Le probl`eme des sous-groupes de congruence

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Le problème des sous-groupes de congruence
Bulois Michaël
11 décembre 2004
Introduction
On s’intéresse ici à SL2 (A), où A est l’anneau des entiers d’un corps K, avec K = Q,
A = Z ou bien K est une extension quadratique de Q et A = O est un Z-module de
dimension 2. Un résultat sur les groupes de Lie affirme que SLn (A) possède la propriété
du sous-groupe normal pour n > 3 ; c’est à dire que tout sous-groupe normal du réseau
SLn (A) est soit fini et contenu dans le centre, soit d’indice fini dans SL2 (A). Or, ceci est
faux dans le cas de SL2 (A). La seconde question que l’on se pose alors est de savoir si tout
sous-groupe d’indice fini de SLn (A) contient un sous-groupe de la forme Ker(SLn (A) →
SLn (A/I)), où I est un idéal de A. Si c’est le cas, on dit que SLn (A) possède la propriété
des sous-groupes de congruence. Ici encore, SLn (A) possède la propriété des sous-groupes
de congruence pour n > 3, alors que ceci est faux pour n = 2. L’objectif de ce papier est
de décrire la méthode employé dans le chapitre 3 du livre indien de B. Sury [Su].
Sommaire
1. Préliminaires
1.1 Quelques résultats
1.2 Groupes finis de type de Lie et problème du sous-groupe de congruence
2. Sous-groupes non de congruence dans SL2 (Z)
2.1 Contraintes sur certains sous-quotients
2.2 Théorème de Fricke et critère de Wohlfahrt
2.3 Contre-exemples plus systématiques
3. Reseaux de l’espace hyperbolique à quotients libres non abéliens
3.1 Le demi-espace hyperbolique et son groupe d’isométries
3.2 Théorème de Grunewald-Schwermer
1
Préliminaires
1.1
Quelques résultats
Dans le cadre de notre étude, nous aurons besoin des deux résultats suivants :
1
Lemme 1.1 (du ping pong). Soit G un groupe agissant sur un ensemble S. Supposons
que S1 et S2 soient des sous-ensembles de S, avec S2 non inclus dans S1 , que G1 et G2
soient des sous-groupes de G tels que G1 ait au moins 3 éléments et que les propriétés
suivantes soient satisfaites : ∀ g ∈ G1 \ {1}, g(S2 ) ⊂ S1 et ∀ h ∈ G2 \ {1}, h(S1 ) ⊂ S2 .
Alors, le sous-groupe engendré par G1 et G2 est isomorphe au produit libre de G1 et G2 .
Démonstration. Nous allons montrer que les mots de la forme g1 h1 ...gr , puis h0 g1 h1 ...gr ,
où gi ∈ G1 \ {1} et hi ∈ G2 \ {1}, ne peuvent être triviaux. Il est alors facile de se ramener
à un de ces deux cas par conjugaison par un élément h ∈ G2 approprié pour montrer la
non-trivialité de tous les mots sur G1 et G2 .
Un mot de la forme g1 h1 ...gr , envoie S2 dans S1 . Comme S2 6⊂ S1 , g1 h1 ...gr est différent
de 1.
Supposons maintenant que h0 g1 h1 ...gr = 1. Alors comme h0 : S1 → S2 est injectif,
g = g1 h1 ...gr : S2 → S1 est surjectif donc bijectif. Soit maintenant g0 ∈ G1 \ {1, g −1 }. gg0
envoie S2 dans S1 = g(S2 ). Donc g0 envoie S2 dans S1 ∩ S2 . On en déduit que g0−1 ∈ G1
vérifie : S2 ⊂ g0−1 (S1 ∩ S2 ) ⊂ S1 , ce qui est absurde.
Théorème 1.2. Soit Fk le groupe non abélien libre à k générateurs (k > 2), alors Fk
peut être vu comme sous-groupe d’indice fini de F2 .
Démonstration. On sait que Fk est le groupe fondamental du bouquet de k cercles :
Or, on sait que le bouquet de k cercles est un revêtement à k − 1 feuillets du bouquet
de 2 cercles (voir par exemple [Go]). Donc Fk apparaı̂t comme un sous-groupe d’indice
k − 1 dans F2 .
Par exemple F4 apparait dans F2 comme sous-groupe d’indice 3 :
F4 = {a; b2 ; ba2 b−1 ; baba−1 b−1 }.
1.2
Groupes finis de type de Lie et problème du sous-groupe
de congruence
Maintenant, posons les quelques définitions suivantes. Etant donné un entier m > 0,
on appelle sous-groupe principal
congruence de niveau m et on note Γ(m) le sous de a b
groupe de SL2 (Z) : {g =
∈ SL2 (Z) | g ≡ Id mod m}. Autrement dit,
c d
Γ(m) = Ker(SL2 (Z) → SL2 (Z/mZ)). C’est donc un sous-groupe normal d’indice fini
dans SL2 (Z). Tout sous-groupe de SL2 (Z) contenant un sous-groupe principal de congruence
est appelé un sous-groupe de congruence. En particulier, tout sous-groupe de congruence
est d’indice fini. La question que l’on se pose alors pour SL2 (Z), est de savoir si tout
sous-groupe d’indice fini est un sous-groupe de congruence ; cela s’appelle posseder la
propriété des sous-groupe de congruence ; on dira aussi avoir la CSP (pour congruence
subgroup property). Nous allons en fait démontrer que SL2 (Z) ne possède pas la propriété
des sous-groupes de congruence.
Avant de pouvoir montrer cela, il nous faut étudier un peu la structure de SL2 (Z). On a
la
2
1 2
1 0
Propriété 1.3. Le sous-groupe engendré par A =
et B =
est libre
0 1
2 1
en A et B et est d’indice 2 dans Γ(2), donc d’indice fini dans SL2 (Z).
Démonstration. Posons G1 = hAi, G2 = hBi, S1 = {z ∈ C | |Re(z)|> 1} et S2 = {z ∈
C | |z|< 1}. Alors, les hypothèses du lemme du ping pong sont satisfaites et hA; Bi est
libre en A et B.
Montrons maintenantque hA;Bi est d’indice 2 dans Γ(2). La méthode ci-dessous est due
a b
à Reiner : Pour g =
∈ Γ(2), on raisonne par récurrence sur |c| pour montrer
c d
que g ∈ ±hA; Bi. Si c = 0 alors ad = 1et ±g ∈hAi. Si |c|> 0, alors on écrit a = 2q1 c + r1
r1 ∗
. Ensuite, on écrit c = 2q2 r1 + r2 avec
avec 0 <| r1 |<| c | et on a A−q1 g =
c ∗
r1 ∗
−q2 −q1
∈ ±hA; Bi.
| r2 |<| r1 |<| c |. Donc par hypothèse de récurrence B A g =
r2 ∗
Donc ±g ∈ hA; Bi. Enfin, −Id ∈
/ hA; Bi car c’est un élément d’ordre 2.
2
Sous-groupes non de congruence dans SL2(Z)
Dans cette section, nous allons tout d’abord prouver de manière relativement théorique
que SL2 (Z) ne possède pas la propriété des sous-groupes de congruence, puis nous
énoncerons le critère de Wohlfahrt imposant une condition nécessaire sur les sous-groupes
de congruence, ce qui nous permettra de conclure sur un exemple de sous-groupe non de
congruence dans SL2 (Z).
2.1
Contraintes sur certains sous-quotients
On dit que G est impliqué dans A s’il existe B, sous-groupe d’indice fini de A tel que
G soit quotient de B.
A l’aide des trois résultats suivants, nous allons montrer que le fait de posséder la propriété
des sous-groupes de congruence impose des contraintes sur un sous-groupe G impliqué
dans SL2 (Z), contraintes qui sont incompatibles avec la présence d’un groupe libre dans
SL2 (Z).
Lemme 2.1. Soit G un groupe fini simple impliqué dans P SL2 (Z/mZ), alors G est
impliqué dans P SL2 (Z/pr Z) pour un nombre premier p et un exposant r > 1.
Démonstration. Soit
k
Y
pri i , la décomposition en facteurs premiers de m. Alors, par le
i=1
Qk
ϕ
ri
=
théorème des restes chinois : P SL2 (Z/mZ) ∼
où ϕ = (ϕi )i∈[|1,k|]
i=1 P SL2 (Z/pi Z)
ri
avec ϕi : P SL2 (Z/mZ) → P SL2 (Z/pi Z). Soient A et B tels que G ∼
= A/B avec
P SL2 (Z/mZ) ⊇ A ) B. Alors, par l’isomorphisme ϕ, on a : ∃i, ϕi (B) ( ϕi (A). Comme
A/B est simple, B est distingué maximal dans A. Or B ⊆ B.(A ∩ K) / A où K = ker(ϕi ).
Supposons B.(A ∩ K) = A, auquel cas tout a ∈ A s’écrit a = bk avec b ∈ B et k ∈ K
d’où ϕi (A) ⊆ ϕi (B) ce qui contredit le choix de i. D’où B.(A ∩ K) = B, c’est-à-dire
3
A ∩ K = B ∩ K et
A/(A ∩ K) ∼
ϕi (A)/ϕi (B) ∼
= A/B ∼
= G.
=
B/(B ∩ K)
Conclusion, G est impliqué dans P SL2 (Z/pri i Z).
Lemme 2.2. Soit G un groupe fini simple impliqué dans P SL2 (Z/pr Z) pour un nombre
premier p. Alors G est impliqué dans P SL2 (Z/pZ).
Démonstration. Soit K le noyau du morphisme canonique π : P SL2 (Z/pr Z) → P SL2 (Z/pZ).
Montrons que K est un p-groupe. Tout élément x de K s’écrit x = Id + pM avec
pr−1 r−1+i
Xp
l i
r
pr−1
M . Or la valuation en p de i! est
M ∈ M2 (Z/p Z). Donc x
= Id +
i!
i=1
r−1
plus petite que i − 1 donc xp = 1 et tout élément de K est d’ordre une puissance de p.
K est donc bien un p-groupe, il est en particulier nilpotent.
Par ailleurs, on a :
P SL2 (Z/pi Z)
∨
ϕ
A
G
avec A ∩ K / A, et comme ϕ est surjectif, ϕ(A ∩ K) / A. Or ϕ(A ∩ K) est nilpotent et
n’est pas égal à G, donc ϕ(A ∩ K) = {1} ; ϕ passe au quotient et :
P SL2 (Z/pZ)
∼
=
P SL2 (Z/pi Z)/K
∨
ϕ̄
A/(A ∩ K)
G.
Donc G est impliqué dans P SL2 (Z/pZ).
Lemme 2.3. Les q sous-groupes de Sylow de P SL2 (Fpr ) sont abéliens pour q 6= 2 ; p,q
premiers.
Démonstration. Cette démonstration est un cas particulier d’un article de A.J. Weir [W2].
Notons l = pr . Montrons que les q-Sylows de GL2 (Fl ) sont abéliens pour
q 6=2. Tout
1
Fl
d’abord, |GL2 (Fl )|= l(l − 1)(l2 − 1). Si q = p, un p-Sylow est donné par
qui est
0 1
abélien. Nous supposerons donc dans la suite q 6= p. Trois cas se présentent : soit q | l − 1,
soit q | l2 − 1 et q - l − 1, soit les q-Sylows sont trivaux.
Intéressons nous au premier cas : on écrit l = kq r + 1 avec k ∧ q = 1, r > 1. Alors
l2 − 1 = q r (2k + q r k 2 ) où (2k + q r k 2 ) ∧ q = 1 (car q 6= 2, r > 1). On en déduit que les
q-Sylows de
) sont d’ordre q 2r . Or le q-Sylow (cyclique) Sq de (Z/pZ)∗ est d’ordre
GL2 (Fl Sq 0
q r . Donc
est un q-Sylow abélien de GL2 (Fl ).
0 Sq
Supposons maintenant que q - (l − 1) et l2 − 1 = kq r avec k ∧ q = 1 et r > 1. Alors,
regardons Fl2 comme un espace vectoriel de dimension 2 sur Fl ; la multiplication par
un élément non nul de Fl2 définit un automorphisme de Fl2 . Ceci induit une application
ϕ : (Fl2 )∗ → GL2 (Fl ). ϕ est injective donc |Im(F∗l2 )|= kq r et un q-Sylow de GL2 (Z/pZ)
est isomorphe à un sous-groupe de (Fl2 )∗ et est donc cyclique.
4
On sait que tout groupe libre de rang fini se plonge comme sous-groupe d’indice fini
dans P SL2 (Z). En conséquence, tout groupe fini G est impliqué dans P SL2 (Z) et on a :
P SL2 (Z) ⊃ F ⊃ N où N est d’indice fini dans P SL2 (Z) avec F/N ∼
= G. Supposons que
SL2 (Z) ait la CSP. Alors, comme N est d’indice fini dans P SL2 (Z), il existe m ∈ N tel
que N ⊇ Γ(m) et on a P SL2 (Z)/Γ(m) ∼
= P SL2 (Z/mZ) ⊃ F/Γ(m) ⊃ N/Γ(m). Donc
∼
G = (F/Γ(m))/(N/Γ(m)) est impliqué dans P SL2 (Z/mZ). En prenant G simple, on
sait par les lemmes 2.1 et 2.2 que G est impliqué dans P SL2 (Z/pZ) pour un nombre
premier p. Or, si on pose G := P SL3 (Z/qZ) et P SL2 (Z/pZ) ⊃ A ⊃ B avec G ∼
= A/B,
les q-Sylows de P SL2 (Z/pZ) sont abéliens d’après le lemme 2.3. Les q-Sylows de A sont
donc abéliens et leur image dans G également. Or l’application : A → G est surjective
donc les q-Sylows de G (qui sont image des q-Sylows de A) sont abéliens. Ceci constitue
une contradiction car un q-Sylow de G ([W1]) est donné par


1 ∗ ∗
{M ∈ P SL3 (Z/qZ) | M =  0 1 ∗ }
0 0 1
qui est clairement non abélien. En conclusion SL2 (Z) n’a pas la CSP.
2.2
Théorème de Fricke et critère de Wohlfahrt
Pour exhiber un sous-groupe non de congruence par le raisonnement ci-dessus, il nous
faudrait écrire P SL3 (Z/3Z) comme quotient d’un groupe libre et regarder l’image du
groupe diviseur dans F2 puis dans SL2 (Z), ce qui est relativement laborieux. Nous allons
donc énoncer ici le critère de Wohlfahrt [WF], basé sur un théorème de Fricke, qui permet
de trouver des exemples plus systématiques de sous-groupes non de congruence.
Tout d’abord, introduisons quelques notions. Nous savons que SL2 (R) agit sur H2 ,
l’espace hyperbolique de dimension 2, vu comme le demi-plan des nombres complexes à
partie imaginaire strictement positive. Cette action s’effectue de la façon suivante :
az + b
a b
.
·z =
c d
cz + d
Cette action peut s’étendre en une action sur H2 = H2 ∪ R ∪ {∞}. Nous dirons d’une
matrice P ∈ SL2 (Z) qu’elle est parabolique si elle fixe un seul point ζ de H2 . Alors ζ ∈
1 1
Q ∪ {∞} et il existe A ∈ SL2 (Z) tel que P = A−1 U m A avec A(ζ) = ∞ et U =
.
0 1
L’entier m ci-dessus est défini de façon unique par P et on appelle | m | l’amplitude de
P . Si un sous-groupe Γ de SL2 (Z) contient des matrices paraboliques P , on appelle leurs
points fixes les sommets de Γ. Etant donné un groupe Γ ⊂ SL2 (Z) et un sommet ζ de
Γ, le stabilisateur de ζ dans Γ est engendré par un élément P dont l’amplitude définit
l’amplitude de ζ ; cette amplitude ne dépend pas de P .
Tout ceci nous permet de définir niveau général d’un groupe Γ ⊂ SL2 (Z) comme étant
le plus petit commun multiple des amplitudes de ses sommets (s’il existe). On appelle
alors Γ̂(m) la cloture normale de U m et on peut facilement vérifier pour un sous groupe
5
normal Γ, de niveau général m, que Γ ⊃ Γ̂(m). Réciproquement, si Γ̂(m) ⊂ Γ, alors le
niveau général de Γ divise m.
Par ailleurs, on appelle niveau de Klein d’un sous-groupe de congruence Γ le plus
petit entier m tel que Γ(m) ∈ Γ. On déduit donc des propriétés du niveau général qu’un
sous-groupe de congruence Γ de niveau de Klein l vérifie Γ̂(l) ⊂ Γ(l) ⊂ Γ. Le niveau
général d’un sous-groupe de congruence divise donc son niveau de Klein. Le théorème de
Fricke nous donne la réciproque :
Théorème 2.4 (Fricke). Soit Γ un sous-groupe de congruence de niveau général m.
Alors Γ(m) ⊂ Γ.
Démonstration. Désignons par l le niveau de Klein de Γ. On sait que m | l. Prenons
M ≡ Id mod m et montrons que M ∈ Γ. En fait, il suffit de montrer pour R, S ∈ Γ∩Γ(m),
que RM S ∈ Γ. Nous allons donc nous ramener successivement aux cas d ∧ l = 1, puis
b ≡ 0 mod l et c ≡ 0 mod l.
Montrons que l’on peut supposer d ∧ l = 1. Si ce n’est pas le cas, on a d 6= ±1, c 6= 0 et
d∧mc = 1. Donc, par le théorème de Dirichlet, il existe un entier g tel que (d+gmc, l) = 1.
Donc, si on remplace M par M U gm , nous avons la propriété voulu. Comme U gm ∈
Γ ∩ Γ(m), nous pouvons remplacer M par M U gm .
Montrons maintenant que nous pouvons supposer b ≡ modl. Comme b ≡ 0 mod m et
m | l, l’équation b + hmd ≡ 0 mod l a une solution h. En remplaçant donc M par U hm M ,
nous avons la condition désirée.
Comme M a pour déterminant 1, on a ad ≡ 1 mod l et est congrue modulo l à la matrice
a
ad − 1
M0 =
.
1 − ad d(2 − ad)
En posant donc L = M −1 M0 ∈ Γ(l), on a L ∈ Γ ∩ Γ(m) et M peut être remplacé par
M0 = M L. Enfin M0 peut s’écrire
1
0
1 0
1 a−1
1 0
1 d−1
M0 =
.
1−d 1
−1 1
0
1
1 1
0
1
Ces trois matrices sont paraboliques, d’amplitude un multiple de m, donc appartiennent
à Γ. On a finalement montré que M0 ∈ Γ ce qui termine la preuve.
Corollaire 2.5 (Critère de Wohlfahrt). Soit G 6 SL2 (Z) un sous-groupe d’indice fini
N
1 m
, la cloture normale de U m dans SL2 (Z). Alors, G
et soit m tel que G ⊇
0 1
est un sous-groupe de congruence si et seulement si G > Γ(m).
2.3
Contre-exemples plus systématiques
Appliquons ceci à un exemple de sous-groupe d’indice
nonde congruence
dans
fini 1 2
1 0
SL2 (Z). Pour tout mot g appartenant au groupe libre
;
= hA; Bi,
0 1
2 1
on définit EA (g) comme la somme des exposants de A apparaissant dans g, et on définit
de même EB (g) en remplaçant A par B. EA définit un morphisme de hA; Bi dans Z. Pour
6
tout entier strictement positif l, on pose Γl = {g ∈ hA; Bi | EA (g) ≡ EB (g) ≡ 0 mod l}.
Comme c’est le noyau du morphisme hA; Bi → Z2 → (Z/lZ)2 composé du morphisme
abélianisant et de la restriction modulo l, il est normal d’indice l2 . Nous allons montrer
que si l a un diviseur premier impair p, alors Γl n’est pas un sous-groupe de congruence.
1 2p
p
Démonstration. En effet, si Γl était de congruence, Γp > Γl le serait. Or A =
∈
0 1
Γp , donc, par le critère de Wohlfahrt, on aurait Γp > Γ(2p). Or ceci n’est pas possible
compte tenu de leurs indices respectifs dans SL2 (Z) :
[SL2 (Z) : Γp ] = p2 [SL2 (Z) : hA; Bi] = 12p2 - 3p(p2 − 1) = [SL2 (Z) : Γ(2p)].
3
Réseaux de l’espace hyperbolique à quotients libres
non abéliens
√
Dans la présente section, nous
allons
remplacer
Q
par
Q(
−D), où D désigne le
√
discriminant de l’extension Q( −D) sur Q ; et nous allons remplacer Z par O l’anneau
√
√
i D
des entiers de Q( −D). Nous savons que c’est un Z-module de base (1, w) où w =
2
√
1+i D
ou
suivant que D ≡ 0 ou −1 mod 4. Enfin, pour d entier strictement positif,
2
désignons par Od le sous-anneau d’indice d dans O définit par Od = Z ⊕ Zdw. L’objectif
de cette section est de prouver que SL2 (O) n’a pas la propriété des sous-groupes de
congruence. Autrement dit, tout sous-groupe de SL2 (O) ne contient pas un noyau de la
forme Ker(SL2 (O) → SL2 (O/I)) où I est un idéal de O.
Pour cela, il serait très utile de faire apparaı̂tre un groupe libre non-abélien
comme sous1 O
∼
groupe d’indice fini de SL2 (O). Malheureusement, comme U =
= Z2 est un
0 1
sous-groupe de SL2 (O), tout sous-groupe libre de SL2 (O) est d’indice infini. Cependant,
Grunewald et Schwermer ont démontré qu’il existait un sous-groupe d’indice fini dans
SL2 (O) qui a un quotient libre non abélien ; ce qui suffira à démontrer le fait que SL2 (O)
ne possède pas la propriété des sous-groupes de congruence. Cette démonstration s’appuie
sur l’action de SL2 (C) sur H3 , l’espace hyperbolique de dimension 3, vu comme C × R>0 .
3.1
le demi-espace hyperbolique et son groupe d’isométries
En effet, on a la propriété suivante (voir [Su]) :
Propriété 3.1. SL2 (C) agit sur H3 de la façon suivante :
a b
c d
· (z, r) =
(d − cz)(az − b) − r2 c̄a
r
,
2
2
| cz − d | +r | c |
| cz − d | +r2 | c |2
7
!
.
Nous allons maintenant définir pour tout d > 0, deux sous-ensembles de H3 , Bd et
Dd , qui vérifient les propriétés suivantes :
[
H3 =
γ · Bd
γ∈SL2 (Od )
[ 1 s · Dd .
Bd =
0 1
s∈Od
Cela se fait en posant Bd = {(z, r) ∈ H3 :| uz − v |2 + | u |2 > 1 pour tout u, v ∈ Od
qui engendrent l’idéal Od tout entier } et Dd = Bd ∩ F où F est un domaine fondamental pour la translation par les éléments de Od , par exemple F = {(x + iy, r) |
1
1 d
1
− 6 x 6 , − Im(w) 6 x 6 Im(w)}. De plus Dd possède la propriété intéressante
2
2 2
2
suivante qui fait de lui presque un domaine fondamental (voir [Su]) :
Propriété 3.2. Tout point de H3 possède un voisinage qui n’intersecte qu’un nombre fini
de γ(Dd ) avec γ ∈ SL2 (Od ).
3.2
le théorème de Grunewald Schwermer
Un point crucial de la démonstration du fait que SL2 (Od ) ne possède pas la propriété
des sous-groupes de congruence consiste en le théorème suivant que l’on doit à Grunewald
et Schwermer (voir [GS]) :
Théorème 3.3. Le groupe SL2 (O) a un sous-groupe d’indice fini ayant un quotient libre
non-abélien.
L’idée de la preuve est la suivante. On choisit d un entier positif qui vérifiera les bonnes
propriétés. SL2 (Od ) est alors un sous-groupe d’indice fini de SL2 (O). Par ailleurs, on a
une application continue naturelle φ : SL2 (Od ) → π1 (H3 /SL2 (Od ), h) qui à tout élément
γ ∈ SL2 (Od ) associe l’image dans H3 /SL2 (Od ) d’un chemin reliant h et (γ.h) dans H3 .
Ensuite, nous construirons une application continue θ : (H3 /SL2 (Od ), h) → (S, p), induisant une application θ∗ entre leurs groupes fondamentaux, cet espace S ayant un groupe
fondamental libre non-abélien. C’est à ce stade, que nous aurons besoin de choisir un
élément d de sorte que S soit un bouquet de W (d) cercles avec W (d) > 2. Enfin, θ∗ ◦ φ
sera d’image un groupe libre non abélien. Nous aurons alors démontré le théorème.
Il s’agit maintenant de construire ce morphisme θ. La construction est assez calculatoire, c’est pourquoi nous omettrons ici quelques calculs et nous citerons quelques
résultats sans démonstration. Une partie des calculs se trouvent dans [Su]
Tout d’abord, pour tout entier d > 0, on pose W (d) l’ensemble des entiers m vérifiant les
trois propriétés suivantes :
(i) (m, d) = 1, m 6= 2
(ii) 4m2 6 d2 D − 3,
(iii) (m, | a + w |2 ) = 1 pour tout entier a.
Alors nous admettons le lemme 3.4 :
8
Lemme 3.4. Il existe un entier d > 0 tel que W (d) ait au moins deux éléments.
Maintenant, choisissons un tel d et pour tout m ∈ W (d) et tout n premier avec m,
1
ndw
) |6 4 2 }. Comme 4m2 6 d2 D, on
on pose Fm,n = Bd ∩ {(z, r) ∈ H3 || Im(z −
m
dD
a Fm,n ∩ Fm0 ,n0 = ∅ si (m, n) 6= (m0 , n0 ). Ces ensembles Fm,n vont servir de support aux
fonctions θm et on pose pour (z, r) ∈ Bd :
(
ndw
)} si (z, r) ∈ Fm,n
−exp{πid4 D2 Im(z −
θ(z, r) =
m
1 sinon.
\
0
Comme H3 =
: H3 /SL2 (Od ) → S 1 .
γ.Bd , nous voudrions induire une fonction θm
γ∈SL2 (Od )
Ceci est rendu possible par le lemme suivant :
Lemme 3.5. Soit γ ∈ SL2 (Od ), m ∈ W (d), n premier avec m et (z, r) ∈ Fm,n . Si
ndw
) = Im(z 0 −
γ(z, r) = (z 0 , r0 ) ∈ Bd , alors il existe n0 premier avec m tel que Im(z −
m
n0 dw
).
m
La démonstration de ce lemme résulte de nombreux calculs qui ne peuvent être exposés
ici.
0
0
Corollaire 3.6. La fonction θm
: H3 /SL2 (Od ) → S 1 définie par θm
((z, r)) = θm (γ(z, r))
pour un γ tel que γ(z, r) ∈ Bd , est bien définie et ne dépend ni du représentant (z, r)
choisi, ni du choix de γ.
On construit donc le graphe suivant :
Φ=(Φm )m∈W (d)
SL2 (Od )
φ
π1 (H3 /SL2 (Od ), h)
0 ) )
((θm
∗ m∈W (d)
π1 (S, 1)
H1 (S, Z)
k
k
Fs
Fs /[Fs , Fs ]
Il nous suffit donc de montrer que Φ est surjective pour montrer que l’image de θ∗ ◦ φ est
un groupe libre non abélien.
Propriété 3.7. L’application Φ est surjective
Démonstration. Soit γ ∈ SL2 (Od ), alors s’il existe (z, r) ∈ Bd tel que γ(z, r) = (z 0 , r0 ) ∈
Bd , on a :
kdw
Φm (γ) = ± ]{(k, m) = 1 | Im(z) 6 Im(
) < Im(z 0 )}
m
suivant que Im(z) 6 Im(z 0 ) ou non.
Pour montrer la surjectivité de Φ, nous allons construire pour tout m ∈ W (d) un élément
γm ∈ SL2 (Od ) tel que Φr (γs ) = δr,s . Tout d’abord, ordonons les éléments m1 , ..., ms de
9
r1
rs
> ... >
où ri désigne le plus grand entier plus petit
m1
ms
que mi /2, premier avec mi (ceci est rendu possible par l’assertion mi > 3). Il existe alors
un entier qi > mi − ri tel que ri qi ≡ 1 mod m. Il est également possible de montrer que la
congruence | ai + dw |2 ≡ − | bi + dw |2 mod mi possède des solutions ai et bi . On considère
les matrices
∗
qi (ai + dw)
σi =
mi
ri (ai + dw)
∗
(mi − ri )(bi + dw)
τi =
mi
qi (bi + dw)
W (d) de telle façon que 1 >
. Ensuite, on considère les éléments zi =
qi (ai + dw)
qi (bi + dw)
ri (ai + dw) 0
, zi = −
, wi =
,
mi
mi
mi
(mi − ri )(ai + dw)
1
, ti =
, qui sont tels que σi (zi , ti ) = (zi0 , ti ) et τ (wi , ti ) =
mi
mi
n(a + dw) 1
(wi0 , ti ). Or, il est possible de démontrer que tout ces éléments de la forme (
, )
m
m
appartiennent à Bd . On en conclue donc que
wi0 = −
Φmj (σi ) = ]{(k, mj ) = 1 |
k
qi
ri
<
6
},
mi
mj
mi
m i − ri
k
qi
<
6
},
mi
mj
mi
ri
k
m i − ri
Φmj (γi ) = ]{(k, mj ) = 1 |
<
6
} = δi,j
mi
mj
mi
où γi = σi τi . Ce qui finit de démontrer la surjectivité de Φ et le théorème de GrunewaldSchwermer.
Φmj (τi ) = − ]{(k, mj ) = 1 |
Terminons cette section en citant le résultat qui permet de conclure la démonstration
du fait que SL2 (O) n’a pas la CSP.
Théorème 3.8. Soit K une extension quadratique de Q, S un ensemble fini de places de
K contenant toutes les places archimédiennes, OS l’anneau des S-entiers de K et n > 2
un entier . Si un sous-groupe Γ > SLn (OS ) a la CSP, alors il n’existe pas de sous-groupe
d’indice fini de Γ ayant un groupe libre non abélien comme quotient.
Références
[Su] B. Sury, The congruence subgroup problem (an elementary approach aimed at applications), Texts and readings in mathematics 24, Hindustan Book Agency (distribué
par l’AMS), (2003).
[W1] A.J. Weir, Sylow p-subgroups of the general linear group over finite fields of characteristic p, Proceedings of American Mathematical Society 6, 454-464 (1955).
[W2] A.J. Weir, Sylow p-subgroups of the classical group over finite fields with characteristic prime to p, Proceedings of American Mathematical Society 6, 529-533 (1955).
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[GS] F.J. Grunewald and J. Schwermer, Free non-abelian quotients of SL2 over orders
of imaginary quadratic numberfields, Journal of algebra 69, 298-304 (1981).
[La] S. Lang, Algebra-Second edition, Addison Wesley Publishing company (1984)
[WF] K. Wohlfahrt, An extension of F.Klein’s level concept, Illinois Journal of Mathematics, 529-535 (1964).
[Go] C. Godbillon, Eléments de topologie algébrique, Hermann Paris, (1971)
[RZ] L. Ribes and P. Zalesskii, Profinite groups, Springer, (2000)
[Sa] P. Samuel, Théorie algébrique des nombres, Hermann Paris, (1967)
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