ARTICLE DE REVUE 61
la gravité de l’état du patient (<% chez les patients
ambulatoires avec èvre contre >% en cas de choc
septique []). Le seul signe clinique relativement able
d’une bactériémie est la présence de forts frissons (à
diérencier des légers tremblements) []. D’autres in-
dications indépendantes du degré de la maladie sont la
suspicion d’une endocardite et l’évaluation d’une èvre
d’origine inconnue (FOI), les patients consommant des
drogues par voie intraveineuse, les patients avec un
cathéter veineux central (CVC) ou un corps étranger
endovasculaire (par ex. pacemaker, valve cardiaque ar-
ticielle, etc.), la suspicion d’une infection en rapport
avec la maladie, une détérioration inexpliquée de l’état
général ou encore une augmentation inexpliquée des
paramètres inammatoires. En outre, en présence d’un
foyer infectieux cliniquement pertinent (nécessitant
une hospitalisation), des hémocultures devraient être
prélevées (par ex. en cas de suspicion d’arthrite septique,
de spondylodiscite, de cholangite ou de méningite bac-
térienne), en particulier si un traitement antibiotique
par voie intraveineuse est prévu.
Pour tous les autres patients, la probabilité pré-test d’une
hémoculture positive et ses conséquences doivent être
prises en compte. La mise en évidence d’une èvre
>, °C ne doit en aucun cas entraîner le prélèvement
automatique d’hémocultures, car cela abaisse certaine-
ment encore le taux d’hémocultures positives déjà faible
et engendre des dépenses inutiles. Par exemple, le taux
d’hémocultures positives en cas de pneumonie acquise
en ambulatoire chez des patients ne nécessitant pas de
prise en charge en soins intensifs est inférieur à %
[]. De plus, même une hémoculture positive n’a que
rarement une inuence sur la prise en charge d’une
pneumonie, en tout cas dans les pays où les taux de ré-
sistance aux principaux agents pathogènes de la pneu-
monie sont faibles []. Il en va de même pour l’érysipèle
non compliqué et la cellulite. Toutefois, des hémocul-
tures positives permettent généralement de procéder
àune thérapie ciblée avec un spectre d’action souvent
plus réduit ainsi que de localiser le foyer infectieux.
Combien d’hémocultures faut-il prélever?
Une «hémoculture» est toujours composée de deux
acons: le premier, aérobie; le second, anaérobie. Bien
que l’incidence des bactériémies anaérobies ait baissé
au cours des dernières années, le prélèvement exclusif
de acons d’hémoculture aérobie n’est pas conseillé.
Nous recommandons le prélèvement de deux acons
d’hémoculture remplis de manière optimale avant le
début de l’antibiothérapie. Cette recommandation est
basée sur les données d’une publication de [] et
sur le fait que la quantité de sang cultivé inuence de
manière décisive la sensibilité des hémocultures. Pour
chaque millilitre de sang, la probabilité de découvrir
une bactériémie augmente de –% [, ]. Deux hémo-
cultures permettent généralement d’identier avec
abilité jusqu’à % des bactériémies; ce taux est de
plus de % avec trois hémocultures. Hormis la quan-
tité de sang, le type de germe en cause est décisif. Dans
le cas d’une hémoculture (paire ou bien × acons)
prélevée dans le cadre d’une étude, la probabilité de dé-
tecter un staphylocoque doré était déjà de % []; pour
trois hémocultures (paires ou × acons), cette pro-
babilité était de %. En revanche, les
Pseudomonas
aeruginosa
et
Candida spp.
ne peuvent être mises en
évidence dans une hémoculture que dans % des cas.
En contrepartie de la plus grande sensibilité obtenue par
le prélèvement de plus de deux hémocultures, on re-
trouve des coûts élevés, une limitation du confort/de la
sécurité du patient ainsi qu’une spécicité plus faible
en raison d’un taux de contamination plus élevé. Dans
la mesure où la sensibilité gagnée par le prélèvement
d’une troisième culture est faible (%), le prélèvement
de deux hémocultures est considéré comme optimal.
Les suspicions d’endocardite, les infections par
Candida
spp
. ou d’autres organismes plus diciles à cultiver
ainsi que la FOI représentent des scénarios dans les-
quels le prélèvement de trois hémocultures nous paraît
judicieux. En outre, chez les patients disposant de CVC,
des hémocultures devraient être prélevées à partir de
chaque cathéter en plus d’un prélèvement périphérique
[] (voir également la partie sur les infections des ca-
théters). Une période d’incubation prolongée de plus
de jours n’est plus nécessaire que dans des cas excep-
tionnels.
Contrairement au volume, le prélèvement séparé d’hé-
mocultures sur une certaine période ne joue pour la
sensibilité qu’un rôle secondaire. On distingue d’ordi-
naire les bactériémies transitoires, intermittentes et
continues []. Les interventions chirurgicales avec lé-
sion de la peau/des muqueuses et les tissus non stériles
(biopsies, incisions/drainages d’abcès mais aussi bros-
sage des dents) entraînent des bactériémies de courte
durée, tandis que les infections intravasculaires (endo-
cardite, infection du cathéter ou de la gree, plus rare-
ment au début d’une infection par le typhus ou la
brucellose) entraînent généralement des bactériémies
conti nues. Autrefois, on considérait les infections au
niveau des organes (pyélonéphrite, pneumonie) ou les
abcès non drainés comme le prototype d’une bactérié-
mie intermittente. Une question fait cependant débat: la
bactériémie est-elle vraiment intermittente dans ces cas
ou bien s’agit-il en réalité d’une bactériémie continue
avec alternance d’épisodes de grande densité des germes
dans le sang et d’épisodes de bactériémie
low-level
[]?
SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(3):59–67