Correspondances en Onco-Théranostic - Supplément au vol. V - n° 1 - janvier-février-mars 2016
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Éditorial
dans le CBNPC. Cependant, pour que cette voie thérapeutique fonctionne, il est probable qu’un certain
nombre de conditions doivent être remplies : 1) l’anergie doit résulter de l’inhibition secondaire d’une
réponse immunitaire antitumorale préalable (et non d’un processus oncogénique) ; 2) elle doit être associée
à la surexpression des molécules assurant la régulation des points de contrôle immunitaires ciblés (PD-L1,
PD-L2, CD80/CD86, etc.) ; 3) la réponse immunitaire ne doit pas avoir été totalement épuisée par la stimulation
antigénique tumorale chronique.
Gérard Zalcman a ensuite montré que nous devions penser différemment l’évaluation de ces immuno-
thérapies. Celle-ci doit plutôt être fondée sur la notion de durée de la réponse et sur l’induction d’un effet
post-traitement prolongé capable d’influer sur la survie globale, comme le montrent bien les résultats des
essais de phase III avec le nivolumab (3, 4). Julien Mazières a quant à lui réhabilité l’immunohistochimie (IHC)
comme première étape de la sélection des malades candidats à une immunothérapie. À l’exception de l’essai
du nivolumab dans les carcinomes épidermoïdes (3), toutes les études démontrent qu’une surexpression
de PD-L1 à la surface des cellules tumorales ou immunitaires présentes dans le microenvironnement tumoral
permet de sélectionner une population de malades qui bénéficie plus largement de l’immunothérapie.
Il est donc urgent de définir les conditions de réalisation de cette IHC, en précisant les anticorps utilisables,
le nombre de lames nécessaires et de cellules présentes sur le prélèvement, la nécessité ou non d’une
rebiopsie si le test est négatif, le seuil proposé en fonction de la question posée (valeur prédictive positive
= bénéfice ou valeur prédictive négative = risque), du type histologique de la tumeur ou de l’immunothérapie
utilisée… En parallèle, il est important d’évaluer l’intérêt d’autres biomarqueurs utilisant des tests simples
orientés sur la réponse immunitaire (présence de lymphocytes infiltrant la tumeur, phénotype ou fonction
de ces lymphocytes) ou sur les caractéristiques antigéniques de la tumeur (charge mutationnelle, néo-
antigènes, etc.). Pour finir, l’analyse critique de l’essai CheckMate 057 faite par Virginie Westeel nous a
confortés quant à la robustesse des résultats obtenus et donc à leur possible reproductibilité en population
générale, à condition de respecter les mêmes critères d’éligibilité que ceux utilisés dans l’étude,
et probablement de mieux caractériser les sous-groupes d’intérêt.
✓Qui eût cru, il y a 10 ans, que nous abandonnerions le séquençage direct de Sanger pour des techniques
ciblées plus sensibles et moins coûteuses, puis, plus récemment, pour des techniques de type séquençage
massif parallèle (Next-Generation Sequencing [NGS]) ? Ces techniques, comme l’a montré Pierre Laurent-Puig,
deviennent compétitives en termes de coût et permettent de rechercher en parallèle, sur de nombreux
prélèvements, de multiples altérations géniques. Le pouvoir de résolution du NGS offre la possibilité :
de mesurer les altérations d’un très grand nombre de gènes (couverture), ce qui pourrait être intéressant
pour évaluer la charge mutationnelle et prédire la réponse aux ICI ; de bénéficier de leur sensibilité
(profondeur) jusqu’à une copie de mutation dans le prélèvement, ce qui pourrait être intéressant
pour détecter des mécanismes de résistance biologiques avant que survienne la rechute clinique.
Cette sensibilité extrême, comme l’a expliqué Fabrice Barlesi, est à la base de l’utilisation de l’analyse de l’ADN
tumoral circulant. Cette approche permet, dans certains cas, de poser un diagnostic de cancer chez un malade
qui ne pourrait pas être biopsié. Elle est surtout intéressante pour évaluer, lors de la progression clinique,
l’hétérogénéité moléculaire tumorale. En effet, alors qu’une biopsie ne va pouvoir évaluer cette hétérogénéité
que localement, l’ADN tumoral circulant intègre les informations issues de l’ensemble des sites en progression.
Ainsi, la mesure quantitative de ces modifications dans le temps permettra de dépister de manière non
invasive une rechute infraclinique et surtout d’identifier un mécanisme prédominant de résistance afin
d’adapter le traitement en fonction (par exemple, de l’existence ou non de la mutation T790M). Par ailleurs,
la question de savoir s’il est utile pour la survie globale de modifier le traitement sur des données biologiques
alors que la maladie semble encore contrôlée cliniquement fera certainement l’objet d’essais thérapeutiques
dans l’avenir.
Marie-France Mamzer nous a éclairés quant au risque d’une recherche trop exhaustive sur le génome tumoral
qui nous obligera à identifier des altérations germinales méconnues du malade, et aux conséquences
de ces informations à porter à la connaissance du malade, mais surtout de sa famille.