
418 Revue Médicale Suisse
–
www.revmed.ch
–
20 février 2013
prendre des antibiotiques. John vous demande si cela a
un rapport avec le tabac : il fume depuis trois mois mais
ne veut pas que ses parents le sachent. Vous faites l’or-
donnance, expliquez à John comment prendre les anti-
biotiques et vous vous demandez s’il faut téléphoner à
la mère de John.
Pour un patient mineur, le droit de prendre des décisions
concernant les soins dépend de sa capacité de discerne-
ment. Le médecin doit se poser la question de la capacité
de discernement pour toutes les décisions à prendre. Le
médecin a évalué John comme capable de discernement
par rapport à la prescription du traitement antibiotique, et
n’a pas jugé utile de téléphoner à la mère.
Dans une consultation avec un adolescent, il est utile de
rappeler, à n’importe quel moment, le droit à la confiden-
tialité (art. 19 al. 2 CCS), à condition qu’il n’y ait pas de risque
majeur pour le patient ou pour autrui.11 Cette confirmation
met l’adolescent en confiance et lui permet de parler de
ses prises de risque ou de sujets intimes (par exemple :
consommation, sexualité ou symptômes psychiatriques).
Concernant le tabagisme, dans notre exemple, le médecin
doit discuter avec l’adolescent des conséquences de ce
secret et de la réaction possible des parents qui pourraient
découvrir cette consommation. Il peut aussi discuter des
avantages à informer les parents et, le cas échéant, proposer
son aide ou examiner avec l’adolescent des stratégies pour
favoriser le dialogue parents-adolescent. Les craintes de
l’adolescent se révèlent souvent infondées ou excessives.
Le médecin doit aussi se souvenir que la facturation des
consultations ou des médicaments donne lieu à un envoi
d’informations parfois très détaillées (par exemple : test de
grossesse). Les parents préfèrent souvent être informés
directement par leur enfant ou par le médecin au moment
de la consultation. Ils sont d’ailleurs d’un soutien utile pour
leurs enfants en favorisant l’observance thérapeutique, la
continuité des soins et les comportements bénéfiques pour
la santé.
Vignette clinique 2 : Marie, quatorze ans,
onze mois
Marie est amenée par ambulance samedi à 23 heures 30
aux urgences, en raison d’une crise clastique à domicile
suite à une rentrée tardive. C’est la troisième fois que
Marie vient aux urgences dans un contexte similaire. Il y
a deux mois, une hospitalisation de quelques jours a
été nécessaire, un appui éducatif et un suivi psychiatri-
que ambulatoire organisés. Lors de l’entretien, Marie
est calme et vous semble triste. Elle pleure lorsqu’elle
évoque le décès de sa grand-mère, il y a cinq mois, et dit
qu’elle serait mieux avec elle ; elle nie cependant toute
idée suicidaire. Elle a vu son «psy» deux fois puis a ar-
rêté («n’avait rien à lui dire»). Lorsque sa mère arrive aux
urgences, vous apprenez que Marie a cassé une porte à
domicile et qu’elle a menacé son père avec un couteau.
Marie ne va plus à l’école depuis quinze jours et rentre
tard sans prévenir ses parents. Ceux-ci s’inquiètent de
comportements sexuels à risque, suspectent une con-
sommation de cannabis, et ne savent plus quoi faire.
Marie banalise les propos de sa mère ; elle veut rentrer à
la maison pour «s’expliquer» avec son père, elle affirme
savoir ce dont elle a besoin et répète que «ses parents
s’inquiètent pour rien, que ce qu’elle fait de son corps
ne les regarde pas». Lorsque vous proposez une hospi-
talisation, la mère se montre soulagée. Quant à Marie, elle
refuse, dit qu’il n’y a pas de problème, qu’elle n’est pas
déprimée, et que «les parents doivent être hospitalisés».
Vous hospitalisez Marie qui doit être accompagnée par
la sécurité de l’hôpital dans l’unité de soins.
Le médecin a posé le diagnostic d’état dépressif avec
idées de mort et opposition dans un contexte de deuil, de
conduites de mises en danger, de conflits familiaux majeurs
et rupture scolaire. Il a proposé une hospitalisation pour
explorer le probable état dépressif de Marie, mieux com-
prendre les enjeux familiaux, mettre en place un traitement
et organiser une reprise scolaire. Marie, niant tout problème
pouvant être lié à elle et projetant sur ses parents les dif-
ficultés, n’apprécie pas correctement sa situation. Elle veut
rentrer à domicile, sans donner les raisons de son choix, et
n’évalue pas les conséquences de ce choix pour elle et sa
famille. Même si la solution de Marie est cohérente avec sa
propre représentation des difficultés, elle ne correspond
pas à la situation réelle. Le médecin considère qu’elle n’est
pas capable de discernement et s’appuie sur le consente-
ment du représentant légal (mère) pour l’hospitalisation.
Vignette clinique 3 : Léa, seize ans, huit mois
Léa consulte pour des douleurs abdominales d’appa-
rition récente. Elle est en deuxième année du collège et
a de bons résultats scolaires. Elle entretient depuis sept
mois une relation amoureuse avec un adolescent de son
âge. Elle vous avait déjà consulté il y a quatre mois pour
une contraception. Ses parents connaissent le «petit co-
pain», mais ne savent pas que Léa a récemment eu des
rapports sexuels avec lui. Après l’examen clinique, vous
proposez à Léa des examens sanguins et urinaires, dont
elle comprend parfaitement la nécessité. Un ultrason
abdominal met en évidence une masse abdominale et
l’indication d’une laparoscopie exploratrice est posée. A
cette annonce, Léa se met dans un état de panique et
refuse que ses parents soient avertis, car elle craint
qu’ils ne découvrent ses relations sexuelles. Malgré plu-
sieurs explications et la proposition du médecin de ne
parler que des douleurs abdominales, Léa persiste dans
son refus et ne veut plus entendre parler de cette masse.
Léa avait la capacité de discernement pour consulter
seule, demander une contraception puis donner son accord
à la réalisation d’examens complémentaires simples. Con-
cernant l’intervention chirurgicale, Léa perd sa faculté habi-
tuelle de raisonnement, ne semble pas comprendre les
enjeux et se met en danger en ignorant le problème.12 Le
médecin, doutant de sa capacité de discernement, fait appel
à un psychiatre, car un état clinique à un moment donné
(par exemple : état d’angoisse, état dépressif, état de stress
23_27_36973.indd 3 14.02.13 08:42