Introduction aux finances publiques SE 2007 Version du 15 avril 2008 1
Chapitre 9
LE CRITÈRE DE NEUTRALITÉ
9.1 Exposition du critère
9.2 Effet d’un impôt sur le choix des consommations
9.3 La charge fiscale excédentaire
9.3.1
Le problème
9.3.2
La justification d’un impôt non neutre
Objectif de ce chapitre
Prélever un impôt entraîne un coût pour le contribuable – qui peut considérer
que les prestations publiques financées par cet impôt ne lui offrent pas une
contrepartie adéquate. Or ce coût n'est pas égal au seul montant de l'impôt
payé: lorsque l'impôt modifie le rapport des prix, il entraîne une distorsion
des choix économiques. Il n'est pas neutre. Il crée une charge fiscale
excédentaire, c'est-à-dire une charge fiscale qui va au-delà de la valeur
monétaire du prélèvement. Mesurer la "neutralité" d'un impôt, c'est
considérer quelle distorsion des choix l'impôt provoque dans l'économie.
Mais attention, cela ne signifie pas qu'un "bon" impôt doit être un impôt
"neutre" parce qu'il ne provoque pas de distorsion. Un impôt peut être choisi
justement parce qu'il n'est pas neutre – par exemple un impôt qui vise à
modifier les comportements environnementaux.
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9.1 Exposition du critère
On peut se référer à la pensée d’Adam Smith en ce qui concerne le critère de neutralité
de l’impôt.
“Before I enter upon the examination of particular taxes, it is necessary to premise the
four following maxims with regard to taxes in general.
(…)
Secondly, it may obstruct the industry the people, and discourage them from applying to
certain branches of business which might give maintenance and unemployment to great
multitudes. While it obliges the people to pay, it may thus diminish, or perhaps destroy,
some of the funds which might enable them more easily to do so”
(Smith 1776: Book V: Part II).
Pour l’auteur, l’essentiel réside avant tout dans l’idée que la puissance d’un pays se
mesure à sa faculté d’accroître ses richesses. Une imposition qui freinerait ce mouvement
positif ne serait pas souhaitable.
Nous étudions maintenant à l’aide du diagramme suivant et en conservant à l’esprit les
principes évoqués par A. Smith, le critère de neutralité de l'impôt sous l’angle de
l’optimalité économique.
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Le diagramme qui suit constitue le "fil rouge" de ce chapitre.
Situation optimale
TMT = TMS = P
P
x
y
Marchés:
des facteurs de production
des capitaux
des produits
Introduction d'un
impôt "t"
Modification de
l'équilibre
Effet de revenu
Effet de substitution
Non Neutralité respectée
Oui
Neutralité violée
distorsion des choix
CHARGE FISCALE
EXCÉDENTAIRE
{
1
{
tu impôt unitaire
ta impôt ad valorem
2
3
{
Distorsion
voulue
non voulue
4
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1. La position optimale est définie par les conditions d'optimalité de Pareto: l'optimum
économique se définit par l'égalité entre les taux marginaux de transformation (TMT)
et de substitution (TMS) et cela dans les trois marchés, des produits, des facteurs de
production et des capitaux. Prenant comme exemple le marché des produits, les deux
taux s'expliquent de la façon suivante:
-
taux marginal de substitution
: il s'agit de la quantité supplémentaire d'un bien
qu'un agent accepte d'acquérir en sacrifiant une unité d'un autre bien lorsque les
prix relatifs varient;
-
taux marginal de transformation:
il s'agit de la quantité supplémentaire d'un bien
qu'un agent peut techniquement acquérir ou produire en sacrifiant une unité de
l'autre bien.
2. Chaque prélèvement fiscal comporte automatiquement une perte de revenu de la part
des agents économiques qui doivent s'acquitter du paiement de l'impôt (pas
nécessairement de la part du contribuable formel – voir le chapitre 10 sur la
translation de l’impôt). Le prélèvement fiscal entraîne donc forcément un effet de
revenu. Comme l'indique le diagramme, un impôt qui entraîne uniquement un tel effet
est neutre par rapport à l'allocation des ressources. La flèche en tirets signifie
néanmoins qu'il engendre une charge fiscale excédentaire (section 9.3.).
3. Il est usuel de dire que le critère de neutralité de l'impôt permet de préciser les
conditions d'une affectation optimale des ressources malgré l'intervention fiscale du
secteur public. La neutralité serait donc un critère essentiel qu'un impôt devrait
satisfaire. Cette vision doit forcément être atténuée. Comme il sera démontré dans la
sous-section 9.3.2 l'emploi d'impôts non neutres (et donc jugés à priori négatifs) est
souhaitable lorsqu'il s'agit d'intégrer des effets externes dans le but de corriger
l'allocation des ressources.
Pour être neutre, un impôt ne doit pas modifier les conditions d'équilibre atteintes sur
les trois marchés. Une violation de ces conditions se produit lorsque l'introduction d'un
impôt entraîne un effet de substitution. C'est par exemple le cas d'un impôt sur la
consommation qui frappe deux biens de manière différente (à des taux différents).
4. Autant un impôt neutre qu'un impôt entraînant des distorsions engendrent une charge
fiscale pour l'économie. Celle-ci se définit comme la différence entre la charge totale
qu'un impôt occasionne pour l'économie et la mesure monétaire de l'impôt. On part
de l'idée que la mesure monétaire de l'impôt n'est pas une "charge" pour l'économie
parce qu'elle est exactement compensée par l'utilité que les agents économiques
retirent des dépenses collectives, financées via le budget de l'Etat par l'impôt prélevé.
Par contre, en modifiant les choix des agents économiques, l’impôt occasionne une
charge sur l’économie hors budget de l’État.
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9.2 Effet d'un impôt sur le choix des consommations
La question de la neutralité de l’impôt est expliquée ici sur le seul marché des biens de
consommation. Soit le graphique 9-1:
I3
I2
I1
a
c
h
l
n
0 i j m k d b
e
f
g
Bien X
Bien Y
courbe contrat-revenu
courbe contrat-prix
Graphique 9-1 Effet revenu et effet prix de l'impôt
Hypothèses
Les agents économiques n'ont à choisir qu'entre deux biens X et Y.
La décision dont il est question n'affecte pas leur comportement en matière de loisirs
et d'épargne.
La situation initiale est formalisée dans un marché de concurrence pure.
Le rendement fiscal est supposé constant.
Les courbes d'indifférence I1, I2, I3 sont homogènes et représentent les préférences
d'un individu type.
Equilibre initial
L'équilibre initial se trouve en e, au point de tangence entre la ligne du budget ab et la
courbe d'indifférence I3. Avec son revenu, le consommateur type peut acheter une
quantité oa de produit Y ou ob de produit X. Compte tenu de ses préférences, il choisit la
combinaison 0l de bien Y et 0m de bien X.
Impôt général sur la consommation de X et Y
Le montant de l'impôt est égal à ca (en termes de Y) ou db (en termes de X), pour un
taux d'impôt qui équivaut à ca
0a (= db
0b). La contrainte budgétaire se déplace
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