l’exercice de la raison. Dans cette optique, un désir de la raison est
porteur de valeur normative, mais le désir passionnel et sans borne ne
saurait recevoir l’aval de la raison.
Le problème est donc posé : comment réconcilier la raison et le
désir ? Quels désirs sont dignes de la raison ? Comment satisfaire nos
désirs sans perdre le contrôle de soi ? Ce recueil offre un éclairage sur
les différents aspects de ces problèmes. Nous proposons au lecteur
un parcours historique, allant de Platon à Hume, sur la question du
désir et sa place dans les textes fondateurs de la philosophie.
Nous débuterons ce parcours par l’analyse de Patrick Ouellette du
désir dans la philosophie politique socratique. Dans le Gorgias et le
Protagoras, Socrate défend la thèse selon laquelle vivre selon les
principes de la vertu et de la connaissance s’oppose à la satisfaction
immédiate des désirs. La recherche du plaisir serait toujours
immédiate, tournée vers le moment présent. En ce sens, nous dit
Ouellette, la satisfaction des désirs constitue un frein à l’effort
réflexif, effort nécessaire pour atteindre la connaissance et la vertu.
Samuel Dishaw poursuivra cette réflexion chez Aristote, dans
l’Éthique à Nicomaque. En opposition au Socrate de Platon, la pensée
d’Aristote est plus conciliante à l’égard du désir. Chez Aristote, l’âme
aurait une partie intellectuelle, mais aussi une partie « désirante ».
L’exercice de la vertu, tout comme l’atteinte de l’excellence, n’exclut
pas l’apport des désirs. En effet, chez Aristote, les vertus sont
comprises comme des dispositions à agir avec médiété. Par médiété,
on entend la recherche d’un « juste milieu ». Le courage, par exemple,
est le juste milieu entre la couardise et la témérité. Le fait d’être
disposé à agir d’une certaine manière, soutient enfin Dishaw, signifie
que nous pouvons cultiver des désirs rationnels pour nous-mêmes ou
autrui.
Après Aristote, Simon-Pierre Chevarie-Cossette propose une
comparaison entre les Cyniques et les Épicuriens. Pour les Cyniques
comme Diogène de Sinope (aussi appelé « Le Chien »), l’absence de
troubles passe par le retour à la nature et l’abandon de la majorité de
nos désirs. Pour ce faire, Diogène propose non seulement l’abandon
de toutes les conventions humaines et de tous les « besoins » qui
régissent nombre d’individus, mais surtout, de réintégrer la nature.
Bien que l’analyse épicurienne des désirs présente de nombreuses
similitudes, Chevarie-Cossette montre qu’elle se distingue de la