Élytrocèle
B. Blanc, A. Agostini et F. Bretelle
DÉFINITION
L’élytrocèle encore appelée « entérocèle » ou
« hernie vaginale postérieure » est une entité ana-
tomo-clinique bien connue.
Il s’agit d’une tuméfaction constituée par la des-
cente du contenu abdominal (intestin grêle, sig-
moïde ou épiploon) dans un diverticule de la cavité
péritonéale anormalement développé aux dépens
du cul-de-sac de Douglas, qui emprunte un dédou-
blement de la cloison rectovaginale pour faire
saillie (revêtue par la paroi postérieure du vagin)
dans la cavité vaginale, puis à l’orifice vulvaire.
C’est une véritable hernie du cul-de-sac de
Douglas; elle présente les caractéristiques connues
à chaque hernie (sac et contenu, collet, trajet). Elle
est de diagnostic souvent difficile, car elle peut
être confondue avec une rectocèle qui est souvent
associée ; cependant elle doit être recherchée avec
soin lors de tout examen pour prolapsus, car si elle
est négligée lors de la cure chirurgicale, elle risque
de s’aggraver secondairement.
Fréquence
Elle est difficile à apprécier, mais de nombreux
auteurs s’accordent pour la situer aux alentours
de 10 % des prolapsus : 51 sur 761 prolapsus
génitaux opérés dans une série personnelle.
Étiologie
L’élytrocèle est une affection de la femme adulte.
La date de début est souvent difficile à préciser,
les patientes venant généralement consulter plu-
sieurs années après l’apparition des premiers
symptômes. Dans notre série, l’âge moyen des
patientes au moment de l’intervention est de cin-
quante-six ans.
La parité semble jouer un rôle important.
L’élytrocèle de la vierge est exceptionnelle. Le
facteur essentiel semble être le traumatisme obs-
tétrical : accouchement de gros enfants, applica-
tion de forceps, déchirures périnéales ; respecti-
vement 46, 46 et 44 % dans notre série.
Les antécédents chirurgicaux : la notion d’ély-
trocèle iatrogène est actuellement bien établie et
la responsabilité de certaines interventions
comme les ventropexies utérines et cervicocysto-
pexies reconnue.
ANATOMIE PATHOLOGIQUE
On distingue classiquement trois grands types
d’élytrocèles (1, 2).
Le dolicho-Douglas : c’est la descente progres-
sive du point déclive du cul-de-sac de Douglas
Il s’agit d’un prolapsus développé au niveau du cul-de-sac de Douglas. Le contenu de
l’élytrocèle peut être l’épiploon, l’intestin grêle, le sigmoïde. La physiopathologie fait appel
au traumatisme obstétrical et à certaines interventions chirurgicales modifiant la statique pelvi-
périnéale, à la béance du cul-de-sac de Douglas, à la déchirure des fascias d’accolement. Sur
le plan clinique il existe une colpocèle postérieure haute. L’élytrocèle peut cependant être
méconnue. Le bilan paraclinique est indispensable : la défécographie représente l’exploration
de base, car l’IRM ne peut pas être proposée en exploration routinière. Le traitement chirur-
gical peut être cœlioscopique ou vaginal. La spinofixation selon Richter représente l’inter-
vention de référence en chirurgie vaginale.
204 Pelvi-périnéologie
dans la cloison recto-vaginale qu’il dédouble en
cheminant entre les muscles releveurs de l’anus.
Sa progression est arrêtée par le noyau fibreux
central du périnée. La hernie ne peut alors que se
diriger vers l’avant, refoulant la paroi postérieure
du vagin dont elle se coiffe, réalisant une colpocèle
postérieure quasi totale, limitée en arrière par un
sillon ne dépassant pas 2 cm au-dessus de la four-
chette vulvaire. Le collet est représenté par les
deux ligaments utéro-sacrés et le sac par la portion
du cul-de-sac de Douglas sous-jacent approfondie.
L’élytrocèle pédiculée : elle est constituée par
la descente d’une portion située immédiatement
en avant et au-dessus du point déclive du cul-de-
sac de Douglas : la fossette de Meigs, zone de
faiblesse. Il en résulte une colpocèle postérieure
haute, limitée en arrière par un profond sillon.
Dans ce type de hernie, le collet est situé au-
dessus du point d’amarrage recto-vaginal sur la
face antérieure du Douglas ; le sac est un véri-
table diverticule péritonéal.
L’élytrocèle sessile : elle se développe à partir
du type précédent par distension du collet. La
colpocèle postérieure est totale et ce type est dif-
ficile à distinguer du dolicho-Douglas.
Étiopathogénie
On évoque classiquement dans la genèse des ély-
trocèles l’association de facteurs congénitaux et
de facteurs acquis.
Les facteurs congénitaux : la hernie provien-
drait d’une profondeur anormale du cul-de-sac
de Douglas par défaut d’accolement des feuillets
antérieur et postérieur du péritoine pelvien.
Les facteurs acquis sont les plus importants.
La genèse des élytrocèles serait la conséquence
des altérations acquises des structures ligamen-
taires et musculaires du pelvis qui peuvent avoir
plusieurs origines souvent imbriquées.
Le traumatisme obstétrical : on admet le rôle
favorisant des accouchements difficiles, de la
multiparité, des manœuvres d’extraction instru-
mentales et des déchirures obstétricales. L’ac-
couchement est traumatisant à la fois pour le sys-
tème de soutènement et pour le système de
suspension des organes pelvi-périnéaux.
Les facteurs chirurgicaux : on retrouve très
souvent dans les antécédents chirurgicaux de ces
patientes une cure de rétroversion utérine, de pro-
lapsus, ou une hystérectomie partielle ou totale,
une ventropexie utérine (46 %), intervention de
Pestalozza, pexies antérieures des ligaments
ronds (intervention de Doleris), opération de
Manchester. Ces interventions tendent à créer une
antéversion fixée de l’utérus et ont comme consé-
quence d’entraîner une béance anormale du cul-
de-sac de Douglas, ainsi qu’une distension sup-
plémentaire des ligaments utérosacrés. La
statique pelvienne va se trouver modifiée en
raison de la nouvelle position utérine. Il y aura un
éloignement entre le cap anal et le cap vaginal,
favorisant, sous l’effet de la poussée abdominale,
l’élytrocèle.
L’hystérectomie par la disparition du point
central de l’utérus qui était le point le plus fixe va
entraîner l’effacement du cap vaginal.
Au total
Le traumatisme obstétrical lèse chez certaines
femmes les systèmes d’amarrage et de soutien
des organes pelviens ou va aboutir à une béance
anormale du cul-de-sac de Douglas avec absence
de contact génito-rectal à l’effort, permettant à la
pesanteur et à la pression intra-abdominale d’ap-
puyer sur le point faible de la paroi antérieure du
cul-de-sac de Douglas, la fossette de Meigs.
Il en résulte une hernie véritable dont le collet
est la fossette de Meigs, et le sac un diverticule
du cul-de-sac de Douglas refoulant la partie
supérieure de la paroi postérieure du vagin.
Cette élytrocèle, d’abord pédiculée, respectant
les deux tiers inférieurs de la paroi postérieure
du vagin, pourra ensuite devenir sessile par dis-
tension de la partie inférieure du collet vers la
zone de réflexion recto-vaginale du péritoine du
cul-de-sac de Douglas et extension du sac, en
avant du fascia recto-vaginal. Toute élytrocèle
est une hernie de pulsion à différencier du pro-
lapsus du cul-de-sac de Douglas, qui est un glis-
sement accompagnant les volumineux prolapsus
pelviens.
Les lésions associées
Elles sont principalement de trois ordres :
– les prolapsus. L’association élytrocèle et pro-
lapsus est très fréquente dans notre série 66 % ;
– la rétroversion utérine. L’utérus rétroversé
efface le cul-de-sac en l’habitant. Il reçoit la
poussée abdominale à sa place et tend à s’enfoncer
comme un coin dans la boutonnière des releveurs,
et ce d’autant plus qu’ils ont été lésés au cours de
l’accouchement. L’hernie se trouve amorcée. Si
l’on ramène l’utérus en avant en le fixant à la paroi
antérieure, cet espace rétro-utérin va être directe-
ment sollicité par la pression abdominale ;
– l’incontinence urinaire d’effort a été retrouvée
chez 36 % de nos patientes.
Les complications sont peu fréquentes :
– l’occlusion intestinale par étranglement ;
– la contusion du sac et de son contenu (chute
à califourchon) ;
– enfin, la rupture du sac herniaire favorisée
par l’ulcération de la muqueuse vaginale.
DIAGNOSTIC
Le motif de consultation, le plus souvent ren-
contré est :
– la sensation de « boule » intravaginale. Cette
tuméfaction peut être intravaginale ou apparaître
à la vulve. Sa taille est variable. Elle est aggravée
par l’effort, la marche et la toux ;
– les douleurs à type de pesanteur pelvienne
ou périnéale ;
– l’incontinence urinaire est retrouvée une fois
sur trois.
Examen clinique
Il doit être mené de façon minutieuse et complète,
il faut s’attacher à mettre en évidence tous les
éléments de prolapsus associés et, inversement,
devant la constatation d’un prolapsus, il faut
rechercher de principe une élytrocèle associée.
L’inspection. On observe une masse arrondie
recouverte de muqueuse vaginale d’aspect fripé
qui peut être ulcérée. On reconnaît la présence
d’un sillon entre le vagin en place et le vagin
déroulé à distance de la fourchette vulvaire
(fig. 1). On appréciera, en outre, l’état de l’orifice
vulvo-vaginal qui peut être béant ou asymétrique,
au repos et à la poussée, recherchant une colpo-
cèle antérieure ou postérieure et/ou l’issue du col
utérin. On fera un bilan de l’état du périnée (cica-
triciel, raccourci ou trop long).
L’examen au spéculum permet de visualiser la
colpocèle postérieure haute. En retirant lentement
le spéculum dont les valves sont maintenues en
position verticale et en faisant pousser la malade,
on pourra noter la saillie d’une élytrocèle ou la
descente du col. Ensuite, on pratique la
manœuvre des valves horizontales à la recherche
d’un effet pessaire.
Les touchers pelviens. Le toucher vaginal permet
de reconnaître l’élytrocèle sous la forme d’une
tumeur molle apparaissant dans le fond du cul-de-
sac vaginal postérieur pour se dérouler à la toux de
haut en bas distendant la paroi vaginale postérieure,
séparée du vagin en place par un sillon. On peut
percevoir un gargouillement des anses intestinales,
lorsque l’élytrocèle est habitée par l’intestin.
Le toucher rectal est pratiqué debout en luxant
le rectum en avant, à travers la vulve, puis on
demande à la malade de tousser fortement ; la
hernie vient se dessiner sous les yeux.
Le toucher bidigital permet d’apprécier la résis-
tance du périnée, la cloison recto-vaginale et le
tonus du sphincter anal. On appréciera ensuite
l’état des muscles releveurs de l’anus. Ensuite, on
pratiquera une épreuve de Bonney ou d’Ulmsten
à la recherche d’une incontinence d’urine et pour
terminer un bilan de la paroi abdominale, à la
recherche de hernie ou d’éventration associée. On
pratiquera enfin le reste de l’examen gynécolo-
gique et un examen général systématique.
Élytrocèle 205
Fig. 1 – Anatomie du prolapsus du dôme vaginal après
hystérectomie (est représentée la variété la plus fréquente
dans laquelle s’associent cystocèle et élytrocèle).
Examens paracliniques
Le colpocystogramme, examen radiologique
dynamique des organes, garde ici l’une de ses
ultimes indications en cas de doute clinique. Il
met en évidence un hiatus important entre
l’utérus et le rectum correspondant à l’élytrocèle.
Il est actuellement remplacé par la défécogra-
phie avec opacification de l’intestin qui permet
une approche dynamique de la hernie du Douglas
et confirme son contenu (intestin grêle, sigmoïde,
épiploon).
L’IRM ne doit pas encore être considérée
comme une exploration de routine malgré son
excellente spécificité.
Le bilan urodynamique devra être systéma-
tique du fait de la fréquence des troubles uri-
naires associés.
TRAITEMENT
Il est chirurgical.
Le but est triple : traitement de l’élytrocèle,
des autres composantes du prolapsus, et suppres-
sion des facteurs iatrogènes responsables.
La stratégie thérapeutique va dépendre de
l’état général de la patiente, de l’importance de
l’élytrocèle, de son type, des lésions associées et
de l’état du dôme vaginal :
– la cure chirurgicale peut être réalisée par
voie abdominale (3) ou cœlioscopique (4) : elle
consiste à réaliser la mise en place d’une double
prothèse antérieure et postérieure fixée au pro-
montoire permettant de combler le cul-de-sac de
Douglas ;
– la cure chirurgicale par voie vaginale
consiste à réséquer le sac de l’élytrocèle, puis à
fixer le dôme vaginal au ligament utérosacré (5)
par l’intermédaire d’une double prothèse anté-
rieure et postérieure (6) au niveau du plan mus-
culaire des releveurs de l’anus (7) au petit liga-
ment sacro-épineux selon le procédé de Richter
(8, 9, 10, 11) ou par l’intermédiaire d’une pro-
thèse postérieure libre selon le principe de l’IVS
postérieure (12), mais le recul de cette dernière
intervention est encore faible.
Les résultats sont satisfaisants.
Technique de l’opération
de Richter (13, 14)
L’incision se fait sur une ligne verticale débutant
à 2 cm du méat urinaire et s’arrêtant à 3 cm
environ en avant de la fourchette vulvaire (figs. 4
et 5).
Le traitement de l’élytrocèle commence par la
dissection du sac herniaire qui est fermé le plus
haut possible et qui est réséqué avant de fermer
l’orifice.
206 Pelvi-périnéologie
Fig. 3 – Défécographie : volumineuse élytrocèle appa-
raissant lors des efforts de défécation.
Fig. 2 – Défécographie.
Le traitement de la cystocèle n’offre aucune
particularité. La cystorraphie ne doit pas être
négligée, les récidives après l’opération de
Richter sont souvent des fausses récidives sous
forme de cystocèles créées de toute pièce par
l’intervention qui ouvre l’espace sous-vésical.
La technique comprend après ouverture de
l’espace recto-vaginal un effondrement des
piliers du rectum (fig. 6). L’accès au petit liga-
ment sacro-épineux est très profond et l’utilisa-
tion d’une instrumentation spécifique est néces-
saire : valve de Mangiagalli, valve de Breisky,
valve de Schauta.
Le petit ligament sacrosciatique est tapissé en
avant par le muscle iléococcygien. Chirurgicale-
ment, il serait plus juste de parler de complexe
musculo-ligamentaire comme le fait Nichols (15)
car il ne faut pas essayer de les dissocier.
Les rapports postérieurs de ce complexe mus-
culo-ligamentaire et de l’épine sciatique sur
laquelle il s’insère, sont essentiels, car vasculo-
nerveux et vulnérables. L’épine sciatique est
contournée en arrière par le pédicule honteux et
de façon un peu plus médiate par les racines ner-
veuses du nerf sciatique. Le petit ligament sacro-
sciatique doit donc être pris nettement en dedans
de l’épine sciatique, à deux bons travers de
doigts. Une sécurité supplémentaire et sur
laquelle insistent Nichols (15) et Morley (16)
consiste à transfixer le ligament et non à essayer
d’en faire le tour. Il suffit de prendre l’épaisseur
utile « pour que la patiente puisse être mobilisée
par la traction sur le fil passé ». Il restera ainsi un
mur ligamentaire postérieur protégeant les élé-
ments nobles. La dissection du petit ligament
sacro-épineux se fait avec le doigt, la vulve sous
contrôle visuel.
Élytrocèle 207
Fig. 4 – Point d’attaque de la colpotomie médiane (au
niveau de la bride réunissant les deux fossettes qui mar-
quent l’insertion des utéro-sacrés).
Fig. 5 – Le plan de progression pour la libération de la
face antérieure du sac d’élytrocèle.
Fig. 6 – Abord de la fosse pararectale, au travers du liga-
ment rectovaginal ou pilier du rectum.
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