HYGIENE ET PRÉVENTION DES INFECTIONS DANS LES ÉTABLISSEMENTS DE SOINS POUR PERSONNES AGÉES LES PRATIQUES DE SURVEILLANCE ET D’ÉVALUATION 4.1 La surveillance épidémiologique A MISE EN ŒUVRE D'UNE SURVEILLANCE épidémiologique permet d'établir une fréquence de base des infections sous forme d’un taux, de recenser les problèmes infectieux les plus fréquents afin de décider de mesures de prévention adaptées et de les évaluer (1). Le choix des infections à surveiller dépend de la situation de chaque établissement : soins de suite, soins de longue durée, type de patients pris en charge : patients grabataires, postopératoires etc. Les définitions d’infections nosocomiales utilisées pour la surveillance doivent spécifiques à la gériatrie et standardisées. Il est donc recommandé d’utiliser des définitions publiées, ayant fait l’objet d’un consensus et d’une validation (2,3). Chaque structure doit établir ses priorités et adapter son système de surveillance ; il parait essentiel qu’un nombre limité d'indicateurs régulièrement suivis soit disponible. Une surveillance épidémiologique minimum fait partie intégrante de la politique de prévention des infections. La surveillance épidémiologique peut cibler une ou plusieurs des infections suivantes : L • infections urinaires, en particulier sur sonde, • infections d'escarre, • infections muqueuses, • diarrhées infectieuses, • nouveaux cas de colonisation, portage, ou infection à bactéries multirésistantes : SAMR, entérobactéries productrices de ßLSE, Pseudomonas aeruginosa multirésistant ; dans ce cas, il peut être intéressant de différencier les cas importés* d'autres établissements, des cas acquis* dans l'établissement lui même. La surveillance épidémiologique englobe également l’investigation des épidémies qui doit être systématique, afin de recommander au plus tôt les mesures adéquates de prévention et de comprendre les situations en ayant permis le développement. Une surveillance épidémiologique continue peut favoriser le dépistage précoce des épidémies et ainsi limiter le nombre de personnes atteintes. 360 Les points essentiels pour effectuer une surveillance ◆ La surveillance se faisant par le calcul d’un taux d’infection, il faut toujours recueillir les données permettant d'établir le numérateur et le dénominateur. ◆ Le questionnaire doit comporter un nombre limité d'items pour qu'une surveillance de routine soit possible donc efficace : • renseignements concernant le patient : âge, sexe, date entrée, service... • renseignements concernant les facteurs de risque : sonde urinaire ... • renseignements concernant l'infection : siège, micro-organisme, date de début... ◆ L’enquête un jour donné (enquête de prévalence) est de réalisation assez facile ; l’indicateur rapporte le nombre de patients présents infectés au nombre total de patients présents. Il donne une vue globale du problème de l’infection nosocomiale et permet de participer aux enquêtes nationales mais sa précision reste limitée pour les établissements de petite taille et il n’est pas toujours adapté au suivi d’un phénomène au cours du temps. Si ce système de surveillance est adopté, il est recommandé de le compléter par une surveillance en incidence d’une ou plusieurs types d’infection. ◆ La surveillance de l'incidence des infections nosocomiales exprime le nombre de nouveaux cas d’infection par unité de temps ou rapportés à l’exposition à un facteur de risque d’infection. C’est une surveillance plus précise mais plus lourde à mettre en œuvre, bien adaptée au suivi d’un phénomène au cours du temps (4) ; on peut ainsi disposer des indicateurs suivants sur des périodes de plusieurs semaines voire plusieurs mois ou années (5) permettant d’évaluer une politique de prévention : • nombre d'infections d'escarre pour 1 000 journées d'hospitalisation, • nombre d'infections urinaires sur sonde pour 100 journées de sondage, HYGIENES - 1997 - VOLUME V - N°6 LA SURVEILLANCE ÉPIDÉMIOLOGIQUE • nombre de patients ayant acquis une bactérie multirésistante pour 100 entrants ou 1 000 journées d'hospitalisation. ◆ En fonction des systèmes de surveillance retenus, plusieurs acteurs peuvent être impliqués : médecin, pharmacien, microbiologiste, hygiéniste, infirmière. Les étapes d'une surveillance épidémiologique des infections nosocomiales OPTIMISER La surveillance épidémiologique ETABLISSEMENT X ETABLISSEMENT Y Les étapes Définir les infections à surveiller. Déterminer les indicateurs à calculer. Établir un support pour le recueil des données. DONNEES NATIONALES Utiliser les définitions standardisées d’infection adaptées à la gériatrie. Comparer les taux d’infection à ceux d’établissements de soins à activité équivalente ou à des données nationales surtout si l’on dispose de données d’incidence toujours plus intéressantes que celles de prévalence. Recueillir les données de façon exhaustive et régulière. Traiter les données. Calculer des taux d'infection. Analyser les données avec un œil critique pour définir des objectifs d’amélioration clairs et en nombre limité. Diffuser les résultats aux équipes médico-soignantes en termes clairs et faciles à comprendre Mettre en œuvre les mesures correctives de prévention adaptée Poursuivre la surveillance pour évaluer l'impact de mesures préventives Le retour d’information des données de surveillance doit être régulier et rapide. Il doit être l’occasion d’un dialogue constructif avec les équipes médico-soignantes et non considéré comme une surveillance sanction. Bibliographie 1 - Cent recommandations pour la surveillance et la prévention des infections nosocomiales. Bull Epidem. Hebd. Numéro spécial. Juin 1992 (document en cours de révision en 1997, nouvelle édition en 1997 ou 1998). 2 - Guide de définition des infections nosocomiales. CCLIN Paris Nord. Éditions Frison-Roche (1995). 3- MC GEER A, CAMPBELL B, EMORI G, et al. Definitions of infection for long-term care facilities. Am Inf Contr 1991, 19, 1: 1-7. 4 - VERDEIL X, BOCQUET H, CANCE-ROUZAUD A. Surveillance des infections nosocomiales dans les établissements pour personnes âgées. Hygiènes 1994, 6: 30-32. Une informatisation simple facilite le traitement rapide des données et par là même l’impact de la surveillance épidémiologique. 5 - JACKON MM, FIERER J, BARETT-CONNOR E, et al. Intensive surveillance for infections in a three-year study of nursing home patients. Am J Epidemiol 1992, 135, 6: 685-696. HYGIENES - 1997 - VOLUME V - N°6 361 HYGIENE ET PRÉVENTION DES INFECTIONS DANS LES ÉTABLISSEMENTS DE SOINS POUR PERSONNES AGÉES Lexique AFNOR biofilm Association Française de Normalisation. Association ayant pour mission de coordonner les programmes de normalisation en France et d’encourager la diffusion et l’application des normes. Ensemble de micro-organismes et de leurs sécrétions macromoléculaires qui sont présents sur la surface d’un matériau (Association pour la Prévention et l’Étude de la Contamination). antisepsie bionettoyage Opération au résultat momentané permettant, au niveau des tissus vivants, dans la limite de leur tolérance, d’éliminer ou de tuer les micro-organismes et/ou d’inactiver les virus, en fonction des objectifs fixés. Le résultat de cette opération est limité aux micro-organismes présents au moment de l’opération (AFNOR NF T 72 101). Procédé de nettoyage, applicable dans une zone à risques, destiné à réduire momentanément la biocontamination d’une surface. Il est obtenu par la combinaison appropriée d’un nettoyage, d’une évacuation des produits utilisés et des salissures à éliminer, de l’application d’un désinfectant. cas acquis antiseptique Selon AFNOR NF T 72 101, un antiseptique est un produit ou un procédé utilisé pour l’antisepsie dans des conditions définies. Si le produit ou le procédé sont sélectifs, cela doit être précisé. Ainsi, un antiseptique ayant une action limitée aux champignons est un antiseptique à action fongicide. Le caractère acquis d’une bactérie multirésistante peut être affirmé si un dépistage systématique à l’entrée dans un service a été réalisé et si celui-ci est négatif. La découverte d’une telle bactérie au cours du séjour plus de 48 à 72 heures après l’admission chez un patient antérieurement négatif laisse présumer que la bactérie a été acquise par transmission au cours du séjour. bactéricide Produit ou procédé ayant la propriété de tuer les bactéries dans des conditions définies (AFNOR, Comité Européen de Normalisation). Produit ou procédé ayant la propriété d’inhiber momentanément les bactéries dans des conditions définies (AFNOR). Le caractère importé depuis un autre établissement d’une bactérie multirésistante peut être affirmé si un dépistage systématique à l’entrée du patient dans le service a été réalisé et si celui-ci est positif. La découverte d’une telle bactérie chez un patient moins de 48 à 72 heures après l’admission laisse présumer que la bactérie a été transmise antérieurement par rapport au séjour actuel. biocontamination colonisation (colonisé) Contamination d’une surface (biologique ou inerte) ou d’un fluide par des micro-organismes véhiculés par l’air (contamination aéroportée ou aérobiocontamination), par des êtres vivants (la contamination par contact avec les mains en est la modalité majeure) ou par les objets. (Association pour la Prévention et l’Étude de la Contamination) Présence d’une bactérie dans un site qui en est normalement exempt, mais cette bactérie n’est responsable d’aucun symptôme local ou général d’infection ; exemple : présence d’une bactériurie isolée à Staphylococcus aureus dans les urines sans aucun signe d’infection urinaire. bactériostatique 364 cas importé HYGIENES - 1997 - VOLUME V - N°6 désinfectant nettoyage Produit ou procédé utilisé pour la désinfection, dans des conditions définies. Si le produit ou le procédé est sélectif, ceci doit être précisé. Ainsi, un désinfectant ayant une action limitée aux champignons est désigné par : désinfectant à action fongicide (AFNOR NFT 72 101). Opération d’élimination des salissures (particulaires, biologiques, liquide,...) avec un procédé faisant appel dans des proportions variables les unes par rapport aux autres, aux facteurs suivants : action chimique, action mécanique, temps d’action de ces deux paramètres et température. désinfection nettoyage-désinfectant ◆ Opération au résultat momentané permettant d’éliminer ou de tuer les micro-organismes et/ou d’inactiver les virus indésirables portés par des milieux inertes contaminés, en fonction des objectifs fixés. Le résultat de cette opération est limité aux micro-organismes présents au moment de l’opération (AFNOR NFT 72 101). L’usage du terme « désinfection » en synonyme de « décontamination » est prohibé. Produit présentant la double propriété de détergence et de désinfection (Société Française d’Hygiène Hospitalière). ◆ Terme générique désignant toute action à visée antimicrobienne, quel que soit le niveau de résultat, et utilisant un produit pouvant justifier in vitro des propriétés autorisant à le qualifier de désinfectant ou d’antiseptique. Il devrait logiquement toujours être accompagné d’un qualificatif et l’on devrait ainsi parler de : • désinfection des dispositifs médicaux (= du matériel médical) • désinfection des sols, • désinfection des surfaces par voie aérienne, • et même désinfection des mains ou d’une plaie (Société Française d’Hygiène Hospitalière et Comité Européen de Normalisation). ◆ Élimination dirigée de germes destinée à empêcher la transmission de certains micro-organismes indésirables, en altérant leur structure ou leur métabolisme indépendamment de leur état physiologique (CEN) HYGIENES - 1997 - VOLUME V - N°6 porteur (portage) Présence d’une bactérie dans un site où sa présence est habituelle sans qu’elle soit responsable d’infection ; exemple : présence de Staphylococcus aureus dans les narines ou dans d’entérobactéries dans les selles. précautions standard Ensemble des précautions d’hygiène qui s’appliquent à tout patient sans tenir compte de l’existence d’une éventuelle infection. Ces précautions intègrent la protection du personnel vis à vis des liquides biologiques, la prévention des accidents d’exposition au sang et les bonnes pratiques d’hygiène visant à limiter la transmission des micro-organismes hospitaliers lors des soins. Les précautions standard concernent l’hygiène des mains, les techniques de soins, le nettoyage et la désinfection du matériel de soins, l’entretien des locaux , de la vaisselle et du linge, la prévention des accidents d’exposition aux liquides biologiques dont le sang. L’application des précautions standard est indispensable à l’efficacité d’une politique de contrôle des infections nosocomiales. 365