La modernité de la poésie française du XXe siècle autour des

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1)
Kwak, Minseok (Universit
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Yonsei)
I. Introduction
Dans son courant général, la poésie moderne française nous semble bien
associer les quotidiens de la vie au monde poétique, et elle se constitue comme
courant esthétique, culturel et même sociopolitique en ne se résumant pas à
une seule tendance poétique ou littéraire. Elle s'oppose dès le début au
rationalisme qui a dominé la pensée occidentale jusqu'au bouleversement de la
Première guerre mondiale en voulant congédier une culture et une histoire. Elle
veut reprendre tout savoir, en remontant à un non-savoir, comme l'affirme
Breton : «L'oeil existe à l'état sauvage.»
2)
Par exemple, la poésie surréaliste est
contre la tradition rationaliste qui bride le désir perçu comme antinomique à
l'ordre de la logique, et qui génère son refoulement volontaire en le plaçant à
la périphérie des motivations et des activités humaines. Ainsi, le but de celle-là
1) "This work was supported by the National Research Foundation of Korea Grant funded
by the Korean Government (NRF-2012S1A5B5A07035808)"
2) A. Breton, C'est la phrase qui ouvre
Le surréalisme et la peinture
(1928).
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est de poser le désir au centre de l'existence, de l'élucider et de lui rendre une
liberté inconditionnelle affranchie du poids millénaire de la censure.
L'admiration des surréalistes pour Sade est un exemple de cette visée de liberté
totale du sujet désirant, qui veut porter au jour tous les composants du désir en
atteignant les zones les plus secrètes de l'être. Le désir, dit Breton, est le
«seul ressort du monde», la «seule rigueur que l'homme ait à connaître»
3)
. Il
«reste depuis l'origine le seul acte de foi du surréalisme»
4)
. Mieux encore,
l'auteur de ces propos se définit, dès l'époque dada, comme un homme «n'ayant
au monde d'autre défi à jeter que le désir»
5)
.
De ce fait, dans la poésie moderne française, notamment du XXe
siècle, le regard des poètes semble se diriger le plus souvent vers « les
instants fragiles du quotidien, sans ambition métaphysique ni volon
emblématique, comme chez les poètes de l’ontologie ». Les petits faits
quotidiens y sont consignés avec émotion et modestie. C’est un
lyrisme sans emphase, plutôt sur le mode mineur, toujours « dans la
conscience de la fragilité de la voix », conscient aussi de la critique
par laquelle il est passé.
6)
En ce sens, la poésie moderne française accorde une place majeure à l'image
non univoque (fortuite, insolite, fragmentaire, répétitive, etc.) qui est un de ses
traits distinctifs les plus importants. Par là on voit que l'image dans la poésie
moderne est mise au service d'une opposition à la logique du discursif, typique
de la poésie moderne et «celle qu'on met le plus longtemps à traduire en
langage pratique», recelant «une dose énorme de contradiction apparente»
7)
, ce
que Breton considère comme caractéristique du texte «contemporain». Les
3) A. Breton, L'amour fou, Gallimard ( folio ), p. 129
4) A. Breton,
Qu'est que le surréalisme,
1934,
Œuvres Complètes,
tome I, p. 256.
5)
A. Breton,
La confession dédaigneuse
, dans
Les pas perdus,
Gallimard, p. 8.
6) Christine Andreucci,
La poésie française contemporaine: enjeux et pratiques
, 2003. p. 32.
7) A. Breton,
Manifeste du surréalisme
(Paris: Gallimard, coll. «Idées » 1972), p. 52.
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images surréalistes, par exemple, visent la création d'une représentation
originale, qui se veut éloignée du domaine référentiel et vraisemblable : « il
suffit de relier [...] n'importe quel substantif à n'importe quel autre pour qu'un
monde de représentations nouvelles surgisse aussitôt »
8)
.
Avec cette tendance ptique, ce qui est essentiel pour cette étude,
c'est le lien entre les traits ptiques contemporains et les concepts de
« l’immédiateté » et « la présence ». L'importance de ces concepts,
surtout dans le cadre du mouvement poétique, n'a pas été suffisamment
explorée
9)
; cependant, on pense que cela peut résumer l'essentiel des
idées et de la démarche de la poésie contemporaine, même si leur rôle
n'a pas é explicité dans les textes théoriques liés à la poésie. Ainsi,
par exemple, le désir qui relève de l’immédiateté, apparaît comme
immédiat par opposition à la censure de la raison ; sa dynamique,
indissociable de l'inconscient, se manifeste en tant qu'évidence qui
précède l'élaboration logique de la pensée; elle peut être perçue
comme une voix du corps, comme un signal issu directement de l'être
profond du moi ; elle est fondée sur le vécu immédiat d'une évidence
par laquelle l'homme et le monde se trouvent être d'accord
originairement.
II. La Po
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La notion de l’« immédiateté » n'est pas seulement bien constatée
dans les manifestations poétiques contemporaines; elle exige, envers et
8) A. Breton,
L'Amour fou
(Paris: Gallimard, coll. « Folio », 1976), p. 116.
9) Voir, par exemple,
Les pensée d'André Breton
(guide alphabétique établis par Henri
Béhar avec le concours de M. Barbe et R. Fournier, L'Age d'homme, Lausanne, 1988),
on n'y trouve pas le mot «immédiat».
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contre la pensée surveillée par la raison, une satisfaction rapide. Il
nous semble que si le phénomène poétique d’aujourd’hui est difficile à
définir de manière stricte (compte tenu des divergences au sein de
divers groupes et des différenciations ultimes des œuvres des poètes),
nous pouvons distinguer dans toutes ses manifestations la même
volonté d'une affirmation de l’immédiat, avec ses conséquences : la
transgression des tabous conçus par un rationalisme dualiste, et la
valorisation du plaisir au présent. Du fait, si nous envisageons un des
termes importants avec la notion de l’immédiateté, le désir surréaliste
n'aspire pas à une satisfaction à long terme dans la continuité d'une
réalisation sociale ou personnelle : il oppose implicitement, au schéma
passé/présent/futur, l'idée d'un présent permanent où l'on retrouve la
liberté en refusant une durée organisée donc aliénante. Le pragmatisme
calculateur, la logique de l'utile, la recherche d'un bonheur prudent au
nom duquel on renonce aux exigences supérieures du rêve, sont autant
de signes du «règne de la logique»
10)
que Breton condamne.
L'exigence surréaliste est ponctuelle et impérative : elle s'attache à
l'immédiat qu'elle préfère au futur de son existence.
«L'avenir aujourd'hui m'est plus obscur que jamais. Je ne songe point
à mon passé, je ne songe qu'à cette minute qui me brûle», proclame
Aragon dans sa préface au
Libertinage
. L'intét des suralistes pour
les libertins correspond à leur volonté de jouir sans entraves sociales
ni spatio-temporelles: «tout de suite» comme le demande l'économie du
principe de plaisir tel qu'ils le conçoivent.
C'est encore dans le sens de la satisfaction immédiate des aspirations
humaines que les surréalistes valorisent le phénomène de lavolution,
par opposition à l'idée d'une progression lente des changements
10) A. Breton,
Manifeste du surréalisme
, Idées/gallimard, p.18.
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sociaux. Breton se révolte contre les illusions rationalistes qui
empêchent l'homme de parvenir à «être» ici et maintenant. Tandis que
le rationalisme rejette tout appel au sentiment et à l'intuition en
privilégiant la médiation du concept, la problématique surréaliste,
centrée sur l'immédiat, est incompatible avec les superstructures
laborieuses de la logique. S'insurgeant contre le nationalisme et
l'étatisme -dominés par le rationalisme- qui aliènent l'individu au profit
d'un ensemble et d'une politique, elle réprouve formellement l'idée de
patrie et de sacrifice pour les générations à venir. Même si la
révolution envisagée engage l'avenir le plus lointain, l'espoir du
«merveilleux» des surréalistes se situe dans un présent qui refuse la
patience. Breton, en prenant la direction de la revue
La Révolution
surréaliste
dès le numéro 4, souligne cet espoir non-différable et
non-aliénable : «Nous voulons, nous aurons "l'au-delà" de nos jours. Il
suffit pour cela que nous n'écoutions que notre impatience et que nous
demeurions, sans aucuneticence, aux ordres du merveilleux.»
11)
Les poètes contemporains ne cessent de vouloir situer la poésie
au-delà des conventions de toutes sortes, des exemples et des modèles
grandioses, des théories et des systèmes infaillibles; c’est afin d’y
prolonger le pur élan vital. Pour eux, l’univers poétique ne représente
pas la plus précieuse manifestation de la vie parce que c’est la vie qui
est, sans conteste, beaucoup plus intéressante que l’art, comme
affirmait toujours Tzara dans la
Conférence Dada 1922
. Ainsi la
poésie devrait se transformer à chaque instant et éviter tout cliché. À
ce point le dadaïsme qui est le commencement de la poésie
contemporaine, se rapproche visiblement du futurisme. Toujours à ce
11) A. Breton, « Pourquoi je prends la direction de la Révolution surréaliste »,
La
Révolution surréaliste
, N°4, 1925.
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