
Gènéthique - n°99 –Mars 2008
Qu’est-ce que l’euthanasie ?
Alors que le débat sur la fin de vie est
relancé en France, Mgr Jacques
Suaudeau, membre de l’Académie
pontificale pour la Vie, a accordé à Zenit
un long entretien sur l’euthanasie.
Définition de l’euthanasie
Forgé au XVIIème siècle par Francis Bacon,
le mot "euthanasie" trouve son origine
dans les locutions grecques "eu" et
"thanatos" qui désignent une "mort facile et
douce". Depuis, sa signification a évolué
et, aujourd’hui, on pourrait définir
l’euthanasie comme "l’acte de supprimer
délibérément la vie d’un malade incurable
pour mettre fin à ses souffrances ; ou bien
encore pour éviter la prolongation d’une
vie pénible ; ou encore pour mettre fin à
une vie estimée non digne d’une personne
humaine, et tout cela pour un motif de
pitié". Parallèlement, de nouvelles
définitions apparaissent et troublent la
réflexion. Ainsi parle-t-on d’euthanasie
"active", qui serait donner directement la
mort, et d’euthanasie "passive". Par
euthanasie "passive", certains entendent
"laisser mourir" le patient selon l’évolution
de sa maladie, sans le charger de
traitements inutiles. Dans ce cas précis,
l’euthanasie dite "passive" n’est pas
euthanasie, puisque le non-acharnement
thérapeutique n’est pas de l’euthanasie.
Il convient donc de ne pas utiliser le mot
"euthanasie" dans ce cas.
L’euthanasie, qu’elle soit directe (par
injection) ou indirecte (par arrêt de
l’alimentation), est toujours "active" et se
définit par une volonté de donner la mort.
Il existe par ailleurs une myriade de termes
euphémiques et techniques utilisés pour
adoucir le terme d’euthanasie mais qui
désignent en fait une même réalité
violente ; citons l’"arrêt de nutrition par
sonde", l’"arrêt d’une alimentation -
hydratation", l’"analgésie en fin de vie"…
L’euthanasie dans l’histoire
Dans l’Antiquité païenne, cette pratique
était généralement bien perçue car
considérée comme une "mort digne". Puis,
avec l’avènement du christianisme, l’idée
d’affronter sa mort avec dignité et
confiance en l’Au-delà s’est répandue.
Mais ensuite, cette conception a laissé
place aux doutes et l’euthanasie a été
portée au pinacle par le nazisme et son
opération "Aktion T4 euthanasia" qui a fait
environ 200 000 victimes.
Lobby pro-euthanasie
Après ce drame, le mouvement en faveur
de l’euthanasie s’est tu, cédant la place au
mouvement pour l’avortement, le temps
que ces actes nazis soient oubliés. Ce
lobby pro-euthanasie est un mouvement
international, porté par des figures comme
le Dr Jack Kevorkian aux Etats-Unis ou
Philip Nitschke en Australie, et très
organisé. Il a avancé par étapes, en
introduisant de nouvelles sémantiques,
du "meurtre par pitié" au "droit de mourir"
en passant par le "mourir dans la dignité"
et en utilisant un cas difficile pour
généraliser (Vincent Humbert, en France).
La mort niée
L’euthanasie est aujourd’hui d’autant plus
admise en Occident que notre rapport à la
mort est bouleversé : on est passé de la
mort intégrée et prise en charge à la mort
cachée et déshumanisée. La douleur, la
souffrance, la mort sont des réalités
humaines que nos sociétés cherchent à
nier ; en découle la tentation de fuir les
derniers moments de la vie.
Les personnes en fin de vie ont besoin
d’être accompagnées. Si les soins palliatifs
accompagnent ces personnes, il ne faut
pas pour autant que le reste de la société
se désintéresse d’elles : l’assistance au
mourant concerne tout le monde.
L’accompagnement est d’autant plus
nécessaire que les derniers instants de la
vie sont importants pour vivre tout à fait
sa mort. Et cela ne peut être que si la
relation médecin-patient fondée sur la
confiance réciproque n’est pas entamée
par une possibilité euthanasique.
Demande d’euthanasie déboutée
Soutenue par l’Association pour le droit de
mourir dans la dignité (ADMD), Chantal
Sébire, une patiente âgée de 52 ans et
atteinte d’une esthésioneuroblastome
(tumeur évolutive et incurable des sinus et
de la cavité nasale) a demandé à la
justice, le 12 mars, de pouvoir "bénéficier
d’un suicide médicalement assisté".
Droit à la vie
Suivant les réquisitions du procureur de la
République, le vice-président du tribunal
de grande instance de Dijon a débouté
Chantal Sébire, jugeant sa demande
contraire "au code de déontologie
médicale, lequel dispose que le médecin
n'a pas le droit de délibérément donner la
mort", ainsi qu'au code pénal et à la
Convention européenne des droits de
l'Homme.
Plusieurs ministres ont réagi à cette
demande, exprimant leur volonté de ne
pas modifier la loi sur la fin de vie.
Le Premier ministre, F. Fillon, a évoqué les
"avancées considérables" permises par la
loi en vigueur, ajoutant qu’"il faut avoir la
modestie de reconnaître que la société ne
peut pas répondre à toutes ces questions".
Par nature, une loi pose des interdits et si
on allait vers une loi plus libérale sur
l’euthanasie, celle-ci serait à son tour mise
à mal par des cas particuliers. Pour la
ministre de la Justice, R. Dati, une loi
légalisant l’euthanasie serait contraire à
notre droit : "nous avons fondé notre
droit, et aussi bien la Convention
européenne des droits de l’homme, sur le
droit à la vie". R. Bachelot, ministre de la
Santé, a rappelé que les médecins doivent
soulager les patients et donc leur
intervention "ne peut avoir pour effet dans
notre droit et dans notre philosophie de la
vie de mettre fin à la vie des patients" ; "la
mort ne peut en aucun cas procéder
d'un projet auquel le corps médical est
associé". "Nous n'avons pas le droit
d'interrompre volontairement la vie",
conclut Nicolas Sarkozy.
Dans Le Figaro, Martine Perez dénonce le
paradoxe de cette demande : "alors qu'un
nombre croissant de pays bannissent la
peine de mort, au nom du respect absolu
de la vie, la demande d'élimination des
malades incurables et qui souffrent fait
paradoxalement le chemin inverse".
A l’heure où nous écrivons, nous
apprenons la mort de Chantal Sébire. Les
circonstances de son décès ne sont pas
encore connues.
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Directeur de la publication : Jean-Marie Le Méné - Rédacteur en chef : Aude Dugast - Imprimerie PRD S.A.R.L. – N° ISSN 1627 - 4989