
Colloque fondateur du Réseau international de 
Sociologie Clinique – Paris, 8-9-10 avril 2015 
 
 
Proposition de communication 
Thème 3 – Clinique narrative   
 
La tache aveugle du soin: huit « collègues » à l'épreuve 
du normal et du pathologique  
 
Mélinée Schindler  
 
  A Genève a eu lieu une rencontre, à la fois organisée et imprévue dans son après-coup, de 
huit  « collègues »,  trois  médecins,  une  infirmière,  trois  psychologues  et  un  pédagogue,  tous 
apparentés aux pratiques de l'Éducation Thérapeutique du Patient. A l'initiative d'Aline Lasserre 
Moutet, et sous la direction de Christophe Niewiadomski, trois séances d'épreuves biographiques 
ont confronté ces volontaires au récit de vie et de santé par le biais de l'écriture, du génogramme, de 
la trajectoire de vie et du dessin. Une sociologue, Mélinée Schindler, s'est entretenue avec chacun 
des huit professionnels, puis a analysé thématiquement les verbatim recueillis afin de provoquer un 
focus group. La surprise, de l'aveu même de ces professionnels chevronnés, provient du retour dans 
sa forme la plus profane de la question: qu'est-ce que la santé? Ici et maintenant, en lien ou non 
avec mon passé, ma famille, mes maladies physiques ou psychiques, qu'ai-je à dire à mes collègues 
des  traumatismes  (ou  de  leur  dépassement)  qui  n'ont  peut-être  pas  lieu  d'être  ainsi  exposés? 
L'épreuve de la narration de soi entraîne pour chacun dans le groupe une émotion déroutante. C'est 
avec ce qui leur tombe dessus ensemble (au sens littéral du mot « sym-ptôme ») que se tissent des 
liens  qui  transforment  le  groupe  en  une  « communauté  de  cicatrices »,  selon  le  dire  d'une 
participante. Le groupe se ritualise, au sens de la sociologie sacrée de Georges Bataille (1979) ou de 
l'anthropologie de Mary Douglas (2005). Comment transposer une telle expérience au patient lui-
même, lorsque le professionnel reconnaît qu'il est redevenu cette personne pathétique qui précède la 
médecine clinique ?  
 
  Au regard des nombreuses disciplines pratiquées par ces huit « collègues » (pneumologie, 
cardiologie,  pédagogie,  psychologie,  psychanalyse,  analyse  transactionnelle,  hypnose,  éducation 
thérapeutique,  clinique  narrative,  méditation,  écriture,  théâtre,  sport),  on  ne  peut  que  penser  au 
carrefour épistémique inauguré par  Canguilhem  (1943) avec  ses  Essais  sur  quelques problèmes 
concernant le normal et le pathologique. Ce philosophe médecin  renverse l'opposition héritée de la 
physiopathologie en faisant du « pathos » éprouvé par le malade la condition même de l'existence 
de l'art médical.  Cette préséance de la maladie du malade en tant que forme de vie ouvre le chantier 
de l'expérience biographique, qu'elle soit philosophique avec le « souci de soi » de Foucault (2001) 
et le « prendre soin » de Stiegler (2010), ou sociologique dans la forme socratique de l'entretien 
pratiqué par Bourdieu (1993). De ce chantier semble émerger peu à peu une nouvelle conception de 
la relation de soin et de l'empathie, dont Barrier (2010) témoigne à travers le récit du dépassement 
de son insulino-dépendance. La santé est maintenant reconnue et éprouvée comme la capacité à 
tomber malade et à s'en relever. La maladie est une autre allure de la vie. Du coup, l'ancien rituel du 
soignant au chevet du malade s'effondre et laisse place à une relation symétrique déstabilisante où 
l'un et l'autre acteur doivent faire face, ensemble, à ce que nous appellerons avec Barrier « la tache 
aveugle du soin ».