut être établie à partir de ces études n’est cependant pas
la preuve de l’existence d’un lien de causalité. En effet, des analyses récentes
CHAPITRE 4. IMPACT DE L’INFORMALITÉ SUR LE COMMERCE ET LA CROISSANCE
103
En regardant au-delà de l’image statique de la répartition inégale du revenu, on peut
aussi tirer des conclusions des études qui analysent la mobilité des revenus des
travailleurs qui passent d’un segment à l’autre du marché du travail. Des études
concernant l’Argentine et l’Ukraine, compatibles avec le modèle d’un marché du travail
à segments multiples, ne constatent aucun désavantage de salaire et constatent
même un avantage de salaire pour certains segments du marché du travail informel
par rapport à l’emploi formel (Arias et Khamis, 2008; Lehmann et Pignatti, 2008).
Cependant, en règle générale, les travailleurs qui passent de l’économie formelle à
l’économie informelle doivent accepter une forte diminution de leur revenu disponible
et de leur rémunération mensuelle moyenne (Duryea et al., 2006). Surtout, les études
sur la mobilité confirment que l’emploi informel peut constituer un piège de pauvreté
et un obstacle à la transition vers des emplois mieux payés et plus sûrs. On a montré
qu’il y avait une relation négative entre la durée de l’emploi dans l’économie informelle
et l’avantage salarial lors du retour dans le segment formel (Saha et Sarkar, 1999).
En outre, la probabilité d’une transition diminue avec la durée du travail informel.
2. L’informalité et l’énigme de la productivité
Selon la théorie économique, les économies émergentes et les économies moins
développées ont un fort potentiel de rattrapage qui leur permet de croître plus
rapidement que les économies plus avancées et conduit à terme à une convergence
globale des niveaux de vie. Mais la recherche empirique dans ce domaine a montré
de façon constante que cette convergence n’avait pas lieu. Il existe au mieux
différents «clubs de convergence», les pays convergeant au sein d’un groupe, mais
CHAPITRE 4
montrent que le lien entre l’inégalité et l’informalité va dans les deux sens. Une
incidence plus grande de l’emploi informel accroît l’inégalité des revenus par effet
de composition. De même, une plus grande inégalité des revenus accroît la taille de
l’économie informelle, les individus ne pouvant pas entrer dans l’économie formelle
faute de moyens humains ou financiers (Chong et Gradstein, 2007). Dans les
régressions transnationales, on voit qu’une augmentation de 3 points de pourcentage
de la taille de l’économie informelle accroît l’inégalité des revenus mesurée par le
coefficient de Gini de pas moins de 8 points de pourcentage. Chong et Gradstein
(2007) montrent aussi que la solidité de ce lien dépend de la qualité des institutions
(degré de corruption, intégrité de la primauté du droit, stabilité du gouvernement et
responsabilité démocratique). Ce résultat est confirmé par des études antérieures
qui ne portaient que sur les économies en transition d’Europe orientale et d’Asie
centrale (Rosser et al., 2000).
104
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
les différences de revenu et de productivité entre les groupes restent immuables
(Durlauf et al., 2008). Par conséquent, l’absence de convergence des niveaux de
vie et des niveaux de productivité est une énigme que la taille relative de l’économie
informelle permet peut-être de résoudre.
L’informalité joue à cet égard un rôle important pour expliquer l’existence de ces clubs
de convergence et l’incapacité de certains pays à sortir du piège de développement.
Il existe en conséquence une relation négative persistante entre la taille du secteur
informel et le PIB par habitant (Kucera et Xenogiani, 2008a). La question de
savoir exactement comment le secteur informel empêche l’ensemble de l’économie
de croître plus rapidement suscite cependant de nombreux débats, en fonction de
l’approche de l’informalité qui est adoptée. Jusqu’à présent, les données empiriques
présentées à l’appui de chacune des trois approches n’ont pas permis de faire
pencher la balance dans un sens ou dans un autre.
Selon la conception dualiste, l’économie informelle n’est pas suffisamment dotée
en capital humain et financier pour croître plus rapidement et pour produire des
biens et des services permettant d’obtenir une (quasi-)rente suffisante. Lorsque le
capital humain est insuffisant et que l’accès aux autres ressources essentielles est
limité, les entreprises informelles ne peuvent pas innover ou, au moins, répondre de
façon créative à l’évolution des conditions du marché. La qualité de l’encadrement
semble essentielle pour comprendre les différences de performances entre les
entreprises formelles et informelles (La Porta et Shleifer, 2008), ce qui explique en
partie pourquoi la qualité des produits de l’économie informelle est faible (DayaratnaBanda, 2007). En outre, les marchés financiers segmentés entraînent un processus
d’autosélection, par lequel les personnes instruites et compétentes ont accès au
financement formel pour créer des entreprises enregistrées; pour tous les autres,
l’économie informelle reste la seule source de subsistance. Cela semble expliquer,
par exemple, pourquoi en Argentine les travailleurs formels sont généralement plus
âgés, plus instruits et mieux payés que les travailleurs informels (Amaral et Quintin,
2005; 2006).
En revanche, la conception légaliste souligne qu’une mauvaise gouvernance, une
fiscalité génératrice de distorsions et une réglementation trop pesante empêchent
le secteur formel de croître suffisamment pour exploiter les économies d’échelle (et
donc devenir plus productif) et poussent les entreprises vers l’économie informelle
(de Soto, 2000). Selon cette conception, la taille de l’économie informelle est un
indicateur supplémentaire de la faiblesse des performances économiques, mais
elle n’en est pas la cause. Les gouvernements qui instaurent une réglementation
appropriée et réduisent les distorsions liées à la fiscalité peuvent en retirer un double
dividende sous la forme d’une diminution de l’informalité et d’une augmentation des
taux de croissance (Loayza, 1996). Par exemple, l’esprit d’entreprise (c’est-à-dire
la disposition à prendre des risques et à créer une entreprise) souffre généralement
de l’alourdissement de la réglementation et de la fiscalité (Hall et Sobel, 2008).
En outre, quand les entreprises cherchent à éviter l’impôt en devenant informelles,
l’économie formelle recule, la base d’imposition se réduit et, partant, les recettes
publiques diminuent. Les pouvoirs publics disposent ainsi d’un puissant instrument:
s’ils parviennent à accroître la base d’imposition et à offrir plus de biens publics, un
plus grand nombre d’entreprises auront intérêt à devenir formelles pour avoir accès
aux biens et services fournis par le secteur public. Il existe toutefois un effet de seuil
qui peut être difficile à surmonter (Dessy et Pallage, 2003). On peut détecter des
effets similaires lorsqu’on examine la réglementation du marché du travail. Dans un
modèle de l’économie mexicaine, Satchi et Temple (2006) constatent que la taille du
secteur informel et la croissance économique sont conjointement déterminées par
la réglementation du marché du travail. En outre, dans ce modèle, une modification,
même légère, des politiques qui améliorent le processus d’embauche dans l’économie
formelle peut réduire sensiblement l’incidence de l’emploi informel et stimuler la
croissance.
Par conséquent, l’existence d’un large secteur informel limite la capacité des
gouvernements d’accroître l’investissement public, ce qui se traduit par des
difficultés d’accès aux marchés, une pénurie d’infrastructures de transport et
l’absence d’éducation publique et de formation professionnelle. Dans certains
pays d’Afrique subsaharienne, on constate que ces problèmes sont des facteurs
décisifs qui expliquent la petite taille moyenne des entreprises, l’incidence élevée
de l’emploi informel et, partant, le handicap de productivité dû aux effets d’échelle
limités (Bigsten et Söderbom, 2005). Cette observation est corroborée par des
études qui comparent la productivité moyenne au niveau des entreprises en fonction
de leur taille (Bigsten et al., 2004b). Dans cette étude, les auteurs ne constatent
pas de différence sensible de productivité entre les petites entreprises informelles
et formelles au Kenya, le facteur déterminant la productivité étant plutôt la taille
moyenne des entreprises.
Enfin, selon la conception structuraliste, le secteur informel constitue un atout productif
pour les entreprises du secteur formel, dans la mesure où les deux segments ont une
relation verticale. Dans cette relation symbiotique, la croissance globale et la taille
du secteur formel augmentent avec l’incidence de l’emploi informel. Ce lien positif
a effectivement été observé dans certains pays d’Afrique subsaharienne (Sandefur,
2006). Durant les années 1990, le Ghana, le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie ont
enregistré des taux de croissance positifs du PIB par habitant, alors même que le
105
CHAPITRE 4
CHAPITRE 4. IMPACT DE L’INFORMALITÉ SUR LE COMMERCE ET LA CROISSANCE
106
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
marché du travail urbain informel se développait. Malgré une faible productivité due
à leur petite taille, ces nouvelles entreprises ont permis un accroissement, en termes
absolus, de l’emploi dans le secteur privé, alors que, en proportion du total, l’économie
formelle stagnait ou régressait.
Pour résumer, chacune des trois approches est étayée par des données empiriques.
Il semble cependant que l’impact de l’informalité sur la productivité et la croissance
dépende beaucoup de la période et du pays considérés. Aucune des études citées
ici ne permet de formuler des affirmations transversales: elles indiquent plutôt que
ce qui importe pour les résultats de l’analyse, ce sont tout autant les circonstances
particulières que la méthodologie de l’étude.
3. Informalité et commerce
(a) Mobilité de l’emploi sur les marchés du travail à segments
multiples
L’une des caractéristiques essentielles d’un marché du travail qui fonctionne bien
est l’existence de flux importants entre les emplois à un instant donné (Haltiwanger
et Davis, 1990; 1992; Haltiwanger et al., 1996). Ces transitions peuvent se faire
entre secteurs et entre professions, mais elles restent généralement circonscrites.
La mobilité de l’emploi est cependant un élément essentiel de l’ajustement, aussi
bien pour les entreprises que pour les pays qui doivent répondre aux changements
dans l’environnement économique induits, par exemple, par l’ouverture commerciale.
Les données disponibles pour les économies avancées montrent que, chaque année,
10 pour cent environ des emplois sont détruits et remplacés par d’autres. Qui
plus est, le taux de destruction semble comparable d’un pays à l’autre, malgré les
différences institutionnelles et économiques. En fait, les variations transnationales
de la dynamique du marché du travail s’expliquent par la capacité des chômeurs de
trouver un emploi. Il faut noter que cette dynamique de création et de destruction
d’emplois est une caractéristique du processus d’ajustement lorsque les pays
s’ouvrent au commerce et qu’elle est essentielle pour qu’ils puissent tirer parti de leur
avantage comparatif.
Conformément à la théorie du marché du travail à segments multiples développée
dans le chapitre 2, les données disponibles sur les transitions entre emplois indiquent
que les probabilités de transition sont élevées à l’intérieur des segments et entre eux
(voir le tableau 4.1). Comme le montre le tableau, la persistance du statut à l’intérieur
des différents segments est forte, y compris pour les personnes sans emploi. Il y
a cependant des flux non négligeables entre les segments, bien que les sorties de
chômeurs soient nettement plus limitées qu’entre l’économie formelle et l’économie
informelle. En outre, l’ampleur des probabilités de transition sera probablement
influencée par les conditions économiques, y compris le processus d’ajustement
consécutif aux réformes commerciales. Les données disponibles montrent que, dans
un échantillon de 12 pays, les transitions de l’emploi formel vers l’emploi indépendant
ont augmenté après une période de difficultés économiques (Horton et al., 1991).
De plus, les déplacements sectoriels, tels que ceux observés dans les économies
en transition d’Europe orientale durant les années 1990, ont entraîné d’importants
flux d’emplois entre les différents segments du marché du travail. Les flux entre
segments (y compris le chômage) peuvent donc être interprétés comme servant à
amortir les chocs économiques exogènes, et ils devraient de ce fait être considérés
comme un élément de la dynamique normale de tout marché du travail. Pour que les
pays en développement participent avec succès aux marchés internationaux, il est
essentiel que les politiques visent à réduire la persistance à l’intérieur de certains
segments du marché du travail, afin que le processus d’ajustement suscite le moins
de frictions possible. Cela s’applique en particulier aux segments informels et à la
catégorie des travailleurs qui sont au chômage ou qui se sont complètement retirés
du marché du travail.
Alors que bon nombre des résultats des études sur les flux d’emplois bruts
s’appliquent également aux pays avancés et aux pays en développement, Eslava et
al. (à paraître) signalent des interactions possibles entre la dynamique de création
d’emplois et les coûts d’ajustement du capital. Dans leur étude sur l’ajustement des
usines colombiennes à la suite des réformes structurelles des années 1990, les
auteurs montrent que les entreprises qui sont confrontées à une pénurie de capital
ont moins de chances de créer des emplois. Inversement, celles qui sont confrontées
à une pénurie de main-d’œuvre – par exemple lorsqu’elles cherchent à embaucher
des professionnels qualifiés – ont tendance à réduire leur capital en optant pour des
installations plus petites, au risque de nuire à leur capacité d’exportation, comme
cela est expliqué ci-dessous. À cet égard, les marchés du travail informels et la
dynamique des marchés financiers ont une relation complémentaire. Des marchés
financiers moins développés, combinés à une réglementation stricte du secteur
bancaire – comme c’est le cas dans de nombreux pays émergents –, peuvent faire
obstacle à un processus plus dynamique de création d’emplois dans le secteur formel
et freiner la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle. L’analyse de
ces interactions entre les marchés financiers et les marchés du travail sort du champ
107
CHAPITRE 4
CHAPITRE 4. IMPACT DE L’INFORMALITÉ SUR LE COMMERCE ET LA CROISSANCE
108
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
de la présente étude, mais c’est un nouvel axe de recherche qu’il faut explorer de
manière plus approfondie pour traiter la question de l’emploi informel.
Tableau 4.1 Transitions sur les marchés du travail segmentés:
Mexique (2002-2005) (en pourcentage)
Statut en 2005
Formel
Statut en 2002
Informel
Sans emploi
Formel
65,5
18,2
16,3
Informel
19,7
42,1
38,2
7,1
7,1
85,8
Sans emploi
Note: Le tableau indique les probabilités de transition (en pourcentage) parmi les personnes
âgées de 20 à 60 ans entre les différents segments du marché du travail au Mexique, entre
2002 et 2005.
Source: Reproduit de Gagnon (2008).
(b) Taille des entreprises et résultats à l’exportation
La taille des entreprises, la croissance de la productivité et les résultats à l’exportation
sont intimement liés. Ce qui a déjà été dit au sujet de la petite taille moyenne des
entreprises dans le secteur informel vaut également, en grande partie, pour la
présente analyse. Toutefois, un courant de la littérature empirique s’est intéressé plus
particulièrement aux conditions de la réussite dans le commerce. Ces recherches
sont motivées en particulier par le désir de déterminer quels facteurs spécifiques
expliquent les résultats d’une entreprise à l’exportation et comment on peut interpréter
le succès limité du secteur informel dans le commerce international. Par exemple,
la taille des entreprises est-elle liée à différentes intensités de facteurs ou à la
capacité d’obtenir des crédits et de pénétrer des marchés nouveaux ou plus vastes?
Il se peut en outre que les grandes entreprises aient davantage de main-d’œuvre
qualifiée, la possibilité d’offrir des crédits commerciaux et une plus grande capacité
que les petites entreprises d’exécuter les contrats dans les délais. Les conclusions
en matière de politiques associées à ces différentes voies de transmission seraient
très différentes.
CHAPITRE 4. IMPACT DE L’INFORMALITÉ SUR LE COMMERCE ET LA CROISSANCE
109
La taille de l’entreprise entre aussi en ligne de compte lorsqu’il s’agit d’attirer
des cadres compétents. Comme l’ont démontré La Porta et Shleifer (2008), les
entreprises plus petites emploient généralement des personnes moins qualifiées que
les grandes entreprises. La probabilité de trouver des cadres diplômés est encore
plus faible dans les petites entreprises informelles que dans les petites entreprises
formelles. En revanche, la différence de qualification du personnel non cadre entre
les entreprises formelles et informelles n’est pas significative. Ces différences de
capital humain entre les entreprises au niveau de l’encadrement expliquent sans
doute largement les différents degrés de réussite en termes de commerce et de
croissance entre les entreprises et les pays. Cela explique aussi pourquoi le statut
d’une entreprise – formel ou informel – peut être très persistant et ne change presque
jamais pendant l’existence de l’entreprise (La Porta et Shleifer, 2008), ce qui pose un
problème particulier pour les stratégies de formalisation.
Elbadawi et Loayza (2008) examinent la dynamique des microentreprises et des
petites entreprises dans les pays arabes; ils constatent que la taille moyenne des
entreprises n’est pas un déterminant important de la production moyenne. Mais
ce facteur semble influer sur la part du marché local. Les grandes entreprises ont
tendance à produire pour les marchés internationaux et ne vendent qu’une petite
partie de leur production sur les marchés locaux. En outre, les auteurs confirment la
conclusion de La Porta et Shleifer (2008) selon laquelle les entreprises dirigées par
des entrepreneurs plus âgés et plus instruits, ou celles qui emploient davantage de
travailleurs qualifiés et semi-qualifiés obtiennent généralement de meilleurs résultats
en termes de production par travailleur et de salaires relatifs. En général, ces
entreprises vendent aussi une plus grande partie de leur production sur les marchés
CHAPITRE 4
La taille moyenne des entreprises a des incidences sur le potentiel d’exportation
d’un pays. Comme le montre une étude de Sandefur (2006), cela a été le cas dans
certains pays africains. À l’aide de données relatives au secteur manufacturier au
Ghana, l’auteur définit l’informalité par l’échelle de production et note une diminution
de la taille moyenne des entreprises manufacturières. Ce changement a coïncidé
avec une accélération générale de la croissance, qui a entraîné l’apparition rapide
de nouvelles entreprises de petite taille. Ces entreprises employaient généralement
une main-d’œuvre moins qualifiée, payaient des salaires plus bas, devaient emprunter
à des taux d’intérêt plus élevés ou ne pouvaient pas obtenir de crédit. Elles ne
pouvaient donc pas se développer et faire du commerce international, ce qui réduisait
l’ouverture commerciale et freinait la croissance tendancielle de la productivité, avec
des conséquences potentielles défavorables à long terme pour la situation macroéconomique du Ghana.
110
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
régionaux et internationaux. Une conclusion importante que l’on peut en tirer est
que, pour sortir de l’informalité, les entreprises doivent avoir accès à du personnel
d’encadrement plus qualifié, ce qui peut nécessiter plus qu’une rémunération
attractive.
Enfin, la taille de l’entreprise et son statut formel ou informel peuvent aussi limiter
la qualité de son emplacement et, par conséquent, son réseau de distribution.
L’interaction avec d’autres entreprises et l’échange d’informations peuvent être
difficiles lorsque les entreprises sont obligées de s’implanter dans des lieux
médiocres en raison de leur petite taille ou du fait qu’elles ne sont pas enregistrées.
Par exemple, les producteurs à domicile se trouvent généralement dans des endroits
pauvres et peu accessibles, ce qui limite leur accès aux marchés et à l’information
(Kappel et Ishengoma, 2006). De même, Bigsten et Söderbom (2005) considèrent
que la prédominance des petites entreprises manufacturières dans les pays d’Afrique
subsaharienne s’explique, entre autres, par l’absence d’infrastructure bien conçue.
Ce facteur, conjugué à une densité démographique relativement faible, limite la taille
du marché et «crée des poches de demande où les petits producteurs ont tendance
à se localiser» (Platteau, 2000).
(c) Liaisons sectorielles verticales et réussite commerciale
Les données sur l’importance du secteur informel pour les chaînes
d’approvisionnement verticales sont plus limitées. Plusieurs auteurs considèrent
que ces liens sont essentiels pour que les entreprises formelles réussissent à
pénétrer les marchés internationaux. D’autres vont jusqu’à dire que l’existence d’une
vaste économie informelle est nécessaire au succès des ZFI (voir aussi le chapitre 5).
Les études empiriques disponibles ne donnent pas un tableau précis de la situation.
Il existe plusieurs exemples dans lesquels une majorité d’entreprises informelles ont
des relations verticales avec des entreprises du secteur formel (Itzigsohn, 1998).
Mais le plus souvent, les entreprises qui ont recours à des intrants provenant du
secteur informel ne sont pas en position de force sur les marchés mondiaux et
luttent pour leur survie. Le recours au secteur informel n’est pour elles qu’un pis-aller
pour résister à la concurrence mondiale mais ce n’est pas une stratégie gagnante
pour acquérir des parts de marché.
On a constaté cependant que la capacité de l’économie informelle de fournir un
soutien vital aux entreprises formelles non rentables pouvait nuire à la croissance et
au développement économique futurs. Certains auteurs ont reconnu l’importance
CHAPITRE 4. IMPACT DE L’INFORMALITÉ SUR LE COMMERCE ET LA CROISSANCE
111
de ces liaisons verticales, soulignant qu’elles créent une dynamique complémentaire
entre les entreprises formelles et informelles (Carr et Chen, 2002). Selon ce point
de vue, l’économie informelle – au lieu d’être jugée incompatible avec la croissance
économique et l’industrialisation – est considérée en fait comme un sous-produit de
la croissance, qui aide les entreprises formelles en manque de capital à échapper au
piège initial de la pauvreté. Comme l’ont indiqué Farrell (2004) et – de façon plus
large – Lewis (2004), on peut montrer que l’avantage de l’informalité, en termes
de prix plus bas, a pour contrepartie une plus petite taille, un moindre potentiel de
croissance, et donc de plus faibles gains de productivité. Cela freine la croissance de
la productivité à long terme, en maintenant en activité les entreprises non rentables
et en empêchant le brassage qui est essentiel pour le progrès technologique.
1 Cela peut se produire à la fois à travers la marge extensive et la marge intensive. En
général, les travailleurs informels n’ont pas d’emploi à plein temps et travaillent plutôt de façon
occasionnelle, à titre d’appoint. Lorsque l’économie est prospère, les possibilités d’emplois
occasionnels augmentent.
CHAPITRE 4
Notes
CHAPITRE 5. RÉSILIENCE ÉCONOMIQUE: LA DYNAMIQUE DE L’INFORMALITÉ
113
L’informalité est associée à une plus grande vulnérabilité des pays aux chocs
économiques. En même temps, elle augmente la probabilité d’être affecté par des
chocs (extérieurs). La combinaison de ces deux tendances peut créer un cercle
vicieux, en affaiblissant les performances à long terme d’un pays, en amoindrissant les
avantages qu’il peut retirer du commerce et en réduisant le bien-être économique. Ce
chapitre examine comment l’emploi informel évolue au cours du cycle économique –
en faisant une distinction entre les différents segments du marché du travail informel
– et quelles conséquences en découlent pour la résilience économique aux chocs. Il
présente des éléments concrets indiquant dans quelle mesure l’économie informelle
accroît l’instabilité de la croissance et la fréquence des phénomènes économiques
extrêmes. De plus, il examine l’interaction particulière entre les flux de capitaux
internationaux et l’informalité du marché du travail qui contribue à l’aggravation
de la vulnérabilité des pays aux chocs. Et il souligne les effets potentiellement
défavorables de l’aide publique au développement et de l’investissement international
des multinationales dans les réseaux de production mondiaux. Les principales
conclusions de ce chapitre sont résumées dans l’encadré 5.1.
A. Mécanismes de transmission des chocs sur les
marchés du travail informels
Le chapitre précédent a montré que des taux d’informalité élevés ont non seulement
un effet négatif sur l’équité sociale et la répartition des revenus, mais font aussi
obstacle à la croissance et à la compétitivité internationale. Le présent chapitre
développe ce sujet en examinant les conséquences de taux d’emploi informel
élevés pour la résilience d’un pays aux chocs extérieurs ou aux brusques variations
des flux d’investissements. Deux aspects sont particulièrement pertinents à cet
égard: l’évolution de l’emploi informel au cours du cycle économique et la réaction
de l’économie à l’afflux de capitaux par le biais de l’investissement étranger direct
ou de l’aide extérieure. L’instabilité macro-économique et les flux de capitaux sont
étroitement imbriqués dans les pays en développement. Le rôle du marché du
CHAPITRE 5
CHAPITRE 5: Résilience économique: la dynamique
de l’informalité
114
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Encadré 5.1 Principales conclusions
 L’existence d’une vaste économie informelle accroît la vulnérabilité d’un
pays aux chocs. Cela tient en partie à la place particulière des pays dans
les chaînes de production mondiales et en partie au fait que l’informalité
limite leur capacité de mobiliser suffisamment de ressources pour protéger
efficacement leur population contre les chocs extérieurs. Ce chapitre
présente des estimations qui montrent que les pays où la taille de l’économie
informelle est supérieure à la moyenne ont plus de trois fois plus de risques
de souffrir des effets négatifs d’une crise que les pays où le taux d’informalité
est plus faible.
 Le fait qu’une vaste économie informelle est associée à une plus grande
instabilité cyclique tient aussi à ce que les deux phénomènes sont provoqués
par des facteurs communs liés à la faiblesse des institutions et des politiques.
L’emploi informel réduit l’efficacité des stabilisateurs automatiques et exige
des interventions discrétionnaires supplémentaires en matière budgétaire et
monétaire dans les pays qui n’ont pas la marge de manœuvre budgétaire et
politique nécessaire.
 Les pays qui ont une vaste économie informelle risquent aussi de recevoir
plus d’apports de capitaux susceptibles de nuire à un développement stable à
long terme que les autres pays. Ce chapitre identifie deux voies par lesquelles
ces apports de capitaux peuvent réduire la résilience d’un pays aux chocs
économiques: l’aide extérieure et les chaînes de production mondiales.
 L’afflux de devises lié à l’aide publique au développement risque d’entraîner
une appréciation de la monnaie nationale qui peut nuire à la croissance
économique et au commerce international. En pareil cas, l’emploi informel
peut prendre de l’ampleur, ce qui aggraverait les conditions du marché du
travail, mais il peut aussi servir à amortir – au moins temporairement – les
conséquences macro-économiques défavorables.
 Les investissements internationaux dans les chaînes de production
mondiale peuvent avoir un impact plus marqué. On a montré que la relation
monopsoniste entre les producteurs multinationaux et les prestataires locaux
de services de main-d’œuvre aggravait la situation de l’emploi déjà difficile
dans les pays concernés. En outre, les liaisons verticales dans ces réseaux
de production agissent comme un multiplicateur des chocs de demande
locaux, ce qui accélère la propagation des chocs.
CHAPITRE 5. RÉSILIENCE ÉCONOMIQUE: LA DYNAMIQUE DE L’INFORMALITÉ
115
travail informel est une préoccupation centrale car il détermine comment un pays
s’adaptera à ces chocs extérieurs et si ces chocs empêcheront l’amélioration durable
des performances économiques à long terme.
Mais avant de passer en revue les études empiriques analysant l’impact de
l’informalité sur le commerce et la résilience, il faut examiner quelques effets
indirects. L’influence de l’économie informelle sur l’économie politique de l’ouverture
commerciale – notamment par le biais des réseaux de production mondiaux ou dans
le cadre des ZFI – et son influence sur la formation des flux internationaux d’aide
publique au développement (APD) et des flux de capitaux privés méritent une plus
grande attention:
 Les chaînes d’approvisionnement mondiales, les ZFI et les régimes commerciaux
peuvent dépendre directement de l’importance de l’emploi informel dans un pays.
Certains pays émergents et aussi certains pays moins avancés ont tenté dans le
passé de tirer argument de la taille de leur économie informelle pour encourager les
investisseurs internationaux à profiter de l’existence d’une main-d’œuvre bon marché
et de normes de travail moins strictes que celles des pays plus avancés. Même si
la réglementation et l’inspection du travail dans les ZFI sont en principe les mêmes
que dans le reste de l’économie, l’application et le respect de la réglementation sont
souvent moins rigoureux (Engman et al., 2007). Comme dans le cas de l’APD, la
relation théorique entre la taille de l’économie informelle, l’existence de ZFI et les
performances économiques est ambiguë. Alors que les ZFI sont censées aider le
pays à être plus compétitif par les prix et autrement, les énormes différences de
salaire et d’emploi dans le pays renforcent souvent le problème initial de l’économie
duale, consolidant encore plus les mécanismes qui ont engendré l’informalité au
départ.
CHAPITRE 5
 L’APD représente une grande part des dépenses publiques dans certains pays
émergents. Dans la mesure où l’ampleur de ces flux est déterminée par le niveau
relatif du revenu par habitant, les pays qui ont un vaste secteur informel recevront
probablement une plus grande part de ces flux d’aide par rapport à leur taille. Les
risques que ces flux font peser sur la réussite économique à long terme et sur la
compétitivité extérieure («syndrome hollandais») sont bien connus et sont un autre
facteur susceptible d’expliquer l’existence d’un piège de développement qui est
d’autant plus grand que le secteur informel est important (voir Nkusu (2004) pour un
aperçu de la littérature empirique qui établit un lien entre l’APD et la hausse du taux
de change réel).
116
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
B. Informalité et cycles économiques
1. Évolution de l’informalité au cours du cycle économique
Il existe généralement une corrélation négative entre l’instabilité des cycles
économiques et la croissance (voir, par exemple, Aghion et Banarjee (2005) et les
références qui y figurent), en particulier lorsque l’on examine de larges échantillons
de pays (Norrbin et Yigit, 2005). Les différentes conceptions du secteur informel
décrites dans le chapitre 2 impliquent des hypothèses différentes concernant
l’incidence de l’informalité au cours du cycle économique et les probabilités de
transition des travailleurs entre les différents segments du marché du travail. Grâce
à l’existence de longues séries d’enquêtes sur la population active et les ménages
– au moins pour certaines économies émergentes, notamment en Amérique latine
–, la recherche s’est concentrée plus particulièrement sur les flux et les probabilités
de transition entre les différents segments du marché du travail. Le comportement
de ces flux au cours du cycle économique a fait l’objet de vastes recherches visant
à évaluer l’importance relative des différentes approches de l’économie informelle.
Des données anecdotiques semblent indiquer que l’existence d’une vaste économie
informelle peut empêcher le développement durable de l’économie (voir l’encadré
5.2).
Loayza et Rigolini (2006) ont étudié le comportement dynamique du secteur informel
sur le long terme et sur le court terme. Dans leur modèle, les cycles économiques
résultent de chocs de productivité qui affectent de différentes façons l’économie
formelle et l’économie informelle. Le modèle prédit principalement une réaction
contracyclique de l’informalité aux chocs. Il considère la réglementation comme un
coût fixe pour toutes les entreprises formelles. Par conséquent, s’il y a un choc
positif sur la productivité (qui touche de façon symétrique les deux segments du
marché du travail), la proportion du coût de la réglementation diminue, ce qui incite
les entreprises à entrer dans l’économie formelle. Dans l’hypothèse d’un choc
symétrique, l’économie informelle réagit d’une manière contracyclique, ce qui n’est
pas influencé par la qualité des services publics, de la réglementation ou de la
gouvernance. Mais avec des chocs asymétriques, l’effet serait différent, en fonction
des liaisons sectorielles entre l’économie formelle et l’économie informelle et du type
de produits de chaque secteur (produits échangeables ou non échangeables, par
exemple). Les travailleurs informels, par exemple, pourraient être plus exposés aux
cycles et aux chocs négatifs dans l’économie dans la mesure où ils n’ont pas accès au
crédit et ne peuvent ajuster leurs activités pendant le choc. La vérification empirique
du modèle a confirmé la relation contracyclique, mais l’effet était d’autant plus
faible que l’économie informelle était vaste. De plus, des institutions plus efficaces
CHAPITRE 5. RÉSILIENCE ÉCONOMIQUE: LA DYNAMIQUE DE L’INFORMALITÉ
117
Encadré 5.2 Le cycle économique en Argentine dans les années 1990
 Le cycle économique en Argentine dans les années 1990 montre bien
comment l’économie informelle entre en relation dynamique avec le cycle
économique, empêchant à terme une augmentation permanente et durable
de la croissance (potentielle).
 La persistance de l’informalité a montré les difficultés rencontrées par
l’économie formelle pour devenir plus compétitive, contribuer à la croissance
de la production avec d’importantes exportations nettes, et absorber les
travailleurs dans l’emploi formel. Sous l’effet d’une croissance tendancielle
léthargique, le déficit courant a commencé à se creuser, démontrant encore
plus la faiblesse sous-jacente de l’économie. La croissance du PIB étant tirée
de plus en plus par une politique budgétaire accommodante, les investisseurs
étrangers ont retiré leurs capitaux, ce qui a déclenché une détérioration
rapide de la position de la balance des paiements qui a contraint les autorités
à laisser flotter le peso en 2001.
CHAPITRE 5
 Après les périodes d’instabilité économique des années 1980, l’Argentine
a mis en place un régime macro-économique plus stable en établissant un
conseil monétaire et en indexant le peso sur le dollar. Ces mesures ont
permis de ramener l’inflation à des taux à un chiffre et ont soutenu une forte
croissance de la production, qui s’est accélérée entre 1991 et 1998 pour
atteindre plus de 4 pour cent par an. Mais, dans le même temps, l’incidence
de l’emploi informel est restée élevée, à plus de 40 pour cent tout au long
des années 1990, et le chômage a augmenté de façon continue sur fond de
faible croissance de l’emploi. Cela peut s’expliquer en partie par l’incapacité
de l’économie formelle de créer suffisamment d’emplois. Mais surtout, cette
situation a plombé la croissance (pour les raisons analysées au chapitre 4) et
a conduit à une nette surestimation du taux de croissance durable du PIB en
modérant l’inflation, malgré une forte augmentation de la demande intérieure
(FMI, 2003).
118
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
permettent de limiter cette réaction. L’étude confirme les recherches antérieures
des auteurs sur cette question, qui indiquaient que l’emploi informel servait, dans une
large mesure, d’amortisseur contre les variations du cycle économique: en période
de relative prospérité, les taux d’informalité diminuent en Amérique latine, tandis
qu’en période de marasme économique l’économie informelle se développe (Kucera
et Galli, 2003).
À la différence de ces travaux, Perry et al. (2007) trouvent une forte corrélation
positive entre le secteur informel et le secteur formel au cours du cycle. Non
seulement l’incidence de l’emploi formel et celle de l’emploi informel sont corrélées
durant le cycle, mais les données montrent que – au moins dans certains pays –
la transition de l’emploi formel vers l’emploi informel a lieu de façon procyclique,
contrairement à ce qu’implique la conception dualiste (Bosch et Maloney, 2007;
2008). Ce caractère procyclique de l’emploi informel peut être attribué en partie aux
chocs qui ont pu frapper antérieurement les économies observées. L’emploi informel
est concentré dans certains secteurs non exportateurs tels que la construction
ou la distribution de détail. Un choc positif affectant principalement ces secteurs
aiderait à expliquer la corrélation positive observée entre les performances macroéconomiques et la taille de l’économie informelle (Fiess et al., 2002; 2008). Par
contre, pendant les périodes où se produisent des chocs de productivité négatifs
et où les rigidités empêchent un ajustement des salaires dans le secteur formel,
l’économie informelle joue le rôle de régulateur de l’ajustement (Fiess et al., 2006).
Ce résultat signifie que les périodes de croissance économique ne sont pas
nécessairement liées à une réduction de la taille de l’économie informelle. Au contraire,
l’accroissement de l’informalité en Amérique latine dans les années 1990 pourrait être
l’expression d’une stabilisation macro-économique et d’une croissance économique
dynamique. Il faut cependant noter que les changements démographiques et sociaux
qui ont eu lieu simultanément pendant la période considérée ont peut-être déformé
sensiblement le tableau d’ensemble. Comme on l’a montré au chapitre 3, l’informalité
est étroitement liée aux niveaux de qualification. Le caractère procyclique observé
pourrait s’expliquer en partie par l’arrivée d’un plus grand nombre de travailleurs peu
qualifiés (du fait de taux de participation accrus ou de migrations internes). De même,
Galiani et Weinschelbaum (2007) font observer que l’augmentation du taux d’activité
des femmes a pu contribuer – de manière procyclique – à l’accroissement observé
de l’emploi informel.
119
CHAPITRE 5. RÉSILIENCE ÉCONOMIQUE: LA DYNAMIQUE DE L’INFORMALITÉ
2. Emploi informel et croissance durable à long terme
Sur la base des données recueillies pour cette étude, on peut illustrer l’effet de
l’emploi informel sur la durabilité de la croissance à long terme (voir le graphique 5.1).
La stabilité de la croissance à long terme peut être mesurée soit par la fréquence
des crises du cycle économique, soit par la fréquence des phénomènes extrêmes
(taux de croissance extrêmement élevés ou extrêmement faibles).1 Le graphique 5.1
montre que les pays ayant une vaste économie informelle ont tendance à connaître
plus fréquemment des crises de croissance et des phénomènes de croissance
extrêmes. Prises ensemble, les deux parties du graphique montrent que, même
si une accélération de la croissance peut se produire plus fréquemment dans les
pays qui ont une vaste économie informelle, le risque d’arrêts brusques et de crises
économiques est également sensiblement plus élevé dans ces pays, ce qui empêche
une expansion économique durable à long terme. Il faut noter que cette illustration
n’établit aucun lien de causalité entre les deux phénomènes, mais suggère une
régularité empirique.
Élevé
CHAPITRE 5
Taux d'emploi informel moyen
Graphique 5.1 Informalité et durabilité de la croissance à long terme
(1990-2006)
Intermédiaire
Faible
Élevé
Faible
Fréquence des crises
Faible
Intermédiaire
Élevé
Fréquence des phénomènes extrêmes
Note: Le graphique indique la fréquence moyenne des phénomènes extrêmes mesurée par le
coefficient d’aplatissement des taux de croissance annuels moyens du PIB pendant la période
1990-2006. Les 31 pays de l’échantillon sont groupés selon leur taux moyen d’informalité
pendant cette période.
Source: Estimations de l’IIES, d’après la base de données de l’IIES sur l’informalité.
120
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Dans le même ordre d’idée, Ferreira-Tiryaki (2008) vérifie si une augmentation
tendancielle de la taille de l’économie informelle a un effet sur la volatilité du cycle
économique. Selon qu’il existe une relation contracyclique ou procyclique entre
l’économie informelle et l’économie formelle, l’effet sur la volatilité est important au
cours du cycle. Les politiques de stabilisation doivent tenir compte des conséquences
de ce lien. Cette étude confirme que plus le secteur informel est large, plus le cycle
économique est instable. Elle démontre en outre l’importance des politiques à cet
égard. La faiblesse des institutions – qui accroît l’incidence de l’emploi informel
– aggrave les fluctuations économiques et augmente la volatilité de la production,
de l’investissement et de la consommation. Ces constatations sont conformes
aux résultats des recherches antérieures d’Acemoglu (2001), selon lesquels les
chocs macro-économiques n’ont qu’un impact mineur sur la volatilité économique
une fois éliminé l’effet des institutions. Cette augmentation de la volatilité du cycle
économique constitue une difficulté particulière pour les politiques de stabilisation,
car elle est généralement associée à une moindre croissance de la production,
de l’investissement et de l’emploi. Dans le même temps, comme l’emploi informel
réduit l’efficacité des stabilisateurs automatiques, des interventions budgétaires et
monétaires discrétionnaires supplémentaires sont nécessaires pour contrecarrer
cette volatilité accrue.
C. Flux de capitaux et informalité
Les flux de capitaux internationaux ont une influence sur les marchés du travail
informels. Certaines formes d’apports de capitaux peuvent être liées à une
augmentation de l’incidence de l’emploi informel, en raison de leurs effets macroéconomiques et microéconomiques. En revanche, la destination de ces flux n’est pas
indépendante des caractéristiques particulières d’un pays: les pays où l’économie
informelle est plus vaste ont des chances de recevoir plus d’un type particulier d’apport
de capitaux que les autres. La présente section examine les liaisons réciproques
entre les deux phénomènes, telles qu’elles ont été analysées dans la littérature.
1. Aide extérieure et informalité
L’aide extérieure peut jouer un rôle indirect dans la détermination de l’impact
de l’informalité sur le commerce. On a constaté dans le passé que des apports
importants d’APD affectaient les résultats économiques d’un pays d’au moins deux
manières: a) appréciation de la monnaie due aux apports importants de capitaux
CHAPITRE 5. RÉSILIENCE ÉCONOMIQUE: LA DYNAMIQUE DE L’INFORMALITÉ
121
non stérilisés; et b) comportement improductif de recherche de rente, par exemple
attente d’un emploi dans les bureaux locaux d’organisations internationales et fortes
hausses de salaire. Ces deux situations font partie de ce qu’on appelle le «syndrome
hollandais», qui fait qu’un secteur particulier croît beaucoup plus vite que le reste de
l’économie, avec peu de retombées en termes de demande intersectorielle.
En revanche, l’APD peut être utilisée de manière productive lorsqu’elle est orientée
vers des projets d’investissement publics ou lorsqu’elle est utilisée pour mettre en
place un système de sécurité sociale de base qui aide l’économie à mieux résister
aux chocs extérieurs. Dans une telle situation, l’aide extérieure vient compléter les
dépenses publiques pour renforcer l’impact global. Dans la mesure où l’APD est
déterminée sur la base des caractéristiques du marché du travail dans les différents
pays bénéficiaires, l’informalité pourrait avoir un effet positif sur le potentiel de
croissance à long terme.
Surtout, il faut répondre à la question de savoir si la taille de l’économie informelle
ou, du moins, la simple existence de l’emploi informel a été un facteur déterminant
dans l’orientation de l’aide extérieure vers les pays en développement; ce serait là un
effet indirect de l’informalité sur la capacité de croissance et d’exportation d’un pays.
Cette hypothèse n’a guère été soutenue dans la littérature empirique. Au contraire,
la plupart des études s’accordent sur le fait que l’APD est octroyée sur la base de
considérations politiques ou compte tenu de la proximité culturelle, géographique
ou linguistique. En outre, les rigidités bureaucratiques empêchent souvent d’allouer
l’aide extérieure uniquement en fonction des besoins potentiels du pays bénéficiaire,
mesurés par son niveau de développement économique. Par conséquent, s’il peut en
principe exister un lien entre l’APD, l’informalité et la croissance d’un pays, ce lien est
probablement très faible en pratique.
CHAPITRE 5
Les données sur ces effets ne sont pas concluantes, et l’on n’a pas accordé beaucoup
d’attention au rôle de l’économie informelle pour expliquer l’impact de l’aide sur la
situation d’un pays. Il a été dit que le secteur informel pouvait aider les responsables
politiques à amortir les effets macro-économiques défavorables des apports d’aide
massifs, maximisant ainsi leur effet stimulant. En particulier, la grande flexibilité
des prix et des salaires observée dans l’économie informelle permet à la politique
monétaire de jouer pleinement son rôle en stérilisant les entrées de devises, ce qui
permet d’éviter l’appréciation de la monnaie (Prati et Tressel, 2006).
122
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
2. Investissement étranger direct et emploi informel
(a) Les chaînes de production mondiales et la division internationale
du travail (informel)
Depuis quelques années, le rôle de l’économie informelle dans la détermination
des flux de capitaux internationaux occupe une plus grande place dans le débat
intellectuel et politique. L’existence de réseaux de production mondiaux pratiquant
l’externalisation en recourant à des entreprises qui appartiennent à l’économie
informelle ou qui emploient de nombreux travailleurs informels suscite de vives
préoccupations, concernant l’utilisation de normes du travail inférieures dans les
pays en développement et le risque de «nivellement par le bas» (Hayter, 2004). Ces
chaînes d’approvisionnement sont généralement structurées autour d’une entreprise
dominante qui reçoit des intrants de divers fournisseurs situés dans différents pays
ou régions. Souvent, ces liaisons s’apparentent à des relations monopsonistes
dans lesquelles le pouvoir de marché reste entre les mains de l’assembleur final,
ce qui exerce de fortes pressions de coût sur les fournisseurs. Certains affirment
même que l’emploi informel est indispensable pour que ces réseaux mondiaux
puissent conserver la flexibilité nécessaire pour réagir rapidement aux changements
(régionaux) de la demande des consommateurs (Barrientos et Barrientos, 2002).
Toutefois, en l’absence d’une totale intégration verticale, les entreprises dominantes
n’ont aucune prise sur les normes du travail, les salaires ou le statut des employés
travaillant pour leurs fournisseurs (Nordås, 2005), de sorte qu’il leur est difficile
- mais pas impossible - d’influer directement sur leurs pratiques d’entreprise.
La logique sous-jacente de ces chaînes d’approvisionnement mondiales est conforme
à la conception structuraliste: les marchés du travail informels permettent de réduire
les coûts de main-d’œuvre – ce qui est essentiel pour que les fournisseurs locaux
puissent faire face aux constantes pressions de coût auxquelles ils sont confrontés.
Leur position dans la chaîne d’approvisionnement (dépendance complète à l’égard
d’un ou, au mieux, de quelques clients pour leurs produits) les empêche d’acquérir
un pouvoir de marché ou d’accumuler suffisamment de ressources pour diversifier
leurs activités et croître jusqu’à atteindre une taille suffisante. Autrement dit, les
marchés du travail informels sont à la fois un moteur et une conséquence de ces
réseaux. À cet égard, la position dominante des clients finals vis-à-vis de leurs
fournisseurs intermédiaires est essentielle à cette relation d’interdépendance.
Lorsque les producteurs qui se trouvent à un niveau inférieur dans la chaîne de valeur
parviennent à partager une partie des profits globaux avec les détaillants finals, les
CHAPITRE 5. RÉSILIENCE ÉCONOMIQUE: LA DYNAMIQUE DE L’INFORMALITÉ
123
chaînes d’approvisionnement mondiales peuvent avoir un effet de ruissellement sur
les marchés du travail informels, ce qui aide le pays à améliorer son niveau de vie
(Ponte, 2008).
(b) Les zones franches industrielles:
bienfait?
une malédiction ou un
L’établissement de ZFI est un exemple particulier de relations de production verticales.
Les ZFI se sont répandues dans le monde en développement au cours des 15 ou 20
dernières années, en partie pour surmonter les problèmes économiques et politiques
qui ont (apparemment) empêché l’investissement réussi de capitaux étrangers dans
d’autres parties de l’économie. En général, la création d’une ZFI est, par nature, une
décision politique. Toutefois, plusieurs études confirment que l’existence d’un vaste
secteur informel dans une région particulière accroît la probabilité qu’un pays cherche
à encourager l’investissement étranger direct (IED) dans la région concernée en y
établissant une ZFI (voir, par exemple, Jenkins (2005) pour le cas du Costa Rica).
Autrement dit, l’existence d’un vaste secteur informel accroît les chances d’une ZFI
de bénéficier de l’existence d’une main-d’œuvre bon marché et flexible pour produire
des biens d’exportation à forte intensité de main-d’œuvre (Cling et Letilly, 2001). En
particulier, l’existence (préalable) d’un large secteur de production à domicile semble
être une condition propice à la création de ZFI. En effet, des éléments indirects
CHAPITRE 5
Non seulement les chaînes de production mondiales aggravent les conditions de
travail déjà difficiles existant dans les pays en développement, mais encore elles
peuvent constituer elles-mêmes une source d’instabilité. La crise financière mondiale
actuelle est un cas d’école particulièrement intéressant (voir Hoekman (2009))
pour analyser le rôle des chaînes de production mondiales dans la transmission
internationale des chocs de demande. Il a été dit que les liaisons verticales
transnationales qui caractérisaient ces réseaux constituent un multiplicateur des
chocs de demande locaux, affectant rapidement la croissance économique au niveau
mondial. Ces forces déstabilisatrices de la mondialisation vont manifestement à
l’encontre de l’attente d’un meilleur partage international des risques qui devrait
résulter de l’intégration commerciale (Imbs, 2004). À cet égard, même si l’économie
informelle n’a pas de lien de causalité avec la crise mondiale, elle a influencé les
schémas de la mondialisation qui ont induit des effets multiplicateurs à travers les
réseaux commerciaux (Nanto, 2009). Autrement dit, le fait que l’existence d’une
vaste économie informelle attire les investisseurs internationaux conduit à une plus
large propagation géographique des chocs, ce qui affaiblit encore les conditions
économiques et sociales dans les pays concernés.
124
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
indiquent que les ZFI font largement appel à la main-d’œuvre – principalement
féminine – qui travaillait auparavant dans la production à domicile dans l’économie
informelle (Rama, 2003).
Les ZFI semblent procurer plusieurs avantages au pays dans lequel elles sont
établies (Aggarwal, 2007). Non seulement elles offrent des possibilités d’emploi
meilleures et plus stables à ceux qui travaillaient auparavant dans le secteur informel,
mais encore les emplois y sont généralement mieux rémunérés et assortis de
meilleures conditions de travail. Les femmes, en particulier, semblent en bénéficier,
ce qui tient en partie au fait qu’elles représentent généralement une forte proportion
des travailleurs informels (Kusago et Tzannatos, 1998). Autre point important,
les travailleurs du secteur informel qui trouvent un emploi dans une ZFI ont alors
généralement accès à une formation de base ou à d’autres types de formation de
capital humain, ce qui augmente considérablement leurs chances de rester employés
dans le secteur formel. En outre, les ZFI ont des effets indirects sur l’emploi, par
exemple en générant une demande additionnelle de biens et de services produits
localement, en partie – mais pas exclusivement – dans l’économie formelle. Enfin,
elles aident à attirer des ressources supplémentaires à travers les transferts de
technologie et les investissements internationaux, ce qui profite au pays destinataire
et aide à instaurer un environnement plus favorable à la croissance et au commerce
(modernisation technologique).
La réussite des ZFI et leurs avantages pour le pays dépendent en grande partie de
l’environnement et de la mise en place de politiques et de liens complémentaires (Ge,
1999). Les avantages dynamiques que peut procurer une ZFI dépendent aussi du
niveau de développement du pays, car les pays plus pauvres peuvent avoir plus de
mal à absorber les innovations technologies dans leur économie. À cet égard, les
avantages sont plus grands dans les pays qui ont réussi à établir de solides liaisons
en aval entre les investisseurs internationaux et les fournisseurs locaux (Engman et
al., 2007). Mais cela n’est pas toujours possible, en particulier quand les producteurs
locaux ne peuvent pas respecter certaines normes, notamment en termes de qualité
et de délais, ou quand les producteurs des ZFI exercent une pression excessive sur
les marges des sous-traitants en exploitant pleinement leur pouvoir monopsoniste.
Ce dernier point montre qu’il peut être avantageux de diversifier et de multiplier les
efforts de création de ZFI, de manière à permettre une concurrence saine sur le
marché intérieur des intrants entre les entreprises des ZFI. Lorsque la taille du pays
ne permet pas une telle diversification, le soutien institutionnel des pouvoirs publics
aux activités de regroupement et la création d’un climat d’affaires stable, conjugués à
des politiques macro-économiques appropriées, semblent aussi permettre aux pays
de tirer profit de la création de ZFI (Makoond, 2004).
CHAPITRE 5. RÉSILIENCE ÉCONOMIQUE: LA DYNAMIQUE DE L’INFORMALITÉ
125
Notes
CHAPITRE 5
1 La fréquence des crises du cycle économique est mesurée par l’asymétrie de la distribution
des taux de croissance annuels du PIB à l’intérieur des pays. Plus la distribution est asymétrique
vers la droite, plus les cas dans lesquels les taux de croissance sont négatifs ou très bas sont
fréquents. La fréquence des événements extrêmes est mesurée, quant à elle, par le coefficient
d’aplatissement de la distribution des taux de croissance annuels du PIB à l’intérieur des pays.
Plus le coefficient est élevé, plus les queues de la distribution sont grandes, ce qui indique que
des taux de croissance extrêmement bas («crise») ou extrêmement élevés («accélération de la
croissance») se produisent plus fréquemment que dans un échantillon distribué normalement.
CHAPITRE 6. MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL: UNE ÉVALUATION EMPIRIQUE
127
CHAPITRE 6: Mondialisation et emploi informel:
une évaluation empirique
Le présent chapitre donne des éclaircissements sur les liens entre les réformes
commerciales, l’intégration dans l’économie mondiale et la taille de l’économie
informelle. Il présente une analyse empirique fondée sur une nouvelle base de
données qui fournit des renseignements sur l’incidence de l’informalité et la taille
de l’économie souterraine. Il vise à clarifier le caractère polymorphe du processus
de mondialisation et ses conséquences pour les marchés du travail des pays en
développement. Il commence par une description des principales questions
découlant de l’analyse faite dans les chapitres précédents. Puis, il donne un aperçu
des matériaux empiriques et de la méthodologie, avant de présenter les résultats.
Un examen plus technique des différentes questions qui se posent au sujet de
l’approche empirique choisie ici figure à l’annexe 2. Les principales conclusions sont
présentées dans l’encadré 6.1.
A. Contexte
L’examen de la littérature présentée dans les chapitres précédents a fait apparaître
un ensemble complexe d’interactions entre l’ouverture économique et l’économie
informelle dans les pays en développement. Pour examiner ces questions de
plus près, nous poserons quatre questions (Q1 à Q4) pour une analyse empirique.
Dans les réponses à ces questions, nous faisons une distinction entre l’ouverture
commerciale de facto et de jure; la première se réfère aux flux effectifs de biens et de
services entre les pays, et la seconde désigne la mesure dans laquelle les réformes
commerciales ont été mises en œuvre. En principe, les deux sont étroitement liées,
mais de manière dynamique, sans qu’il faille s’attendre à un impact concomitant des
réformes commerciales sur l’ouverture du commerce. Cela peut permettre de révéler
la dynamique du processus d’ajustement. Bien que l’on ne sache pas grand-chose
sur cette dynamique, on peut s’attendre à ce que les réformes commerciales de jure
CHAPITRE 6
1. Vérification des liens entre l’informalité et le commerce
128
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Encadré 6.1 Principales conclusions
 L’analyse empirique effectuée aux fins de cette étude montre que l’incidence
de l’emploi informel est généralement plus faible dans les économies plus
ouvertes. En revanche, les réformes commerciales, comme la réduction
des droits de douane, sont généralement associées à une augmentation de
l’emploi informel. L’emploi informel a aussi tendance à augmenter lorsque
l’IED augmente. Ces constatations peuvent laisser penser que, bien qu’elles
promettent la création de plus d’emplois de meilleure qualité à long terme, les
réformes du commerce et de l’investissement ont tendance à être associées
à des évolutions négatives sur le marché du travail à court terme.
 Les politiques de travail décent peuvent aider à améliorer cet arbitrage
entre les effets à court terme et à long terme des réformes commerciales.
Les éléments présentés dans ce chapitre semblent indiquer que l’incidence
de l’emploi informel est plus faible dans les pays où a) la primauté du droit
et notamment les normes fondamentales du travail sont mieux respectées;
b) la réglementation sur la protection sociale et le travail est bien conçue,
notamment avec un salaire minimum fixé à un niveau approprié, et c) la
réglementation des affaires est plus transparente et l’environnement est plus
favorable à la création durable d’entreprises.
 Il est important de noter que l’analyse empirique met en lumière la
possibilité d’un cercle vertueux dans lequel la diminution de l’informalité
faciliterait l’intégration internationale, ce qui favoriserait la création d’emplois
formels et réduirait encore l’informalité. Il y a en particulier une association
empirique entre une moindre informalité et une plus grande diversification
économique et commerciale. Cette plus grande diversification stimule
elle-même les performances économiques et permet de réduire encore
plus l’informalité. Enfin, de nombreux éléments montrent que la diminution
de l’informalité favorise la répartition plus équilibrée des gains issus de la
croissance économique et de la mondialisation.
CHAPITRE 6. MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL: UNE ÉVALUATION EMPIRIQUE
129
prennent du temps avant d’aboutir à une ouverture commerciale de facto. De même,
les avantages potentiels de l’ouverture commerciale en termes d’augmentation des
taux de formalisation peuvent aussi prendre du temps pour se matérialiser si une
redistribution sectorielle a lieu après les réformes commerciales.
Q1: L’ouverture commerciale et les réformes commerciales ont-elles toutes deux un
impact sur l’incidence de l’emploi informel et, dans l’affirmative, cet impact se produitil dans le même sens?
La mondialisation ne désigne pas seulement l’intégration commerciale croissante
des pays dans l’économie mondiale. D’autres aspects entrent en ligne de compte et
peuvent avoir un effet tout aussi marqué sur le marché du travail informel. Comme
on l’a dit plus haut, les ZFI et, plus généralement, l’investissement étranger direct
peuvent aussi avoir un impact sur les taux d’informalité. Conformément à l’analyse
faite dans le chapitre 2 sur l’importance des réseaux sociaux pour le commerce,
d’autres facteurs non économiques tels que l’intégration sociale plus poussée, des
contacts personnels plus étroits et des flux d’information plus intenses peuvent
également influencer les résultats des secteurs exportateurs, ce qui peut avoir un
effet sur l’incidence de l’emploi informel.
Les taux d’informalité ne sont pas seulement influencés par des facteurs économiques
et sociaux tels que la participation d’un pays à l’économie mondiale. D’autres
aspects du marché du travail intéressant les politiques sont également importants.
En particulier, l’environnement réglementaire, par exemple le coût d’entrée pour les
nouvelles entreprises, les charges administratives et la bureaucratie déterminent de
façon décisive le taux de formalisation des entreprises. De même, la réglementation
du marché du travail concernant les coûts d’embauche et les restrictions en matière
de licenciement peut dissuader les entreprises de créer des emplois dans le secteur
formel. Parallèlement, l’ouverture des économies fait que les entreprises doivent
être capables de soutenir la concurrence dans des conditions d’égalité, en s’adaptant
rapidement aux changements dans leur environnement. La législation sur le salaire
minimum peut donc aider les entreprises formelles à concurrencer les entreprises
informelles, car le salaire minimum constitue un plancher qui est également obligatoire
dans le secteur informel (comme cela a été expliqué ci-dessus). En revanche, les
CHAPITRE 6
Q2: Quels autres aspects de la mondialisation semblent influencer les taux
d’informalité? Les mesures de l’IED, de la mondialisation sociale, des contacts
personnels et des flux d’information sont-elles pertinentes pour déterminer
l’informalité?
130
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
négociations salariales au niveau des entreprises aident celles-ci à s’adapter plus
rapidement aux chocs commerciaux résultant de l’ouverture économique et limitent
donc les conséquences défavorables pour le marché du travail formel.
Q3: Comment et dans quelle mesure les réformes réglementaires et les politiques
du marché du travail déterminent-elles la capacité d’un pays à s’adapter aux réformes
commerciales et à réduire le degré d’informalité?
Les politiques du marché du travail peuvent garantir des conditions égales pour tous
en imposant des normes minimales qui ont des retombées sur l’emploi informel. Leur
impact sur l’incidence de l’emploi informel peut donc être ambivalent.
Comme cela a été dit dans l’introduction de cette étude, des taux élevés d’informalité
ne posent pas seulement un problème du point de vue de l’équité sociale; ils peuvent
aussi nuire à l’efficience économique. L’existence d’un large secteur informel a
un impact sur les résultats des exportateurs dans l’économie internationale. Elle
peut empêcher les entreprises d’accéder à de nouveaux secteurs en limitant le
développement de nouvelles compétences et du capital humain nécessaire. De
ce fait, les pays restent confinés dans un ensemble particulier – et restreint – de
secteurs. En conséquence, une incidence élevée de l’emploi informel freine la
croissance du PIB et la création d’emplois, ce qui s’ajoute à ses effets négatifs sur la
répartition du revenu disponible.
Q4: Est-ce que l’existence d’un vaste secteur informel nuit à la croissance économique,
freine la création d’emplois, aggrave l’inégalité des revenus et empêche un pays de
diversifier sa base d’exportation?
La question est en fait de savoir si l’économie informelle verrouille la structure
de spécialisation d’un pays et limite la diversification de ses exportations, ce qui
peut avoir des effets très négatifs sur la croissance du PIB, la création d’emplois et
l’inégalité des revenus.
Ces quatre questions constituent le contexte de l’étude empirique qui suit. Avant
de présenter les résultats, nous donnons un bref aperçu des données et de la
méthodologie empirique.
CHAPITRE 6. MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL: UNE ÉVALUATION EMPIRIQUE
131
2. Évaluation de l’informalité et de ses éléments moteurs
L’exposition au commerce international et l’intégration dans l’économie mondiale
ont été mesurées au moyen de deux catégories de variables: a) les indicateurs
classiques de l’ouverture commerciale, qui mesurent la somme des importations et
des exportations par rapport au PIB (avec et sans les exportations et importations
de produits de base et de pétrole); et b) les indicateurs des réformes commerciales
tels que l’évolution des diverses moyennes tarifaires et les modifications des
restrictions au commerce, ou le coût de mise en conformité à l’exportation et à
l’importation. Pour différencier encore plus les diverses hypothèses, l’ouverture
commerciale de facto a été décomposée en indicateurs relatifs à l’évolution des
exportations (croissance annuelle des exportations et part des exportations dans
le PIB) et au degré de pénétration des importations. Des indicateurs permettant
d’évaluer le caractère périphérique d’une économie par rapport aux grands centres
économiques, ont été utilisés pour déterminer l’importance de la densité des réseaux
pour la réussite commerciale et la formalisation des emplois. Enfin, la concentration
ou la diversification relative des exportations de marchandises ont été évaluées sur
la base de l’indice de concentration des exportations de la CNUCED.
L’impact de la mondialisation sur les pays en développement a été évalué de
façon plus large, à l’aide des indicateurs de la mondialisation élaborés par la
Konjunkturforschungsstelle (KOF) de Zurich (Dreher et al., 2008). Ces indicateurs
comprennent non seulement des statistiques du commerce international et des flux
d’investissement, mais aussi des indicateurs relatifs à la mondialisation sociale et
politique d’un pays (par exemple, l’intensité des flux d’information, la fréquence des
contacts personnels entre pays, l’échange d’idées politiques, etc.). Ils permettent
CHAPITRE 6
Aux fins de la présente étude, des données sur la taille de l’économie informelle ont
été rassemblées selon les critères indiqués par l’analyse conceptuelle et l’examen
des questions de mesures figurant au chapitre 2. Pour assurer la comparabilité entre
les pays, on a recueilli des renseignements sur les taux d’informalité dans les zones
urbaines en laissant de côté l’informalité dans le secteur rural. Ces renseignements
ont été complétés par d’autres indicateurs comme les estimations de l’informalité
disponibles dans la base de données de l’OIT sur les indicateurs-clés du marché du
travail (KILM) ou les estimations sur l’économie souterraine de Schneider et Enste
(2000). La mesure de l’incidence de l’emploi informel que nous privilégions couvre
l’essentiel de la période 1990-2006 et les pays représentatifs d’Amérique latine,
d’Afrique et d’Asie, la couverture de ces deux dernières régions étant plus restreinte.
132
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
donc d’évaluer non seulement l’effet du commerce des biens et des services, mais
aussi l’importance de l’échange d’informations, des contacts personnels et de la
proximité culturelle et l’influence des idées politiques parmi les groupes intéressés.
Ces derniers indicateurs complètent les indicateurs de distance fondés uniquement
sur la géographie.
Des variables de contrôle classiques ont été incluses dans toutes les estimations
présentées ci-dessous. Un premier indicateur couramment utilisé dans la littérature
est le niveau de développement économique mesuré par habitant. Divers indicateurs
sont disponibles selon que le développement économique est mesuré sur la base
des dépenses ou des revenus et que les données sont exprimées en valeur nominale
ou en valeur réelle. On a utilisé les indicateurs figurant dans la base de données
des Indicateurs du développement dans le monde, notamment le PIB par habitant,
le revenu national brut (RNB) par habitant et le revenu disponible des ménages.
On a utilisé en outre des indicateurs relatifs à la population tels que la taille relative
de la population en âge de travailler, la part des jeunes dans la population totale,
la croissance démographique et la taille de la population urbaine par rapport à la
population rurale, afin d’éliminer l’effet de la croissance de la population active et de
la pression sur le marché du travail urbain pour l’absorption des nouveaux entrants.
Outre les indicateurs relatifs à l’ouverture commerciale et aux droits de douane, la
base de données contient diverses variables sociales, institutionnelles et politiques,
provenant de diverses sources internationales (voir l’annexe 1 pour une description
détaillée des données et de leurs sources). En particulier, les indicateurs suivants
ont été utilisés dans plusieurs cas dans l’analyse empirique:
 variables relatives à la réussite scolaire à différents niveaux (primaire, secondaire
et supérieur);
 indicateurs relatifs à la réglementation du marché du travail et des marchés de
produits tels que le niveau du salaire minimum, les charges administratives et le coût
d’entrée pour les entreprises;
 indicateurs de la qualité générale de la gouvernance, par exemple, lutte contre la
corruption, bureaucratie/application de la loi et primauté du droit, etc.;
 variables relatives à l’importance du secteur public et de la fiscalité pour déterminer
dans quelle mesure les entreprises sont exposées à certains types de distorsions.
CHAPITRE 6. MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL: UNE ÉVALUATION EMPIRIQUE
133
Notre mesure de l’incidence de l’emploi informel est très persistante dans le temps.
Il se peut donc que les techniques d’estimation classiques ne soient pas applicables,
car elles donneraient des résultats biaisés. Cependant, des innovations récentes
dans le domaine de l’économétrie de panel aident à résoudre ces problèmes. Un
problème connexe vient du fait que bon nombre de nos variables explicatives
souffrent d’une faible variabilité dans le temps, en partie parce que la période
considérée est relativement courte. En général, les variables relatives aux politiques,
telles que la réglementation du marché du travail et des marchés de produits
(mais aussi certains indicateurs relatif aux réformes commerciales qui restreignent
grandement l’échantillon en raison de leur disponibilité limitée) montrent qu’il y a
très peu de variation à l’intérieur des échantillons par rapport à la variation entre les
échantillons. Dans une régression classique sur échantillon, contrôlant les effets
fixes, il peut devenir impossible de distinguer ces variables des effets spécifiques
au pays. Par conséquent, dans une autre spécification, on contrôle aussi cette
variabilité limitée dans le temps en appliquant une technique récente dénommée
décomposition vectorielle des effets fixes du pays (Plümper et Tröger, 2007). Enfin
et surtout, comme on l’a vu dans les chapitres 4 et 5, il y a des raisons de penser que
le niveau d’informalité influe sur le degré d’ouverture ou sur la probabilité d’introduire
une réforme. Ce lien de causalité inverse crée un problème d’endogénéité qui peut
fausser les résultats de l’estimation. Comme cela est expliqué ci-dessous et dans
l’annexe 2, plusieurs techniques sont utilisées pour remédier à ce problème.
CHAPITRE 6
À l’aide de cette nouvelle base de données, on a constitué un échantillon de 31
pays pour la période allant du début des années 1990 au début des années 2000.
La nature des données permet d’utiliser des techniques de données de panel pour
vérifier les différentes hypothèses présentées ci-dessus. Outre la réserve générale
concernant la taille limitée de l’échantillon, trois grandes questions se posent lorsqu’on
utilise ces techniques économétriques (voir l’annexe 2 pour plus de précisions sur les
aspects techniques).
134
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
B. Impact de la mondialisation sur l’emploi informel
Passons maintenant à la présentation des résultats.
1. L’ouverture commerciale de facto et les réformes
commerciales affectent différemment les marchés du travail
Pour toutes les spécifications et compte tenu des divers fondamentaux économiques,
l’ouverture commerciale semble être corrélée avec une informalité moindre, et non plus
grande (voir le tableau A2.1 de l’annexe 2). Cela est également vrai si on remplace
l’ouverture commerciale par un concept plus général: l’ordre de grandeur des flux
économiques, incluant les investissements étrangers directs, les investissements de
portefeuille et le rendement des actifs étrangers. Mais cela n’est pas vrai dans le
contexte d’un retrait des obstacles au commerce et d’une réduction des droits de
douane. Avec différents indicateurs, tels que les moyennes tarifaires pondérées ou
non en fonction des échanges et les restrictions au commerce, nos spécifications
montrent qu’il existe une relation positive entre les réformes commerciales qui font
baisser ces indicateurs et les taux d’informalité.
Dans le même temps, d’autres indicateurs, qui offrent un tableau plus global du
processus de mondialisation, donnent des résultats contrastés concernant l’impact
sur les marchés du travail informels. Les contacts personnels et l’amélioration des
flux d’information ont aidé à réduire l’informalité dans certains pays de l’échantillon,
conformément aux arguments théoriques développés plus haut. Cette idée est
confirmée par le fait que l’éloignement géographique par rapport aux principaux
marchés mondiaux est lié à une plus grande incidence de l’emploi informel. En
revanche, les IED entrants semblent avoir fait augmenter les taux d’informalité dans
l’échantillon, ce qui pourrait être considéré comme un élément étayant l’hypothèse
structuraliste selon laquelle l’économie informelle est au service du secteur formel
(en supposant que l’IED a lieu dans le secteur formel). Enfin, des renseignements
sommaires concernant le processus de mondialisation, fournis par l’indicateur de la
KOF, indiquent aussi un lien positif avec l’informalité.
Le graphique 6.1 résume la contribution des différents facteurs dans notre
spécification préférée. Elle confirme l’image contrastée qui ressort des études
antérieures, comme nous l’avons vu dans les chapitres précédents. Toutefois,
nos estimations montrent aussi qu’il y a un clivage entre l’ouverture commerciale
de facto et les réformes commerciales de jure. Comme le montre le tableau A2.1
CHAPITRE 6. MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL: UNE ÉVALUATION EMPIRIQUE
135
CHAPITRE 6
de l’annexe 2, cette distinction peut être faite de manière constante avec tous
les indicateurs pour les deux aspects de l’ouverture économique. Comment cela
peut-il être interprété? Dans la mesure où les réformes commerciales exigent un
processus d’ajustement économique et un redéploiement de la main-d’œuvre entre
les secteurs, comme cela a été expliqué précédemment, il est probable que l’impact
immédiat des réformes sera négatif pour les marchés du travail formels dans les
pays en développement, ce qui ressort aussi de nos estimations. En revanche, une
fois que le passage à une économie plus ouverte s’est effectué avec succès, des
échanges économiques efficaces aident à renforcer les marchés du travail formels,
attirant de nouveaux travailleurs et créant des possibilités de travail décent. Il faut
noter que les deux effets indiqués dans le graphique ne peuvent être déduits l’un
de l’autre. Au contraire, l’indicateur de l’ouverture commerciale de facto pourrait
être interprété comme représentant l’effet cumulé des réformes commerciales
passées sur les taux d’informalité à long terme (avec d’autres facteurs qui influent sur
l’ouverture commerciale). En revanche, l’effet opposé des réformes commerciales
de jure (mesurant la modification des restrictions au commerce et des droits de
douane), peut être considéré comme représentant l’effet immédiat de ces réformes
sur les marchés du travail informels, effet qui est censé disparaître avec le temps1
Toutefois, comme cela est confirmé par certains des tests de robustesse présentés
dans l’annexe, des recherches supplémentaires peuvent être nécessaires pour mieux
comprendre la dynamique de l’ajustement et révéler l’importance de l’arbitrage entre
les coûts à court terme et les avantages à long terme des réformes commerciales.
136
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
80
49,9
100
60
40
8,4
20
Total
Autres
facteurs
Investissement
étranger direct
2,3
Distance
geographique
-40
4,9
Réformes
commerciales
-20
26,0
Ouverture
commerciale
0
8,5
Développement
économique
Contribution des facteurs (en %)
Graphique 6.1 Influence de la mondialisation et d’autres facteurs
économiques sur l’emploi informel
Note: Le graphique indique la contribution des différents facteurs économiques à
l’incidence moyenne de l’informalité dans la base de données sur l’informalité de
l’IIES. La contribution des facteurs qui réduisent l’informalité apparaît dans le quadrant
négatif et celle des facteurs qui l’augmentent dans le quadrant positif. La contribution
des réformes commerciales correspond à la variation de l’indice des «restrictions au
commerce» (voir la définition de la variable dans l’annexe 1); les valeurs plus élevées de
cet indice indiquent des obstacles au commerce moins restrictifs. Pour tenir compte d’un
éventuel biais d’endogénéité dans le coefficient estimé de l’ouverture commerciale, on a
utilisé sa valeur retardée. Voir l’annexe 2 pour plus de détails sur la méthode d’estimation
employée.
Source: Calculs des auteurs établis à partir de la base de données sur l’informalité de
l’IIES.
2. Les politiques publiques et la réglementation ont un
impact décisif sur l’emploi informel
Les politiques publiques et la réglementation jouent un rôle important en soutenant
le processus d’ajustement de la main-d’œuvre après l’ouverture au commerce. Nos
CHAPITRE 6. MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL: UNE ÉVALUATION EMPIRIQUE
137
En ce qui concerne l’environnement réglementaire, on peut démontrer que l’efficacité
globale de la gouvernance et le maintien de la primauté du droit contribuent à des
taux élevés de formalisation. De même, et en accord avec des auteurs comme de
Soto, des coûts d’entrée élevés pour les entreprises, la réglementation inefficace
et pesante des marchés de produits et la bureaucratie ont un effet défavorable sur
le secteur informel et augmentent l’emploi informel. D’une part, la réglementation
du marché du travail offre une image plus équilibrée: les systèmes décentralisés
de négociations salariales – qui donnent aux entreprises la possibilité de faire face
aux chocs liés à l’ouverture commerciale – semblent favoriser l’accroissement de
l’emploi formel. D’autre part, les salaires minimums n’ont pas d’effet, ou ont même
un effet positif, sur l’emploi formel, car ils égalisent les règles du jeu, ce qui aide les
travailleurs formels à concurrencer avec succès les travailleurs informels. Ce résultat
est conforme à ceux d’autres études qui montrent que les salaires minimums dans
l’économie formelle peuvent avoir des retombées positives sur l’économie informelle,
ce qui égalise les règles du jeu.
En s’appuyant sur l’analyse empirique de la section précédente, le graphique 6.2
résume les différents effets sur la base de la spécification préférée concernant
les politiques. L’objectif est de décomposer davantage la partie non expliquée du
graphique précédent en introduisant divers instruments de politique dans l’estimation
empirique. 2 Dans l’ensemble, les politiques et la réglementation du marché du travail
contribuent pour plus de 50 pour cent à la variation totale des taux d’informalité entre
les pays, le reste étant dû à d’autres facteurs d’ordre économique. À cet égard, il
faut noter que les facteurs typiques mis en relief par l’école légaliste – tels que la
CHAPITRE 6
estimations (voir le tableau A2.2 de l’annexe 2) confirment en partie les intuitions
antérieures de l’école légaliste au sujet des conséquences défavorables pour
l’informalité d’une lourde fiscalité, notamment dans le secteur exportateur, de la
bureaucratie et de l’absence de primauté du droit ou d’un degré élevé de corruption.
Les résultats donnent cependant une image plus nuancée des liaisons entre l’action
des pouvoirs publics et l’emploi informel. On peut montrer en particulier que les
dépenses publiques, les transferts et les subventions contribuent à la réduction
des taux d’informalité, ce qui justifie les politiques d’incitation visant à encourager
la formalisation des travailleurs en leur permettant de bénéficier de systèmes de
transferts sociaux. De même, des taux élevés d’imposition marginal des hauts
salaires ne semblent pas nuire aux marchés du travail informels, contrairement à
certains résultats présentés dans la littérature, qui semblent indiquer que de tels
taux incitent les travailleurs très qualifiés à devenir informels. Nos estimations ne
confirment pas cette hypothèse.
138
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
primauté du droit ou la réglementation des affaires – ne semblent pas jouer dans
notre échantillon un rôle aussi important qu’elle le prétend (Gindling et Terrell, 2005;
Khamis, 2008; Lemos, 2004).
20
0
6,2
-20
19,9
-40
8,1
-60
-80
12,6
19,7
12,1
21,3
-100
100
Réformes
commerciales
Corruption
Décentralisation des
négociations salariales
Réglementation des
entreprises
Transferts et
subventions
Ouverture
commerciale
Développement
économique
-120
Total
Contribution des facteurs (en %)
Graphique 6.2 Impact des politiques et de la réglementation sur
l’informalité
Note: Le graphique indique la contribution des différents facteurs économiques,
politiques et réglementaires à l’incidence moyenne de l’informalité dans la base de
données sur l’informalité de l’IIES. La contribution des facteurs qui réduisent l’informalité
apparaît dans le quadrant négatif et celle des facteurs qui l’augmentent dans le quadrant
positif. La contribution des réformes commerciales correspond à la variation de l’indice
des «restrictions au commerce» (voir la définition de la variable dans l’annexe 1); les
valeurs plus élevées de cet indice indiquent des obstacles au commerce moins restrictifs.
Pour tenir compte d’un éventuel biais d’endogénéité dans le coeffi cient estimée de
l’ouverture commerciale, on a utilisé sa valeur retardée. Voir l’annexe 2 pour plus de
détails sur la méthode d’estimation employée.
Source: Calculs des auteurs établis à partir de la base de données sur l’informalité
de l’IIES.
CHAPITRE 6. MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL: UNE ÉVALUATION EMPIRIQUE
139
C. L’emploi informel enferme-t-il les pays dans des
structures d’échanges?
Enfin, nous revenons à l’interaction entre, d’une part, la taille de l’économie informelle
et, d’autre part, les performances macro-économiques et la réussite commerciale
des pays en développement. En allant au-delà de l’analyse faite au chapitre 4 (voir
le tableau A2.3 de l’annexe 2), nous voulons en particulier établir un lien entre la
taille de l’économie informelle, son effet limitatif sur la réussite commerciale et la
diversification des exportations et les conséquences qui en découlent pour le
développement économique.
Nous cherchons à répondre à la première partie de la quatrième question en
régressant notre mesure de l’incidence de l’emploi informel sur la croissance du
PIB et l’inégalité des revenus. Les résultats de cette régression confirment le
consensus qui se dégage de la littérature existante au sujet de l’impact négatif d’une
forte incidence de l’emploi informel sur les performances macro-économiques et
l’inégalité des revenus. La croissance du PIB est entravée, indépendamment de toute
contribution positive d’autres facteurs tels que l’ouverture commerciale ou le niveau
d’instruction. De même, la croissance de l’emploi total est plus faible, et l’inégalité
des revenus augmente. Enfin, les estimations démontrent aussi que l’ouverture
commerciale apporte une contribution positive à la croissance, surtout lorsqu’elle
permet d’accroître le volume des exportations et aide ainsi le pays à accumuler des
réserves en devises.
CHAPITRE 6
Le fait que l’absence de diversification des exportations peut limiter la capacité
de croissance et de développement d’un pays est de plus en plus reconnu dans la
littérature. Empiriquement, on peut mettre en évidence une relation en forme de
U, dans laquelle la diversification des exportations augmente en même temps que
l’économie se développe. C’est seulement à un stade très avancé du processus de
développement que les pays commencent à se spécialiser de nouveau (Carrère et al.,
2007; Imbs et Wacziarg, 2003). Des recherches plus récentes soulignent le fait que
la diversification des exportations peut avoir un lien de causalité avec la croissance
économique, du moins aux premiers stades du développement économique (Dutt et
al., 2008). Ce lien de causalité peut être dû en partie aux changements de politique
sous-jacents qui favorisent simultanément la diversification des exportations et
l’amélioration des perspectives de croissance, par exemple grâce à des réformes
des marchés de produits ou à des réformes commerciales sectorielles (Bacchetta,
2007). Mais à ce jour, aucune recherche n’a permis d’établir un lien explicite entre
l’absence de diversification des exportations et l’existence d’une vaste économie
informelle.
140
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
L’analyse présentée dans ce chapitre tente en outre de répondre à la question de
savoir si la base d’exportation est limitée par des taux d’informalité élevés. Utilisant
l’indice de concentration des exportations de la CNUCED, nos estimations confirment
que la concentration des exportations augmente avec la taille du secteur informel.
Ce résultat est confirmé même si l’on élimine l’effet de la spécialisation commerciale
causée par l’ouverture du compte courant, c’est-à-dire qu’une forte incidence de
l’emploi informel a un effet négatif sur le degré de diversification des exportations,
indépendamment de l’intégration de facto du pays dans l’économie mondiale. Ce
résultat résiste aussi à une série d’autres variables de contrôle susceptibles d’agir sur
la concentration des exportations, telles que le PIB et la croissance démographique,
ou différents indicateurs concernant les réformes commerciales. Nos résultats sont
résumés dans le graphique 6.3, qui représente la contribution de différents facteurs
à un indice de concentration des exportations dans notre spécification préférée
et qui confirme que l’incidence de l’emploi informel est le facteur qui contribue le
plus (positivement) à une concentration accrue des exportations. En revanche,
une plus grande proportion d’exportations de produits manufacturés, les réformes
commerciales et – dans une bien moindre mesure – la croissance démographique
aident aussi un pays à diversifier sa base d’exportation.
Les résultats exposés ici confirment les propositions de base de l’étude: non
seulement l’emploi informel rend la répartition du revenu disponible plus inégale
mais encore il a un effet négatif sur les résultats macro-économiques d’un pays, de
sorte qu’il freine la croissance économique. En particulier, l’informalité joue un rôle
important car elle limite la base de la réussite commerciale d’un pays en concentrant
ses exportations sur un nombre limité de produits qui ont – souvent – une plus faible
valeur ajoutée et qui ne peuvent guère contribuer à la croissance.
141
CHAPITRE 6. MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL: UNE ÉVALUATION EMPIRIQUE
60
100
40
1,8
20
0
38,7
-20
44,3
Total
Croissance du
PIB
15,0
Taux d'informalité
-80
0,2
Réformes
commerciales
-60
Croissance
démographique
-40
Part des produits
manufacturés
Contribution des facteurs (en pourcentage)
Graphique 6.3 Déterminants de la concentration des exportations
Note: Le graphique indique la contribution des différents facteurs économiques à la
variation globale de l’indice de concentration des exportations de la CNUCED dans la
base de données sur l’informalité de l’IIES. La contribution des facteurs qui réduisent la
concentration des exportations apparaît dans le quadrant négatif, et celle des facteurs qui
l’augmentent dans le quadrant positif. La variation de la concentration des exportations
est mesurée comme étant l’écart type unitaire moyen de la concentration des exportations
dans les différents pays.
Notes
1 On pourrait considérer aussi qu’il représente les effets simultanés estimés de toutes les
réformes passées par opposition à une seule réforme présente. Cet effet négatif de la réforme
actuelle disparaîtra avec le temps et deviendra positif, comme cela s’est produit pour toutes les
réformes passées.
2
Il faut noter que l’IED a été éliminé du graphique en tant que déterminant en raison de
son caractère endogène eu égard à la plupart des politiques considérées. L’éloignement
géographique est aussi un facteur non significatif dans ce contexte, de sorte qu’il a été écarté.
CHAPITRE 6
Source: Calculs des auteurs établis à partir de la base de données sur l’informalité de
l’IIES.
CHAPITRE 7. DES POLITIQUES ROBUSTES POUR UN MONDE INCERTAIN
143
CHAPITRE 7: Des politiques robustes pour un
monde incertain
Cependant, les politiques de formalisation ne peuvent pas résoudre du jour au
lendemain des problèmes chroniques. Souvent, l’informalité est profondément
enracinée dans l’économie, de sorte que le changement ne peut être que progressif.
De plus, faute de marge de manœuvre budgétaire, ces politiques doivent souvent
être ciblées sur les catégories les plus démunies et les plus vulnérables de la société,
ce qui limite le groupe des bénéficiaires potentiels. En outre, la mise en place de
l’infrastructure juridique et publique nécessaire pour favoriser le retour dans le
secteur formel des travailleurs qui l’ont quitté volontairement, ou pour aider ceux
qui cherchent un emploi sur le marché du travail informel à trouver un emploi formel,
peut prendre du temps avant de donner des résultats satisfaisants. Néanmoins,
comme le fait valoir notre étude, les avantages à long terme de la formalisation
sont considérables, puisqu’elle entraîne une plus forte croissance potentielle, une
amélioration de la stabilité macro-économique et une consolidation des finances
publiques.
CHAPITRE 7
Il ressort de cette étude que l’informalité dans les pays en développement prive
environ 60 pour cent des travailleurs de ces pays de possibilités de revenus et de
carrière adéquates. Dans le même temps, les taux d’informalité élevés privent l’État
de ressources qui pourraient être utilisées de façon productive et ils freinent la
croissance de la demande globale, faisant ainsi obstacle à l’intégration des pays dans
l’économie mondiale. Cela signifie que des stratégies de formalisation efficaces
amélioreraient les conditions de travail pour de larges segments du marché de
l’emploi de ces pays, mais constitueraient aussi un puissant moteur de croissance,
tant pour les pays que pour l’économie mondiale. Dans le même temps, l’étude
affirme que, si elle est gérée convenablement, l’intégration d’un pays dans l’économie
mondiale peut aider les travailleurs informels en améliorant leur niveau de vie et
en leur donnant accès à des conditions de travail décentes. L’intégration dans les
marchés mondiaux et la lutte contre l’emploi informel devraient donc être considérées
comme complémentaires, car seuls les emplois du secteur formel permettent à un
pays de tirer pleinement profit de l’ouverture commerciale.
144
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Au fil du temps, les politiques de formalisation ont fait l’objet de nombreuses études
qui mettent particulièrement l’accent sur la réforme du marché du travail. L’examen
approfondi de ces travaux sort évidement du cadre de ce rapport, qui se concentre
sur les liens entre l’informalité et la mondialisation. Le but de ce chapitre est plutôt
d’intégrer les conclusions tirées de l’analyse des liens entre la mondialisation et
l’emploi informel et les enseignements dégagés des travaux sur la formalisation et la
réglementation du travail. Il tente en particulier d’examiner les politiques qui aident à
maximiser la croissance de l’emploi après des réformes commerciales.
Il en ressort plusieurs conclusions générales. Bien qu’elles doivent être adaptées au
contexte particulier de chaque pays, ces conclusions énoncent quelques principes
fondamentaux sur lesquels s’appuyer pour s’attaquer aux problèmes liés à l’économie
informelle. Le premier principe est que l’intégration réussie dans l’économie mondiale
suppose, en dernier ressort, la formalisation des entreprises et des emplois. Aucun
pays ne peut tirer pleinement profit de l’ouverture de son commerce s’il n’adopte
pas des politiques appropriées pour assurer l’ajustement structurel nécessaire dans
l’économie formelle. Pour cela, il faudra mettre en œuvre un large éventail d’options,
chaque pays mettant l’accent sur des domaines différents pour tenir compte des
spécificités historiques, institutionnelles ou géographiques (Bureau international du
Travail, 2007 a). Le deuxième principe est que les réformes commerciales doivent
être conçues de manière à combiner des mesures visant à développer et diversifier
les exportations et des mesures destinées à ouvrir les marchés à la concurrence
étrangère. En général, il faudra pour cela intégrer des politiques unilatérales et des
stratégies régionales ou multilatérales dans une approche cohérente. Enfin, les
politiques de formalisation et les réformes commerciales doivent être coordonnées
de manière à maximiser leur impact. Pour cela, il faudra procéder aux réformes avec
prudence et exploiter les complémentarités entre les différents domaines d’action
pour soutenir le processus d’ajustement.
Ce chapitre s’articule autour de quatre grands thèmes. Il examine d’abord la
question de la formalisation des entreprises de l’économie informelle, en tentant de
montrer comment les coûts et les avantages peuvent être déterminés d’une manière
qui incite davantage les entreprises à opter pour l’établissement en bonne et due
forme. Il cherche ensuite à identifier les mesures propres à faciliter et encourager
le passage des travailleurs informels dans le segment formel du marché du travail,
puis examine les mesures qui permettraient de protéger les travailleurs qui restent
dans le secteur informel. Enfin, il aborde la question des politiques commerciales
et s’interroge sur les réformes qu’il conviendrait d’engager pour assurer l’intégration
réussie dans l’économie mondiale des pays en développement qui ont un secteur
CHAPITRE 7. DES POLITIQUES ROBUSTES POUR UN MONDE INCERTAIN
145
informel important. Pour conclure, ce chapitre présente un cadre d’action cohérent
qui tient compte de la question du calendrier des réformes commerciales et de leur
complémentarité avec les processus de formalisation. Les principales conclusions
de ce chapitre sont résumées dans l’encadré 7.1.
Encadré 7.1 Principales conclusions
 L’intégration dans les marchés mondiaux et la lutte contre l’emploi informel
devraient être considérées comme complémentaires, car la formalisation des
entreprises et des emplois aide les pays à tirer pleinement profit de l’ouverture
commerciale, et l’intégration des pays dans l’économie mondiale, si elle est
gérée convenablement, peut aider les travailleurs informels à améliorer leur
niveau de vie et à accéder à des conditions de travail décentes.
 L’étude examine trois options pour y parvenir. Premièrement, l’intégration
réussie dans l’économie mondiale suppose, en dernier ressort, la formalisation
des entreprises et des emplois. Aucun pays ne peut tirer pleinement profit
de l’ouverture commerciale s’il n’adopte pas des politiques appropriées pour
assurer l’ajustement structurel nécessaire dans l’économie formelle. Cela
passe par une stratégie globale visant à a) renforcer les incitations pour
les employeurs et les travailleurs et b) encourager l’investissement dans
l’infrastructure et les institutions qui facilitent le passage à l’emploi formel, tout
en assurant une protection sociale de base à ceux qui restent employés dans
le secteur informel.
 Deuxièmement, les réformes commerciales peuvent être mises en œuvre
d’une manière favorable à l’emploi, en faisant en sorte que le redéploiement
des emplois soit plus propice à l’accroissement de l’emploi formel. Bien
que l’on connaisse mal les aspects macro-économiques de la dynamique de
transformation après des réformes commerciales, on a défini certains principes
CHAPITRE 7
 Une distinction est faite entre les politiques qui encouragent la formalisation
des entreprises et celles qui visent les travailleurs. Dans le premier cas, on
peut renforcer les incitations en abaissant le coût de la formalisation et en
augmentant les avantages qu’elle procure. Dans le second, les politiques
devraient en priorité aider les travailleurs à sortir du secteur informel et assurer
une protection sociale de base à ceux qui y restent.
146
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
généraux qui peuvent rendre les réformes commerciales plus favorables au
marché du travail.
 Un processus d’ouverture graduel peut être nécessaire pour aider les
autorités, les travailleurs et les entreprises à s’adapter au nouvel environnement.
En outre, il est essentiel de développer un secteur orienté vers l’exportation pour
réduire les coûts d’ajustement associés aux réformes commerciales et aider les
travailleurs à passer des secteurs exposés à la concurrence des importations
aux secteurs tournés vers l’exportation. L’ouverture du commerce aux niveaux
régional et multilatéral peut aussi être utile pour diversifier l’économie. Enfin,
les réformes commerciales doivent être annoncées de façon crédible.
 Troisièmement, l’étude souligne qu’il est important de coordonner la
politique commerciale et la politique du marché du travail. À cette fin, il a
été demandé d’intégrer certaines normes fondamentales du travail dans
les accords commerciaux internationaux. Quelques accords commerciaux
bilatéraux contiennent des dispositions de ce genre, mais l’on ne sait pas très
bien dans quelle mesure elles ont profité aux travailleurs des pays concernés.
L’application plus large de politiques accompagnant l’ajustement du marché du
travail est un autre moyen d’aider les pays à s’adapter à l’ouverture commerciale.
Il peut s’agir en particulier de politiques actives du marché de l’emploi, de
dispositifs de protection sociale bien conçus et de salaires minimums et de
politiques de formation. Enfin, les programmes relatifs au commerce et au
travail décent doivent être mis en œuvre de façon coordonnée. Le dialogue
social peut jouer un rôle important à cet égard.
A. Formalisation des entreprises
Au cours des dernières années, de nombreuses études ont cherché à savoir
comment les gouvernements pourraient encourager la formalisation (Djankov et al.,
2002; Bureau international du Travail, 2007a; Organisation internationale du travail,
2006; Ishengoma et Kappel, 2006; Kenyon, 2007a; 2007b; Puech et Igué, 2008).
La plupart d’entre elles portent sur la formalisation des entreprises et font partie
d’un corpus plus vaste axé sur le développement du secteur privé. La formalisation
peut cependant être étendue aux relations du travail, et son objectif pourrait être
rééquilibré dans le sens de la protection sociale (Tokman, 2007). Toutefois, le plus
CHAPITRE 7. DES POLITIQUES ROBUSTES POUR UN MONDE INCERTAIN
147
important est que des taux de formalité élevés sont une condition préalable à une
réussite économique et commerciale durable, comme le montrent les études citées
et nos propres travaux. Les entreprises formelles sont mieux placées pour élargir
le champ de la différenciation des produits, ce qui évite ainsi au pays d’avoir une
base d’exportation trop étroite. En outre, il est plus facile de tirer parti des effets
d’apprentissage «sur le tas» et des autres économies d’échelle lorsque les entreprises
sont dans le secteur formel et ont accès à des produits financiers et à un capital
humain plus perfectionnés, qui favorisent leur croissance rapide.
En général, les recommandations concernant les politiques de formalisation reposent
sur une analyse des raisons pour lesquelles les entreprises optent pour le secteur
formel ou pour le secteur informel. Il en va de même dans ce chapitre qui commence
par une brève analyse du choix du statut juridique des entreprises. Les politiques
de formalisation commencent nécessairement par une évaluation des coûts et
des avantages, pour les entreprises, du passage dans l’économie formelle. Nous
examinerons ensuite de façon plus approfondie les principales recommandations
concernant les politiques de formalisation, en mettant aussi l’accent sur les mesures
qui permettent d’organiser les relations avec le secteur rural. En particulier, les
investissements dans l’amélioration de l’infrastructure routière et des systèmes
d’irrigation, ou les mesures visant à promouvoir les établissements de micro crédit et
à faciliter les réformes agraires, peuvent améliorer la productivité des exploitations
agricoles et libérer ainsi des forces productives pour le marché du travail urbain.
Des études empiriques récentes ont tenté d’identifier les obstacles à la formalisation.
Ishengoma et Kappel (2006) examinent des données relatives aux facteurs qui
entravent la croissance des entreprises informelles. Ils font une distinction entre:
les facteurs internes, comme le manque de capital humain et de fonds de roulement,
l’utilisation de technologies obsolètes ou la mauvaise implantation; les facteurs externes,
comme l’accès limité aux services financiers ou aux services de développement des
entreprises, l’étroitesse du marché, l’offre insuffisante d’infrastructure économique
et de services publics ou l’existence d’une réglementation complexe et pesante; et
les facteurs interentreprises, comme l’existence de relations limitées ou fondées
sur l’exploitation, et la faiblesse des associations professionnelles. S’appuyant sur
un examen des travaux dans ce domaine et de l’expérience des donateurs, USAID
(2005) met l’accent sur les facteurs externes et identifie sept catégories d’obstacles
CHAPITRE 7
1. Coûts et avantages de l’informalité pour les
entrepreneurs
148
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
à la formalisation du point de vue de l’entrepreneur: a) les obstacles réglementaires,
b) les obstacles administratifs, c) les redevances et les obligations financières, d) la
corruption dans l’administration publique, e) les attitudes socioculturelles, f) l’absence
d’importants services aux entreprises, et g) la criminalité.
Dans la tradition de de Soto (1989), le choix du statut formel ou informel peut être
présenté comme une décision rationnelle. Les unités économiques soupèsent
les coûts et les avantages de la formalisation et considèrent leurs contraintes
particulières sur le plan institutionnel et sur celui des ressources. Les coûts de la
formalité comprennent, d’une part, le coût de l’accession au secteur formel et, d’autre
part, le coût du maintien dans ce secteur. Plusieurs auteurs ont appliqué à divers pays
le cadre analytique proposé par de Soto. Loayza (1996) analyse les travaux existants
et constate que le coût d’accès à la légalité est élevé en Amérique latine. Il constate
aussi qu’il peut être également très coûteux de rester dans le secteur formel. Les
taux d’imposition marginaux des entreprises formelles sont généralement très élevés
dans les pays en développement, où l’assiette de l’impôt est étroite. Les règlements,
en particulier la réglementation du travail, entraînent aussi des coûts de mise en
conformité élevés en Amérique latine et en Asie. Enfin, les formalités administratives
augmentent le coût du maintien dans le secteur formel. Loayza examine par ailleurs
les coûts liés à l’informalité. Il fait une distinction entre les amendes infligées lorsque
l’activité informelle est détectée et le coût lié à l’accès restreint aux services publics.
S’agissant des amendes, les données indiquent que les entreprises informelles
versent aux fonctionnaires des pots-de-vin beaucoup plus élevés que les entreprises
formelles et qu’elles optent pour des solutions non optimales, en ce qui concerne la
taille et le ratio capital/travail, pour ne pas être découvertes.
Bigsten et al. (2004a) comparent les avantages de l’informalité aux coûts et aux
risques encourus par ceux qui opèrent en dehors du cadre légal. Ils concluent que,
dans l’environnement économique actuel, il peut être rationnel pour les entrepreneurs
africains de rester dans le secteur informel, car cela réduit leurs coûts sans nuire à
leur productivité. Ishengoma et Kappel (2006) utilisent les données disponibles pour
comparer le coût de la formalisation et celui de l’informalité et ils arrivent à la même
conclusion.
2. Stratégies de formalisation
Malgré des divergences de vues sur la question de savoir si les gouvernements
doivent poursuivre des politiques de formalisation actives et sur la façon de concevoir
CHAPITRE 7. DES POLITIQUES ROBUSTES POUR UN MONDE INCERTAIN
149
ces politiques, les spécialistes s’accordent sur un certain nombre de points. Il n’y a
pas de stratégie unique qui s’appliquerait dans toutes les situations. Le succès ou
l’échec des mesures de formalisation dépend des mesures elles-mêmes autant que
des circonstances politiques, économiques, sociales ou culturelles dans lesquelles
elles sont mises en œuvre. Une stratégie qui a donné des résultats dans un pays
ou un secteur particulier peut être inadaptée dans un autre pays ou secteur. La
plupart des spécialistes s’accordent aussi pour dire que la communication joue un
rôle important. Les gouvernements doivent informer tous les acteurs de l’économie
informelle des mesures qu’ils prennent.
Comme il a été dit précédemment, les différentes stratégies de formalisation
s’appuient en général sur les conceptions du secteur informel présentées au chapitre
2. Selon le point de vue légaliste, une réduction des obstacles à la formalisation
et un meilleur accès au crédit suffiront pour inciter les entreprises informelles à
se faire enregistrer, à emprunter des capitaux et à profiter de tous les avantages
d’un statut officiel, ce qui leur permettrait d’améliorer leur productivité et peutêtre de commencer à commercer et à croître. En revanche, selon le point de vue
structuraliste, il faut faire respecter rigoureusement les règlements et lutter contre
la fraude fiscale pour éradiquer l’informalité. Enfin, selon le point de vue dualiste, le
meilleur moyen d’éliminer les entreprises informelles est de soutenir la création de
nouvelles entreprises formelles et le développement de celles qui existent déjà.
Le Bureau international du Travail propose un premier exemple de politique de
formalisation qui penche du côté de l’approche structuraliste, en soulignant cependant
qu’il n’existe pas de remède rapide ni de solution universelle. La croissance et la
stabilité macro-économique sont deux conditions essentielles pour permettre le
passage dans l’économie formelle, mais il faut aussi prendre les mesures suivantes
pour faciliter la transition (Bureau international du Travail, 2007b):
 encourager le dialogue social en remédiant aux problèmes d’organisation et de
représentation;

promouvoir l’égalité des sexes et des conditions de travail décentes;
 développer l’esprit d’entreprise en encourageant les services aux entreprises et
en améliorant l’accès au crédit et aux marchés de biens et de services;
CHAPITRE 7
 étendre aux entreprises informelles le champ de la réglementation (législation
du travail, fiscalité, droits de propriété, droit des affaires) et notamment améliorer
l’administration et l’inspection du travail;
150
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

améliorer l’accès à la sécurité sociale;

intégrer ces différentes initiatives dans une stratégie ancrée localement.
Perry et al. (2007) présentent un autre exemple, inspiré du point de vue légaliste,
dans leur étude approfondie de l’informalité en Amérique latine. Ayant observé
que le travail informel concerne principalement les petites entreprises, ils affirment
que la formalisation peut être considérée comme un intrant dans le processus de
production dont ces entreprises n’ont guère besoin. Ils affirment aussi que, pour
encourager la formalisation d’une proportion importante d’entreprises informelles, il
faut manier à la fois la carotte et le bâton. Il ne suffit pas de réduire les contraintes
d’ordre réglementaire qui pèsent sur les petites entreprises ou d’abaisser les taux
d’imposition. Il faut aussi prendre des mesures positives pour les inciter à entrer
dans l’économie formelle. Il faut notamment améliorer les services privés et publics
dont disposent les entreprises formelles et prendre d’autres mesures pour accroître
la productivité et stimuler la croissance dans le secteur formel. Perry et al. (2007)
insistent beaucoup sur l’amélioration de la productivité globale. Ils notent que, «pour
réduire sensiblement les taux d’informalité actuels, il faudra avant tout prendre des
mesures pour accroître la productivité globale de l’économie». Selon eux, il est
essentiel de créer un climat plus propice à l’investissement et de relever le niveau
de capital humain, en particulier pour les pauvres, ce qui permettra à un plus grand
nombre de travailleurs de trouver des emplois rémunérateurs dans un secteur formel
plus dynamique, tandis que le climat plus favorable d’investissement permettra aux
entreprises formelles de croître et d’offrir des salaires plus élevés. Perry et al. (2007)
proposent une série de mesures complémentaires pour remédier au phénomène de
l’informalité partielle dans les grandes entreprises. Il faudrait, entre autres, simplifier
les formalités administratives et la fiscalité, revoir le cadre réglementaire pour
supprimer les lois et règlements anachroniques ou d’inspiration privée, et veiller au
respect plus strict des règles.
La Porta et Shleifer (2008) suggèrent un troisième et dernier exemple, fondé cette
fois sur la conception dualiste. Selon eux, la formalisation par le biais de la croissance
de la productivité nécessite la création d’entreprises formelles aussi grandes et
productives que possible. À cette fin, on peut recourir à des instruments tels que
la fiscalité, les politiques relatives au capital humain et les politiques concernant
l’infrastructure et les marchés de capitaux. Les administrations peuvent aussi utiliser
leur politique de passation des marchés pour faire en sorte que les entreprises
informelles aient également accès aux marchés, mais en veillant à ce qu’elles
formalisent partiellement ou totalement leurs activités à terme (Chen et al., 2002).
CHAPITRE 7. DES POLITIQUES ROBUSTES POUR UN MONDE INCERTAIN
151
Conformément à l’approche du marché à segments multiples examinée dans les
chapitres précédents, la meilleure stratégie de formalisation est sans conteste
celle qui combine les éléments des diverses stratégies susmentionnées. En réalité,
les pratiques optimales montrent qu’il faut élaborer un large éventail d’initiatives,
promouvoir la cohérence et renforcer les synergies positives entre les actions
menées. En outre, l’expérience montre que les modalités de mise en œuvre
jouent un rôle important. Une directive du Service de conseil en investissements
étrangers de la Banque mondiale (Kenyon, 2007) énonce six recommandations
pratiques. Premièrement, simplifier et coordonner la réglementation des entreprises.
Deuxièmement, informer les entrepreneurs. Troisièmement, instaurer la confiance.
Quatrièmement, opérer par le biais d’intermédiaires. Cinquièmement, offrir les
incitations appropriées. Et sixièmement, manier alternativement la carotte et le
bâton. Une autre recommandation, figurant dans différents documents, est de veiller
à ce que la formalisation soit progressive parce qu’elle n’est pas indolore. Il serait
préférable, dans un premier temps, de cibler les mesures dont les effets bénéfiques
potentiels sont les plus importants (Kenyon, 2007a; Tokman, 2007).
B. Accompagner la transition entre le travail informel et
l’emploi formel
Néanmoins, les incitations à la formalisation ne sont qu’un aspect de la réponse
à apporter à l’informalité. Conformément à la Recommandation n° 198 du BIT
(«Recommandation sur la relation de travail»), les gouvernements peuvent aussi
soutenir directement les travailleurs informels au moyen de systèmes de sécurité
sociale spéciaux sortant du cadre de l’économie formelle. En particulier, les politiques
publiques devraient faire en sorte que les travailleurs informels ne soient pas pris
CHAPITRE 7
L’hétérogénéité de l’économie informelle impose une approche pluridimensionnelle
pour promouvoir la croissance de l’emploi formel. L’augmentation des impôts,
par exemple, ne peut être utile que pour les travailleurs du segment supérieur de
l’économie informelle, alors que le manque de qualification ou l’insuffisance de
l’infrastructure pour une recherche d’emploi efficace sera probablement un facteur
plus important pour le segment inférieur. Comme les stratégies de formalisation
des entreprises, les mesures contre l’emploi informel exigent que l’on analyse non
seulement les obstacles à la transition, mais aussi les coûts et les avantages pour
les travailleurs de l’emploi informel par rapport à l’emploi formel. Comme il a été dit
dans le chapitre 2, la décision de rester dans le secteur informel n’est pas toujours
le fait du travailleur lui-même, élément dont il faut davantage tenir compte dans les
politiques publiques.
152
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
dans l’engrenage de la pauvreté, ce qui réduirait encore leurs chances d’entrer dans
l’économie formelle. Ce soutien peut aussi servir à renforcer les incitations à la
formalisation, notamment s’il est assorti d’une certaine forme de conditionnalité.
Non seulement ces stratégies amélioreront les conditions de travail et de vie des
travailleurs du secteur informel, mais encore elles favoriseront leur passage à
l’économie formelle.
1. Politiques visant à encourager la sortie de l’économie
informelle
Comme on l’a vu dans cette étude, l’incidence de la formalité est particulièrement
élevée parmi les travailleurs peu qualifiés. Toute stratégie de la formalisation du
marché du travail doit donc surmonter cet obstacle structurel pour permettre une
transition réussie vers le marché du travail formel. Mais il faut du temps et des
ressources pour mettre en place un système éducatif ou pour élargir le système
existant. Les investissements réalisés aujourd’hui ne seront peut-être rentables que
dans plusieurs années, voire plusieurs décennies. Plus important encore, il risque
d’être trop tard pour atteindre les personnes déjà présentes sur le marché du travail.
Les politiques de l’éducation doivent donc tenir compte de la situation initiale et
prévoir aussi un soutien en matière de formation et d’éducation pour les personnes
employées dans l’économie informelle.
Dans de nombreux pays, heureusement, l’économie informelle a développé ses propres
institutions de formation et d’éducation (Bureau international du Travail, 2008b). Il
existe de nombreux systèmes de formation professionnelle qui permettent aux jeunes
d’acquérir les qualifications requises sur le marché du travail local (voir l’encadré 7.2 pour
un exemple). Fondés sur les mêmes principes que les programmes de développement
de l’artisanat, ces systèmes sont d’un accès facile, en particulier pour les pauvres. Les
compétences acquises sont immédiatement utilisables dans le travail, ce qui facilite la
transition «de l’école à l’emploi», et elles sont plus efficaces que les programmes de
formation avant emploi en salle de classe. Mais souvent le transfert de compétences
est circonscrit aux réseaux de parenté ou aux réseaux sociaux, ce qui freine la diffusion
des compétences et des connaissances dans l’économie et en limite la portée. Il est
fréquent, en outre, que les compétences ne soient pas transférables ou ne soient pas
reconnues en dehors des réseaux dans lesquels la formation est assurée. La qualité
de la formation peut aussi varier considérablement d’une entreprise à l’autre. Et les
compétences elles-mêmes ne se développent que si l’entreprise au sein de laquelle
elles sont acquises s’engage dans de nouveaux domaines, mais les perspectives
de perfectionnement sont en fait très limitées. Enfin, la longueur des périodes de
CHAPITRE 7. DES POLITIQUES ROBUSTES POUR UN MONDE INCERTAIN
153
formation pendant lesquelles l’apprenti risque d’être exploité comme «main-d’œuvre
bon marché» et l’absence généralisée de suivi après la formation limitent l’adaptabilité
des systèmes aux problèmes découlant de l’ouverture économique. Cela complique
la tâche des décideurs qui cherchent à élargir la base de compétences de l’économie;
ce sont autant de défis spécifiques à relever. Fondamentalement, les autorités
devraient imposer des normes minimales pour les programmes de formation afin de
maintenir et améliorer progressivement la qualité des compétences. Cette approche
pourrait être combinée à des mesures encourageant la reconnaissance généralisée
des compétences en dehors des différents réseaux sociaux. Enfin, il faudrait élargir
l’accès à ces programmes, éventuellement en recourant au microcrédit, pour que les
formateurs disposent de ressources supplémentaires pour former des travailleurs hors
de leur réseau social immédiat.
Encadré 7.2 Politiques de formation pour le secteur informel –
L’exemple de l’Afrique de l’Ouest
 En Afrique de l’Ouest, il existe un système de formation professionnelle
développé dans l’économie informelle, soutenu par une architecture
institutionnelle bien conçue qui aide les jeunes apprentis à accéder à une
formation ayant un bon rapport coût-efficacité et à acquérir des compétences
utiles dont les coûts et les avantages sont clairement identifiés.
 Les systèmes d’apprentissage de ce genre peuvent servir de base à
l’ajustement réussi de l’économie informelle après des réformes commerciales.
Mais il reste à régler plusieurs problèmes. Si l’on y arrive, cela permettra
d’accroître la formalisation de l’économie informelle. En particulier:
CHAPITRE 7
 Dans la région, le cadre institutionnel permet de surmonter les
problèmes d’information et d’engagement auxquels se heurtent ailleurs
les systèmes d’apprentissage. En particulier, l’insertion dans des réseaux
sociaux, souvent renforcée par les liens de parenté, et conjuguée à des
valeurs culturelles et religieuses communes, aide à forger une relation
étroite entre le formateur et l’apprenti. Les modalités de paiement des
frais d’apprentissage et la transmission progressive des connaissances
– certaines techniques étant apprises à des stades ultérieurs – limitent
encore plus les comportements opportunistes et la «resquille».
154
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

les systèmes existants doivent tenir davantage compte des évolutions
technologiques, et doivent permettre de diffuser plus rapidement les
connaissances;

les nouveaux métiers et les nouvelles technologies exigeant des
compétences transversales ne sont intégrés que de façon imparfaite dans
les structures actuelles;

l’urbanisation et la croissance démographique peuvent mettre en
péril les réseaux sociaux qui soutiennent les systèmes d’apprentissage
actuels;

la transférabilité des compétences est limitée par l’absence de
certification, ce qui enferme les apprentis dans un réseau particulier
d’entreprises (informelles) dans lequel leurs compétences sont reconnues
une fois la formation terminée.
 Les responsables des pays de la région sont de plus en plus conscients des
problèmes auxquels les systèmes actuels sont confrontés, mais ils se rendent
compte aussi qu’ils peuvent promouvoir et développer encore ces systèmes
dans le cadre de leurs efforts d’intégration dans l’économie mondiale.
Source:
Bureau international du Travail (2008b); Nübler (2007).
Les efforts déployés pour réduire l’emploi informel, en particulier dans le segment
supérieur du secteur, passent aussi par la modernisation et la réforme du système
fiscal. Outre l’abaissement des taux d’imposition marginaux, il peut être nécessaire –
et plus important – de réformer l’administration fiscale. La réforme de l’enregistrement
des contribuables, l’harmonisation des règles d’administration fiscale, la mise à jour
régulière du registre des entreprises et du rôle des contribuables, l’introduction
progressive de l’impôt déclaratif peuvent entraîner une augmentation des recettes
fiscales, une amélioration de la discipline fiscale et un recul de la fraude et de la
corruption. La simplification des barèmes d’imposition et des règles de déduction plus
claires sont indispensables aussi pour inciter les contribuables à mieux s’acquitter de
leurs obligations fiscales. Plusieurs pays d’Europe orientale, par exemple, ont institué
un impôt à taux unique, ce qui améliore grandement la discipline fiscale et accroît les
recettes. Toutefois, l’efficacité d’un tel système pour réduire la taille de l’économie
parallèle peut dépendre en partie de l’aptitude des organismes publics à offrir des
CHAPITRE 7. DES POLITIQUES ROBUSTES POUR UN MONDE INCERTAIN
155
services publics appréciés par le contribuable. Différentes études effectuées dans
ce domaine montrent que les systèmes d’imposition à taux unique ne sont efficaces
qu’à court terme. Leur efficacité diminue avec le temps et ils doivent être complétés
par des avantages additionnels justifiant aux yeux du contribuable le respect plus
strict des obligations fiscales (Peter, 2009).
Les données empiriques sur les conséquences d’autres types de réglementation
pour le marché du travail informel sont plus mitigées. Kucera et Roncolato (2008)
passent en revue les études empiriques consacrées à la réglementation du marché
du travail formel et à l’emploi informel, et concluent que les éléments disponibles
ne permettent pas de dire que l’assouplissement de la réglementation du travail est
un moyen de réduire l’emploi informel. De leur côté, Perry et al. (2007) examinent
les travaux empiriques consacrés à l’effet de la réglementation du marché du travail
sur l’informalité en Amérique latine, et trouvent quelques éléments montrant qu’une
réglementation plus restrictive a eu un effet négatif sur la création d’emplois dans
le secteur formel au Brésil. Ils constatent aussi que l’alourdissement de la fiscalité
du travail a réduit l’emploi formel en Colombie. Cependant, ils ne trouvent pas de
preuve directe de l’existence d’un lien entre la réglementation du marché du travail
et l’emploi informel. Enfin, Fox et Oviedo (2008) passent en revue les travaux
analysant l’effet de la réglementation du travail sur l’emploi, en mettant l’accent sur
l’Afrique, bien que les données pour l’Afrique subsaharienne n’existent que dans
des analyses transnationales. D’après les données disponibles, la législation sur la
protection du travail aurait un effet moins important sur l’emploi dans les pays à faible
CHAPITRE 7
La question de savoir si l’application stricte des normes internationales du travail
entrave le processus de formalisation fait l’objet d’un large débat. Ceux qui critiquent
ces normes font valoir qu’elles tendent à rigidifier les marchés du travail, entravant ainsi
la création d’emplois dans l’économie formelle. En revanche, le respect des normes
du travail et de la réglementation en la matière peut améliorer le fonctionnement du
secteur informel et favoriser le passage de l’économie informelle à l’économie formelle.
Souvent, les normes établies dans l’économie formelle ont des répercussions sur les
segments informels du marché du travail. D’après des données récentes concernant
le salaire minimum, par exemple, celui-ci a tendance à se diffuser dans le secteur
informel, où il entraîne parfois des hausses de salaire plus importantes encore que
dans le secteur formel (Khamis, 2008). Ces résultats sont confirmés pour diverses
régions, mais ils semblent être plus valables pour les travailleurs informels que pour
les travailleurs indépendants (Gindling et Terrell, 2005). Néanmoins, les retombées
législatives de la réglementation du salaire minimum créent des conditions plus
équitables, comme le confirment les éléments présentés dans le chapitre précédent.
156
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
revenu de cette région qu’en Amérique latine. Cependant, les travaux examinés ont
l’inconvénient de ne pas analyser directement les effets de la réglementation sur
l’emploi informel.
La formalisation de l’emploi peut aussi être encouragée plus directement au moyen
de subventions à l’embauche ou de réductions ciblées des prélèvements sur les
salaires et des cotisations de sécurité sociale (Zenou, 2008). Toutefois, le ciblage
doit être précis, et, pour cela, il faut disposer d’un volume considérable de données
sur le marché du travail, qui ne sont pas forcément disponibles. Les subventions à
l’embauche sont l’instrument le plus précis, mais elles risquent d’entraîner des pertes
sèches et d’avoir d’importants effets de substitution. Les subventions salariales, en
revanche, peuvent avoir un coût élevé si elles ne sont pas convenablement ciblées et
elles risquent d’enfermer les travailleurs dans des emplois mal rémunérés sans aucune
perspective de carrière. Cela dit, dans la mesure où les niveaux de productivité ne
sont pas assez élevés – en particulier dans le cas des emplois peu qualifiés – pour
créer une demande de main-d’œuvre suffisante dans l’économie formelle, les deux
types de subventions peuvent être un moyen très efficace d’améliorer les chances de
sortie de l’économie informelle. Les pouvoirs publics doivent cependant reconnaître
que ces mesures, prises isolément, ne sont pas la panacée pour formaliser le
marché du travail. Des mesures complémentaires doivent être prises en parallèle
pour permettre le perfectionnement des travailleurs et l’augmentation rapide de la
productivité individuelle, de façon que le passage au secteur formel soit durable.
2. Aider les travailleurs de l’économie informelle
Pour favoriser la formalisation du marché du travail, il faut aussi assurer aux travailleurs
de l’économie informelle une protection et un soutien adéquats pour les aider à
accéder aux crédits et aux ressources nécessaires pour effectuer une transition
réussie. À cet égard, la ratification de la Convention n° 81 de l’OIT («Convention
sur l’inspection du travail») et la mise en place ultérieure d’un système d’inspection
et d’administration du travail qui fonctionne bien sont indispensables (Bureau
international du Travail, 2006). Dans le passé, les pays en développement ont eu du
mal à mobiliser des ressources financières suffisantes pour l’inspection du travail. Les
pays qui manquent de ressources internes peuvent obtenir un financement auprès
des banques internationales de développement ou des donateurs. L’administration
du travail doit en outre faire l’objet d’un audit régulier effectué par des organismes
tripartites appropriés susceptibles d’aider les gouvernements à améliorer leurs
politiques. Il est important surtout que le système d’inspection du travail soit bien
conçu et dispose d’un vaste mandat qui couvre aussi l’économie informelle et qui lui
CHAPITRE 7. DES POLITIQUES ROBUSTES POUR UN MONDE INCERTAIN
157
donne les moyens de faire respecter la réglementation en vigueur. Comme dans le
cas des stratégies de formalisation des entreprises, le respect effectif des règles peut
nécessiter une période de transition ou un régime dual dans lequel les entreprises
(du secteur formel) bénéficient d’un soutien pour formaliser progressivement leur
main-d’œuvre ou absorber les travailleurs informels.
L’extension de la protection sociale à l’économie informelle peut aussi être un outil
puissant pour réduire la pauvreté et améliorer les conditions de travail dans le segment
inférieur du marché de l’emploi informel, mais aussi pour fixer un salaire plancher
empêchant les entreprises de profiter de leur pouvoir de monopsone dans ce segment.
Mais en général, les gouvernements se sont abstenus d’offrir une protection sociale,
même très élémentaire, aux travailleurs informels, car cela pourrait peser lourdement
sur les finances publiques, en particulier dans les pays où l’économie informelle est
très importante (Unni et Rani, 2002). Les données disponibles montrent cependant
qu’il est possible d’assurer un minimum social sans compromettre l’équilibre
budgétaire. De fait, on estime que le coût d’un régime minimum d’assurance maladie,
de retraite et de protection contre la pauvreté ne représente pas plus de 5 pour cent
du PIB (Bureau international du Travail, 2008a). En outre, tout comme les initiatives à
base communautaire, les mécanismes de protection sociale peuvent aussi s’appuyer
sur les réseaux d’associations de travailleurs et d’établissements de microcrédit,
comme la Self-Employed Women’s Association (SEWA) en Inde (Lund et Nicholson,
2006). Il est probablement beaucoup moins onéreux de soutenir financièrement ces
réseaux que de mettre en place une structure administrative entièrement nouvelle.
Il se peut cependant que les organisations existantes soient fragiles, et de toute
CHAPITRE 7
Comme on l’a vu au chapitre 2, l’emploi informel repose souvent sur des réseaux
sociaux. Les initiatives prises pour formaliser l’emploi doivent donc cibler les structures
de développement locales et prévoir des interventions au niveau microéconomique.
Par exemple, les programmes visant à améliorer les établissements informels
pourraient s’appuyer sur des initiatives privées au niveau communautaire; ils
aideraient ainsi à améliorer les conditions de vie et de travail tout en renforçant les
liens entre les autorités publiques et les communautés locales (Bureau international
du Travail, 2007a). Ces initiatives locales aideraient aussi à améliorer le dialogue
social entre les différents partenaires de développement, permettant ainsi de mettre
en œuvre plus efficacement les priorités locales pour soutenir l’économie informelle
et augmenter les possibilités d’emploi formel. Les initiatives locales permettraient
aussi d’améliorer le respect des règles dans d’autres domaines, tels que le paiement
de l’impôt et le respect de la loi. Les services fournis par l’État seraient jugés utiles à
la communauté, ce qui renforcerait la fonction de soutien des réseaux sociaux.
158
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
façon elles sont peu nombreuses, ce qui empêche de recourir plus largement à des
approches à base communautaire (Kucera et Roncolato, 2008). Toutefois, si les
gouvernements estiment que le soutien de ces associations procure des avantages,
ils devraient adopter une stratégie plus globale dans le cadre de laquelle les systèmes
de prestations privés soutenus par l’État pourraient créer de fortes incitations à
adhérer et démultiplier l’effet de l’intervention publique en élargissant la protection à
l’économie informelle.
En conclusion, une stratégie globale, qui facilite la sortie du secteur informel et aide
ceux qui y restent, semble la stratégie la plus prometteuse pour réduire la pauvreté et
encourager la formalisation, du moins à long terme. L’exemple des pays qui ont réussi
à réduire l’incidence de l’emploi informel corrobore l’idée que ces approches peuvent
être les plus bénéfiques pour les pays en développement (voir l’encadré 7.3).
C. Politiques commerciales favorables à l’emploi
Ainsi qu’il a été dit au chapitre 3, la littérature n’aboutit pas à des conclusions claires
concernant l’impact des réformes commerciales sur l’emploi informel. La théorie met
en évidence plusieurs mécanismes par lesquels l’ouverture commerciale influe sur
l’emploi dans le secteur informel. Elle identifie aussi des facteurs qui peuvent influer
sur la réaction de l’emploi et des salaires informels à l’ouverture du commerce. Le degré
de segmentation des marchés de capitaux et les interactions entre le secteur formel
et le secteur informel semblent jouer un rôle important. Quant aux études empiriques,
elles montrent que le signe et l’ampleur de l’effet de l’ouverture commerciale sur
les variables informelles dépendent pour une large part des circonstances propres
à chaque pays. L’ouverture commerciale a augmenté l’informalité en Colombie, l’a
réduite au Mexique et n’a pas eu d’effet mesurable sur elle au Brésil. Il apparaît
aussi qu’en Colombie l’ouverture commerciale n’a augmenté l’emploi informel que
pendant la période précédant l’assouplissement de la réglementation du travail. Nos
propres estimations vont un pas plus loin, et permettent de faire une distinction entre
l’effet de la réduction des obstacles au commerce (niveau des droits de douane
et des autres obstacles) et l’effet de l’ouverture commerciale (mesuré par le ratio
commerce/PIB). Elles montrent que, si les réductions tarifaires peuvent entraîner
une augmentation de l’emploi informel, la croissance du commerce est généralement
associée à un recul de l’emploi informel.
Ces résultats cadrent clairement avec l’idée générale selon laquelle, bien que
l’ouverture commerciale génère des gains nets pour l’économie, celle-ci ne devient
CHAPITRE 7. DES POLITIQUES ROBUSTES POUR UN MONDE INCERTAIN
159
Une autre conclusion est que les mécanismes particuliers par l’intermédiaire
desquels la mondialisation influe sur les marchés du travail sont spécifiques à chaque
pays, à chaque période et à chaque cas. L’effet de l’ouverture commerciale doit
être examiné à la lumière de l’effet des autres réformes en gardant à l’esprit que les
détails de la mise en œuvre sont importants. Tout bien considéré, il faut poursuivre
les recherches et recueillir davantage de données pour pouvoir faire un diagnostic
et des recommandations pour chaque pays. Notre étude montre en particulier que
l’on ne dispose de données sur l’économie informelle en quantités suffisantes pour
permettre leur exploitation que pour un petit nombre de pays. D’autres aspects
de l’informalité – notamment les mesures fondées sur la production plutôt que sur
l’emploi et la différenciation de l’informalité en fonction des segments du secteur
informel – doivent aussi faire l’objet de recherches supplémentaires pour nous
CHAPITRE 7
pas immédiatement plus prospère. À court terme, l’ouverture commerciale entraîne
des ajustements qui correspondent à la réaffectation des ressources à des activités
plus productives. L’ajustement est une condition sine qua non des gains d’efficience
liés au commerce, et il ne peut donc pas être évité. Les chapitres précédents ont
examiné plusieurs mécanismes par lesquels l’ouverture commerciale peut entraîner
une augmentation de l’emploi informel. Elle peut inciter les entreprises exposées à
la concurrence des importations à recourir davantage à la main-d’œuvre informelle,
en remplaçant les salariés formels par des travailleurs informels (c’est-à-dire en
réduisant les prestations sociales et en recourant davantage au travail à temps
partiel ou aux contrats de courte durée) ou en sous-traitant des activités au secteur
informel. Les entreprises peuvent aussi licencier des employés, qui peuvent se
retrouver dans le secteur informel s’ils ne parviennent pas à trouver un emploi formel
approprié. Malheureusement, la littérature ne donne guère d’indications sur les
mesures correctives à prendre pour atténuer les effets potentiellement négatifs de la
mondialisation sur l’emploi (Bacchetta et Jansen, 2003; Goldberg et Pavcnik, 2007;
Bureau international du Travail et Organisation mondiale du commerce, 2007). En
fait, elle soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Il serait utile de bien
comprendre les processus d’ajustement consécutifs à l’ouverture du commerce, car
cela aiderait à formuler des politiques appropriées. Il est étonnant, cependant, que
l’on sache si peu de choses sur les effets transitoires de la mondialisation sur l’emploi.
Parmi les quelques conclusions communes identifiées par Goldberg et Pavcnik
(2007) dans leur examen des études sur l’ajustement aux réformes commerciales
dans les pays en développement, il y en a une qui se distingue des autres: c’est
l’absence de redistribution intersectorielle de la main-d’œuvre, qui pourrait être liée,
du moins en partie, aux contraintes limitant la mobilité de la main-d’œuvre (voir aussi,
à ce sujet, la section suivante).
160
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
permettre de mieux comprendre la dynamique du marché du travail dans les pays en
développement.
Cela dit, la littérature énonce un certain nombre de principes généraux qui peuvent
aider à élaborer des politiques commerciales entraînant des coûts d’ajustement
minimes (Bacchetta et Jansen, 2003). L’un de ces principes est que l’ouverture
progressive peut être la solution optimale, pour des raisons politiques et en présence
de certaines distorsions du marché. Un autre principe est qu’il est important de
veiller à la crédibilité des politiques commerciales. Les travailleurs et les entreprises
ne s’adapteront à l’ouverture commerciale que s’ils sont convaincus du caractère
irréversible de la libéralisation du commerce. Un troisième principe est que le
développement des exportations est essentiel pour réduire les coûts d’ajustement
associés aux réformes commerciales. Si les entreprises tournées vers l’exportation
peuvent absorber la main-d’œuvre licenciée par les entreprises exposées à la
concurrence des importations, les coûts d’ajustement seront plus faibles. Il n’est
pas toujours possible de faire en sorte que les travailleurs licenciés retrouvent
immédiatement un emploi mieux payé, mais, dans la mesure du possible, la création
d’emplois ne devrait pas se faire au prix d’une détérioration des conditions de travail.
Eu égard à ce troisième principe, l’Initiative Aide pour le commerce a permis de mieux
faire comprendre qu’il est nécessaire de soutenir les pays en développement, et en
particulier les moins avancés d’entre eux, pour les aider à surmonter les obstacles qui
les empêchent de diversifier leurs exportations, d’accroître leurs échanges et de réduire
la pauvreté. Ces pays font donc maintenant une place plus importante au commerce
dans leurs stratégies de développement et les donateurs répondent en fournissant
davantage de ressources pour le renforcement des capacités commerciales – que ce
soit sur le plan des politiques, des institutions ou de l’infrastructure.
Plus généralement, les politiques commerciales devraient éviter autant que possible
de fausser l’avantage comparatif en faveur des secteurs d’activité qui ne créent pas
d’emplois ou qui créent surtout des emplois de mauvaise qualité. Les exemples
de distorsion de ce genre abondent parmi les pays en développement. Pour des
raisons d’économie politique, la protection dans les pays en développement favorise
souvent l’investissement dans les secteurs des industries capitalistiques comme
la construction navale, l’industrie chimique, la sidérurgie et d’autres secteurs ayant
un faible potentiel de création d’emplois dans l’économie formelle. Par ailleurs, la
création de ZFI autour d’industries particulières liées à l’extraction des ressources
ne peut avoir qu’un faible potentiel de développement industriel et de création
d’emplois. Les décideurs pourraient veiller à ce que ces instruments soient utilisés
CHAPITRE 7. DES POLITIQUES ROBUSTES POUR UN MONDE INCERTAIN
161
Encadré 7.3 Réduction de la pauvreté au Brésil
Au cours de la décennie écoulée, le Brésil a fait des progrès sociaux
considérables en réduisant les inégalités et l’informalité, tout en conservant
un taux de croissance relativement élevé. Ces résultats positifs sont
l’aboutissement d’une série de réformes commerciales et de réformes
du marché du travail et des politiques sociales. L’emploi a été soutenu en
particulier par les mesures suivantes:
 La Banque brésilienne de développement: Sur la base d’un plan d’épargne
salariale obligatoire, la Banque a pour objectif de fournir davantage de capitaux
aux micro-entrepreneurs, qu’ils opèrent dans le secteur formel ou dans le
secteur informel. Elle peut donc atteindre des objectifs macro-économiques
sans entrer en concurrence avec le secteur privé pour le financement, ce qui
permet d’éviter les problèmes d’éviction.
 Bolsa Familia: Ce système de transfert conditionnel en espèces destiné
aux ménages pauvres est complété par des programmes visant à améliorer
l’alphabétisation des adultes et à promouvoir l’emploi. Le système a été élargi
avec succès pour faire face à la crise.
 Réforme des retraites: Le système public de retraite par répartition est
devenu plus équitable, à la fois sur le plan de l’accès aux prestations et du
niveau des prestations. Cela a permis d’éponger son déficit, tout en laissant
une marge de manœuvre budgétaire pour lutter contre la pauvreté.
 Retraites des travailleurs ruraux et des handicapés: Ce système de
retraite du secteur informel aide les travailleurs, en particulier dans les régions
rurales. Il a permis de freiner l’exode rural et, partant, l’afflux de travailleurs
sur le marché du travail informel urbain.
de manière neutre, c’est-à-dire en offrant des conditions d’investissement favorables
indépendamment des secteurs dans lesquels les entreprises envisagent d’accroître
leurs capacités.
CHAPITRE 7
Source: Medici (2004); http://www.mds.gov.br/bolsafamilia/; http://inter.bndes.
gov.br/english/
162
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Ces principes directeurs et, en particulier, l’attention accordée au développement
des exportations, conjugués à des politiques de formalisation bien conçues,
devraient en principe renforcer la relation négative entre l’ouverture commerciale
et l’emploi informel. Au-delà de ces principes généraux, ni la littérature que nous
avons examinée ni nos propres travaux empiriques ne nous éclairent vraiment sur la
conception des politiques commerciales. C’est un domaine dans lequel il convient
d’approfondir la recherche et l’élaboration des politiques.
D. Cohérence entre la politique commerciale et la
politique du marché du travail
Les stratégies conçues dans le passé pour formaliser le marché du travail
misaient souvent sur la croissance économique, qui devait contribuer, par effet de
ruissellement, à la création d’emplois dans l’économie formelle pour absorber les
travailleurs employés dans le secteur informel. Comme cela a été expliqué dans ce
rapport, il est peut-être nécessaire maintenant de reconsidérer ces stratégies. Si la
persistance d’un large secteur informel n’est pas seulement la conséquence d’une
faible croissance, mais est aussi un obstacle à la croissance et au développement,
il faudra s’attaquer à l’informalité en combinant des politiques de croissance et des
politiques de formalisation.
Par ailleurs, la crise mondiale actuelle donne à penser que le schéma de mondialisation
fondé sur une forte croissance de la demande intérieure dans certains pays clés
pour l’économie mondiale s’estompera dans l’avenir. Les pays devront peut-être
trouver des sources de croissance internes pour faire face au renforcement de la
concurrence sur les marchés mondiaux, mais cela ne signifie pas que le processus
d’intégration commerciale doit être arrêté ou inversé. Au contraire, la spécialisation
par le commerce en fonction de l’avantage comparatif et les flux internationaux
de capitaux resteront un élément important des stratégies de croissance et de
réduction de la pauvreté des pays. Il se peut cependant que, après la résorption
des déséquilibres mondiaux, la croissance du commerce se stabilise à un niveau
plus bas mais plus durable de sorte qu’il sera plus difficile pour les pays de sortir
de la pauvreté par l’exportation. Les possibilités d’exportation et les avantages en
découlant dépendront plus que jamais des compétences réelles et des avantages de
coût qui permettent des courants d’échanges internationaux durables.
CHAPITRE 7. DES POLITIQUES ROBUSTES POUR UN MONDE INCERTAIN
163
1. Normes fondamentales du travail
Le BIT fait régulièrement rapport sur les engagements pris par les pays et leur fournit
une assistance technique. En 2000, l’organe exécutif du BIT a aussi élargi le mandat
du groupe de travail sur «la dimension sociale de la libéralisation du commerce
international», qui est devenu le groupe de travail sur «la dimension sociale de la
CHAPITRE 7
À cet égard, et pour faire en sorte que la mondialisation soit plus équitable et favorise
davantage l’inclusion sociale, la question de la promotion des normes du travail dans
le cadre du commerce mondial en expansion est plus pertinente que jamais. Dans
la Déclaration ministérielle de Singapour de 1996 (OMC, 1996), les Membres de
l’OMC ont renouvelé leur engagement d’«observer les normes fondamentales du
travail internationalement reconnues». Ils ont reconnu aussi que «[l’]Organisation
internationale du Travail (OIT) est l’organe compétent pour établir ces normes
et s’en occuper» et ils ont affirmé «soutenir les activités qu’elle mène pour les
promouvoir». Ils ont en outre réitéré leur conviction que «la croissance économique
et le développement favorisés par une augmentation des échanges commerciaux
et une libéralisation plus poussée du commerce contribuent à la promotion de
ces normes». Dans cette déclaration, les Membres ont rejeté l’usage des normes
du travail à des fins protectionnistes et ont déclaré leur intention de ne pas en
imposer d’une manière qui remettrait en question «l’avantage comparatif des pays,
en particulier des pays en développement à bas salaires». Il a été demandé aux
Secrétariats de l’OMC et de l’OIT de continuer de collaborer comme ils l’avaient fait
jusque-là. Dans l’exercice des fonctions qui lui étaient ainsi dévolues, l’OIT a adopté
deux déclarations essentielles. En 1998, elle a adopté la Déclaration relative aux
principes et droits fondamentaux au travail (OIT, 1998), qui énonce les principes et
droits au travail dont la garantie revêt une importance particulière pour le maintien du
lien entre le progrès social et la croissance économique «en donnant aux intéressés
eux-mêmes la possibilité de revendiquer librement et avec des chances égales leur
juste participation aux richesses qu’ils ont contribué à créer, ainsi que de réaliser
pleinement leur potentiel humain». Elle souligne que tous les membres, même
s’ils n’ont pas ratifié les conventions1 qui énoncent ces principes et ces droits, sont
tenus de les respecter, de les promouvoir et de les réaliser de bonne foi. En 2008,
l’OIT a précisé l’importance et les conséquences de ces droits dans la Déclaration
sur la justice sociale (OIT, 2008) qui proclame, entre autres, que «la violation des
principes et droits fondamentaux au travail ne saurait être invoquée ni utilisée en tant
qu’avantage comparatif légitime et que les normes du travail ne sauraient servir à des
fins commerciales protectionnistes».
164
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
mondialisation». À la Conférence ministérielle de Doha en 2001, les Membres de
l’OMC ont réaffirmé l’engagement pris à Singapour au sujet des normes fondamentales
du travail internationalement reconnues et ont pris note des travaux engagés par
l’OIT sur la dimension sociale de la mondialisation. La question du commerce et
des normes du travail est au cœur d’un débat intense entre économistes décideurs,
institutions internationales et organisations non gouvernementales (Marceau, 2008;
Stern et Terrell, 2003).
Certains accords commerciaux bilatéraux et régionaux ont intégré les normes du
travail nationales et internationales sous la forme de clauses spécifiques (DoumbiaHenry et Gravel, 2006; Polaski, 2004). Les États-Unis, en particulier, ont cherché
activement à promouvoir les normes fondamentales du travail – liberté d’association,
élimination du travail forcé, abolition effective du travail des enfants, élimination de
la discrimination en matière d’emploi et de profession, entre autres. D’autres pays,
comme le Canada et le Chili, ont inclus des dispositions analogues dans certains
accords commerciaux ou, comme dans le cas du marché commun du MERCOSUR,
les ont incluses dans le cadre politique global, sans les faire figurer expressément
dans leurs accords commerciaux. À ce jour, toutefois, il n’existe aucune évaluation
détaillée de l’efficacité de ces dispositions pour protéger les normes du travail dans
les pays en développement ou leurs effets sur l’économie informelle. Il n’y a pas
non plus d’évaluation des effets négatifs possibles de ces clauses sur le commerce
et l’intégration économique entre les parties à ces accords. Des recherches
supplémentaires sont donc nécessaires pour savoir dans quelle mesure ces
dispositions peuvent résister à un examen approfondi ou si d’autres instruments sont
mieux à même de promouvoir le processus de formalisation.
2. Politiques actives du marché du travail et redistribution
des emplois
Les politiques actives du marché du travail et les services d’emploi publics sont un
deuxième domaine dans lequel il faut veiller à la cohérence des politiques commerciales
et des politiques du marché du travail. Notre étude montre que l’économie formelle
a beaucoup à gagner de la redistribution des emplois entre les secteurs d’activité en
fonction de l’avantage comparatif du pays. Une politique active du marché du travail
est donc cruciale pour permettre aux salariés licenciés de retrouver rapidement un
emploi dans d’autres secteurs, au lieu de passer dans l’économie informelle. Cela
suppose l’existence, dans tout le pays, d’un réseau dense de services publics de
l’emploi (SPE) et d’un système développé d’échanges d’informations sur les offres
CHAPITRE 7. DES POLITIQUES ROBUSTES POUR UN MONDE INCERTAIN
165
d’emploi et l’évolution du marché du travail dans les différentes régions. Les SPE
doivent aussi être dotés de personnel en nombre suffisant pour pouvoir suivre
convenablement les demandeurs d’emploi, fournir régulièrement des avis, identifier
les emplois vacants correspondant aux qualifications des demandeurs d’emploi et
déterminer les besoins de formation, le cas échéant.
Dans les pays en développement, le défi particulier pour les SPE, outre les contraintes
financières auxquelles font face bon nombre de ces pays, est qu’ils doivent aussi
atteindre les demandeurs d’emploi non enregistrés qui se trouvent dans l’économie
informelle. Il est essentiel pour cela de faciliter l’accès à ces services en allégeant
les formalités administratives. Il faut donc veiller à ce que leurs bureaux locaux ne
soient pas trop éloignés, que l’accès à leurs services se fasse sans discrimination
(indépendamment du statut et du type d’emploi actuel ) et que les heures d’ouverture
soient compatibles avec les heures de travail dans l’économie informelle et il faut
prévoir, le cas échéant, des interventions proactives dans l’économie informelle,
éventuellement en partenariat avec la société civile et les organisations non
gouvernementales. Il est tout aussi important d’inciter les SPE à utiliser au mieux leur
connaissance de la situation du marché du travail régional et local et d’encourager les
chômeurs et les travailleurs informels à trouver un emploi dans l’économie formelle.
Dans ce domaine, l’expérience acquise ces dernières années dans les pays qui ont
depuis longtemps des SPE, comme les Pays-Bas et le Danemark, peut être mise
à profit pour établir un système compatible avec les incitations dans les pays en
développement (Carcillo et Grubb, 2006).
3. Coordination de la politique commerciale et de la
politique du marché du travail
Enfin, la nature complémentaire de la politique commerciale et de la politique du
marché du travail pose un problème particulier aux décideurs qui doivent mettre
en œuvre simultanément les réformes dans ces deux domaines. À l’évidence,
CHAPITRE 7
Il faut cependant reconnaître que, même si ces politiques sont mises en œuvre
rapidement, il faut du temps pour qu’elles donnent des résultats substantiels et elles
devront être ajustées, au fil du temps, en fonction des spécificités du marché du
travail de chaque pays. Il est donc indispensable que les autorités s’engagent à
long terme à mener de telles politiques, de façon à ce que les SPE locaux puissent
adapter leurs instruments d’activation en fonction des besoins, et pour permettre
l’enracinement des processus de formalisation.
166
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
l’ouverture du compte courant sans renforcer l’offre empêchera les pays de profiter
rapidement des avantages à long terme de l’ouverture commerciale. En particulier,
il faudrait supprimer les lois et les restrictions qui entravent la redistribution des
emplois et des capitaux entre les secteurs et entre l’économie formelle et l’économie
informelle. L’application de politiques qui améliorent le fonctionnement du marché
du travail et facilitent la redistribution des ressources entre les différents segments
et les différentes zones géographiques peut encourager la création d’emplois dans
l’économie formelle, indépendamment de toute réforme commerciale. Cela est
particulièrement important pour les pays qui affichent déjà un excédent courant et
dont l’épargne intérieure ne trouve pas suffisamment de possibilités d’investissement
sur le territoire national.
Il y a donc de bonnes raisons de coordonner, d’une part, la politique de l’emploi et la
politique de formalisation, et, d’autre part, la politique commerciale. Non seulement
la mauvaise coordination des réformes entrave l’intégration des pays dans l’économie
mondiale, mais elle risque d’aggraver leur situation, en augmentant l’incidence de
l’informalité et en rendant l’emploi plus vulnérable, ce qui assombrirait encore leurs
perspectives économiques. Cependant, en imposant la formalisation de l’économie
avant d’engager des réformes commerciales, on risque d’ajourner sine die – ou
du moins pour longtemps – les mesures nécessaires. Dans les pays où le taux
d’informalité est élevé, il peut s’écouler plusieurs décennies avant que l’économie
formelle ne représente une part substantielle de l’économie. Il faut réformer le
marché du travail de manière à garantir une réaction suffisamment forte de l’offre
dans l’économie formelle, sans que l’on observe pour autant des taux de formalité
nettement plus élevés avant l’ouverture commerciale.
Au niveau des institutions qui élaborent les politiques, les questions relatives
à l’échelonnement des réformes supposent une étroite collaboration entre les
Ministères du travail et du commerce. Il faut partager les connaissances techniques
pour déterminer dans quelle mesure les problèmes d’offre sont contraignants et
quel rythme d’ouverture du marché est compatible avec une redistribution réussie
de la main-d’œuvre. Parallèlement, il faut inscrire les réformes dans un programme
politique clair afin de permettre aux Ministères du travail de prendre les mesures
appropriées et de faire en sorte que les décideurs locaux et régionaux soutiennent
leurs programmes. Ces programmes de réforme commerciale peuvent être utilisés
pour fixer un calendrier contraignant pour les réformes du marché du travail qui
doivent être mises en œuvre avant de renforcer l’offre. Ces mécanismes d’économie
politique ont été employés avec succès dans le passé dans les économies avancées
pour promouvoir l’assouplissement du marché du travail (Nicoletti et Scarpetta, 2005).
CHAPITRE 7. DES POLITIQUES ROBUSTES POUR UN MONDE INCERTAIN
167
Mais bien souvent, cela exige une interaction étroite entre les différents ministères et
les décideurs aux différents niveaux, ce qui peut être difficile à réaliser dans des pays
qui ont peu d’expérience dans ce domaine. Des organisations internationales comme
l’OMC et l’OIT ont donc manifestement un rôle à jouer pour aider les pays à opérer
des réformes de grande ampleur et assurer une transition réussie vers une économie
compétitive, fondée sur des conditions de travail décentes.
Encadré 7.4 Questions non résolues
L’étude examine l’influence du commerce sur l’évolution du marché du travail
informel. Elle analyse l’état actuel de l’intelligence économique dans ce
domaine et présente de nouvelles données empiriques, mais elle met aussi en
relief plusieurs questions non résolues qui devraient faire l’objet de recherches
futures, peut-être sous la forme d’études approfondies par pays..
 Quel est le lien entre les différents segments de l’économie informelle et
quel est leur lien avec l’économie formelle? Comment l’ouverture commerciale
influe-t-elle sur les probabilités de transition des travailleurs entre ces segments, y
compris sur les probabilités de chômage? Comment les processus d’ajustement
se déroulent-ils dans l’économie informelle? Quels sont les délais nécessaires
pour un ajustement réussi?
 Comment promouvoir les complémentarités entre les réformes commerciales
et les politiques du marché du travail? Existe-t-il une trajectoire de réforme
optimale qui permette de tirer parti de ces complémentarités? Comment
concevoir les réformes commerciales pour qu’elles aillent dans le sens des
mesures prises par les décideurs pour formaliser l’économie et renforcer la
capacité de production de l’économie informelle?
CHAPITRE 7
 Comment les politiques internes influent-elles sur le processus d’ajustement
après les réformes commerciales? En particulier, comment les pays devraientils adapter la gamme des politiques concernant la fiscalité du capital et des
revenus, les institutions du marché du travail et la protection sociale, la réforme
des marchés de produits et les systèmes de gouvernance, pour relever les défis
découlant de l’ouverture commerciale? Comment la situation initiale du pays
détermine-t-elle la combinaison optimale de ces politiques?
168
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Notes
1
Conventions de l’OIT n° 11, 29, 87, 98, 100, 105, 138 et 182.
169
BIBLIOGRAPHIE
Bibliographie
Acemoglu, D. 2001. «Good jobs vs. bad jobs», Journal of Labor Economics, vol. 19, n° 1,
pp. 1-21.
Agénor, P.-R. 1995. The labor market and economic adjustment, Working Paper 125
(Washington, D.C., Fonds monétaire international (FMI).
Agénor, P.-R.; Aizenman, J. 1999. «Macroeconomic adjustment with segmented labour
markets», Journal of Development Economics, vol. 58, pp. 277-296.
Aggarwal, A. 2007. «Impact of Special Economic Zones on Employment, Poverty and Human
Development», Indian Council For Research On International Economic Relations.
Aghion, P.; Banarjee, A. 2005. Volatility and growth (Oxford, Oxford University Press).
Aghion, P.; Griffith, R. 2005. Competition and growth. Reconciling theory and evidence
(Cambridge, MA, MIT-Press).
Aleman-Castilla, B. 2006. The effect of trade liberalization on informality and wages:
Evidence from Mexico, Discussion Paper 763 (Londres, Centre for Economic Performance).
Amaral, P.; Quintin, E. 2005. «Informal sector:
Development Economics, vol. 78, pp. 299-321.
The credit market channel», Journal of
----. 2006. «A competitive model of the informal sector», Journal of Monetary Economics,
vol. 53, pp. 1541-53.
Arias, O.S.; Khamis, M. 2008. Comparative advantage, segmentation and informal earnings:
A marginal treatment effects approach, Discussion Papers 3916 (Bonn, Institute for the Study
of Labor (IZA)).
Bacchetta, M. 2007. Releasing export constraints: The role of governments, Export Supply
Response Working Papers ESWP_01 (Nairobi, Consortium pour la recherche économique en
Afrique).
Bacchetta, M.; Jansen, M. 2003. Adjusting to trade liberalization – The role of policy,
institutions and WTO disciplines, Études spéciales de l’OMC (Genève).
Bangasser, P. E. 2000. The ILO and the informal sector: An institutional history, Document
Emploi n° 9 (Genève, OIT, Secteur de l’emploi).
Bargain, O.; Kwenda, P. 2009. The informal sector wage gap: New evidence using quantile
estmations on panel data, Discussion Paper 4286 (Bonn, Institute for the Study of Labor
(IZA)).
170
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Barrientos, A; Barrientos, S. W. 2002. Extending social protection to informal workers in the
horticulture global value chain, Social Protection Discussion Paper 0216 (Washington, D.C.,
Banque mondiale).
Barro, R. J.; Lee, J.-W 2000. International Data on Educational Attainment. Updates and
Implications (Cambridge, MA, Harvard University), document non publié.
Beladi, H.; Yabuuchi, S. 2001. «Tariff-induced capital inflow and welfare in the presence of
unemployment and informal sector», Japan and the World Economy, vol. 13, n° 1, pp. 5160.
Bigsten, A; Collier, P.; Dercon, S.; Fafchamps, M.; Gauthier, B.; Gunning, J. W.; Oduro,
A; Oostendorp, R.; Pattillo, C.; Söderbrom, M.; Teal, F.; Zeufack, A. 2004b. «Do African
manufacturing firms learn from exporting?», Journal of Development Studies, vol. 40, n° 3,
pp. 115-141.
Bigsten, A; Kimuyu, P.; Lundvall, K. 2004a. «What to do with the informal sector?», Development
Policy Review, vol. 22, n° 6, pp. 701-715.
Bigsten, A; Söderbom, M. 2005. What have we learned from a decade of manufacturing
enterprise surveys in Africa?, Policy Research Working Paper 3798 (Washington, D.C.,
Banque mondiale).
Bosch, M.; Goni, E.; Maloney, W.F. 2007. The determinants of rising informality in Brazil:
Evidence from gross worker flows, Discussion Paper 2970 (Bonn, Institute for the Study of
Labor (IZA)).
Bosch, M.; Maloney, W.F. 2007. Comparative analysis of labor market dynamics using Markov
processes: An application to informality, Discussion Paper 3038 (Bonn, Institute for the Study
of Labor (IZA)).
----. 2008. Cyclical movements in unemployment and informality in developing countries,
Discussion Paper 3514 (Bonn, Institute for the Study of Labor (IZA)).
Bureau international du Travail. 1972. Incomes, employment and equality in Kenya (Genève,
Bureau international du Travail).
----. 2002. Women and men in the informal economy: A statistical picture (Genève, Bureau
international du Travail).
----. 2006. Stratégies et pratiques pour l’inspection du travail (Genève, Organisation
internationale du travail). Commission de l’emploi et de la politique sociale GB.297/ESP/3.
Commission de l’emploi et de la politique sociale.
----. 2007a. L’économie informelle (Genève, Organisation internationale du travail). Commission
de l’emploi et de la politique sociale GB.298/ESP/4.
----. 2007b. L’économie informelle: permettre une transition vers la formalisation (Genève,
Organisation internationale du travail). ISIE/2007/1.
----. 2008a. Can low-income countries afford basic social security? Genève, Organisation
internationale du travail (OIT).
----. (éd) 2008b. L’Apprentissage dans l’économie informelle en Afrique. Document emploi
(Genève, Organisation internationale du travail (OIT)).
BIBLIOGRAPHIE
----. 2009. Rapport sur les tendances mondiales de l’emploi (Genève, Organisation
internationale du travail).
Bureau international du Travail; Organisation mondiale du commerce 2007. Commerce et
emploi. Un défi pour la recherche en matière de politiques (Genève).
Bustamante, J.P. 2006. «Factores que inciden en la cobertura del sistema pensional en
Colombia», Planeaci6n & Desarrollo, vol. XXXVIII, n° 2, pp. 39-74.
Cagan, P. 1958. «The demand for currency relative to the total money supply», Journal of
Political Economy, vol. 66, n° 3, pp. 302-328.
Carcillo, S.; Grubb, D. 2006. From inactivity to work: The role of active labour market policies,
Social, Employment and Migration Working Papers 36 (Paris, OCDE)
Carr, M.; Chen, M. A. 2002. Globalization and the informal economy: How global trade and
investment impact on the working poor, Working Paper on the Informal Economy 2002/1
(Genève, OIT, Secteur de l’Emploi).
----. 2004. Globalization, social exclusion and work with special reference to informal
employment and gender, Policy Integration Department Working Paper 20 (Genève,
Organisation internationale du travail (OIT)).
Carrere, C.; Strauss-Kahn, V; Cadot, O. 2007. Export diversification: What’s behind the
hump?, Discussion Paper 6590 (Londres, Center for Economic Policy Research (CEPR)).
Chandra, V; Khan, M. A 1993. «Foreign investment in the presence of an informal sector»,
Economica, vol. 60, n° 237, pp. 79-103.
Charmes, J. 2000. The contribution of informal sector to GDP in developing countries:
Assessment, estimates, methods, orientation for the future. Fourth Meeting of the Delhi
Group on Informal Sector Statistics.
----. 2006. Measurement of the contribution of informal sector/Informal employment to GDP
in developing countries: some conceptual and methodological issues. Ninth Meeting of the
Expert Group on Informal Sector Statistics. New Delhi, Delhi Group.
Chatterjee, S.; Hadi, A. 1988. Sensitivity analysis in linear regression (New York, NY, Wiley).
Chaudhuri, S.; Mukherjee, U. 2002. «Removal of protectionism, foreign investment and welfare
in a model of informal sector», Japan and the World Economy, vol. 14, n° 1, pp. 101-116.
Chaudhuri, T. D. 1989. «A theoretical analysis of the informal sector», World Development, vol.
17, n° 3, pp. 351-355.
Chen, M. A. 2005. Rethinking the informal economy – Linkages with the formal economy
and formal regulatory environment, Research Paper 2005/10 (Helsinki, Université des
Nations Unies – Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement
(UNU-WIDER)).
Chen, M. A.; Jhabvala, R.; Lund, F. 2002. Supporting workers in the informal economy:
A policy framework, Working Paper on the Informal Economy 2002/2 (Genève, Bureau
international du Travail).
171
172
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Chen, M.; Vanek, J.; Lund, F.; Jhabvala, R.; Heintz, J.; Bonner, C. 2005. Le progrès des
femmes à travers le monde 2005: Les femmes, le travail et la pauvreté (New York, Fonds de
développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM)).
Chong, A.; Gradstein, M. 2007. «Inequality and informality», Journal of Public Economics, vol.
91, pp. 159-179.
Cimoli, M.; Primi, A.; Pugno, M. 2005. An enclave-led model of growth: The structural
problem of informality persistence in Latin America, Department of Economics Working
Paper (Trente, Université de Trente).
Cling, J.-P.; Letilly, G. 2001. Export processing zones: A threatened instrument for global
economy insertion? Working Paper DT/2001/17 (Paris, Développement et insertion
internationale (DIAL)).
Commission sur la dimension sociale de la mondialisation 2004. Une mondialisation juste:
créer des opportunités pour tous (Genève, Organisation internationale du travail (OIT)).
Cuevas, S.; Mina, C.; Barcenas, M.; Rosario, A. 2009. Informal employment in Indonesia,
Working Paper 156 (Manille, Banque asiatique de développement).
Currie, J.; Harrison, A. 1997. «Sharing the costs: The impact of trade reform on capital and
labor in Morocco», Journal of Labor Economics, vol. 15, n° 3, pp. 44-71.
Dayaratna-Banda, O. G. 2007. In formaltra de in Sri Lanka (Peradeniya, Université de
Peradeniya), document non publié.
Daza, J. L. 2005. Économie informelle, travail non déclaré et administration du travail, Dialogue,
Document n° 9 (Genève, Organisation internationale du travail).
De Soto, H. 1989. The other path (New York, Harper and Row).
----. 2000. The mystery of capital. Why capitalism triumphs in the West and fails everywhere
else (Basic Books).
Dessy, S.; Pallage, S. 2003. «Taxes, inequality and the size of the informal sector», Journal of
Development Economics, vol. 70, pp. 225- 233.
Djankov, S.; Lieberman, I.; Mukherjee, J.; Nenova, T. 2002. Going informal: Benefits and
costs (Washington, D.C., Banque mondiale), document non publié.
Doumbia-Henry, C.; Gravel, E. 2006. «Free trade agreements and labour rights: Recent
developments», Revue internationale du travail, vol. 145, n° 3, pp. 185-206.
Dreher, A.; Gaston, N.; Martens, P. 2008. Measuring globalization: Gauging its consequence
(New York, Springer).
Durlauf, S. N.; Kourtellos, A. ; Tan, C. M. 2008. «Empirics of growth and development», dans
A. K. Dutt; J. Ros (éds): International handbook of development economics (Cheltenham
Glos, Edward Elgar).
Duryea, S.; Marquéz, G.; Pagés, C.; Scarpetta, S. 2006. «For better or for worse? Job and
earnings mobility in nine middle- and low-income countries», dans S. M. Collins; C. Graham
(éds): Brookings Trade Forum 2006. Global Labor Markets (Washington, D.C., Brookings
Institution Press), pp. 187-203.
173
BIBLIOGRAPHIE
Dutt, P.; Mihov, I.; Van Zandt, T. 2008. Trade diversification and economic development
(Fontainebleau, INSEAD), document non publié.
EI Mahdi, A.; Rashed, A., 2007. The changing economic environment and the development
of the micro and small enterprises in Egypt 2006, Working Paper 0706 (Le Caire, Economic
Research Forum).
Elbadawi, I.; Loayza, N. 2008. Informality, employment and economic development in the Arab
world. Conférence internationale «The Unemployment Crisis in the Arab Countries».
Engman, M.; Onodera, O.; Pinali, E. 2007. Zones franches d’exportation: leur rôle passé et
futur dans les échanges et le développement. Document de travail de l’OCDE sur la politique
commerciale n° 53. Paris, OCDE.
Eslava, M.; Haltiwanger, J.; Kugler, A.; Kugler, à paraître. «Factor adjustment after deregulation:
Panel evidence from Colombia plants», Review of Economics and Statistics.
Essop, H.; Yu, D. 2008. The South African informal sector (1997-2006), Stellenbosch
Economic Working Papers 03/2008 (Matieland, Université de Stellenbosch).
Fafchamps, M. 2004. Market institutions in sub-Saharan Africa.
(Cambridge, MA, MIT Press).
Theory and evidence
----. À paraître. «Spontaneous markets, networks and social capital: Lessons from Africa»,
dans T. Besley; R. Jayaraman (éds): The Microeconomics of Institutions (Cambridge, MA,
MIT Press).
Fafchamps, M.; Zeufack, A.; El Hamine, S. 2008. «Learning to export: Evidence from
Moroccan manufacturing», Journal of African Economies, vol. 17, n° 2, pp. 305-355.
Farrell, D. 2004. «The hidden dangers of the informal economy», McKinsey Quarterly, n° 3,
pp. 26-37.
Feenstra, R. C.; Hanson, G. 1996. «Foreing investment, outsourcing, and relative wages», dans
R. C. Feenstra; G. M. Grossman; D. A. Irwin (éds): The political economy of trade policy:
Papers in honour of Jagdish Bhagwati (Cambridge, MA, MIT Press), pp. 89-127.
Feenstra, R. C.; Hanson, G. H. 1997. «Foreign direct investment and relative wages: Evidence
from Mexico’s maquiladoras», Journal of International Economics, vol. 42, n° 3-4, pp. 371393.
Feenstra, R.C.; Hanson, G. 1999. «The impact of outsourcing and high-technology capital on
wages: Estimates for the United States, 1979-1990», Quarterly Journal of Economics, vol.
114, n° 3, pp. 907-940.
----. 2003. «Global production sharing and rising inequality: A survey of trade and wages»,
dans E. K. Choi; J. Harrigan (éds): Handbook of International Trade (Malden, MA, Blackwell),
pp. 146-185.
Ferreira-Tiryaki, G. 2008. «The informal economy and business cycles», Journal of Applied
Economics, vol. 11, n° 1, pp. 91-117.
Fields, G. S. 2005. A guide to multisector labor market models, Social Protection Discussion
Paper 0505 (Washington, D.C., Banque mondiale).
174
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Fiess, N. M.; Fugazza, M.; Maloney, W.F. 2002. Exchange rate appreciations, labor maket
rigidities and informality, Policy Research Working Paper 2771 (Washington, D.C., Banque
mondiale).
----. 2006. Informal labor markets and macroeconomic fluctuations, Department of
Economics Working Papers 2006_17 (Glasgow, Université de Glasgow).
----. 2008. Informality and macroeconomic fluctuations, Discussion Paper 3519 (Bonn,
Institute for the Study of Labor (IZA)).
Fiess, N.; Fugazza, M. 2008. Trade liberalisation and informality: New stylized facts,
Department of Economics Working Paper 2008_34 (Glasgow, Université de Glasgow).
Flodman Becker, K. 2004. The informal economy: Fact finding study (Stockholm, Agence
suédoise de coopération internationale au développement (ASDI).
Fox, L.; Oviedo, A. M. 2008. Institutions and labor market outcomes in sub-Saharan Africa
(Washington, D.C., Banque mondiale), document non publié.
Gagnon, J. 2008. «Quitter les emplois de mauvaise qualité – plus de mobilité, plus d’opportunités»,
dans J. Jütting; J. R. de Laiglesia (éds): L’emploi informel dans les pays en développement:
une normalité indépassable? (Paris, OCDE), pp. 119-149.
Galiani, S.; Weinschelbaum, F. 2007. Modeling informality formally: Households and firms,
Working Papers 0047 (La Plata, CEDLAS).
Gaughan, J. P.; Ferman, L. A. 1987. «Toward an understanding of the informal economy»», dans
L. A. Ferman; S. Henry; M. Hoyman (éds): The Annals of the American Academy of Political
and Social Sciences (Philadelphie, American Academy of Political and Social Sciences), pp.
15-25.
Ge, W. 1999. «The dynamics of export-processinsg zones», Conférence des Nations Unies sur
le commerce et le développement (CNUCED) Discussion Papers, vol. 144.
Ghose, A. K.; Majid, N.; Ernst, C. 2008. Relever le défi de l’emploi dans le monde (Genève,
Organisation internationale du travail (OIT)).
Gindling, T. H.; Terrell, K. 2005. The effect of minimum wages on actual wages in formal and
informal sectors in Costa Rica (Baltimore, MD, Université du Maryland).
Glick, P.; Roubaud, F. 2004. Export processing zone expansion in an African country:
What are the labor maket and gender impacts, Document de travail DT/2004/15 (Paris,
Développement et insertion internationale (DIAL)).
Goldberg, P. K.; Pavcnik, N. 2003a. The response of the informal sector to trade liberalization,
Working Paper 9443 (Cambridge, MA, National Bureau of Economic Research).
----. 2003b. «The response of the informal sector to trade liberalization», Journal of
Development Economics, vol. 72, n° 2, pp. 463-496.
----. 2004. Trade, inequality, and poverty: What do we know? Evidence from recent
trade liberalization episodes in developing countries, Working Paper 10593 (Cambridge, MA,
National Bureau of Economic Research).
BIBLIOGRAPHIE
----. 2007. «Distributional effects of globalization in developing countries», Journal of
Economic Literature, vol. 45, n° 1, pp. 39-82.
Grinols, E. L. 1991. «Unemployment and foreign capital: the relative opportunity costs of
domestic labour and welfare», Economica, vol. 58, n° 229, pp. 107-121.
Guha-Khasnobis, B.; Kanbur, R.; Ostrom, E. 2006. «Beyond formality and informality», in
Linking the formal and informal economy: Concepts and policies (Oxford, Oxford University
Press).
Gupta, M. R. 1993. «Rural-urban migration, informal sector and development policies: A
theoretical analysis», Journal of Development Economics, vol. 41, n° 1, pp. 137-151.
----. 1997. «Informal sector and informal capital market in a small open less-developed
economy», Journal of Development Economics, vol. 52, n° 2, pp. 409-428.
Haguenauer, L.; Markwald, R.; Pourchet, H. 1998. Estimativa do valor da producao
industrial e elaboracao de coeficientes de exportacao e importacao da industria Brasileira
(1985-1996), Texto para Discussao 563 (Brasilia, Instituto de Pesquisa Econômica Aplicada
(IPEA)).
Hall, J. C.; Sobel, R. S. 2008. «Freedom, entrepreneurship, and economic growth», dans A. V.
Ll0sa (éd): Lessons from the poor (Oakland, CA, The Independent Institute), pp. 247-268.
Haltiwanger, J.; Davis, S. J. 1990. «Gross job creation and destruction: Microeconomic
evidence and macroeconomic implications», NBER Macroeconomics Annual, pp. 123-168.
----. 1992. «Gross job creation, gross job destruction, and employment reallocation», Quarterly
Journal of Economics, vol. 107, n° 3, pp. 819-8643.
Haltiwanger, J.; Davis, S. J.; Schuh, S. 1996. Job creation and destruction (Cambridge, MA,
MIT Press).
Harris, J. R.; Todaro, M. P. 1970. «Migration, unemployment, and development: A two-sector
analysis», American Economic Review, vol. 60, n° 1, pp. 126-42.
Hart, K. 1973. «Informal income opportunities and urban employment in Ghana», The Journal
of Modern African Studies, vol. 11, n° 1, pp. 61-89.
Hayter, S. 2004. The social dimension of global production systems: A review of the issues,
Policy Integration Department Working Paper 25 (Genève, Organisation internationale du
travail).
Hoekman, B. 2009. The global financial crisis: Trade and trade finance developments,
Genève.
Horton, S.; Kanbur, R.; Mazudmar, D. 1991. Labor markets in an era of adjustment: An
overview, Working Paper 694 (Washington, D.C., Banque mondiale).
Hsieh, C.-T.; Woo, K.T. 2005. «The impact of outsourcing to China on Hong-Kong’s labour
market», American Economic Review, vol. 95, n° 5, pp. 1673-1687.
Imbs, J. 2004. «Trade, finance, specialization and synchronization», Review of Economics and
Statistics, vol. 86, n° 3, pp. 723-734.
175
176
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Imbs, J.; Wacziarg, R. 2003. «Stages of diversification», American Economic Review, vol. 93,
n° 1, pp. 63-86.
Institut international d’études sociales (IIES) 2008. Rapport sur le travail dans le monde 2008:
Les inégalités de revenu à l’épreuve de la mondialisation financière (Genève, Organisation
internationale du travail).
International Trade Administration 2006. «Industry trade data and analysis». Adresse consultée:
http:// www.ita.doc.gov/td/industry/OTEA/jobs/index.html [15 Sept 2009].
Ishengoma, E. K.; Kappel, R. T. 2006. Economic growth and poverty: Does formalization of
informal enterprises matter?, Working Paper 20 (Hambourg, German Institute of Global and
Area Studies (GIGA)).
Itzigsohn, J. 1998. «La Globalización y las articulaciones de las actividades informales»,
Perfiles Latinoamericanos, vol. 13.
Jenkins, M. 2005. Economic and social effects of export processing zones in Costa
Rica Multinational Entreprises and Social Policy Working Paper 97 (Genève, Organisation
internationale du travail).
Johnson, G.; Stafford, F. 1999. «The labor market implications of international trade», dans
O. Ashenfelter; D. Card (éds): Handbook of labor economics, vol. 3 (Amsterdam, Elsevier
Science), pp. 2215-2288.
Kappel, R.; Ishengoma, E. K. 2006. Economic growth and poverty: Does formalisation of
informal enterprises matter?, Working Paper 20 (Hambourg, German Institute of Global and
Area Studies).
Kar, S.; Marjit, S. 2001. «Informal sector in general equilibrium: Welfare effects of trade policy
reforms», International Review of Economics & Finance, vol. 10, n° 3, pp. 289-300.
Kar, S.; Marjit, S.; Sarkar, P. 2003. Trade reform, internal capital mobility and informal wage:
Theory and evidence. WIDER Conference on Sharing Global Prosperity. Helsinki.
Kaufmann, D.; Kraay, A.; Mastruzzi, M. 2009. Governance matters VIII: Aggregate and
individual governance indicators, 1996-2008, Policy Research Working Paper 4978
(Washington, D.C., Banque mondiale).
Kenyon, T. 2007a. How to encourage enterprise formalization: some practical hints for
policymakers in Africa, Policy Note (Washington D.C., Foreign Investment Advisory Service
(FIAS)).
----. 2007b. A framework for analyzing enterprise formalization in developing countries,
Policy Research Working Papers 4235 (Washington, D.C., Banque mondiale).
Khamis, M. 2008. Does the minimum wage have a higher impact on the informal than on
the formal labor market? Evidence from quasi-experiments, Discussion Paper 3911 (Bonn,
Institute for the Study of Labor (IZA)).
Kucera, D. 2002. The effects of wealth and gender inequality on economic growth: A survey
for research empirical studies, Discussion Paper DP/136/2002 (Genève, Organisation
internationale du travail).
BIBLIOGRAPHIE
Kucera, D.; Galli, R. 2003. Informal employment in Latin America: Movements over business
cycles and the effects of worker rights, Discussion Paper 145 (Genève, Institut international
d’études sociales).
Kucera, D.; Roncolato, L. 2008. «L’emploi informel: deux questions de politique controversées»,
Revue internationale du Travail, vol. 147, n° 4.
Kucera, D.; Xenogiani, T. 2008a. Informal is normal? Towards more and better jobs (Genève,
Organisation internationale du travail), document non publié.
----. 2008b. «Les causes de la persistance de l’emploi informel», dans J. Jütting; J.
R. De Laiglesia (éds): L’emploi informel dans les pays en développement: une normalité
indépassable? (Paris, OCDE), pp. 63-88.
Kume, H.; Piani, G.; Souza, C. F. 2000. Instrumentos de politica commercial no periodo
1987-1998 (Instituto de Pesquisa Económica Aplicada (IPEA)), document non publié.
Kusago, T.; Tzannatos, Z. 1998. Export processing zones: A review in need of update,
Discussion Paper 9802 (Washington, D.C., Banque mondiale).
La Porta, R.; Shleifer, A. 2008. The unofficial economy and economic development. Brookings
Papers on Economic Activity Conference. Washington, D.C., Brookings Institution.
Lehmann, H.; Pignatti, N. 2008. Informal employment relationships and labor market
segmentation in transition economies: Evidence from Ukraine, ESCIRRU Working Paper 03
(Berlin, Institut allemand de commerce économique (DIW)).
Lemos, S. 2004. The effects of the minimum wage in the formal and informal sectors in
Brazil, Discussion Paper 1089 (Bonn, Institute for the Study of Labor (IZA)).
Lewis, W. A. 1954. «Economic development with unlimited supplies of labour», Manchester
School, vol. 28, n° 2, pp. 139-191.
Lewis, W. W. 2004. The power of productivity: Wealth, poverty, and the threat to global
stability (Chicago, Chicago University Press).
Llosa, A. V. 2008. Lessons from the poor (Oakland, CA, The Independent Institute).
Loayza, N. V. 1996. The economics of the informal sector: A simple model and some
empirical evidence from Latin America, Policy Research Working Paper 1727 (Washington,
D.C., Banque mondiale).
Loayza, N.V.; Rigolini, J. 2006. Informality trends and cycles, Policy Research Working
Paper 4078 (Washington, D.C., Banque mondiale).
Lopez, H.; Servén, L. 2009. Too poor to grow, Policy Research Working Paper 5012
(Washington, D.C., Banque mondiale).
Lopez, R. 2005. «Trade and growth: Reconciling the macroeconomic and microeconomic
evidence», Journal of Economic Surveys, vol. 19, n° 4, pp. 623-648.
Lund, F.; Nicholson, J. (éds) 2006. Tools for advocacy: Social protection for informal workers
(Bangkok, Homenet Thailand).
177
178
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Maiti, D.; Marjit, S. 2008. «Trade liberalization, production organization and informal sector of
the developing countries», The Journal of International Trade & Economic Development, vol.
17, n° 3, pp. 453-461.
Makoond, R. 2004. Best practices in public free zones: The Mauritian free zone model. An
Enabling Environment and Economic Zones for Private Sector Development in Bangladesh.
Dhaka, Foreign Investment Advisory Service.
Maloney, W. F. 1998. The structure of labor markets in developing countries: Time series
evidence on competing views, Policy Research Working Paper 1940 (Washington, D.C.,
Banque mondiale).
----. 2004. «Informality revisited», in World Development, vol. 32, n° 7, pp. 1159-1178.
Marceau, G. 2008. «Trade and labour: Rematehing an old divorced couple?», dans D.
Bethlehemet al (éds): The Oxford handbook of international trade law (Oxford, Oxford
University Press).
Marjit, S. 2003. «Economic reform and informal wage: A general equilibrium analysis», in
Journal of Development Economics, vol. 72, n° 1, pp. 371-378.
Marjit, S.; Acharyya, R. 2003. International trade, wage inequality and the developing
economy (Heidelberg, Physica).
Marjit, S.; Beladi, H. 2005. Does trade increase employment? A developing country
perspective (Hong Kong, City University of Hong Kong), document non publié.
Marjit, S.; Ghosh, S.; Biswas, A. 2007b. «Informality, corruption and trade reform», European
Journal of Political Economy, vol. 23, n° 3, pp. 777-789.
Marjit, S.; Kar, S.; Beladi, H. 2007a. «Trade reform and informal wages», Review of Development
Economics, vol. 11, n° 2, pp. 313-320.
Marjit, S.; Maiti, D. S. 2005. Globalization, reform and the informal sector, Research Paper
2005/12 (Helsinki, Université des Nations Unies – Institut mondial de commerce sur les
aspects économiques du développement (UNU-WIDER)).
Medici, A. 2004. The political economy of reform in Brazil’s civil servant pension
scheme, Technical Note on Pension 002 (Washington, D.C., Banque interaméricaine de
développement).
Moser, C. N. 1978. «Informal sector or petty commodity production: dualism or independence
in urban development», World Development, vol. 6, pp. 1041-1064.
Muendler, M. A. 2002. Trade, technology and productivity: A study of Brazilian manufacturers,
1986-1998 (San Francisco, University of California Berkeley).
Nanto, D. K. 2009. The global financial crisis: Analysis and policy implications (Washington,
D.C., Congressional Research Service).
Nations Unies, DAES 2005. La crise de l’inégalité. Rapport sur la situation sociale dans le
monde (Nations Unies)
179
BIBLIOGRAPHIE
Nicoletti, G.; Scarpetta, S. 2005. Product market reforms and employment in GECD
countries, Economics Department Working Paper 472 (Paris, Organisation de coopération et
de développement économiques (OCDE)).
Nkusu, M. 2004. Aid and the Dutch disease in low-income countries: Informed diagnoses for
prudent prognoses, Working Paper 04/49 (Washington, D.C., Fonds monétaire international
(FMI)).
Nordås, H. K. 2005. International production sharing: A case for a coherent policy framework,
Discussion Papers 11 (Genève, Organisation mondiale du commerce (OMC)).
Norrbin, S. C.; Yigit, F. P. 2005. «The robustness of the link between volatility and growth»,
Review of World Economics, vol. 141, pp. 343-356.
Nübler, L. 2007. Apprenticeship:
international du travail (OIT).
A multidimensional approach.
Genève, Organisation
OIT. 1998. Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son
suivi (Genève, Organisation internationale du travail (OIT)).
----. 2008. Déclaration de l’OIT sur la justice sociale pour une mondialisation équitable
(Genève, Organisation internationale du travail (OIT)). Conférence internationale du travail.
OMC 1996. Déclaration ministérielle de Singapour (Singapour, Organisation mondiale du
commerce
Organisation internationale du travail 1993. 15ème Conférence internationale des statisticiens
du travail: Les grandes lignes de la Conférence; Texte des trois résolutions adoptées par la
Conférence, document présenté au Bulletin des statistiques du travail (Genève).
----. 2002. Travail décent et économie informelle, document présenté à la Conférence
internationale du travail, Genève.
----. 2006. Organisations d’employeurs et développement des entreprises dans l’économie
informelle: passer de l’informalité à la formalité (Genève).
Packard, T. G. 2007. Do workers in Chile choose informal employment? A dynamic analysis of
sector choice, Policy Research Working Paper 4232 (Washington, D.C., Banque mondiale).
Perry, G. E.; Maloney, W. F.; Arias, O. S.; Fajnzylber, P.; Mason, A. D.; Saavedra-Chanduvi, J.
2007. Informality, exit and exclusion (Washington, D.C., Banque mondiale).
Peter, K. S. 2009. Income tax flattening: Does it help to reduce the shadow economy?,
Discussion Paper 4223 (Bonn, Institute for the Study of Labor (IZA)).
Platteau, J. P. 2000. Institutions, social norms, and economic development (Australie,
Harwood Academic Publishers).
Plümper, T.; Tröger, V. 2007. «Efficient estimation of time-invariant and rarely changing
variables in finite sample panel analyses with unit fixed effects», Political Analysis, vol. 15, n°
2, pp. 124-139.
Polaski, S. 2004. «Protecting labor rights through trade agreements: An analytical guide»,
Journal of International Law and Policy, vol. 10, n° 13, pp. 13-25.
180
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Ponte, S. 2008. Developing a «vertical» dimension to chronic poverty research: Some
lessons from global value chain analysis, Working Paper 111 (Manchester, Chronic Poverty
Research Centre).
Portes, A; Castells, M.; Benton, L. A. 1989. The informal economy: Studies in advanced and
less developed countries (Baltimore, MD, The Johns Hopkins University Press).
Prati, A.; Tressel, T. 2006. Aid volatility and Dutch disease: Is there a role for macroeconomic
policies?, Working Paper 06145 (Washington, D.C., Fonds monétaire international (FMI)).
Puech, F.; Igué, J. 2008. Élaboration d’un dossier de plaidoyer pour la structuration du
secteur informel au Bénin – Synthèse des meilleures pratiques internationales et études de
cas pertinents pour le Bénin (République du Bénin – Projet d’appui au secteur privé).
Quibria, M. G. 1988. «Migration, trade unions, and the informal sector: A note on Calvo»,
International Economic Review, vol. 29, n° 3, pp. 557-563.
Rama, M. 2003. Globalization and workers in developing countries, Policy Research Working
Paper 2958 (Washington, D.C., Banque mondiale).
Rani, U. 2008. Impact of changing work patterns on income inequality (Genève, OIT),
document non publié.
Roca, E.; Schachtel, L.; Schleser, D. 2006. Evolución del empleo registrado y no registrado
durante el período 1990-2005. Trabajo, ocupación y empleo. Buenos Aires, MTE y SS. 5.
Rosser, J. B.; Rosser, M. V.; Ahmed, E. 2000. «Income inequality and the informal economy in
transition economies», Journal of Comparative Economics, vol. 28, n° 1, pp. 156-171.
Saha, B.; Sarkar, S. 1999. «Schooling, informal experience, and formal sector earnings: A
study of Indian workers», Review of Development Economics, vol. 3, n° 2, pp. 187-199.
Sandefur, J. 2006. Explaining the Trend toward Informal Employment in Africa: Evidence from
Ghanaian Manufacturing. IZA/Worid Bank Conference on Employment and Development.
Berlin.
Satchi, M.; Temple, J. 2006. Growth and labour markets in developing countries, Department
of Economics Discussion Paper 06/581 (Bristol, Université de Bristol).
Savasan, F.; Schneider, F. 2006. «What determines informal hiring? Evidence from the Turkish
textile sector», Middle East Business and Economic Review, vol. 18, n° 2, pp. 14-32.
Schneider, F. 2005. Shadow economies of 145 countries all over the world What do we
really Know?, Working Paper 13 (Basel Center for Research in Economics, Management and
the Arts).
Schneider, F.; Enste, D. H. 2000. «Shadow economies: Size, causes, and consequences»,
Journal of Economic Literature, vol. 38, pp. 77-114.
Schneider, F.; Savasan, F. 2007. «Dymimic Estimates of the Size of Shadow Economies of
Turkey and of Her Neighbouring Countries», International Research Journal of Finance and
Economics, n° 9, pp. 126-143.
Sindzingre, A. 2006. «The relevance of the concepts of formality and informality: a theoretical
appraisal», dans B. Guha-Khasnobis; R. Kanbur; E. Ostrom (éds): UNU-WIDER Studies in
Development Economics (Oxford, Oxford University Press).
181
BIBLIOGRAPHIE
Sinha, A.; Adam, C. 2006. «Reforms and informalization: What lies behind jobless growth in
India», dans B. Guha-Khasnobis; R. Kanbur (éds): Informal labour markets and development
(Houndmills, Palgrave Macmillan).
Stark, O. 1982. «On modelling the informal sector», World Development, vol. 10, n° 5, pp.
413-416.
Stern, R. M.; Terrell, K. 2003. Labor standards and the World Trade Organization, Discussion
Paper 499 (Ann Arbor, University of Michigan School of Public Policy).
Sugiyarto, G.; Oey-Gardiner, M.; Triaswati, N. 2006. «Labor markets in Indonesia: Key
challenges and policy issues», dans J. Felipe et R. Hasan (2006) (éds), Labor Markets in
Asia: Issues and Perspectives (Londres, Palgrave Macmillan pour le BAsD)
Tanzi, V. 1983. «The undergroud economy in the United States: Annual estimates, 19301980», IMF Staff Papers (FMI), vol. 30, n° 2, pp. 283-305.
Tokman, V. E. 2007. «Modernizing the informal sector», Document de travail du DAES (ONU),
vol. 42.
Unni, J.; Rani, U. 2002. Social protection for informal workers: Insecurities, instruments and
institutional mechanisms, (Genève, Organisation internatinale du travail (OIT)).
USAID 2005. Removing barriers to formalization: The case for reform and emerging best
practice (Washington, D.C., USAID).
Veras, F. 2005. The impact of trade liberalization on the informal sector in Brazil, Working
Paper 7, Centre international pour l’action en faveur des pauvres (Brasilia, PC – PNUD).
Wahba, J.; Moktar, M. 2000. Informalization of labor in Egypt (Le Caire, Université du Caire),
document non publié.
Zenou, Y. 2008. «Job search and mobility in developing countries:
implications», Journal of Development Economics, vol. 86, pp. 336-355.
Theory and policy
183
ANNEXE I. DESCRIPTION DES DONNÉES
Annexe I. Description des données
A. Mesures concernant le secteur informel
Pays
Période
Source
Définition
Portée
Argentine
19962006
Roca et al. (2006)
Définition harmonisée de l’emploi Grand
non enregistré
Buenos
Aires
Bolivie
19901997
Indicateurs clés de la
base de données sur le
marché du travail.
Base de données
régionale de l’OIT pour
l’Amérique latine et les
Caraïbes
Nationale
Toute personne travaillant
à son compte (à l’exception
des travailleurs intellectuels
et des techniciens) et tout
travailleur familial non rémunéré,
ainsi que les employeurs et
employés travaillant dans des
établissements employant moins
de dix personnes, en fonction des
renseignements disponibles.
Brésil
19922006
Rani (2008), calculs
effectués sur la base
de données traitées
par le SIAL (Système
d’information des
marchés du travail) de
l’OIT à Panama
Le secteur informel comprend
les entreprises de moins de cinq
personnes, les entrepreneurs,
les personnes travaillant à
leur compte et les travailleurs
indépendants (à l’exception
des travailleurs intellectuels,
des cadres et des techniciens),
les travailleurs familiaux (non
rémunérés) et les travailleurs
domestiques.
Nationale
Chili
19902006
Rani (2008), calculs
effectués sur la base
de données traitées
par le SIAL (Système
d’information des
marchés du travail) de
l’OIT à Panama
Le secteur informel comprend
les entreprises de moins de cinq
personnes, les entrepreneurs,
les personnes travaillant à
leur compte et les travailleurs
indépendants (à l’exception
des travailleurs intellectuels,
des cadres et des techniciens),
les travailleurs familiaux (non
rémunérés) et les travailleurs
domestiques.
Nationale
AMÉRIQUE LATINE
184
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Pays
Période
Source
Définition
Portée
Colombie
19922004
Bustamante (2006)
Travailleurs employés dans de
petites entreprises de moins
de dix personnes, travailleurs
familiaux non rémunérés,
employés de maison, travailleurs
indépendants à l’exception des
travailleurs intellectuels.
Sept grandes
villes
Costa Rica
19902006
Rani (2008), calculs
effectués sur la base
de données traitées
par le SIAL (Système
d’information et
d’analyse des marchés
du travail) de l’OIT à
Panama
Le secteur informel comprend
les entreprises de moins de cinq
personnes, les entrepreneurs,
les personnes travaillant à
leur compte et les travailleurs
indépendants (à l’exception
des travailleurs intellectuels,
des cadres et des techniciens),
les travailleurs familiaux (non
rémunérés) et les travailleurs
domestiques.
Nationale
Équateur
19942006
Rani (2008), calculs
effectués sur la base
de données traitées
par le SIAL (Système
d’information des
marchés du travail) de
l’OIT à Panama
Le secteur informel comprend
les entreprises de moins de cinq
personnes, les entrepreneurs,
les personnes travaillant à
leur compte et les travailleurs
indépendants (à l’exception
des travailleurs intellectuels,
des cadres et des techniciens),
les travailleurs familiaux (non
rémunérés) et les travailleurs
domestiques.
Villes
Honduras
19902006
Rani (2008), calculs
effectués sur la base
de données traitées
par le SIAL (Système
d’information des
marchés du travail) de
l’OIT à Panama
Le secteur informel comprend
les entreprises de moins de cinq
personnes, les entrepreneurs,
les personnes travaillant à
leur compte et les travailleurs
indépendants (à l’exception
des travailleurs intellectuels,
des cadres et des techniciens),
les travailleurs familiaux (non
rémunérés) et les travailleurs
domestiques.
Nationale
Mexique
19952006
Rani (2008), calculs
effectués sur la base
de données traitées
par le SIAL (Système
d’information des
marchés du travail) de
l’OIT à Panama
Le secteur informel comprend
les entreprises de moins de cinq
personnes, les entrepreneurs,
les personnes travaillant à
leur compte et les travailleurs
indépendants (à l’exception
des travailleurs intellectuels,
des cadres et des techniciens),
les travailleurs familiaux (non
rémunérés) et les travailleurs
domestiques.
Nationale
185
ANNEXE I. DESCRIPTION DES DONNÉES
Pays
Période
Source
Définition
Portée
Panama
19912006
Rani (2008), calculs
effectués sur la base
de données traitées
par le SIAL (Système
d’information des
marchés du travail) de
l’OIT à Panama
Le secteur informel comprend
les entreprises de moins de cinq
personnes, les entrepreneurs,
les personnes travaillant à
leur compte et les travailleurs
indépendants (à l’exception
des travailleurs intellectuels,
des cadres et des techniciens),
les travailleurs familiaux (non
rémunérés) et les travailleurs
domestiques.
Nationale
Paraguay
19952006
Rani (2008), calculs
effectués sur la base
de données traitées
par le SIAL (Système
d’information des
marchés du travail) de
l’OIT à Panama
Le secteur informel comprend
les entreprises de moins de cinq
personnes, les entrepreneurs,
les personnes travaillant à
leur compte et les travailleurs
indépendants (à l’exception
des travailleurs intellectuels,
des cadres et des techniciens),
les travailleurs familiaux (non
rémunérés) et les travailleurs
domestiques.
Nationale
République
dominicaine
20002003
Indicateurs clefs de la
base de données sur le
marché du travail.
Base de données
régionale de l’OIT pour
l’Amérique latine et les
Caraïbes
Toute personne travaillant
à son compte (à l’exception
des travailleurs intellectuels
et des techniciens) et tout
travailleur familial non rémunéré,
ainsi que les employeurs et
employés travaillant dans des
établissements employant moins
de cinq ou dix personnes, en
fonction des renseignements
disponibles.
Nationale
Uruguay
19962005
Rani (2008), calculs
effectués sur la base
de données traitées
par le SIAL (Système
d’information des
marchés du travail) de
l’OIT à Panama
Le secteur informel comprend
les entreprises de moins de cinq
personnes, les entrepreneurs,
les personnes travaillant à
leur compte et les travailleurs
indépendants (à l’exception
des travailleurs intellectuels,
des cadres et des techniciens),
les travailleurs familiaux (non
rémunérés) et les travailleurs
domestiques.
Nationale
186
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Pays
Période
Source
Définition
Portée
Venezuela
19942006
Rani (2008), calculs
effectués sur la base
de données traitées
par le SIAL (Système
d’information des
marchés du travail) de
l’OIT à Panama
Le secteur informel comprend
les entreprises de moins de cinq
personnes, les entrepreneurs,
les personnes travaillant à
leur compte et les travailleurs
indépendants (à l’exception
des travailleurs intellectuels,
des cadres et des techniciens),
les travailleurs familiaux (non
rémunérés) et les travailleurs
domestiques.
Nationale
Chine
1990,
2003
Ghose et al. (2008)
L’emploi informel est défini
Nationale
comme étant la différence entre
le nombre d’emplois formels et le
nombre d’actifs.
L’emploi formel comprend l’emploi
dans les entreprises d’État, dans
les entreprises collectives et dans
les grandes entreprises privées.
Inde
19931994,
19992000,
20032004
Rani (2008)
Le secteur informel comprend
les entreprises de moins de cinq
personnes, les entrepreneurs,
les personnes travaillant à
leur compte et les travailleurs
indépendants (à l’exception
des travailleurs intellectuels,
des cadres et des techniciens),
les travailleurs familiaux (non
rémunérés) et les travailleurs
domestiques.
Indonésie
19902003
Villes
Enquête Sakernas, cité L’enquête nationale sur la
population active en Indonésie
par Sugiyarto
(Sakernas) classe les travailleurs
et al., 2006
dans les catégories suivantes:
employeurs, employés, travailleurs
indépendants et travailleurs
familiaux non rémunérés.
En Indonésie, le travailleurs
informels sont définis
comme étant les travailleurs
indépendants et les travailleurs
familiaux non rémunérés.
Pakistan
1992,
1997,
2000
Indicateurs clés de la
Villes
Ménages travaillant dans des
base de données sur le entreprises non constituées
marché du travail.
en société appartenant à des
personnes travaillant à leur
compte; ménages travaillant
dans des entreprises de moins de
dix personnes non constituées
en société, appartenant à des
employeurs.
ASIE
Nationale
187
ANNEXE I. DESCRIPTION DES DONNÉES
Pays
Période
Source
Définition
Portée
Sri Lanka
19902003
Ghose et al. (2008)
L’emploi dans le secteur formel
Nationale
correspond à la somme de
l’emploi salarié dans le secteur
public et de l’emploi salarié
dans les établissements privés
employant au moins dix salariés.
L’emploi informel correspond à la
différence.
Thaïlande
1994,
2001
Rani (2008)
L’emploi informel correspond à la Nationale
différence par rapport à l’emploi
formel.
Emploi formel: entreprises
employant plus de cinq personnes
et administration publique.
AFRIQUE
Afrique du
Sud
19972006
Essop et Yu (2008)
Nationale
Enquête d’octobre auprès des
ménages, effectuée par le
SSA chaque année entre 1994
et 1999, pour recenser les
entreprises non enregistrées
n’ayant pas de numéro de TVA.
Mise en garde concernant
l’enquête d’octobre 1995: il n’a
pas été demandé aux personnes
interrogées si leurs employeurs
étaient enregistrés, de sorte qu’il
y a eu une sous-estimation du
secteur informel cette année-là.
À partir de 1999, la préférence
a été donnée à l’autodéclaration
plutôt qu’à l’enregistrement à
la TVA comme caractéristique
déterminante, c’est-à-dire qu’il
était expressément demandé aux
personnes interrogées si elles
se considéraient comme des
travailleurs du secteur informel.
Botswana
1994,
2001
Rani (2008)
L’emploi informel est défini
Nationale
comme étant la différence entre
le nombre d’emplois formels et le
nombre d’actifs.
Emploi formel: entreprises
employant plus de 15 personnes
et administration publique.
Cameroun
19932005
Enquête sur l’emploi
informel au Cameroun
(EESI)
Institut National de la
Statistique
L’informalité est mesurée sur la
base des unités de production
non enregistrées et de celles qui
ne tiennent pas de comptabilité
formelle.
Nationale
188
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Pays
Période
Source
Définition
Portée
Égypte
1988,
1998,
2006
El Mahdi et Rashed
(2007)
Travailleurs salariés non agricoles Nationale
du secteur privé en pourcentage
des travailleurs salariés non
agricoles
Éthiopie
2000,
20032005
Bulletin statistique de
l’Agence centrale de
statistique
Nombre de réponses aux
questions suivantes: a) emploie
dix travailleurs ou plus; b) tient
une comptabilité indiquant le
revenu mensuel et le bilan; et c)
est titulaire d’une licence.
Ghana
1998
Bulletin d’enquête
normalisé fondé sur les
enquêtes menées par
les offices nationaux
de la statistique des
pays africains. Banque
mondiale, région
Afrique
Emploi dans le secteur informel: Nationale
personnes travaillant à leur
compte, travailleurs familiaux
non rémunérés travaillant au
moins sept heures par jour, et
employeurs et employés de petits
établissements (moins de cinq
personnes)
Kenya
1997
Bulletin d’enquête
normalisé fondé sur les
enquêtes menées par
les offices nationaux
de la statistique des
pays africains. Banque
mondiale, région
Afrique
Emploi dans le secteur informel:
personnes travaillant à leur
compte, travailleurs familiaux
non rémunérés travaillant au
moins sept heures par jour, et
employeurs et employés des
petits établissements (moins de
cinq personnes)
Malawi
1998
Bulletin d’enquête
normalisé fondé sur les
enquêtes menées par
les offices nationaux
de la statistique des
pays africains. Banque
mondiale, région
Afrique
Emploi dans le secteur informel: Nationale
personnes travaillant à leur
compte, travailleurs familiaux
non rémunérés travaillant au
moins sept heures par jour, et
employeurs et employés de petits
établissements (moins de cinq
personnes)
Tanzanie
1990,
1995
Indicateurs clés de la Emploi dans des entreprises de
base de données sur le moins de cinq personnes
marché du travail
Zambie
1998
Bulletin d’enquête
normalisé fondé sur les
enquêtes menées par
les offices nationaux
de la statistique des
pays africains. Banque
mondiale, région
Afrique
Emploi dans le secteur informel: Nationale
personnes travaillant à leur
compte, travailleurs familiaux
non rémunérés travaillant au
moins sept heures par jour, et
employeurs et employés de petits
établissements (moins de cinq
personnes)
Zimbabwe
1990,
2002
Rani (2008)
L’emploi informel est défini
Nationale
comme étant la différence par
rapport à l’emploi formel.
Emploi formel: entreprises
employant plus de cinq personnes
et administration publique.
Certains
centres
urbains
Nationale
Villes
189
ANNEXE I. DESCRIPTION DES DONNÉES
B. Indicateurs économiques et sociaux utilisés dans
l’analyse empirique
Le tableau ci-après indique les variables utilisées dans l’analyse empirique du chapitre
6 et dans l’annexe 2 qui suit, avec leur définition et leur source.
Variable
Définition
Source
PIB par habitant
(niveau)
Produit intérieur brut par habitant en
prix constants de 2000, en dollars EU
Banque mondiale, Indicateurs du
développement dans le monde
(2009)
Croissance du PIB
Taux de croissance annuel du PIB réel
Banque mondiale, Indicateurs du
développement dans le monde
(2009)
Croissance
démographique
Taux de variation annuelle de la
population
Banque mondiale, Indicateurs du
développement dans le monde
(2009)
Population en âge
de travailler
Population en âge de travailler (15 à
Banque mondiale, Indicateurs du
64 ans) en pourcentage de la population développement dans le monde
(2009)
totale
Diversification des
échanges
Indice de diversification des
exportations et des importations des
pays et groupes de pays
CNUCED, 2009
Concentration des
échanges
Indice de concentration des
exportations et des importations des
pays et groupes de pays
CNUCED, 2009
Part de la
production
de produits
manufacturière
faisant l’objet
d’échanges
Somme des exportations et des
importations de produits manufacturés
en pourcentage du PIB
Banque mondiale, Indicateurs du
développement dans le monde
(2009)
Ouverture
commerciale
Somme des exportations et des
importations en pourcentage du PIB
Fonds monétaire international,
Perspectives de l’économie
mondiale, 2007, chapitre 4
Indice de
mondialisation du
KOF
Indice (0-100) correspondant à la
moyenne pondérée des indicateurs
relatifs aux «flux économiques», aux
«restrictions au commerce», aux
«contacts personnels» et aux «flux
d’information»
Dreher et al. (2008)
Flux économiques
Indice (0-100) correspondant à la
moyenne pondérée des échanges,
des investissements étrangers directs,
des investissements de portefeuille et
des paiements au titre du revenu des
ressortissants étrangers
Dreher et al. (2008)
190
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Variable
Définition
Source
Droits de douane
pondérés par les
échanges
Moyenne du taux de droit effectif
(recettes tarifaires rapportées à la
valeur des importations) et des taux de
droits moyens non pondérés
Fonds monétaire international,
Perspectives de l’économie
mondiale, 2007, chapitre 4
Taux de la nation la Droit NPF moyen appliqué
plus favorisée (NPF)
CAMAD, 2009
Taux de la
nation la plus
favorisée (produits
manufacturés)
Droit NPF moyen appliqué (produits
manufacturés)
CAMAD, 2009
Restrictions
commerciales
Indice (0-100) correspondant à la
Dreher et al. (2008)
moyenne pondérée des obstacles
dissimulés à l’importation, du taux de
droit moyen, des taxes sur le commerce
international et des restrictions aux
opérations en capital. L’indice va du
plus restrictif au moins restrictif.
Réformes
commerciales
Variation annuelle en pourcentage de
l’indice des restrictions au commerce
Calculs des auteurs sur la base de
Dreher et al. (2008)
Fraser Institute, Economic
Recettes provenant Indice calculé sur la base du montant
des taxes sur le
des taxes sur le commerce international Freedom of the World (2008)
commerce
en pourcentage des exportations et des
importations. La formule utilisée pour
calculer cet indice est: (Vmax − V i) /
(Vmax − Vmin) multiplié par 10. V i
représente les recettes provenant des
taxes sur le commerce international
en pourcentage des échanges
commerciaux. Les valeurs de Vmin et de
Vmax sont fixées, respectivement, à zéro
et 15%.
Fraser Institute, Economic
Taxes à l’exportation Indice calculé sur la base du montant
des taxes sur le commerce international Freedom of the World (2008)
en pourcentage des exportations et des
importations. La formule utilisée pour
calculer cet indice est: (Vmax − V i) /
(Vmax − Vmin) multiplié par 10. V i
représente les recettes provenant des
taxes sur le commerce international
en pourcentage des échanges
commerciaux. Les valeurs de Vmin et de
Vmax sont fixées, respectivement, à zéro
et 15%.
Engagement
d’investissement
étranger direct
Apports d’investissements étrangers
directs en pourcentage du PIB
Fonds monétaire international,
Perspectives de l’économie
mondiale, 2007, chapitre 4
191
ANNEXE I. DESCRIPTION DES DONNÉES
Variable
Définition
Source
Contacts personnels Indice (0-100) correspondant à la
Dreher et al. (2008)
moyenne pondérée des indicateurs
relatifs aux «appels téléphoniques
sortants», aux «transferts (en
pourcentage du PIB)», au «tourisme
international», à la «population étrangère
(en pourcentage de la population
totale)» et aux «envois de courrier
internationaux (par habitant)»
Flux d’information
Indice (0-100) correspondant à la
Dreher et al. (2008)
moyenne pondérée des indicateurs
relatifs aux «hôtes Internet (pour 1 000
habitants)», aux «utilisateurs d’Internet
(pour 1 000 habitants)», à la «télévision
par câble (pour 1 000 habitants)», aux
«ventes de journaux (en pourcentage du
PIB)» et aux «récepteurs de radio (pour
1 000 habitants)»
Distance
géographique
Distance géographique entre un pays et Fonds monétaire international,
ses partenaires commerciaux, pondérée Perspectives de l’économie
par les échanges
mondiale, 2007, chapitre 4
Dépenses publiques Indice calculé sur la base des dépenses Fraser Institute, Economic
Freedom of the World (2008)
de consommation des administrations
publiques en pourcentage de la
consommation totale. La formule de
calcul utilisée pour cet indice est:
(Vmax − V i) / (Vmax − Vmin) multiplié par 10.
V i représente la consommation effective
des administrations publiques du pays
en pourcentage de la consommation
totale. Les valeurs de Vmax et de Vmin
sont fixées, respectivement, à 40 et 6.
Fraser Institute, Economic
Taux d’imposition
Indice calculé sur la base des taux
Freedom of the World (2008)
marginaux maximum marginaux d’imposition des revenus
de la tranche supérieure. Le chiffre
est plus élevé pour les pays ayant des
taux marginaux d’imposition plus élevés
prenant effet à des seuils de revenu
plus bas.
Recettes fiscales
Indice calculé sur la base des recettes Fraser Institute, Economic
fiscales totales de l’État en pourcentage Freedom of the World (2008)
du PIB
192
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Variable
Définition
Transferts et
subventions
Indice calculé sur la base des transferts Fraser Institute, Economic
Freedom of the World (2008)
et subventions des administrations
publiques en pourcentage du PIB. La
formule de calcul utilisée est: (Vmax −
V i) / (Vmax − Vmin) multiplié par 10. V i
représente le ratio des transferts et
subventions au PIB. Les valeurs de Vmax
et de Vmin sont fixées, respectivement, à
37,2 et 0,5.
Source
Primauté du droit
Indice (allant de - 2,5 à + 2,5) des
Kaufmann et al. (2009)
perceptions de la confiance des agents
dans les règles sociales et du respect
de ces règles, et en particulier des
perceptions de la qualité de l’exécution
des contrats, des droits de propriété, de
la police et des tribunaux, ainsi que de
la probabilité de la criminalité et de la
violence.
Corruption
Indice (allant de - 2,5 à + 2,5) des
perceptions de la mesure dans laquelle
la puissance publique est exercée
pour obtenir un gain privé, y compris
les formes mineures et majeures de
corruption, ainsi que de la captation de
l’État par des intérêts privés.
Responsabilité de
l’État
Indice (allant de - 2,5 à + 2,5) des
Kaufmann et al. (2009)
perceptions de la participation des
citoyens au choix de leur gouvernement,
ainsi que de la liberté d’expression, de la
liberté d’association et de la liberté des
médias.
Coût de la création
d’entreprises
Indice calculé sur la base du temps et
de l’argent nécessaires pour créer une
société à responsabilité limitée. Plus
il faut de temps et d’argent, plus la
notation du pays est basse.
Kaufmann et al. (2009)
Banque mondiale, Doing Business
et Fraser Institute, Economic
Freedom of the World (2008)
Réglementation des Indice calculé sur la base d’une
Fraser Institute, Economic
marchés de produits moyenne (non pondérée) des
Freedom of the World (2008)
sous-indices relatifs au «coût de la
création d’entreprises», au «contrôle des
prix» et au «fardeau administratif «
Contrôle des prix
Indice calculé en fonction de l’existence Fraser Institute, Economic
d’un contrôle des prix ou d’un office de Freedom of the World (2008)
commercialisation dans les différents
secteurs.
193
ANNEXE I. DESCRIPTION DES DONNÉES
Variable
Définition
Source
Fardeau
administratif
Indice calculé sur la base des réponses
à la question ci-après du Rapport sur la
compétitivité mondiale: «Le respect des
prescriptions administratives (permis,
règlements, déclarations) édictés par le
gouvernement de votre pays est-il
(1 = contraignant, 7 = non
contraignant)»
Forum économique mondial, Global
Competitiveness Report et Fraser
Institute, Economic Freedom of the
World (2008)
Salaire minimum
Fraser Institute, Economic
Indice calculé sur la base du ratio du
Freedom of the World (2008)
salaire minimum obligatoire à la valeur
ajoutée moyenne par travailleur. Plus
ce ratio est élevé, plus la notation du
pays est basse. La formule utilisée pour
calculer la note de zéro à 10 est: (Vmax
− V i) / (Vmax − Vmin) multiplié par 10.
V i représente le ratio entre le salaire
minimum et la valeur ajoutée moyenne
par travailleur. Les valeurs de Vmax et
de Vmin sont fixées, respectivement, à
79% (écart-type de 1,5 au-dessus de la
moyenne) et zéro.
Centralisation
des négociations
salariales
Indice calculé sur la base des réponses
à la question ci-après du Rapport sur
la compétitivité mondiale: «Dans votre
pays, les salaires sont-ils fixés dans le
cadre d’un processus de négociation
centralisé (= 1) ou par chaque
entreprise (= 7)?»
Forum économique mondial, Global
Competitiveness Report et Fraser
Institute, Economic Freedom of the
World (2008)
Niveau d’instruction Pourcentage de la population totale (15 Barro et Lee (2000); extrapolation
ans et plus) ayant effectué des études
après 2000.
secondaires
ANNEXE II. DÉTAILS TECHNIQUES DE L’ANALYSE EMPIRIQUE
Annexe II. Détails techniques de l’analyse empirique
Cette annexe technique donne des précisions sur l’analyse empirique présentée dans
le chapitre 6. Elle traite en particulier de la méthode employée pour produire les
différents graphiques; elle décrit les variables, présente les résultats détaillés des
régressions qui sous-tendent les graphiques 6.1 à 6.3 et effectue plusieurs tests de
robustesse.
A. Considérations méthodologiques
L’analyse empirique présentée dans cette étude, qui est fondée sur des données de
panel utilise simultanément les variations des taux d’informalité entre les pays et à
l’intérieur des pays. Compte tenu du fait que nos données portent sur une période
relativement courte (16 ans au plus), une analyse individuelle n’aurait été possible
que pour un tout petit nombre de pays. Par ailleurs, les différences de définition de
l’informalité entre les pays ne permettent pas d’agréger les données. En utilisant des
estimateurs des données de panel, nous supposons que les variations temporelles
des taux d’informalité à l’intérieur des pays ne sont pas affectées par le type de
définition retenu. Toutes les spécifications comportent des effets fixes par pays, et
pour certaines d’entre elles, des variables temporelles fictives ont été introduites. La
spécification générale des équations estimées est la suivante:
Yit = α i + βX it + γZ it + ε it
où eit est i.i.d. Dans les équations où Yit représente l’incidence de l’emploi informel, on
a utilisé à la fois le taux d’emploi informel par rapport à l’emploi total et le taux obtenu
après transformation logit (non décrits ici). Les variables explicatives sont divisées
en variables d’intérêt pour l’étude Xit , variables de contrôle Z it et effets fixes par pays
αi . Il faut noter que ces dernières variables tiennent compte de toute différence de
niveau entre pays liée aux différences de définition de l’emploi informel.
Étant donné le caractère très persistant des taux d’informalité à l’intérieur des pays
– confirmé par divers tests d’autocorrélation (panel) de nos données (non décrits
ici) – les estimateurs des moindres carrés types ne peuvent pas être appliqués car
ils donneraient des résultats biaisés et/ou exagérément optimistes. Pour éliminer
l’effet d’autocorrélation, nous avons pris comme estimateur des moindres carrés
195
196
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
généralisés, ce qui permet de corriger aussi l’effet d’hétéroscédasticité et – en
fonction de la spécification du modèle – l’effet d’autocorrélation pour l’ensemble
de l’échantillon ou par panel. Selon la spécification utilisée, nous avons utilisé aussi
des estimateurs de Prais-Winston corrigés par les données de panel. En général, le
choix entre les uns et les autres a été fondé sur le nombre d’observations et sur la
qualité de l’ajustement.
Bon nombre des variables explicatives souffrent d’une variabilité temporelle limitée,
compte tenu en particulier de la période relativement courte qui est considérée.
En règle générale, les variables de politique, comme la réglementation du marché
du travail ou des marchés de produits, mais aussi certains indicateurs de réforme
commerciale qui restreignent considérablement l’échantillon en raison de leur
disponibilité limitée font apparaître très peu de variations à l’intérieur des panels par
rapport aux variations entre panels. Dans une régression en panel standard éliminant
les effets fixes, il peut devenir impossible de distinguer ces variables des effets
spécifiques par pays. C’est pourquoi, dans une autre spécification, nous corrigeons
aussi l’effet de la faible variabilité temporelle en appliquant une décomposition
vectorielle des effets fixes par pays (Plümper et Tröger, 2007).
B. Résultats détaillés de la régression
Les tableaux A2.1 à A2.3 présentent les principaux résultats de régression qui
sous-tendent l’analyse figurant au chapitre 6. Le tableau A2.1 présente les
déterminants économiques de l’emploi informel. Une première série de résultats
indique leurs contributions individuelles, en corrigeant l’effet du niveau de
développement économique et – en fonction de la spécification – de la taille (relative)
de la population en âge de travailler. Les équations 16 à 18 donnent des spécifications
plus complètes et analysent le degré de colinéarité des différents déterminants.
L’équation 18 est la spécification utilisée pour le graphique 6.1.
Comme l’indique le tableau A2.1, tous les facteurs analysés entrent dans les
différentes spécifications de manière statistiquement significative et avec le signe
attendu. L’inclusion simultanée de différents facteurs ne modifie ni le signe ni la taille
du coefficient. En particulier, l’ouverture commerciale et l’indicateur concernant les
réformes commerciales entrent simultanément et de manière significative dans les
équations 16 à 18, ce qui indique que les deux mesures interviennent peut-être à
des moments différents pour ce qui est de l’incidence de l’emploi informel. On peut
supposer, en particulier, que la corrélation négative entre l’ouverture commerciale
et l’emploi informel représente une relation à long terme tandis que la corrélation
ANNEXE II. DÉTAILS TECHNIQUES DE L’ANALYSE EMPIRIQUE
positive entre les réformes commerciales et l’emploi informel (c’est-à-dire la
corrélation négative entre les restrictions commerciales et l’incidence de l’informalité
dans le tableau A2.1) représente une relation à court terme. Cette distinction peut
être justifiée en partie par le fait que, dans notre échantillon de pays, la mesure
de l’ouverture commerciale varie davantage entre les pays qu’au fil du temps à
l’intérieur des pays, tandis que le contraire est vrai pour l’indicateur concernant les
réformes/les restrictions commerciales. Pour tenir compte de la possibilité d’un biais
d’endogénéité entre l’ouverture commerciale et l’informalité, les équations 2), 9) et
18) affichent aussi des spécifications comportant l’indicateur retardé de l’ouverture
commerciale, ce qui aboutit à des résultats qui ne sont pas sensiblement différents
de ceux des autres spécifications.
Le tableau A2.2 approfondit l’analyse empirique en intégrant dans l’équation de
régression divers déterminants liés aux politiques. En particulier, l’activité des
pouvoirs publics en matière de fiscalité et de réglementation est prise en compte
dans les spécifications suivantes. Les équations 16 à 19 affichent des spécifications
plus élaborées, l’équation 19 étant utilisée pour le graphique 6.2. Là encore, une
distinction est faite entre les mesures contemporaines et les mesures retardées de
l’ouverture commerciale, ainsi qu’entre les restrictions au commerce et les réformes
commerciales (variation annuelle des mesures des restrictions au commerce). Dans
l’ensemble, les différentes spécifications donnent une image cohérente même si l’on
considère des mesures différentes pour des types analogues d’interventions des
pouvoirs publics (par exemple, les quatre indicateurs relatifs au «coût de la création
d’entreprises», à la «réglementation des marchés de produits», au «contrôle des prix»
et au «fardeau administratif»).
Pour tester l’effet de l’informalité sur les différents indicateurs de résultats
économiques et sociaux, le tableau A2.3 présente plusieurs estimations qui visent
à évaluer la corrélation entre l’incidence de l’emploi informel et la croissance de la
production, la croissance de l’emploi, l’inégalité et la concentration des échanges.
C. Tests de robustesse
Pour comprendre dans quelle mesure nos résultats sont influencés par certaines
caractéristiques des données, nous appliquons trois tests de robustesse:
 Premièrement, nous utilisons notre spécification préférée sous la forme d’une
régression par quantile avec variables fictives, en appliquant la même spécification à
différents quantiles concernant l’incidence de l’emploi informel dans notre échantillon
de pays. Cela permet de voir si certaines variables sont particulièrement efficaces
pour les pays ayant certains niveaux d’informalité.
197
198
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
 Deuxièmement, nous évaluons dans quelle mesure une éventuelle endogénéité
entre l’ouverture commerciale et l’informalité influe sur nos résultats, en estimant
différents modèles à l’aide du système GMM.
 Enfin, nous tentons d’identifier directement les observations extrêmes
susceptibles d’influencer nos résultats. Pour ce faire, nous utilisons des mesures
statistiques particulières pouvant indiquer les points spécifiques de notre échantillon
qui risquent de déterminer les régressions et qui devraient donc être éliminés.
1. Régressions par quantile
Les régressions par quantile permettent d’évaluer dans quelle mesure les pays de
notre échantillon présentant des caractéristiques particulières dominent les résultats.
Nous cherchons à comprendre, en particulier, dans quelle mesure l’incidence de
l’emploi informel contribue à expliquer l’impact des différents facteurs économiques
et politiques identifiés plus haut. Dans le graphique A2.1, quatre facteurs distincts
sont retenus, et leur impact est présenté en fonction du quantile d’emploi informel
dans lequel leur effet est évalué.
Étant donné la taille relativement petite de l’échantillon et la nature de nos données
(données de panel et non séries temporelles ou données transversales), une
spécification plus élaborée est impossible. Les quatre facteurs ont été évalués
individuellement, et seules quelques variables de contrôle supplémentaires ont été
incluses. En outre, des variables fictives pour les pays et la période ont été utilisées
pour tenir compte des caractéristiques des pays et des chocs communs. Malgré
ces limitations, le graphique A2.1 fait apparaître quelques résultats intéressants. En
particulier, les quatre graphiques confirment que les différents facteurs n’ont pas le
même effet, indépendamment du quantile auquel ils sont appliqués. Par exemple,
l’effet de l’ouverture commerciale sur la réduction de l’informalité est plus marqué
aux niveaux intermédiaires des taux d’informalité, mais il semble être statistiquement
faible ou non significatif dans les pays où le taux d’informalité est élevé ou faible.
Pour les autres variables, comme les investissements étrangers directs, le coefficient
reste statistiquement significatif dans l’ensemble de l’échantillon mais sa valeur
absolue varie en fonction de l’incidence de l’informalité dans un pays donné.
Ces résultats confirment la complexité de l’emploi informel, qu’il est difficile
d’appréhender convenablement à un niveau agrégé comme celui qui est utilisé dans
cette étude. À l’évidence, des recherches plus poussées sont nécessaires pour
mieux comprendre les caractéristiques des pays et leur rôle dans la transmission des
différents facteurs qui influent sur la taille de l’économie informelle. Il faut en outre
éviter toute généralisation des résultats de notre analyse empirique pour des pays
qui ne sont pas inclus dans notre échantillon.
Nombre d'observations
Nombre de pays
Effets fixes par pays
Effets temporels fixes
Décomposition vectorielle
des effets spécifiques
R2
Chi2
Indice de mondialisation du
KOF
Distance géographique
Flux d'information
Contacts personnels
Investissements étrangers
directs
Réformes commerciales
(variation)
Recettes provenant des
taxes sur le commerce
(indice)
Restrictions commerciales
Taux de la nation la plus
favorisée (produits
manufacturés)
Taux de la nation la plus
favorisée
Droits de douane pondérés
par les échanges
Flux économiques
Ouverture commerciale (t 1)
Ouverture commerciale
Population en âge de
travailler (%)
PIB par habitant (niveau)
(3)
187
19
Oui
Non
Oui
Non
0,97
-2,4e-2***
(5,3e-3)
Non
251
28
Oui
Non
0,90
-9,8e-2**
(4,9e-2)
-5,8e-3*** -6,1e-3***
(1,1e-4)
(5,5e-4)
0,50***
1,10***
(5,2e-2)
(0,23)
(2)
4,6e+5
231
26
Oui
Non
-2,1e-3***
(3,6e-4)
0,73***
(9,1e-2)
-3,3e-2***
(1,1e-2)
(1)
(6)
(7)
(8)
(9)
(10)
(11)
(12)
(13)
(14)
8,9e+3
137
21
Oui
Non
Non
Non
-0,14**
(7,1e-2)
Non
1,6e+4
137
21
Oui
Non
-0,14*
(8,1e-2)
Non
130
21
Oui
Non
0,39
-0,16*
(8,9e-2)
Non
1,3e+4
256
29
Oui
Non
-4,9e-2**
(2,1e-2)
Non
4,7e+3
76
14
Oui
Non
4,21***
(1,47)
Oui
136
27
Oui
Non
0,98
0,46***
(0,12)
Non
1,3e+5
203
25
Oui
Non
6,1e-2**
(2,4e-2)
Oui
206
20
Oui
Non
0,92
-0,35***
(5,1e-2)
Oui
258
31
Oui
Non
0,97
-0,20***
(1,6e-2)
Non
8,4e+3
228
28
Oui
Non
1,5e-3*
(8,8e-4)
-1,4e-3*** -2,0e-3*** -2,2e-3*** -2,4e-3*** -1,0e-3** -1,3e-3*** -2,2e-3*** -3,4e-3*** -2,0e-3*** -2,5e-3***
(4,2e-4)
(5,1e-4)
(7,2e-4)
(4,0e-4)
(4,6e-4)
(1,5e-4)
(4,9e-4)
(3,3e-4)
(1,3e-4)
(4,6e-4)
0,30**
0,95***
0,65***
0,53***
0,48***
1,08***
0,13***
0,53***
(0,15)
(9,0e-2)
(0,12)
(7,4e-2)
(0,14)
(0,14)
(4,9e-2)
(0,18)
-3,1e-2***
(1,2e-2)
-3,4e-2*
(2,0e-2)
(5)
Variable dépendante: incidence de l'emploi informel
9,5e+3
243
29
Oui
Non
-8,8e-2**
(3,9e-2)
-1,3e-3***
(4,0e-4)
(4)
Mondialisation et emploi informel
(15)
Non
8,3e+3
256
29
Oui
Non
9,3e-2**
(3,8e-2)
-2,7e-3***
(4,0e-4)
0,51***
(0,14)
(16)
Non
6,7e+3
203
25
Oui
Non
2,5e-3**
(1,0e-3)
-4,9e-2*
(2,8e-2)
-2,7e-3***
(5,6e-4)
0,10
(0,24)
-3,1e-2**
(1,3e-2)
(17)
Non
8,7E+03
203
25
Oui
Non
1,5e-3*
(8,3e-4)
5,9e-2**
(2,8e-2)
-6,2e-2***
(2,2e-2)
-3,0e-2**
(1,3e-2)
-2,7e-3***
(5,2e-4)
(18)
Oui
224
30
Oui
Non
0,98
3,0e-3***
(5,8e-4)
9,5e-2***
(1,5e-2)
13,94***
(2,85)
-1,9e-2**
(8,2e-3)
-2,4e-3***
(1,0e-4)
Source:
Calculs des auteurs.
Note:
Ce tableau présente les résultats de diverses spécifi cations établissant un lien entre les déterminants économiques et l’incidence de
l’emploi informel. Toutes les spécifi cations tiennent compte des effets fi xes par pays. Les erreurs-types des coeffi cients estimés sont indiquées
entre parenthèses, tandis que le niveau de signifi cation statistique est indiqué par des astérisques: *: niveau de signifi cation de 10%; **: niveau
de signification de 5%; ***: niveau de signification de 1%.
Qualité de l'ajustement
Indicateurs de la
mondialisation
Variables commerciales
Variables
économiques
de contrôle
Tableau A2.1
ANNEXE II. DÉTAILS TECHNIQUES DE L’ANALYSE EMPIRIQUE
199
(3)
(4)
0,99
104
19
Oui
Non
Oui
78
16
Oui
Non
Oui
-0,59***
(4,2e-2)
0,96
-0,90***
(0,14)
Oui
78
16
Oui
Non
0,96
-3,41***
(0,38)
Oui
53
9
Oui
Non
0,96
7,8e-2**
(3,5e-2)
Non
3,9e+4
70
15
Oui
Non
0,55***
(0,12)
1,21***
(0,29)
-4,2e-3***
(7,0e-4)
0,33*
(0,17)
(5)
Oui
137
25
Oui
Non
0,99
0,30***
(5,5e-2)
8,12***
(3,04)
-3,2e-3***
(1,2e-4)
0,63***
(4,9e-2)
(6)
(8)
(9)
(10)
(11)
(12)
(13)
(14)
(15)
(16)
(17)
(18)
(19)
Non
1,6e+6
125
23
Oui
Non
-5,26***
(1,14)
Non
9,3e+4
125
23
Oui
Non
1,41*
(0,80)
Non
3,4e+4
125
23
Oui
Non
-1,47***
(0,29)
Non
2,1e+4
52
14
Oui
Non
1,4e-2**
(6,1e-3)
Oui
78
16
Oui
Non
0,98
4,37***
(0,36)
Oui
78
16
Oui
Non
0,97
1,55***
(0,23)
Oui
78
16
Oui
Non
0,98
2,54***
(0,18)
Non
6,3e+4
112
24
Oui
Non
-0,15*
(8,0e-2)
Non
7,5e+4
116
19
Oui
Non
0,82***
(0,16)
Non
8,2e+10
103
19
Oui
Oui
1,31***
(0,17)
-0,29***
(6,4e-2)
Non
9,0e+6
108
19
Oui
Oui
1,29***
(0,19)
-0,20***
(6,8e-2)
-0,46***
(0,15)
Non
4,9e+5
77
17
Oui
Non
0,86***
(0,19)
0,39***
(8,6e-2)
1,37*
(0,72)
-0,28***
(7,0e-2)
Oui
83
23
Oui
Non
0,99
0,57***
(0,16)
0,71***
(2,2e-1)
2,04***
(0,36)
-0,24***
(5,2e-2)
-2,0e-3*** -2,8e-3*** -2,8e-3*** -1,7e-3*** -3,0e-3*** -3,0e-3*** -2,9e-3*** -3,1e-3*** -3,7e-3*** -4,3e-3*** -4,5e-3*** -3,0e-3*** -1,5e-3***
(4,5e-4)
(3,5e-4)
(4,8e-4)
(3,6e-4)
(2,4e-4)
(3,8e-4)
(2,4e-4)
(5,3e-4)
(4,9e-4)
(4,5e-4)
(4,6e-4)
(3,8e-4)
(9,7e-5)
0,39***
0,84***
0,57***
-1,46***
0,98***
1,05***
1,01***
0,72***
0,88***
-1,94***
-2,06***
(6,7e-2)
(9,1e-2)
(0,11)
(0,28)
(0,16)
(0,26)
(0,16)
(0,13)
(7,5e-2)
(0,32)
(0,34)
-0,12***
-8,6e-2***
-6,3e-2*** -5,7e-2** -5,8e-2*** -2,6e-2*
-3,6e-2**
-5,6e-2***
(1,2e-2)
(1,2e-2)
(1,6e-2)
(2,3e-2)
(1,6e-2)
(1,5e-2)
(1,6e-2)
(1,5e-2)
-0,12***
-2,9e-2***
(8,9e-3)
(8,5e-3)
9,5e-2***
5,6e-2**
0,29**
(1,1e-2)
(2,7e-2)
(0,13)
41,50***
(2,80)
(7)
Variable dépendante: incidence de l'emploi informel
Source:
Calculs des auteurs.
Note:
Ce tableau présente les résultats de diverses spécifi cations établissant un lien entre les déterminants économiques et facteurs politiques
et l’incidence de l’emploi informel. Toutes les spécifi cations tiennent compte des effets fi xes par pays. Les erreurs-types des coeffi cients estimés
sont indiquées entre parenthèses, tandis que le niveau de signifi cation statistique est indiqué par des astérisques: *: niveau de signifi cation de
10%; **: niveau de signification de 5%; ***: niveau de signification de 1%.
R2
Chi2
Nombre d'observations
Nombre de pays
Effets fixes par pays
Effets temporels fixes
Décomposition vectorielle des
effets spécifiques
Centralisation des négociations
salariales
Salaire minimum
Fardeau administratif
Contrôle des prix
Réglementation des marchés de
produits
Coût de la création d'entreprises
Responsabilité de l'État
Prévalence de la corruption
Primauté du droit
Transferts et subventions
(en % du PIB)
Recettes fiscales (en % du PIB)
Taxes à l'exportation (indice)
Taux d'imposition marginal
maximum
Dépenses publiques
Réformes commerciales
Restrictions commerciales
Ouverture commerciale (t-1)
Ouverture commerciale
Population en âge de travailler
(%)
(2)
-3,2e-3*** -1,6e-3*** -3,1e-3*** -4,4e-3***
(4,1e-4)
(1,0e-4)
(4,2e-4)
(3,8e-4)
0,93***
0,76***
0,97***
1,61***
(0,28)
(6,1e-2)
(0,29)
(0,23)
-4,9e-2*
-5,1e-2**
(2,5e-2)
(2,5e-2)
-3,3e-2***
(5,9e-3)
(1)
Informalité, ouverture commerciale et politiques
PIB par habitant (niveau)
Tableau A2.2
Variables économiques de
contrôle
Activité des pouvoirs
publics
Réglementation
Qualité de l'ajustement
200
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Croissance du PIB
Croissance du PIB
0,20
235
30
Oui
Oui
206
20
Oui
Oui
-4,8e-2**
(2,4e-2)
3,0e-2***
(8,8e-3)
0,15
-7,9e-2**
(3,3e-2)
Oui
118
16
Oui
0,29
0,13***
(4,2e-2)
-0,13***
(4,4e-2)
Oui
118
16
Oui
0,34
0,10**
(4,1e-2)
-0,29**
(0,13)
-0,17***
(4,3e-2)
Oui
157
19
Oui
0,13
Oui
136
18
Oui
0,16
-0,15***
(4,6e-2)
3,6e-2*
(1,9e-2)
3,8e-2*** 4,0e-2***
(1,1e-2) (1,3e-2)
-0,20***
(5,3e-2)
Non
1,3e+2
189
20
Oui
-6,9e-4**
(3,4e-4)
Non
1,4e+2
189
20
Oui
-8,1e-4**
(3,8e-4)
2,0e-4**
(1,0e-4)
(8)
Non
3,2e+3
103
20
Oui
0,10***
(2,4e-2)
(9)
Inégalité des
revenus
Non
4,1e+3
188
22
Oui
9,5e-4**
(4,0e-4)
(10)
(13)
8,2e-4*** 1,5e-3***
(2,9e-4) (3,6e-4)
(12)
Non
6,1e+3
176
22
Oui
Non
3,0e+3
188
22
Oui
Non
3,0e+3
128
27
Oui
-7,7e-3**
(3,8e-3)
Non
2,8e+3
161
20
Oui
-8,6e-4*
(4,8e-4)
8,1e-4
(5,0e-4)
6,9e-4**
(3,1e-4)
(14)
Concentration des échanges
1,2e-3*** 1,4e-3*** 2,2e-3***
(3,6e-4) (4,5e-4) (7,5e-4)
4,1e-4***
(1,2e-4)
(11)
Oui
157
19
Oui
0,76
-1,5e-3*
(8,0e-4)
Non
3,6e+3
188
22
Oui
(16)
Oui
180
30
Oui
-3,3e-3***
(1,8e-4)
0,92
-2,2e-3***
(5,2e-4)
(17)
1,4e-3***
(3,7e-4)
1,2e-3* 8,3e-4*** 2,0e-3**
(7,0e-4) (2,8e-4) (9,5e-4)
-1,9e-2*** -1,6e-2*
(5,5e-3) (8,5e-3)
3,1e-3*** 9,9e-4** 1,4e-3***
(5,5e-4) (4,4e-4) (3,7e-4)
6,1e-4***
(1,4e-4)
(15)
Source:
Calculs des auteurs.
Note:
Ce tableau présente les résultats de diverses spécifi cations établissant un lien entre l’incidence de l’emploi informel et d’autres déterminants
économiques et différents indicateurs de résultats, tels que la croissance du PIB, la croissance de l’emploi, l’inégalité des revenus et l’indice de concentration
des exportations. Toutes les spécifi cations tiennent compte des effets fi xes par pays. Les erreurs-types des coeffi cients estimés sont indiquées entre
parenthèses, tandis que le niveau de signifi cation statistique est indiqué par des astérisques: *: niveau de signifi cation de 10%; **: niveau de signifi cation
de 5%; ***: niveau de signification de 1%.
R2
Chi2
Nombre d'observations
Nombre de pays
Effets fixes par pays
Décomposition vectorielle des
effets spécifiques
Part de la production
manufacturière faisant
l'objet d'échanges
Niveau d'instruction
Restrictions commerciales
Taux de la nation la plus
favorisée
Taux de douane
Diversification des échanges
Ouverture commerciale
Taux d'informalité
Croissance démographique
(7)
Croissance de
l'emploi
Croissance, emploi, inégalité et concentration des échanges en présence d’un marché du travail informel
(1)
(2)
(3)
(4)
(5)
(6)
-7,7e-4*** -6,1e-4*** -1,2e-3*** -1,4e-3*** -1,9e-3*** -1,4e-3***
PIB initial
(2,8e-4)
(2,2e-4) (3,5e-4) (3,4e-4) (4,5e-4) (3,9e-4)
Tableau A2.3
ANNEXE II. DÉTAILS TECHNIQUES DE L’ANALYSE EMPIRIQUE
201
202
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
2. GMM en système
Les estimateurs de panel, comme ceux qui sont utilisés dans cette étude, ne
peuvent rendre compte de l’éventuelle endogénéité entre la mesure de l’ouverture
commerciale (de facto et de jure) et celle de l’informalité. Comme cela a été dit
dans les chapitres précédents, la taille de l’économie informelle est en soi un facteur
susceptible de déterminer le succès d’un pays dans le commerce international. Cet
effet inverse peut introduire un biais dans les coefficients estimés, en particulier
dans les tableaux A2.1 et A2.2. Par conséquent, dans les équations estimées pour
les graphiques 6.1 et 6.2, la valeur retardée de l’ouverture commerciale a été retenue
comme première solution pour résoudre le problème du biais. Toutefois, du fait du
caractère très persistant de notre mesure l’ouverture commerciale, il se peut que cela
ne suffise pas pour corriger un tel biais d’endogénéité.
Pour trouver une autre solution à ce problème, nous appliquons l’estimateur GMM
d’Arellano-Bond, qui utilise comme instruments des valeurs retardées pour toutes
les variables. Dans les spécifications présentées dans le tableau suivant, nous nous
concentrons sur la mesure de l’ouverture commerciale de facto et de jure comme
étant les deux variables de notre échantillon risquant le plus de souffrir d’un biais
d’endogénéité. Comme le suggèrent les résultats, le signe estimé de la relation
entre l’ouverture commerciale de facto et l’incidence de l’emploi informel reste
fortement négatif tandis que le signe de la relation entre les réformes commerciales
(modification de l’ouverture commerciale de jure) et l’incidence de l’emploi informel
reste fortement positif. Plus fondamentalement, la valeur absolue du coefficient
est presque identique au coefficient estimé dans les spécifications analogues du
tableau A2.1. Des tests directs confirment que le biais d’endogénéité, s’il existe, est
probablement très faible et n’affecte pas le signe de la relation estimée.
3. Observations influentes
Les modèles empiriques qui comportent, comme les nôtres, un nombre limité
d’observations et des échantillons de petite taille concernant la dimension pays ou
la dimension temporelle risquent d’être affectés par des observations influentes
(extrêmes) qui peuvent fausser les résultats des régressions. Plus précisément,
dans les spécifications agrégées comme les nôtres, cela peut être dû à des erreurs
de mesures ou à des variables omises. Pour déterminer dans quelle mesure les
observations influentes affectent les résultats ou même les rendent statistiquement
non significatifs, nous identifions un (petit) nombre possible d’observations et nous
refaisons les estimations sur la base de l’échantillon réduit.
Pour identifier (automatiquement) les observations influentes, on peut utiliser le
résidu studentisé de chaque observation, qui correspond à la statistique t d’une
ANNEXE II. DÉTAILS TECHNIQUES DE L’ANALYSE EMPIRIQUE
variable fictive pour cette observation particulière, ajoutée à l’équation estimée
initiale. Bien qu’elle soit attrayante et très intuitive, cette statistique tend à éliminer les
observations ayant des résidus importants mais un faible effet de levier, qui influent
peu sur le coefficient estimé (dans le cas où la variable fictive est orthogonale aux
autres régresseurs), faussant vers le haut la statistique de la qualité de l’ajustement.
D’autres indicateurs plus complexes reposent sur la notion de courbe d’influence.
Cette courbe évalue l’effet marginal asymptotique que l’ajout d’une observation
spécifique a sur les coefficients estimés, sur la base du modèle initial. Pour les besoins
de l’étude, nous utilisons deux indicateurs, la distance de Welsch-Kuh (dénommée
«Dfits» dans les tableaux ci-dessous) et la distance de Welsch (dénommée «Welsch»),
qui tentent de fournir une approximation empirique de la courbe d’influence et de
détecter les observations influentes (Chatterjee et Hadi, 1988). La distance de
Welsch a généralement été préférée à la distance de Welsch-Kuh pour éliminer les
observations influentes, car il y avait moins d’observations à écarter. Mais parfois,
cette dernière a été retenue lorsque la signification statistique du modèle estimé
était moins affectée.
Les résultats de l’élimination des observations aberrantes ainsi décelées sont
présentés dans les tableaux A2.5 à A2.7. Comme le montrent ces trois tableaux,
dans la plupart des spécifications, les coefficients estimés restent significatifs et le
signe est inchangé. En particulier, les spécifications retenues pour les graphiques
6.1 à 6.3 restent presque identiques, y compris en ce qui concerne la valeur
absolue du coefficient estimé. Il convient de noter que dans la plupart des cas,
seules quelques observations ont été écartées en tant qu’observations influentes
(généralement moins de 10%). Toutefois, comme la taille de l’échantillon est limitée,
il a été suffisant, dans quelques cas, d’écarter ces observations influentes, pour
affecter la signification statistique du modèle estimé.
203
204
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Graphique A2.1 Quelques régressions par quantile
Ouverture du commerce
0,04
0,02
0,00
15%
-0,02
25%
35%
45%
55%
65%
75%
85%
-0,04
-0,06
-0,08
-0,10
Déciles d'emploi informel
0,40
Indicateur de la mondialisation
0,30
0,20
0,10
0,00
15%
25%
-0,10
35%
45%
55%
65%
75%
85%
75%
85%
Déciles d'emploi informel
Restrictions au commerce
0,25
0,20
0,15
0,10
0,05
0,00
15%
25%
-0,05
35%
45%
55%
65%
Déciles d'emploi informel
Investissement étranger direct
0,25
0,20
0,15
0,10
0,05
Limite inférieure
Moyenne du coefficient
0,00
15%
25%
35%
45%
55%
65%
75%
85%
Limite supérieure
Déciles d'emploi informel
Note:
Ce graphique présente les résultats de régressions par quantile utilisant des
erreurs-types estimées par bootstrap. Les coeffi cients avec leurs limites inférieure et
supérieure pour la mesure de l’ouverture commerciale, des restrictions commerciales,
l’indice de mondialisation du KOF et les investissements étrangers directs, sont estimés
à l’aide des équations 1), 8), 15) et 11) du tableau A2.1. Les coeffi cients sont indiqués
pour les déciles d’emploi informel de 15% à 90%, pour chaque spécifi cation. Les limites
supérieure et inférieure sont calculées sur la base d’un écart-type de +/- 1 par rapport
au coefficient estimé.
Source:
Calculs des auteurs.
205
ANNEXE II. DÉTAILS TECHNIQUES DE L’ANALYSE EMPIRIQUE
Tableau A2.4
Estimations selon la GMM en système
Variable dépendante: incidence de l'emploi informel
Informalité (t-1)
PIB par habitant
(niveau)
Population en âge de
travailler
Ouverture
commerciale
Réformes
commerciales
Investissement
étranger direct
Observations
Nombre de pays
Text de
suridentification
de Sargan (valeur p)
(1)
(2)
(3)
0,68***
0,54***
0,47***
(0,10)
(0,09)
(9,2e-2)
-1,4e-3*** -2,2e-3*** -1,7e-3***
(4,8e-4) (5,1e-4)
(5,4e-4)
0,63***
(0,18)
-2,8e-2** -3,3e-2**
(1,4e-2) (1,3e-2)
152
17
152
17
0,12***
(1,8e-2)
160
18
0,84
0,77
0,26
(4)
0,57***
(0,10)
-2,0e-3***
(6,2e-4)
(5)
0,54***
(0,09)
-1,3e-3***
(5,0e-4)
(6)
0,47***
(0,10)
-0,17e-3***
(5,1e-4)
0,69**
0)
(0,3
4,97***
(1,92)
5,76***
(1,88)
-3,2e-2**
(1,4e-2)
4,5e-2*
(2,6e-2)
128
16
51
13
51
13
0,65
0,70
0,75
Note:
Ce tableau présente le résultat d’estimations, effectuées selon la GMM en système,
de certaines spécifi cations tirées des tableaux A2.1 et A2.2. Le coeffi cient relatif aux réformes
commerciales se réfère à un indice lié à la variable «variation annuelle en pourcentage des
taux de la nation la plus favorisée»; une valeur plus élevée de cet indice indique une baisse
plus prononcée des taux de la nation la plus favorisée (correspondant à l’équation 8) du
tableau A2.1)
Source:
Calculs des auteurs.
Type
3,5e+4
179
18
Oui
Non
Non
Non
Difts
-1,9e-2*
(1,0e-2)
1,7e+4
220
24
Oui
Oui
Welsch
-2,2e-2*
(1,2e-2)
(3)
Oui
251
28
Oui
Non
0,90
Welsch
-9,8e-2**
(4,9e-2)
Non
9,5e+3
225
23
Oui
Non
Welsch
0,03
(3,3e-2)
-1,2e-3***
(3,9e-4)
(4)
(6)
(7)
(8)
(9)
(10)
(11)
(12)
(13)
(14)
Non
8,9e+3
126
17
Oui
Non
Difts
-0,24***
(8,3e-2)
Non
1,6e+4
126
17
Oui
Non
Welsch
-0,18**
(8,7e-2)
Non
124
17
Oui
Non
0,48
Welsch
8,3E-2
(0,11)
Non
1,3e+4
242
25
Oui
Non
Welsch
-5,0e-2***
(1,7e-2)
Non
8,8e+3
70
13
Oui
Non
Welsch
3,48**
(1,66)
3,1e-2
(2,6e-2)
Oui
122
27
Oui
Non
0,99
Welsch
0,56***
(0,10)
Non
1,3e+5
181
20
Oui
Non
Difts
0,10***
(2,1e-2)
-2,6e-2**
(1,3e-2)
Oui
203
20
Oui
Non
0,94
Welsch
-0,35***
(4,1e-2)
Oui
241
31
Oui
Non
0,98
Welsch
-0,23***
(1,3e-2)
Non
8,4e+3
215
24
Oui
Non
Welsch
3,1e-3***
(9,4e-4)
-1,3e-3*** -1,9e-3*** -2,2e-3*** -2,9e-4** -1,5e-3*** -1,8e-3*** -2,0e-3*** -3,6e-3*** -1,9e-3*** -3,1e-3***
(4,2e-4)
(5,1e-4)
(6,6e-4)
(1,2e-4)
(4,6e-4)
(1,1e-4)
(5,1e-4)
(2,7e-4)
(1,0e-4)
(4,9e-4)
0,38**
0,99***
0,38***
0,28*
1,19***
-0,18***
0,14
(4,2e-2)
(0,21)
(0,16)
(6,7e-2)
(5,8e-2)
(0,15)
(0,12)
(5)
Non
8,3e+3
246
27
Oui
Non
Welsch
0,10***
(3,8e-2)
-2,5e-3***
(4,2e-4)
0,32**
(0,15)
(15)
Variable dépendante: incidence de l'emploi informel après élimination des observations aberrantes
-2,1e-3*** -6,1e-3***
(4,7e-4)
(5,5e-4)
0,67***
1,10***
(1,3e-1)
(0,23)
(2)
(16)
Non
6,7e+3
187
22
Oui
Non
Difts
3,0e-3***
(9,9e-4)
-5,9e-2**
(2,8e-2)
-3,4e-2**
(1,3e-2)
-3,4e-3***
(5,3e-4)
0,07
(0,25)
(17)
Non
8,7E+03
180
20
Oui
Non
Difts
6,4e-4
(8,5e-4)
9,2e-2***
(2,5e-2)
-4,6e-2**
(2,3e-2)
-2,6e-2**
(1,3e-2)
-2,3e-3***
(5,3e-4)
(18)
Oui
203
23
Oui
Non
0,98
Difts
3,8e-3***
(5,0e-4)
6,4e-2***
(1,4e-2)
11,82***
(2,46)
-2,9e-2***
(7,2e-3)
-2,7e-3***
(8,9e-5)
Source:
Calculs des auteurs.
Note:
Ce tableau présente les résultats de diverses spécifi cations établissant un lien entre les déterminants économiques et l’incidence de l’emploi
informel, après élimination des observations influentes. Toutes les spécifi cations tiennent compte des effets fi xes par pays. Les erreurs-types des
coeffi cients estimés sont indiquées entre parenthèses, tandis que le niveau de signifi cation statistique est indiqué par des astérisques: *: niveau de
signification de 10%; **: niveau de signification de 5%; ***: niveau de signification de 1%
R2
Qualité de
l'ajustement
Chi2
Nombre d'observations
Nombre de pays
Effets fixes par pays
Effets temporels fixes
Décomposition vectorielle des
effets spécifiques
Élimination
des observations
aberrantes
Indice de
mondialisation du KOF
Distance géographique
Flux d'information
Contacts personnels
IInvestissements
étrangers directs
Recettes provenant des
taxes sur le commerce
(indice)
Réformes commerciales
(variation)
Restrictions commerciales
Taux de la nation la plus
favorisée (produits
manufacturés)
Taux de la nation la plus
favorisée
Droits de douane
pondérés par les échanges
Flux économiques
Ouverture commerciale
(t-1)
Ouverture commerciale
Population en âge de
travailler (%)
-1,8e-3***
(4,1e-4)
(1)
Mondialisation et emploi informel, après élimination des observations aberrantes
PIB par habitant (niveau)
Tableau A2.5
Variables
économiques
de contrôle
Variables commerciales
Indicateurs de la
mondialisation
206
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
0,99
99
17
Oui
Non
Oui
78
16
Oui
Non
Oui
Welsch
-4,6e-1***
(3,9e-2)
0,99
Dfits
-0,70***
(7,0e-2)
Oui
78
16
Oui
Non
0,99
Welsch
3,78***
(0,24)
Oui
47
7
Oui
Non
0,98
Dfits
-2,80**
(1,12)
Non
5,4e+4
65
15
Oui
Non
Welsch
0,59***
(0,11)
Oui
127
19
Oui
Non
0,99
Welsch
0,29***
(5,5e-2)
Non
4,8e+4
121
23
Oui
Non
Welsch
-7,01***
(0,99)
Non
3,2e+4
117
22
Oui
Non
Dfits
1,47*
(0,81)
Non
4,2e+5
118
22
Oui
Non
Welsch
-1,47***
(0,23)
Non
2,0e+4
49
13
Oui
Non
Welsch
-3,7e-3
(1,3e-2)
Oui
78
16
Oui
Non
0,99
Welsch
-4,20***
(0,24)
Oui
78
16
Oui
Non
0,99
Welsch
-1,11***
(0,14)
Oui
78
16
Oui
Non
0,99
Welsch
-2,40***
(0,15)
Non
6,3e+4
99
18
Oui
Non
Dfits
-5,6e-3
(6,8e-2)
Non
7,6e+4
110
19
Oui
Non
Welsch
-0,74***
(0,12)
Non
2,7e+5
96
18
Oui
Oui
Welsch
-1,60***
(0,16)
-0,40***
(6,3e-2)
Non
1,6e+5
108
19
Oui
Oui
Welsch
-1,31***
(0,18)
-0,26***
(6,3e-2)
0,14
(0,12)
Non
3,1e+5
72
17
Oui
Non
Welsch
-1,15***
(0,18)
-0,42***
(7,8e-2)
2,62***
(0,82)
-0,31***
(7,0e-2)
Oui
73
18
Oui
Non
0,99
Welsch
-0,92***
(0,15)
-0,48***
(0,17)
2,07***
(0,32)
-0,29***
(4,3e-2)
Source:
Calculs des auteurs.
Note:
Ce tableau présente les résultats de diverses spécifi cations établissant un lien entre les déterminants économiques et les facteurs politiques
et l’incidence de l’emploi informel, après élimination des observations influentes. Toutes les spécifi cations tiennent compte des effets fi xes par pays. Les
erreurs-types des coeffi cients estimés sont indiquées entre parenthèses, tandis que le niveau de signifi cation statistique est indiqué par des astérisques: *:
niveau de signification de 10%; **: niveau de signification de 5%; ***: niveau de signification de 1%
Qualité de
l'ajustement
R
Chi2
Nombre d'observations
Nombre de pays
Effets fixes par pays
Effets temporels fixes
Décomposition vectorielle des effets
spécifiques
2
Type
Centralisation des négociations
salariales
Salaire minimum
Fardeau administratif
Contrôle des prix
Réglementation des marchés
de produits
Coût de la création d'entreprises
Responsabilité de l'État
Prévalence de la corruption
Primauté du droit
Transferts et subventions
(en % du PIB)
Recettes fiscales (en % du PIB)
Taxes à l'exportation (indice)
Taux d'imposition marginal
maximum
Dépenses publiques
Réformes commerciales
Restrictions commerciales
Ouverture commerciale (t-1)
Ouverture commerciale
Population en âge de
travailler (%)
(1)
(2)
(3)
(4)
(5)
(6)
(7)
(8)
(9)
(10)
(11)
(12)
(13)
(14)
(15)
(16)
(17)
(18)
(19)
-3,4e-3*** -2,5e-3*** -3,1e-3*** -5,1e-3*** -5,6e-3*** -3,2e-3*** -2,2e-3*** -2,8e-3*** -2,9e-3*** -1,6e-3*** -2,7e-3*** -3,6e-3*** -3,2e-3*** -3,1e-3*** -3,7e-3*** -4,3e-3*** -4,6e-3*** -3,3e-3*** -2,7e-3***
(1,6e-4) (8,7e-5) (2,1e-4) (4,5e-4) (6,0e-4) (1,1e-4) (4,2e-4) (3,4e-4) (4,5e-4) (3,6e-4) (1,3e-4) (1,6e-4) (1,4e-4) (5,9e-4) (3,6e-4) (4,7e-4) (4,6e-4) (4,2e-4) (7,7e-5)
0,99***
0,52***
1,03***
0,41
0,54***
0,61***
0,27**
0,80***
0,63***
-1,66***
1,13***
1,15***
1,05***
0,79***
0,64***
1,03***
-1,52***
0,40***
(0,12)
(5,7e-2)
(0,15)
(0,37)
(0,15)
(5,1e-2)
(0,11)
(0,11)
(7,3e-2)
(0,28)
(8,8e-2)
(0,12)
(0,10)
(0,15)
(0,12)
(0,13)
(0,29)
(5,8e-2)
-2,2e-2*
-4,7e-2***
-0,12***
-8,4e-2***
-6,0e-2*** -2,8e-2** -3,1e-2*** -3,0e-2*
-5,3e-2***
-3,7e-2***
(1,2e-2)
(1,4e-2)
(1,3e-2)
(1,1e-2)
(9,2e-3) (1,1e-2) (9,8e-3) (1,5e-2)
(1,4e-2)
(1,3e-2)
1,7e-2***
-0,11***
-2,4e-2***
(6,0e-3)
(1,3e-2)
(7,1e-3)
1,02***
3,2E-2
2,2E-2
0,30**
(0,26)
(2,3e-2)
(2,4e-2)
(0,12)
15,30***
26,71***
(2,96)
(2,22)
Variable dépendante: incidence de l'emploi informel après élimination des observations aberrantes
Informalité, ouverture commerciale et politiques, après élimination des observations aberrantes
PIB par habitant (niveau)
Élimination des
observations
aberrantes
Réglementation
Activité des pouvoirs
publics
Variables économiques de
contrôle
Tableau A2.6
ANNEXE II. DÉTAILS TECHNIQUES DE L’ANALYSE EMPIRIQUE
207
-0,17
(0,11)
Welsch
Welsch
-2,4e-2***
(1,8e-3)
Welsch
6,7e-4
(4,3e-4)
Welsch
6,1e-5
(6,6e-4)
Welsch
(16)
-3,1e-3***
(4,7e-4)
0,27
220
19
Oui
Oui
0,18
198
20
Oui
Oui
Oui
115
16
Oui
0,40
Welsch
Oui
115
16
Oui
0,43
Welsch
Non
2,5e+3
183
21
Oui
Non
9,5e+3
116
19
Oui
Non
2,5e+3
154
19
Oui
Oui
154
19
Oui
0,84
Non
2,7e+4
182
21
Oui
Oui
167
21
Oui
0,93
Source:
Calculs des auteurs.
Note:
Ce tableau présente les résultats de diverses spécifi cations établissant un lien entre l’incidence de l’emploi informel et d’autres déterminants
économiques et deux indicateurs de résultats: la croissance du PIB et l’indice de concentration des exportations. Les estimations éliminent les
observations influentes. Toutes les spécifi cations tiennent compte des effets fi xes par pays. Les erreurs-types des coeffi cients estimés sont indiquées
entre parenthèses, tandis que le niveau de signifi cation statistique est indiqué par des astérisques: *: niveau de signifi cation de 10%; **: niveau de
signification de 5%; ***: niveau de signification de 1%
R2
2
Chi
Nombre d'observations
Nombre de pays
Effets fixes par pays
Décomposition vectorielle des
effets spécifiques
Welsch
1,3e-1*** 1,2e-1***
(3,5e-2) (3,5e-2)
-0,16***
(3,9e-2)
(15)
Type d'élimination des
observations aberrantes
Welsch
-0,11***
(2,4e-2)
5,3e-2***
(9,8e-3)
(14)
Concentration des échanges
(13)
-3,1e-3***
(1,6e-4)
Welsch
-2,4e-2
(2,9e-2)
(12)
(17)
9,5e-4***
(3,2e-4)
7,2e-4*** 1,7e-3*** 6,6e-4*** 1,4e-3** 8,0e-4***
1,1e-3
(2,6e-4) (2,6e-4) (2,4e-4) (6,8e-4) (1,3e-4) (8,2e-4)
-1,8e-2*** -3,3e-2***
(3,5e-3) (7,8e-3)
-1,9e-1*** 1,3e-3*** 3,2e-3***
3,8e-4
3,8e-3*** 2,0e-3*** 9,5e-4***
(4,0e-2) (4,7e-4) (6,1e-4) (5,5e-4) (4,1e-4) (2,4e-4) (3,2e-4)
5,6e-4***
(1,2e-4)
(2)
(3)
(4)
-1,0e-3*** -1,6e-3*** -1,7e-3***
(2,0e-4) (3,0e-4) (3,0e-4)
Croissance du PIB
Part de la production
manufacturière faisant l'objet
d'échanges
Niveau d'instruction
Restrictions commerciales
Taux de la nation la plus
favorisée
Taux de douane
Diversification des échanges
Ouverture commerciale
Taux d'informalité
Croissance démographique
Croissance du PIB
PIB initial
(1)
-4,7e-4*
(2,6e-4)
Tableau A2.7
Croissance et concentration des échanges en présence d’un marché du travail informel, après élimination
des observations aberrantes
208
MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Téléchargement