PATHOLOGIES ET TROUBLES 0001863772.INDD 61 14. Œsophage 63 15. Estomac 75 16. Intestin grêle 91 17. Côlon 107 18. Foie 129 19. Voies biliaires 169 20. Pancréas 177 3/11/2013 8:50:01 PM 0001863772.INDD 62 3/11/2013 8:50:02 PM Œsophage 14 Objectives Objectifs Vous devriez être en mesure : • de comprendre les mécanismes physiologiques qui empêchent normalement la régurgitation du contenu de l'estomac dans l'œsophage ; • de décrire les facteurs prédisposant à un reflux acide ; • de citer quelques médicaments qui peuvent exacerber le reflux et d'expliquer pourquoi cela se produit ; • de comprendre la physiopathologie de l'œsophage de Barrett ; • de comprendre le rôle de la chirurgie dans l'œsophagite par reflux ; • de décrire les options de traitement pour un patient atteint d'un cancer de l'œsophage, et de comprendre les facteurs qui influencent le choix. ANATOMIE, PHYSIOLOGIE ET FONCTIONNEMENT DE L'ŒSOPHAGE L'œsophage est un tube musculaire composé de deux couches : • une couche externe longitudinale ; • une couche musculaire circulaire interne. L'œsophage relie le pharynx à l'estomac. Le muscle strié (volontaire) de la partie supérieure se transforme progressivement en muscle lisse vers la partie inférieure et devient alors continu avec la couche musculaire de l'estomac. La muqueuse de l'œsophage se modifie également, passant d'un épithélium stratifié pavimenteux à un épithélium cylindrique à la jonction gastro-œsophagienne (fig. 14.1). Quand le bol alimentaire est propulsé dans le pharynx par la langue, le sphincter œsophagien supérieur (contrôlé par le muscle cricopharyngien) se détend, ce qui permet le passage des aliments dans l'œsophage. Une onde primaire péristaltique commence à partir du pharynx et continue vers le bas tout le long de l'œsophage. Un péristaltisme secondaire se produit localement en raison de la distension de l'œsophage par le bol alimentaire. Le sphincter inférieur de l'œsophage (SIO) se détend avant l'arrivée des contractions péristaltiques lorsque la déglutition est initiée. La progression de l'onde péristaltique de déglutition peut être suivie en plaçant des capteurs de pression à intervalles réguliers le long de l'œsophage (manométrie œsophagienne ; voir fig. 24.6 et 24.7). La prévention de la régurgitation du contenu de l'estomac remontant dans l'œsophage est tributaire : • de la pesanteur ; • de la pression du SIO ; • de la contraction oblique de la jonction gastro-œsophagienne ; • des piliers diaphragmatiques enroulés autour de l'œsophage ; • de la vidange physiologique du contenu de l'estomac dans le duodénum par le pylore. MALADIES INFLAMMATOIRES Œsophagite par reflux Incidence L'incidence de cette maladie augmente habituellement avec l'âge. La grossesse favorise fortement le reflux gastroœsophagien, de même que l'augmentation du poids. Signes cliniques Un grand nombre de symptômes variés sont associés au reflux du contenu acide de l'estomac dans l'œsophage. Quand ils provoquent des douleurs abdominales hautes, des éructations ou des brûlures d'estomac, ils sont dénom- 63 0001863772.INDD 63 3/11/2013 8:50:02 PM Œsophage Piliers du diaphragme Sphincter inférieur de l’œsophage Gravité Course oblique de la jonction gastroœsophagienne Vidange physiologique dans le duodénum Fig. 14.1 Relations anatomiques de l'œsophage. més collectivement dyspepsie (voir chapitre 1). Sinon, des termes plus précis doivent être utilisés pour les décrire : • le pyrosis est le symptôme le plus courant en raison du reflux d'acide gastrique dans l'œsophage. Cela peut entraîner une œsophagite érosive. La corrélation entre les symptômes et l'étendue de l'œsophagite est faible ; • une douleur thoracique rétrosternale peut être due à un spasme du muscle œsophagien distal ou à l'inflammation ; • un vomissement de sang (hématémèse) peut être lié à une œsophagite sévère ; • une anémie ferriprive peut se produire en raison d'une perte de sang occulte d'une inflammation chronique ; • une toux nocturne et un bronchospasme tôt le matin, avec l'apparition d'une chute sur le tracé du lecteur de débit de pointe (voir fig. 1.1), peuvent se produire à la suite du reflux par micro-inhalation (fausse route) dans la trachée. Il existe certaines preuves que l'afflux d'acide dans l'œsophage puisse favoriser un bronchospasme réflexe. Diagnostic et examens complémentaires Endoscopie L'endoscopie peut montrer les différents degrés de l'œsophagite. Toutefois, une endoscopie normale n'exclut pas un reflux d'acide dans l'œsophage. pH-métrie œsophagienne des 24 heures C'est probablement la façon la plus précise de détecter un reflux, car il y a une corrélation raisonnable entre un pH bas (< 4) survenant dans la période de 24 heures et les symptômes de reflux (voir fig. 24.8 et 24.9). Transit baryté Cet examen est encore utilisé, mais n'est significatif que lorsqu'il y a un reflux libre de baryte. Étiologie et physiopathologie Une diminution du tonus du SIO est le principal facteur contribuant au reflux acide. Cela se produit normalement lorsque le patient est couché ou si la pression intra-abdominale est augmentée (par exemple par une grossesse, l'obésité, le port de charge, une constipation chronique). La diminution de la résistance de la muqueuse œsophagienne à l'acide et le retard de la vidange gastrique prédisposent aussi au reflux acide. Tout médicament ayant une action anticholinergique (par exemple les antidépresseurs tricycliques, les antipsychotiques, l'oxybutynine, la théophylline) peut aggraver les symptômes de reflux. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens peuvent également contribuer à ces symptômes. L'alcool et le tabagisme ont également été impliqués dans sa pathogénie : fumer réduit le tonus du SIO et l'alcool stimule la production d'acide gastrique. Une hernie hiatale par glissement, où la jonction gastro-œsophagienne se situe au-dessus du diaphragme, est associée à un reflux œsophagien. Toutefois, sa seule présence ne signe pas le diagnostic parce que tous les patients atteints de hernie hiatale ne développeront pas de symptômes. Complications Sténose Le reflux acide chronique peut provoquer une ulcération et sa guérison par fibrose entraîne une sténose. Cela peut provoquer des symptômes de dysphagie. Œsophage de Barrett La métaplasie cylindrique de l'épithélium pavimenteux se produit avec un reflux chronique. Les cellules qui développent d'autres caractéristiques anormales peuvent devenir dysplasiques avec un potentiel de transformation maligne. Cela peut être évité ou peut-être même inversé par un traitement antireflux. Pronostic Plus de 50 % des patients auront une amélioration significative avec seulement un traitement hygiéno-diététique. Objectif du traitement Le traitement est essentiellement destiné au contrôle des symptômes. 64 0001863772.INDD 64 3/11/2013 8:50:03 PM Maladies inflammatoires 14 Traitement Étiologie et physiopathologie Le traitement peut inclure : L'irritation prolongée provoque la transformation métaplasique de l'épithélium pavimenteux normal en épithélium cylindrique, fait d'une mosaïque de cellules contenant des aires de métaplasie intestinale, recouvertes par la mucine (fig. 14.2). Ce changement métaplasique intestinal est parfois suivi d'un changement dysplasique prédisposant à la transformation maligne. • des mesures hygiéno-diététiques, telles que la réduction du poids, l'arrêt du tabac et la réduction de la consommation d'alcool, qui diminuent les symptômes dans les cas bénins. Si le reflux est essentiellement nocturne, surélever la tête du lit peut être bénéfique. Des repas réguliers et l'évitement d'aliments gras sont importants ; • des antiacides, tels que le magnésium ou un composé contenant de l'alginate et du trisilicate (Gaviscon®), qui recouvrent la muqueuse et entraînent l'abolition des symptômes dans la plupart des cas bénins ; • des antagonistes des récepteurs H2 (par exemple nizatidine ou ranitidine), qui agissent en réduisant la production d'acide gastrique à la suite du blocage des récepteurs H2 de l'histamine ; • des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) (par exemple l'oméprazole, le pantoprazole ou le lansoprazole), qui sont de puissants inhibiteurs de la production d'acide. Ils inhibent l'hydrogène/potassium ATPase (la « pompe à protons ») des cellules pariétales gastriques. Il s'agit de la classe médicamenteuse de choix pour des symptômes sévères et pour l'œsophage de Barrett, car il y a une inhibition presque complète de la production acide de l'estomac ; • des médicaments prokinétiques (par exemple la dompéridone), pouvant améliorer la motilité intestinale, probablement en augmentant la libération de la dopamine ou de l'acétylcholine (le cisapride était un médicament similaire qui améliorait la vidange gastrique et, de façon concomitante, accroissait la pression du SIO, mais il a maintenant été retiré car il prédisposait à de dangereuses arythmies cardiaques) ; • la chirurgie par resserrage du bas œsophage en enveloppant le fundus gastrique autour de lui (fundoplicature). Elle est réservée aux patients qui sont symptomatiques malgré un traitement conservateur et médicamenteux adéquat. Cette procédure peut être effectuée en toute sécurité et avec succès sous laparoscopie, mais les patients doivent être soigneusement choisis. Trop serrée, la fundoplicature entraîne une dysphagie. De nombreux patients doivent prendre des antiacides après la fundoplicature. Œsophage de Barrett Incidence Environ 15 % des patients atteints de reflux acide prolongé dans l'œsophage inférieur ont un œsophage de Barrett. 0001863772.INDD 65 Signes cliniques Les patients peuvent initialement décrire des symptômes de reflux gastro-œsophagien, mais les symptômes peuvent diminuer avec le temps en raison de la perte de sensation douloureuse dans le bas œsophage métaplasique. Diagnostic et examens complémentaires Le diagnostic est visible à la fibroscopie, qui montre l'épithélium pavimenteux normal remplacé par l'épithélium cylindrique (métaplasie). L'œsophage de Barrett se manifeste en endoscopie comme un changement de couleur, du rose à un peu d'orange, et de texture. L'examen histologique confirme le diagnostic. Complications L'œsophage de Barrett provoque un risque accru d'au moins 40 fois de transformation en adénocarcinome de l'œsophage. La progression de la métaplasie vers la dysplasie précède le développement du cancer. Pronostic Le pronostic dépend du grade de la dysplasie, de la cessation du reflux et de la surveillance endoscopique. Près de 40 % des patients ayant eu une œsophagectomie pour dysplasie de haut grade détectée à l'endoscopie ont en fait un adénocarcinome précoce. Traitement Les IPP tels que l'oméprazole sont donnés au long cours à dose élevée pour supprimer le reflux acide. Les patients doivent avoir une surveillance endoscopique des dysplasies. Une dysplasie de bas grade peut être suivie d'une surveillance plus intensive. Une dysplasie de haut grade ou une dysplasie de bas grade persistante est une indication pour une œsophagectomie. Des techniques telles que l'ablation au laser de surface ou par thérapie photodynamique ont été utilisées pour détruire la muqueuse métaplasique, mais ont des effets incertains sur le long terme. 65 3/11/2013 8:50:03 PM Œsophage Fig. 14.2 Les modifications de la muqueuse de Barrett : l'épithélium pavimenteux normal est remplacé par l'épithélium cylindrique. Les cellules avec du matériel nucléaire anormal constituent le changement dysplasique et annoncent la transformation maligne. Œsophage normal Desquamation cellulaire Épithélium pavimenteux Prolifération et migration cellulaires normales Division cellulaire Reflux gastro-œsophagien Augmentation de la desquamation cellulaire Prolifération et migration cellulaires accrues Papilles de tissu conjonctif allongées Augmentation de la division cellulaire Œsophage de Barrett Augmentation de la desquamation cellulaire Épithélium cylindrique Prolifération et migration cellulaires accrues Papilles de tissu conjonctif allongées squamous epithelium Augmentation de la division cellulaire 66 0001863772.INDD 66 3/11/2013 8:50:03 PM Maladies inflammatoires 14 Sténoses œsophagiennes Étiologie et physiopathologie Incidence Un reflux acide de longue date provoque des cicatrices permanentes et une fibrose. D'autres causes incluent : Les sténoses bénignes secondaires à un reflux acide sont de moins en moins fréquentes chez les personnes ayant un reflux gastro-œsophagien en raison de la disponibilité des antagonistes des récepteurs H2 et des IPP. Signes cliniques La dysphagie, ou difficulté à avaler, est le principal symptôme décrit par le patient. Elle peut être progressive, des solides aux liquides, au fur et à mesure que la fibrose s'aggrave. La perte de poids peut être marquée, car le patient peut avoir des difficultés à maintenir l'apport calorique nécessaire. Le patient peut souvent indiquer des antécédents de reflux antérieurs qui ont disparu avant la survenue de la dysphagie. Cela arrive parce que le développement d'une sténose fibrosique peut diminuer le reflux acide. Les symptômes peuvent ressembler à des sténoses malignes, bien que les sténoses bénignes aient tendance à avoir une chronologie plus symptomatique. • l'ingestion d'une substance caustique ; • une radiothérapie antérieure ; • une sclérothérapie antérieure pour varices œsophagiennes. L'intubation prolongée avec une sonde nasogastrique peut également donner lieu à des sténoses bénignes. Complications Il y a une incidence accrue de transformation maligne à partir de sténoses bénignes, reflétant une pathologie sous-jacente. Pronostic Une fois la sténose formée, elle est susceptible de rester tout au long de la vie. Objectif du traitement Diagnostic et examens complémentaires Les examens suivants peuvent être envisagés. • L'endoscopie peut montrer des cicatrices étendues de l'œsophage, et une biopsie est nécessaire pour exclure toute pathologie maligne. • Le transit baryté est une alternative si le patient ne peut tolérer l'endoscopie. Une sténose effilée diffuse peut être visible, le plus souvent sans signe d'épaulement. • L'imagerie par échographie endoluminale ou par scanner hélicoïdal peut être nécessaire pour exclure une infiltration maligne (fig. 14.3). Le traitement de la dysphagie est purement symptomatique. Le reflux doit également être traité pour éviter l'aggravation de l'état. Traitement • La dilatation est effectuée par voie endoscopique, soit avec des bougies graduées de tailles croissantes insérées dans la partie touchée de l'œsophage afin d'élargir la lumière, soit en utilisant un ballonnet endoscopique de dilatation. La procédure doit être répétée souvent parce qu'un nouveau rétrécissement Fig. 14.3 La tomodensitométrie montre l'infiltration maligne d'une sténose œsophagienne. Seule une ouverture de la taille d'un trou d'épingle reste de l'œsophage (flèche), qui est entouré par la tumeur (T). A, aorte ; F, foie ; RT, rachis thoracique. F T A RT 67 0001863772.INDD 67 3/11/2013 8:50:05 PM Œsophage de la lumière peut se produire sur une certaine période de temps. La perforation de l'œsophage est un risque peu courant mais significatif lié à la procédure. • La chirurgie est utilisée si la dilatation ne parvient pas à contrôler les symptômes de la dysphagie. NÉOPLASIE Carcinome de l'œsophage Incidence L'incidence est d'environ 10 pour 100 000 au RoyaumeUni (d'environ 3 pour 100 000 en France, soit 1 % des cancers digestifs contre 5 % au Royaume-Uni [NdT]). Il y a un taux plus élevé dans certaines parties de la Chine et l'Afrique, peut-être en lien avec l'alimentation locale. Signes cliniques La dysphagie est le symptôme le plus courant, et évolue progressivement des solides aux liquides. Cela peut se produire assez rapidement sur une période de quelques semaines ou mois. Les autres signes cliniques comprennent : • une perte de poids consécutive à l'anorexie, la dysphagie et peut-être favorisée par la libération de cytokines tumorales ; • l'anémie due à l'ulcération de la lésion ; elle est habituelle, et peut provoquer une perte de sang occulte, entraînant une anémie ferriprive ; • la douleur à la déglutition (odynophagie), qui se produit à un stade avancé ; l'infiltration locale par la tumeur provoque des douleurs rétrosternales diffuses et persistantes ; • la dyspnée et la toux, dues à l'inhalation des sécrétions pharyngées. Dans les cas avancés, cela peut être dû à une fistule œsophagotrachéale ou à un creusement de la trachée. Diagnostic et examens complémentaires Les examens suivants peuvent être réalisés. • Une NFS peut révéler une anémie ferriprive ou, rarement, une pancytopénie par infiltration métastatique de la moelle osseuse par la tumeur. • On peut voir une perturbation de la biologie du foie ou une hypercalcémie si des métastases sont présentes. • L'urée et le ionogramme révèlent souvent une déshydratation, à la suite de la dysphagie. • L'endoscopie est l'examen de choix car elle permet la visualisation directe de la lésion et constitue une opportunité pour la biopsie et la confirmation histologique. • Le repas baryté est réservé aux patients qui ne tolèrent pas l'endoscopie, ou à ceux chez qui on suspecte d'avoir une sténose haute. Les sténoses malignes présentent un aspect caractéristique en forme d'épaulettes (voir fig. 2.3B). • L'échographie endoscopique et la tomodensitométrie (TDM) spiralée du thorax sont utilisées pour la gradation de la maladie. • La tomographie par émission de positons (TEP) et la TEP-scan sont utilisées (si disponibles) pour aider à classifier une maladie débutante. Étiologie et physiopathologie Une tumeur apparaît rarement en dessous de l'âge de 50 ans. Il existe deux types histologiques : • le carcinome épidermoïde ; • l'adénocarcinome. Carcinome épidermoïde : • Quatre-vingt-dix pour cent des cancers de l'œsophage sont pavimenteux de nature. • Cinquante pour cent des cancers épidermoïdes surviennent dans le tiers inférieur de l'œsophage. • L'incidence est plus élevée en Chine, ce qui peut suggérer une étiologie alimentaire. • Il est plus fréquent chez les hommes, surtout chez ceux ayant une forte consommation d'alcool et un tabagisme. • Des facteurs prédisposants plus inhabituels comprennent l'achalasie, le syndrome de PlummerVinson et le tylosis essentiel (kératite palmoplantaire ou hyperkératose héréditaire de la paume des mains et de la plante des pieds qui est une affection rare à transmission autosomique dominante). Adénocarcinome : • Habituellement, c'est le résultat de la transformation maligne de l'œsophage de Barrett. • De temps en temps, il peut être une extension d'un adénocarcinome du cardia. Complications La tumeur peut envahir les structures anatomiques adjacentes : • au travers de la paroi de l'œsophage et dans une bronche, créant une fistule œsobronchique, ce qui entraîne une pneumonie récurrente (à noter que la 68 0001863772.INDD 68 3/11/2013 8:50:07 PM Problèmes anatomiques et fonctionnels pneumonie d'inhalation peut se produire à la suite d'une dysphagie sévère en l'absence d'une fistule) ; • dans l'aorte thoracique, ce qui entraîne une exsanguination rapide. Pronostic Dans une certaine mesure, cela dépend du stade de la tumeur et de la condition physique du patient. Cependant, le pronostic est généralement très mauvais, avec un taux de survie globale de 2 % à 5 ans. Traitement Le traitement est essentiellement palliatif parce que le traitement curatif est rarement possible en raison de la découverte tardive de la maladie. • La chirurgie est le seul remède possible, mais elle s'accompagne d'une mortalité opératoire de 5 à 10 %. Moins de 40 % des patients peuvent subir une résection chirurgicale lors de l'examen, mais ces patients sont souvent des personnes âgées et fragiles avec une comorbidité excluant une chirurgie radicale. • La radiothérapie réduit le volume de la tumeur et peut soulager la dysphagie. La formation d'une fistule est plus fréquente après un traitement par radiothérapie. • La thérapie au laser haute énergie est utilisée pour brûler l'intérieur de la tumeur et rétablir la lumière œsophagienne. Une alternative pour les petites tumeurs est la thérapie photodynamique en utilisant une lumière d'énergie inférieure au laser en combinaison avec un photosensibilisateur chimique qui est sélectivement absorbé par le tissu tumoral. L'administration répétée d'une des modalités peut être nécessaire. • La mise en place endoscopique d'un stent creux métallique (endoprothèse) s'ouvrant dans la lésion obstructive pour donner une expansion palliative peut soulager la dysphagie. Il existe un risque de perforation chez jusqu'à 10 % des patients. • La curiethérapie (radiothérapie locale appliquée par la pose d'implants radioactifs dans le site tumoral) a été utilisée pour soulager la douleur. Les cas sont examinés par une équipe pluridisciplinaire (chirurgien, gastro-entérologue, médecin, radiologue, oncologue, diététicienne, infirmières spécialisées, etc.). Classification TNM des tumeurs, des ganglions et des métastases L'approche de la prise en charge de nombreuses tumeurs malignes dépend de leur stade. En outre, une comparai- 14 son des stratégies de traitement est fortement tributaire de critères identiques. Une classification internationalement acceptée pour les tumeurs est le système de classification TNM. Ce système varie selon les différents organes et tissus, mais suit le principe général de la figure 14.4 : • « T » renvoie à l'étendue de la tumeur elle-même : T0 indique généralement une tumeur non détectable ; T1, une tumeur limitée à la muqueuse ; et T3 et plus, infiltrant les couches les plus profondes ou les organes environnants en fonction de l'endroit ; • de même, « N » (pour nodes en anglais, ganglions ou nœuds) se réfère à l'envahissement ganglionnaire : N0 signifie qu'il n'y a pas d'atteinte des ganglions ; N1, généralement limité aux ganglions locaux ; et N2 et plus, confiné à des ganglions plus éloignés spécifiques de ce type de tumeur ; • les ganglions très éloignés sont généralement classés en « M » pour métastatique : M0 signifie qu'il n'y a pas de métastases détectées, Mn indique une propagation lointaine, « n » ayant une signification spécifique pour chaque type de tumeur. Ainsi, T4N2M2 est une tumeur avec : • une infiltration extensive locale ; • une participation à distance des ganglions lymphatiques ; • une propagation métastatique vers d'autres organes. PROBLÈMES ANATOMIQUES ET FONCTIONNELS Diverticules pharyngo-œsophagiens (de Zenker) et diverticules de l'œsophage Incidence Ces diverticules sont habituellement découverts par hasard alors qu'un repas baryté est effectué pour d'autres raisons. Signes cliniques La plupart sont asymptomatiques, mais ils peuvent provoquer une régurgitation de nourriture et sont une cause rare de dysphagie. Diagnostic et examens complémentaires Le transit baryté montre la taille et l'emplacement de la lésion (fig. 14.5). 69 0001863772.INDD 69 3/11/2013 8:50:07 PM Œsophage Fig. 14.4 Illustration graphique de la classification TNM (tumeur, nœud ou ganglions, métastases) des atteintes malignes de la muqueuse. T0, aucune preuve de tumeur primitive ; T1, tumeur confinée à la muqueuse ; T2, infiltrations à travers la sousmuqueuse mais pas de pénétration à travers la musculeuse ; T3, s'étend à travers la musculeuse à la séreuse ; T4, s'étend aux tissus locaux ; N0, aucune atteinte ganglionnaire ; N1, participation locale des ganglions lymphatiques ; N2, atteinte des ganglions lymphatiques éloignés. Tissus locaux Muqueuse Sous-muqueuse T: 0 1 3 2 Ganglions locaux Ganglions à distance 0 2 1 Poumon Métastases Os Foie 0 1 X T = de 0 à 4 renvoie à la tumeur en fonction de la profondeur de l’envahissement T0 = aucune preuve de tumeur primitive N = de 0 à 2, indique l’envahissement des ganglions lymphatiques; l’augmentation du score indique la progression de leur atteinte M = 0 ou 1, indique la présence ou l’absence de métastases. L’exemple illustré pourrait être un cancer du côlon Étiologie et physiopathologie Ces pathologies sont probablement liées à l'incoordination du muscle cricopharyngien constricteur inférieur, provoquant une évagination de la muqueuse œsophagienne. Des diverticules peuvent également se produire dans la partie moyenne de l'œsophage en raison de l'attraction par une inflammation des ganglions lymphatiques médiastinaux (diverticule de traction), ou juste au-dessus du sphincter inférieur œsophagien (diverticule épiphrénique de pulsion). phagie, le diverticule pouvant être confondu avec la lumière œsophagienne ! Traitement La résection chirurgicale est réservée aux diverticules posant problème. Anneaux œsophagiens Complications Incidence Une perforation peut rarement se produire lorsque l'endoscopie est effectuée aux fins d'enquête de la dys- Un anneau œsophagien est souvent une découverte fortuite lors d'un repas baryté. Ceux liés à l'anémie ferriprive sont rares. 70 0001863772.INDD 70 3/11/2013 8:50:07 PM Problèmes anatomiques et fonctionnels 14 • l'anneau membraneux postcricoïdien ; • l'anneau membraneux au niveau de l'œsophage inférieur. L'anneau postcricoïdien : • est aussi appelé syndrome de Plummer-Vinson ou syndrome de Kelly-Paterson ; • est associé à une anémie ferriprive et une glossite atrophique. L'anneau de l'œsophage inférieur : • est aussi appelé anneau de Schatzki, sous forme d'une petite bande fibromusculaire à la jonction du diaphragme ; • est souvent associé à une hernie hiatale. Complications Il existe un risque accru de développer un carcinome postcricoïdien du pharynx lorsqu'il y a un syndrome de Plummer-Vinson. Traitement Fig. 14.5 Vue latérale d'un diverticule œsophagien (flèches) de l'œsophage supérieur visible grâce au transit baryté. Noter les niveaux liquidiens. Signes cliniques Habituellement, le patient est asymptomatique, mais une dysphagie haute peut se produire lorsqu'une nourriture fibreuse résistante est avalée sans précaution. Il peut exister un antécédent de toux persistante, en raison de l'inhalation des sécrétions pharyngées. Il peut exister une anémie dans le cadre du syndrome de Plummer-Vinson (voir ci-après). Diagnostic et examens complémentaires • Le repas baryté montre le rétrécissement de l'œsophage par du tissu fibreux. La partie proximale de l'œsophage peut être distendue par la baryte. • En endoscopie, la membrane annulaire peut être difficile à voir, surtout au niveau de la zone postcricoïdienne. Étiologie et physiopathologie L'étiologie est inconnue. L'aspect clinique est différent selon le site de l'anneau. Deux types sont généralement reconnus : La dilatation de l'obstruction est rarement nécessaire. La supplémentation en fer par voie orale peut être nécessaire s'il existe une anémie ferriprive, associée à un syndrome de Plummer-Vinson. Achalasie Incidence L'achalasie est une affection rare avec une incidence d'environ 1 pour 100 000 par an. Signes cliniques Les signes cliniques sont notamment les suivants. • Une dysphagie intermittente se développe lentement, plus marquée pour les solides que pour les liquides. La survenue dans l'enfance est rare. • La régurgitation est habituelle ; elle peut entraîner une pneumonie par inhalation (fausse route) si elle survient pendant la nuit. La dysphagie peut parfois être soulagée en buvant de grandes quantités de liquide, d'où un risque augmenté d'inhalation. • La douleur thoracique est fréquente. Elle est généralement rétrosternale et parfois sévère, en raison de spasmes des muscles œsophagiens. Elle est souvent confondue avec une douleur cardiaque, surtout lorsque les symptômes dysphagiques sont légers. 71 0001863772.INDD 71 3/11/2013 8:50:08 PM Œsophage Les patients peuvent sembler avoir une achalasie sur la base des résultats radiologiques et endoscopiques. Toutefois, le terme « pseudo-achalasie » est utilisé pour décrire des cas qui ressemblent à l'achalasie, par exemple de petits cancers. Demandez au patient à quelle vitesse ses symptômes sont apparus et s'il a eu une perte de poids. Les symptômes d'apparition rapide, une perte de poids ou tout patient âgé ayant des symptômes semblables à ceux d'une achalasie peuvent bénéficier d'autres tests (TDM ou échographie endoscopique) pour exclure une maladie plus grave. Diagnostic et examens complémentaires Les examens suivants peuvent être envisagés. • Une radiographie thoracique peut montrer une double ombre cardiaque avec un niveau liquidien derrière le cœur. Des traces d'une pneumonie ou d'une atélectasie impliquant une infection antérieure peuvent également être présentes. L'inhalation se produit classiquement par la bronche principale droite, au milieu à droite et vers les lobes inférieurs. • L'opacification barytée montre la dilatation de l'œsophage, avec une partie rétrécie inférieure (aspect en bec d'oiseau) en raison du manque de relaxation du sphincter inférieur œsophagien (fig. 14.6). La réduction de la contraction péristaltique est également visible. • L'endoscopie – le fibroscope passe habituellement à travers la région rétrécie sans résistance, et celle-ci est donc souvent non remarquée. Parfois, il y a une certaine résistance au passage du fibroscope (signe positif de « saccade »). • Des études de motilité sont utilisées pour confirmer l'absence de péristaltisme le long de l'œsophage et l'insuffisance de relâchement du SIO (voir fig. 24.7B). • L'échographie endoscopique peut être utile pour exclure l'infiltration maligne de la sous-muqueuse et elle peut montrer un épaississement caractéristique du muscle. Étiologie et physiopathologie La pathologie est d'étiologie inconnue. Elle est caractérisée par la diminution du péristaltisme et l'insuffisance de la relaxation du SIO après avoir dégluti. Fig. 14.6 Transit baryté montrant l'aspect en « bec d'oiseau » de l'achalasie. L'histologie montre une réduction des cellules ganglionnaires du plexus d'Auerbach dans les parois œsophagiennes. L'infection par Trypanosoma cruzi (maladie de Chagas ou trypanosomiase américaine) détermine un trouble similaire. Complications et pronostic • Il existe un risque accru de développer un cancer de l'œsophage (près de 10 % de plus que dans la population normale). • Une œsophagite par reflux est une complication majeure après le traitement. Traitement Le traitement peut inclure les méthodes suivantes. • La dilatation pneumatique par ballonnet est réalisée par endoscopie et est couronnée de succès dans plus de deux tiers des cas. Elle peut s'accompagner d'une perforation dans environ 3 à 4 % des cas. • La dilatation chirurgicale de fibres musculaires à l'extrémité inférieure de l'œsophage (cardiomyotomie de Heller) peut désormais être réalisée sous laparoscopie. • Les antagonistes du calcium (par exemple la nifédipine) réduisent la pression du SIO et peuvent 72 0001863772.INDD 72 3/11/2013 8:50:10 PM 14 Problèmes anatomiques et fonctionnels être utilisés chez les patients âgés qui ne supportent pas les procédures chirurgicales. Dix pour cent des patients peuvent en bénéficier. • De la toxine botulique peut être injectée dans le SIO. Sa durée d'action est généralement limitée à quelques mois seulement et le traitement doit être répété régulièrement. Spasmes œsophagiens Signes cliniques La douleur thoracique est rétrosternale et intense, et irradie souvent vers l'arrière. Elle peut être soulagée par les dérivés nitrés, d'où la difficulté à la distinguer de la douleur cardiaque ischémique. La dysphagie se produit en raison de la contraction marquée des muscles œsophagiens. Diagnostic et examens complémentaires • Des études de motilité montrent la contraction diffuse des muscles œsophagiens, sans progression du péristaltisme. Les pressions peuvent être très élevées (œsophage « casse-noisette »). Étiologie et physiopathologie L'étiologie est inconnue. Après la déglutition, les contractions œsophagiennes diffusent d'une façon désordonnée, sans péristaltisme, d'où l'apparition de la dysphagie et des douleurs thoraciques. Complications La formation de diverticules est souvent associée à des troubles de la motilité œsophagienne. Le spasme cricopharyngien est étroitement lié à la formation de diverticules pharyngiens. Les examens suivants peuvent être utilisés. Traitement • Le transit baryté montre un aspect caractéristique d'œsophage en « tire-bouchon » dû à la contraction désordonnée des muscles œsophagiens (voir fig. 1.4). Cependant, on peut observer des signes similaires chez des personnes âgées, sans aucun symptôme. Des médicaments tels que les antispasmodiques, les antagonistes calciques ou les dérivés nitrés (dinitrate d'isorbide, par exemple [NdT]) peuvent être utiles. La chirurgie, telle que la myotomie, peut être nécessaire dans des cas exceptionnels. 73 0001863772.INDD 73 3/11/2013 8:50:12 PM 0001863772.INDD 74 3/11/2013 8:50:12 PM