dossier
38 Revue Banque n° 722 mars 2010
relation client dans la banque de détail
Ils font même le trait d’union entre les conseillers et la
production en tant que middle-office commercial (suivi
des dossiers, information technique, récupération des
pièces justificatives) et progressent chaque jour un peu
plus sur la vente.
Recevant les appels entrants, ce sont eux qui ont la
relation avec le client, asséchant progressivement les
agences des opportunités de rentrer en contact avec le
client. À tel point que les banques font parfois marche
arrière aujourd’hui, en restaurant l’appel entrant dans
les agences. Ce faisant, ce n’est pas le canal agence qui
s’impose, ce n’est pas un retour de l’agence au centre
du dispositif : qu’on ne se méprenne pas, c’est bien le
canal téléphonique qui est utilisé mais avec, à l’autre
bout du fil, un conseiller qui est situé en agence et non
pas dans une plateforme.
LES ENJEUX DE LA RÉORGANISATION
Ces initiatives pointent du doigt les difficultés actuelles
des centres de relation client. La compétence et les appels
ont été déroutés vers les plateformes téléphoniques,
mais pas la connaissance client qui est restée en agence
comme le domaine réservé du chargé de clientèle.
En revanche, la solution « rustine » mise en œuvre par
les banques pour contourner ce problème et consistant
au retour des appels entrants en agence n’est pas appe-
lée à durer car non rentable. Ce n’est qu’une étape de
la trajectoire, un détour rendu indispensable pour évi-
ter l’érosion de la satisfaction client en attendant que
les plateformes centralisées aient atteint leur efficacité
maximum dans une stratégie « multicanal » structu-
rée et cohérente. Plusieurs leviers doivent être activés
à cet effet :
– redéfinir la place de l’agence dans le dispositif mul-
ticanal ;
– revoir la notion de portefeuille clients,
– restructurer le processus multicanal autour de la notion
de parcours clients ;
– redéfinir la politique de commissionnement pour
décloisonner les canaux ;
– diffuser la connaissance des clients vers les opérateurs
des plateformes centralisées ;
– améliorer la qualité des données pour la gestion de
la relation client ;
– améliorer la qualité de services et l’accueil, au télé-
phone ou en agence.
Au-delà de la mise en cohérence indispensable entre le
lieu de réception des appels et le lieu de maîtrise de la
connaissance client, l’évolution à moyen terme réside
moins dans les fonctionnalités que dans la maîtrise d’exé-
cution et l’exploitation des outils existants intégrés aux
modes de production traditionnels : il s’agit d’un défi
plus organisationnel et commercial que technique.
DES FERMETURES D’AGENCES INÉVITABLES
Il convient en effet tout d’abord de redéfinir la place de
l’agence dans le dispositif multicanal dans la mesure où
elle ne doit être qu’un canal parmi les autres et non plus
la pierre angulaire du dispositif. Or, aujourd’hui la force
commerciale est concentrée dans les agences à plus de
90 %. Coordonner les canaux autour du réseau physique
n’est plus suffisant. L’enjeu est désormais de donner les
moyens aux canaux à distance d’occuper l’espace naturel
que leur procure la banalisation de l’usage des nouvelles
technologies dans la société française. Cette probléma-
tique est d’autant plus prégnante en zone rurale où les
grands réseaux peinent à maintenir leur rentabilité d’ex-
ploitation. Le maillage extrêmement fin du territoire fran-
çais, y compris dans les campagnes les moins peuplées,
n’est plus en phase avec la densité de la population qui a
migré vers les zones urbaines et suburbaines.
La fermeture d’agences est maintenant inévitable dans
les zones rurales. Le multicanal va être une des compo-
santes de la réponse des banques pour assurer la tran-
sition et conserver le niveau de service nécessaire pour
entretenir une relation bancaire satisfaisante avec les
clients qui seront un peu plus éloignés de l’agence. Cet
éloignement n’est pas nécessairement un frein pour les
clients dans la mesure où la fréquence des visites en
agence diminue. Pour concrétiser cette affirmation, il
conviendra toutefois de mettre en œuvre une stratégie
« multicanal » cohérente.
Pour ce faire, la réflexion qui conduit à la création d’un
produit ne doit plus être conditionnée par des considéra-
tions purement marketing, mais prendre en compte avec
la même attention les problématiques de production,
de gestion et de distribution : ne plus penser unique-
ment « combien » et « à qui » vendre mais aussi « com-
ment ». Le « comment » est devenu une composante clé
de la promesse client. Par exemple, quand on vend un
crédit immobilier, on ne vend pas qu’un tarif (le taux)
mais aussi un niveau et une qualité de service (certai-
nes banques l’ont compris et garantissent notamment
les délais de réponse).
Certes, le multicanal a rencontré des réussites incontes-
tables depuis la naissance du concept il y a une vingtaine
d’années, améliorant la qualité de service aux clients
par un accès élargi à l’information et aux opérations.
Le nouveau défi qui se pose maintenant aux stratégies
« multicanal » consiste à exploiter au mieux l’évolution
majeure que représente le multicanal dans le mode de
distribution de services bancaires afin de soutenir les
restructurations inévitables des réseaux. Le multica-
nal n’est donc plus un service, il est devenu une com-
posante indispensable de l’offre. L’enjeu de sa mise en
œuvre n’est plus technique, mais touche clairement à
la réorganisation de la force commerciale. n
“La compétence
et les appels ont
été déroutés vers
les plateformes
téléphoniques,
mais pas la
connaissance
client qui est
restée en agence
comme le domaine
réservé du chargé
de clientèle.”