L`État allège encore le contrôle de légalité

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ACTUALITÉ
L’État allège encore
le contrôle de légalité
Le gouvernement
vient de publier une
nouvelle circulaire sur
le contrôle de légalité.
Depuis plusieurs
années déjà, sous
prétexte « d’alléger »
ce contrôle et de faire
davantage confiance
aux collectivités, l’État
s’est désengagé de
ses obligations. Cette
nouvelle circulaire
confirme et amplifie ce
désengagement. On est
bien loin de l’époque
où l’État tentait de tout
contrôler.
D
écidément, il est parfois
difficile de changer les
habitudes des collectivités locales en matière de
transmission de certains actes
au contrôle de légalité.
C’est connu, l’État a entrepris
depuis de nombreuses années
une réforme de ce contrôle de
légalité (en réalité c’est un total
désengagement qui est en cours) et
ce, dans le cadre de la révision générale
des politiques publiques visant notamment
à réduire la liste des actes soumis à transmissions. Mais voilà qu’une nouvelle circulaire du
ministère de l’Intérieur, en date du
10 décembre 2011, nous apprend que de nombreux actes qui ne sont plus soumis à cette
contrainte continueraient d’être envoyés aux
préfets en vue d’obtenir le « visa » de la préfecture, qui leur paraît de nature à leur conférer
une sorte d’aura officielle.
Autrement dit, certaines collectivités locales
considèrent que pour être exécutoires, leurs
actes doivent être transmis au représentant
de l’État et être revêtus du sceau de la préfecture.
PUBLICITÉ OBLIGATOIRE
ALERTE JURIDIQUE
La circulaire est donc l’occasion de dresser un
état des lieux des actes soumis à publicité et
ou transmission au contrôle de légalité.
Î Éric Lanzarone
56
[email protected]
Avocat au barreau de Marseille,
Cabinet Lanzarone
Comme chacun sait, l’entrée en vigueur des
actes des collectivités locales est subordonnée, dans le cas des actes de portée générale,
à la condition de leur publicité (par voie de
publication au recueil ou d’affichage au
tableau), et, dans le cas des actes de portée
individuelle, à leur notification. Cette publicité ou cette notification ont pour rôle d’informer les personnes concernées par l’acte de
son existence avant qu’il puisse être mis à
exécution.
C’est pour que ce but soit atteint que la publicité ou la notification conditionnent l’entrée
en vigueur de l’acte. Cette règle figure, en ce
qui concerne les actes des communes, aux
articles L2131-1 et L2131-3 du Code général
des collectivités territoriales (des dispositions identiques étant reprises, en ce qui
concerne les départements et les régions, aux
articles L3131-1 et L3131-4, L4141-1 et
L4141-4).
Ce sont donc, en règle générale, tous les actes
des collectivités locales, dès lors qu’ils peuvent être considérés comme ayant par euxmêmes une portée soit générale, soit individuelle qui doivent faire l’objet d’une publicité
(par voie de publication au recueil ou d’affichage au tableau) ou d’une notification.
Les actes qui ne correspondent pas à l’une ou
l’autre de ces notions de portée générale ou
de portée individuelle n’ont donc pas à faire
l’objet de mesures de publicité ou de notification. En l’absence de ces mesures de publicité
ou de notification, l’acte n’entre pas en
vigueur.
“ En l’absence de mesures de
publicité ou de notification,
l’acte n’entre pas en vigueur ”
La Lettre du cadre territorial • n° 415 • 1er février 2011
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LES LOIS DE LA TRANSMISSION
À cette règle générale s’ajoute une autre règle
fondamentale tenant à une autre formalité,
celle de la transmission au représentant de
l’État.
Cette transmission au représentant de l’État
de certains des actes des collectivités locales
constitue un des éléments du « contrôle
administratif » des collectivités territoriales
que l’article 72, alinéa 3, de la Constitution
du 4 octobre 1958 met à la charge du délégué
du gouvernement. Instituée par la loi 82-213
du 2 mars 1982 cette règle de la transmission
figure également au CGCT, articles L2131-1
pour les communes, L3131-1, pour les départements, L4141-1 pour les régions.
Bien que relativement bien ancrée, cette
transmission pose encore des difficultés pour
certaines collectivités et il n’est dès lors pas
inutile de préciser de nouveau certains
points.
• La date à prendre en considération, en ce
qui concerne la transmission, du point de vue
du caractère exécutable de l’acte, est celle de
la réception de celui-ci à la préfecture ou à la
sous-préfecture, et non pas celle de la réception par le maire ou de l’accusé de réception.
C’est précisément cette date de la réception
de l’acte à la préfecture ou à la sous-préfecture
qui peut être prouvée par tout moyen. La loi
(v. l’art. L2131-1, al. 3), précise en effet que
l’accusé de réception « n’est pas une condition
du caractère exécutoire des actes ». C’est la
transmission effective, c’est-à-dire le fait de
la réception de l’acte par le représentant de
l’État, qui seule constitue cette condition.
L’acte entre donc en vigueur – si par ailleurs
il a été publié ou notifié – au moment où il
est effectivement reçu à la préfecture ou à la
sous-préfecture. Trop souvent encore, les
collectivités attendent le retour de la préfecture conduisant à de nombreux retards.
• Aucune disposition légale ne prévoit qu’il
devrait être procédé à toutes ces formalités
dans un ordre déterminé de sorte que le
maire est libre d’effectuer d’abord la transmission à la préfecture et ensuite la publicité
ou la notification, ou aussi bien l’inverse.
L’essentiel étant bien entendu l’accomplissement de toutes ces formalités.
• Par ailleurs aucun délai n’est imposé, ni pour
la publicité ou la notification des actes, ni
pour leur transmission au représentant de
l’État sauf en matière financière (la transmission du budget primitif et du compte administratif doit intervenir au plus tard dans les
quinze jours du délai limite fixé pour leur
adoption) et dans le cas des marchés et des
délégations de service public, la transmission
doit intervenir dans les quinze jours de la
signature du contrat et précéder la notification.
LES MARCHÉS PUBLICS : QUEL SEUIL ?
La circulaire, pour le reste confirme, que les
conventions relatives aux emprunts, aux
marchés et aux accords-cadres, à l’exception
de ceux inférieurs à un seuil défini par décret,
ainsi que les conventions de concession ou
d’affermage de services publics locaux et les
contrats de partenariat, continuent d’être
concernées par l’obligation de transmission.
Les décisions relevant de l’exercice de prérogatives de puissance publique, prises par les
sociétés d’économie mixte locales pour le
compte d’une commune ou d’un établissement public de coopération intercommunale,
en font aussi partie.
De la même manière, I’article L315-14 du
Code de I’action sociale et des familles prévoit
que les délibérations des conseils d’administration des établissements publics sociaux ou
médico-sociaux ainsi que la transmission de
leurs marchés sont soumises à I’obligation de
transmission au préfet.
Enfin, il n’est pas inutile de constater que la
circulaire considère que les marchés inférieurs au seuil de 193 000 euros bien que
signés sur le fondement de la délégation du
conseil municipal ne sont pas soumis à l’obligation de transmission. Bien entendu cette
interprétation est juridiquement fausse
puisque précisément l’article L2131-2 dispose que sont soumises au double formalisme
les décisions prises sur le fondement de la
délégation…
En annexe, la circulaire propose une fiche qui
dresse une liste indicative des principales
catégories d ‘actes non soumis à I’obligation
de transmission.
DOC
DO
OC
DOC
Une liste en
constante réduction
En tout état de cause, seuls
certains actes des collectivités
locales, listés aux dispositions
de l’article L2131-2, sont
soumis à l’obligation de
transmission au représentant de
l’État. Et force est de constater
que la liste n’a eu de cesse de
s’amoindrir depuis l’ordonnance
en date du 17 novembre 2009
portant simplification du
contrôle de légalité.
Aussi depuis le 1er janvier 2010,
sont soustraits de l’obligation
de transmission résultant des
articles L2131-2 du CGCT :
- les délibérations relatives
aux droits de voirie et
de stationnement, au
classement, au déclassement,
à l’établissement des
plans d’alignement et de
nivellement, au redressement
et à l’élargissement des voies
communales ;
- les délibérations relatives
aux taux de promotions pour
l’avancement de grade des
fonctionnaires, à la filiation ou
à la désaffiliation aux centres
de gestions ainsi qu’aux
conventions portant sur les
missions supplémentaires à
caractère facultatif confiées au
centre de gestion ;
- les décisions réglementaires
relatives à la circulation et au
stationnement, à l’exploitation
par les associations de débits
de boissons pour la durée
des manifestations publiques
qu’elles organisent.
À lire
Sur www.lettreducadre.fr, rubrique « au
ssommaire du dernier numéro » :
- « Michèle André : La RGPP menace la qualité du
service public », La Lettre du cadre territorial n° 412,
1er décembre 2010
- « Contrôle de légalité : mort ou vif ? », La Lettre
du cadre territorial n° 354, 1er mars 2008
À télécharger
Sur www.lettreducadre.fr/comp-redac.html,
complément rédactionnel n° 983 :
Le rapport remis par Michèle André : « La RGPP dans
les préfectures : la qualité du service public est-elle
en péril ? »
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