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Industrie 4.0
L
es premières voitures autonomes sillonnent les routes en 
 Californie, mais aussi de manière ponctuelle à Zurich, dans le 
cadre d’essais. En Suisse, la Poste a récemment lancé la boîte aux 
lettres numérique, la «Boîte à lait 4.0». Des réfrigérateurs intelligents 
commandés par téléphone mobile réapprovisionnent automatique-
ment le lait et le beurre. De même, des chauffages sensibles dispo-
nibles dans le commerce réagissent aux prévisions météo, tandis 
que des camions guidés par GPS coordonnent et optimisent leurs 
contrats de transport via Internet. Mobilité intelligente, bâtiments 
intelligents, logistique intelligente ou réseaux intelligents, le progrès 
est partout. Et ce n’est qu’un début, si on en croit les auteurs de 
l’étude «Industry 4.0 – The role of Switzerland within an European 
manufacturing revolution». «Cela représente à peine un dixième  
de ce qui nous attend ces quinze prochaines années», affirme  
Oliver Grassmann, coauteur de l’étude chez Roland Berger. 
La pierre angulaire de cette nouvelle évolution: l’industrie 4.0. «Tout 
gravite autour de la mise en réseau et de l’automatisation crois-
santes de l’ensemble de la chaîne de création de valeur industrielle 
via la numérisation», déclare Oliver Grassmann. Ce quatrième volet 
de la révolution industrielle, après la machine à vapeur, le travail  
à la chaîne et l’ordinateur, provoquera des changements colossaux.  
Que ce soit une évolution, une révolution ou une rupture, un terme 
à la mode, l’industrie 4.0 enclenche un processus de transformation 
complet synonyme d’une totale redistribution des cartes dans  
de nombreux pans de l’économie. 
Systèmes et marchés virtuels-physiques
L’industrie 4.0 est essentiellement liée à l’automatisation, un outil 
connu de longue date basé sur l’informatique et l’électronique et 
commandé par ordinateur. Là où le nouveau monde 4.0 innove, 
c’est qu’il procède également à l’intégration directe de choses et 
d’objets dans le réseau d’information mondial, en plus des données 
brutes. Les mondes des connaissances et du commerce sont 
 imbriqués. Tout élément doté d’électronique intégrée qui maîtrise 
les protocoles Internet peut être intégré dans le monde virtuel: 
montres-bracelets, thermostats, éclairage public, machines, voire 
des usines entières. La quatrième révolution industrielle se fonde  
sur l’idée d’une numérisation sans limites dans laquelle, en fin de 
compte, toutes les activités et unités de production de l’économie 
sont reliées mutuellement et font l’objet d’un échange d’informa-
tions permanent. «Les mondes physique et virtuel fusionnent», 
 souligne Oliver Grassmann. Le rôle des programmes informatiques, 
qui constituent d’ores et déjà le cerveau et le cœur de nombreux 
systèmes de production, va encore aller crescendo à l’avenir.  
Les ordinateurs vont en effet commander un nombre croissant  
TEXTE PIRMIN SCHILLIGER  PHOTOS SCHINDLER GROUP | ROLAND BERGER | FOTOLIA
de machines et de robots intelligents qui iront encore plus loin dans 
l’automatisation des processus de transport et de stockage. Les algo-
rithmes
 et applications vont encore mieux soutenir le personnel pour 
le marketing, les ventes et le suivi des clients. L’industrie 4.0 permet 
non seulement une production plus efficace, mais aussi plus flexible 
et plus facile à diriger, adaptable en permanence aux nouveaux 
 
besoins qui émergent tout au long de la chaîne de création de valeur. 
Robots et nouvelles matières premières
Les ordinateurs de la génération 4.0 reconnaissent la voix et les 
images. Les nouveaux robots disposent de force musculaire et de 
capacités intellectuelles. Ce n’est nullement une vision d’avenir, mais 
bien la réalité. Développé par ABB, Yumi réfléchit, communique 
avec ses collègues humains au sein de l’équipe et travaille avec eux 
main dans la main. En outre, les robots 4.0 élargissent considérable-
ment leur rayon d’action. Au-delà de la production, ils assurent des 
fonctions dans la logistique, l’administration et, pourquoi pas, la 
 direction. Ils permettent une exploitation 24 heures sur 24, sans 
 nécessité de main-d’œuvre humaine pour le travail de nuit. «L’avenir 
dira si l’industrie 4.0 est effectivement une révolution. En tout état 
de cause, le rythme incroyable de ce processus de transformation 
est bel et bien révolutionnaire», affirme Oliver Grassmann. Sous 
 l’effet de la numérisation galopante, les données électroniques 
doublent en effet de volume 
tous les deux ans, voire 
chaque année. L’industrie 
4.0 se nourrit de nouvelles 
matières premières telles que 
le flux de données croissant. 
La masse de données permet 
l’identification de modèles 
de conduite, la déduction 
des besoins et la création  
de nouveaux produits et 
 services correspondants, ce 
qui peut s’étendre jusqu’à  
la conception de nouveaux 
modèles commerciaux. 
De même, l’industrie 4.0 
 dynamise la recherche et le développement. Les différentes étapes 
sont simulées au moyen de la conception 3D, jusqu’à obtention 
d’un résultat virtuel considéré comme une solution éprouvée. De ce 
fait, les prototypes, séries de pilotes et d’essais, calibrages et autres 
ajustements autrefois nécessaires sont désormais superflus. Quand 
une innovation est mise en œuvre dans le monde de production réel,
 
les frontières entre le laboratoire et le poste de travail s’estompent. 
Quand l’essentiel se limite au transfert de données, la production 
physique peut aussi bien se dérouler de manière décentralisée et 
 localisée dans des îlots de production mobiles, en séries très limitées 
et sans délai prolongé de changement d’outils. Dans ce cadre, 
«Tout gravite autour  
de la mise en réseau  
et de l’automatisation 
croissantes de l’ensemble  
de la chaîne de création  
de valeur industrielle  
via la numérisation.»
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