Les bases génétiques du caractère héréditaire de certains cancers

PREDISPOSITION HEREDITAIRE AU CANCER
Le cancer est une maladie multifactorielle. Il résulte des effets conjugués de
facteurs environnementaux, du patrimoine génétique du patient, et de phénomènes
aléatoires. Sa survenue peut parfois être favorisée par un facteur génétique puissant
(anomalie dans un gène dit « majeur » ou « à effet fort »), suffisant pour conférer à la
personne porteuse un risque très élevé d’être atteint de cancer. Certaines bases
génétiques du caractère héréditaire des cancers sont assez bien établies
aujourd’hui, qu’il s’agisse de la prédisposition aux cancers fréquents ou des maladies
héréditaires connues dans lesquelles le cancer est une des manifestations. Les
connaissances apportées par la recherche fondamentale sont désormais transférées
en pratique courante, dans le cadre d’une nouvelle discipline : l’oncogénétique. Les
médecins ne peuvent méconnaître l’éventuelle dimension héréditaire du cancer de
leur patient. De cette information découle en effet une adaptation de la prise en
charge du patient et de ses apparentés.
1. Qu’est-ce qu’une prédisposition ?
Historiquement, les syndromes de prédisposition au cancer correspondaient à
l’observation de concentrations familiales inhabituelles de cancers. Différents critères
permettent de suspecter le caractère héréditaire d’un cancer et doivent retenir
l’attention du clinicien :
nombre inhabituel de cancer dans une famille
âge précoce au diagnostic
tumeurs primitives multiples chez une même personne
certaines tumeurs rares
Dans certains cas, les cancers sont au second plan et sont associés à
d’autres manifestations cliniques évocatrices de maladie génétique.
Les progrès de la génétique moléculaire ont permis de caractériser certains de
ces syndromes et de d’identifier certaines anomalies génétiques sous-jacentes. Les
prédispositions concernent des anomalies dans des gènes présentes dans le
patrimoine génétique d’un individu : on parle d’anomalie constitutionnelle par
opposition aux anomalies somatiques, qui ne concernent que les cellules malades.
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L’ensemble des prédispositions majeures ne sont impliqués que dans une
petite partie des cancers, de l’ordre de 5%. Certaines prédispositions sont très
fréquentes, concernant une personne sur 500 en population générale, comme
BRCA1/BRCA2, et d’autres sont exceptionnelles : quelques familles décrites dans le
monde pour le gène CDK4.
A quelques rares exceptions, ce sont des syndromes en général à
transmission autosomique dominante, de pénétrance incomplète et d’expressivité
variable.
La majorité des gènes impliqués sont des gènes suppresseurs de tumeur,
et/ou des gènes de réparation de l’ADN. Ces gènes sont, en général, impliqués
dans le contrôle du cycle cellulaire, l’apoptose ou la détection/réparation des
altérations de l’ADN. Ils agissent par inactivation successive de leurs 2 allèles. Plus
rarement, les gènes en cause sont des oncogènes, tels que RET (néoplasies
endocriniennes multiples de type II), MET (cancer papillaire du rein), CDK4
(mélanome familial), KIT et PDGFRA (tumeurs stromales gastro-intestinales) et plus
récemment, ALK dans les neuroblastomes.
2. Comment identifier les prédispositions ?
En cas de suspicion, le médecin peut s’appuyer sur les consultations de
génétique, organisées dans un réseau de plus d’une cinquantaine de centres,
soutenus par l’Institut National du Cancer (www.e-cancer.fr ). Ces consultations ont
pour objectif d’évaluer le risque de cancer en posant éventuellement un diagnostic
de suspicion de syndrome héréditaire et en s’aidant le cas échéant d’analyse
génétique.
Il est indispensable d’adresser en consultation la personne d’une famille chez
laquelle la probabilité de prédisposition est la plus forte : il s’agit d’une personne
atteinte d’un cancer, à un âge ou avec une présentation évocatrice de prédisposition.
Dans certains cas, avant de référer le patient en consultation de génétique, le
médecin peut s’appuyer sur les caractéristiques du cancer qu’il traite : la génétique
somatique (patrimoine génétique de la tumeur) peut apporter des éléments
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d’orientation dans la démarche. Par exemple, l’étude des caractéristiques
somatiques des cancers colo-rectaux (immunohistochimie IHC- des protéines
MSH2, MLH1, MSH6 et PMS2 et test d’instabilité de marqueurs microsatellites
tumoraux) est recommandée chez toute personne présentant un cancer du spectre
du syndrome de Lynch (colon / endomètre / ovaire notamment), diagnostiqué avant
60 ans. Seuls les cas avec extinction protéique ou instabilité des marqueurs
devraient être orientés vers les consultations de génétique, en dehors d’arguments
supplémentaires (âge, histoire familiale). Le deuxième exemple concerne l’extinction
tumorale de la protéine SDHB visible par IHC dans les
phéochromocytomes/paragangliomes liés à une mutation germinale de SDHB,
SDHC ou SDHD, 10 à 30% étant d’apparence sporadique (van Nederveen FH et al,
Lancet Oncol, 2009).
En consultation de génétique, le recueil de l’histoire familiale détaillée permet
la construction d’un arbre généalogique. Pour chaque individu atteint, on note le site
précis du cancer primitif, l’âge au diagnostic, l’exposition éventuelle à des toxiques.
La taille de la famille, parfois l’origine ethno-géographique permettent d’étayer
l’hypothèse d’une prédisposition. Ces éléments peuvent être réunis par un conseiller
en génétique.
Dans la mesure du possible les diagnostics des apparentés sont vérifiés selon
les modalités légales habituelles d’accès au dossier de tiers (demande d’autorisation
d’accès systématiquement remplies).
En fonction de cette histoire familiale, la notion de prédisposition est retenue
et l’indication d’un test est éventuellement posée.
Les tests génétiques sont extrêmement encadrés sur le plan légal.
Ils ne peuvent être prescrits que dans le cadre d’une consultation, où les
tenants et aboutissants du test sont clairement exposés, qu’une anomalie soit
trouvée ou non. Le fac-similé ci-dessous précise l’ensemble des informations
nécessaires à exposer au patient avant toute prescription. Le patient signe un
consentement préalable au prélèvement. Dans le cas particulier du test chez un sujet
asymptomatique, le test ne peut être prescrit que par un médecin généticien ou qui
œuvre au sein d’une équipe pluridisciplinaire déclarée à l’Agence de biomédecine.
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Figure 1: Fac-similé de l'arrêté du 27 mai 2013, définissant les règles de bonne pratique
applicables à l'examen des caractéristiques d'une personne à des fins médicales
3. La réalisation du test génétique
Les analyses moléculaires constitutionnelles ne peuvent être réalisées en
France que dans des laboratoires autorisés par l’ARS et les résultats signés par des
praticiens eux-mêmes agréés individuellement.
Les explorations sont menées à partir de l’ADN extrait de leucocytes
circulants.
Pour la plupart des gènes, il existe presque autant de mutations différentes
que de familles. En conséquence, pour tout nouveau cas index, le laboratoire doit
analyser l’intégralité du gène suspecté. Les délais de rendu des résultats par les
laboratoires sont encore longs, environ 6 mois pour un cas index. Parfois, le
laboratoire peut orienter ses premières analyses en fonction de l’origine ethno-
géographique ou de la présentation familiale. Dans certains cas, les manifestations
cliniques sont corrélées à une position particulière de la mutation dans le gène. Dans
certaines populations, il existe une surreprésentation de certaines mutations
précises, apparues chez un ancêtre commun (effet fondateur).
Pour une recherche ciblée sur la mutation familiale pour un apparenté, les
délais ne sont en revanche que de quelques semaines.
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A l’avenir, de nouvelles technologies (NGS : Next Generation Sequencing)
permettront de réduire considérablement les délais d’analyse. Par exemple, l’analyse
des gènes BRCA1 et BRCA2 nécessite environ 6 mois à l’heure actuelle. Le NGS
devrait permettre l’obtention du résultat en quelques semaines seulement.
L’interprétation des résultats est parfois complexe, il peut être difficile de démontrer
qu’une variation détectée est bien délétère c’est-à-dire en lien avec une
augmentation du risque de cancer. On parle de variant de signification inconnue
(VSI). Pour certains gènes, ils peuvent être très fréquents (BRCA2). En France, les
laboratoires partagent leurs données pour tenter de classer ces VSI.
4. Les résultats
Si une mutation délétère est identifiée, le test est dit positif : la prédisposition
est objectivée. L’estimation du risque de développer un cancer dans la famille repose
alors sur la connaissance de la pénétrance de la mutation. Une conduite à tenir en
découlera pour le cas index, et ses apparentés pourront réaliser des tests ciblés sur
cette anomalie (tests dits « asymptomatiques » ou « présymptomatiques »), pour
savoir s’ils sont porteurs ou non de l’anomalie familiale.
En cas d’absence d’identification de mutation, le test est dit non contributif : il
ne permet pas d’éliminer l’hypothèse de la prédisposition. Les variations de
signification inconnue ne sont pas utilisables, par définition.
Les tests génétiques n’apportent que peu souvent des résultats pertinents : par
exemple, dans environ 90% des cas d’analyse BRCA, on ne trouve pas de
mutation constitutionnelle dans les gènes explorés.
Ces situations non élucidées peuvent être expliquées :
- Soit par les limites techniques laissant inexplorée une proportion non
négligeable du gène.
- Soit par l’implication d’un autre gène que ceux qui ont été étudiés.
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