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La Lettre du Pneumologue - n° 1 - octobre 1998
D’autres signes, absents de cette observation, sont à rechercher
car ils peuvent compléter une histoire clinique de mucovisci-
dose : des antécédents familiaux de mucoviscidose, des antécé-
dents de pneumothorax, des poussées de pancréatite aiguë, un
diabète (également retrouvé chez notre patiente), une lithiase
vésiculaire ou une stérilité.
Une stérilité masculine avec azoospermie par atrésie des
canaux déférents est présente chez plus de 95 % des hommes
atteints de mucoviscidose, et l’association de DDB et d’agé-
nésie bilatérale des canaux déférents indique a priori une
mucoviscidose. Ainsi, dans le cadre d’un bilan de DDB chez
l’homme, il est intéressant de s’enquérir d’éventuels pro-
blèmes de stérilité et, le cas échéant, de faire pratiquer un sper-
mogramme. Chez la femme, l’appareil génital est normal et la
grossesse est possible, comme chez notre patiente. Néanmoins,
la fertilité est souvent réduite et il n’est pas rare de retrouver
des antécédents de bilan de stérilité ou d’aide médicale à la
procréation ; cependant, en l’absence de diagnostic préalable,
il est exceptionnel que l’on ait identifié un problème de glaire
cervicale à l’origine de cette stérilité.
À côté des formes les plus fréquentes, pour lesquelles le dia-
gnostic est fait chez un adulte porteur de DDB, des signes
digestifs (insuffisance pancréatique, pancréatite aiguë, plus
exceptionnellement cirrhose biliaire) ou une stérilité masculine
entraînent dans d’autres cas la même démarche diagnostique.
L’association à des signes respiratoires ou ORL plus ou moins
développés prend alors toute sa valeur.
Devant une suspicion de mucoviscidose, la découverte au bilan
biologique d’un syndrome de cholestase ou d’un diabète,
comme chez notre patiente, revêt un intérêt particulier.
Cependant, les arguments cliniques, même s’ils constituent
une forte présomption en faveur d’une mucoviscidose, ne per-
mettent pas de conclure de façon définitive.
Le test de la sueur est positif chez l’adulte lorsque la concen-
tration de chlore est supérieure à 70 mmol/l, et deux mesures
sont nécessaires avant de confirmer le diagnostic. Il est impor-
tant d’avoir recours à un laboratoire expérimenté, la méthode
de référence étant celle de l’ionophorèse à la pilocarpine. Dans
le cas de notre patiente, nous n’avions pas d’information sur
les méthodes utilisées au préalable. En cas de résultats contra-
dictoires, il ne faut pas hésiter à renouveler le test. Un test de
la sueur négatif n’élimine pas non plus totalement le diagnos-
tic, puisqu’un faible pourcentage de patients mucoviscido-
siques peuvent avoir un test de la sueur négatif ; dans ce cas, le
diagnostic ne pourra être affirmé que devant la mise en éviden-
ce de deux mutations du gène CFTR.
Enfin, la mesure de la différence de potentiel nasal peut être
une aide au diagnostic dans les formes mineures de mucovisci-
dose, lorsqu’elle montre des potentiels nettement négatifs par
rapport aux sujets normaux ; néanmoins, des valeurs normales
n’éliminent pas le diagnostic.
En conclusion, insistons sur la nécessité d’évoquer le diagnos-
tic de mucoviscidose chez des adultes présentant une bron-
chorrhée chronique et de rechercher d’autres signes cliniques
évocateurs. Il ne faut pas hésiter à demander un test de la
sueur, examen fiable lorsqu’il est réalisé dans des laboratoires
de référence, peu onéreux et peu pénible pour le patient. La
pratique d’une analyse génétique de dépistage dans des patho-
logies ciblées, comme la DDB, la pancréatite aiguë, la stérilité
masculine, devrait se faire de façon plus systématique, d’une
part pour préciser certains diagnostics, d’autre part pour per-
mettre des conseils génétiques familiaux. n
POUR EN SAVOIR PLUS
1. Stern R.C. The diagnosis of cystic fibrosis. N Engl J Med 1997 ; 336 : 487-91.
2. Rosenstein B.J., Cutting G.R. The diagnosis of cystic fibrosis - A consensus
statement. J Pediatr 1998 ; 132 : 589-95.
3. Wilmott R.W. Making the diagnosis of cystic fibrosis. J Pediatr 1998 ; 132 : 563-5.
4. Charfi M.R., Matran R., Regnard J., Lockhart A. Mesure de la différence de
potentiel transépithéliale nasale : un test diagnostique de la mucoviscidose. Rev
Pneumol Clin 1996 ; 52 : 9-13.
Le test de la sueur reste l’examen diagnostique de référence et
doit être réalisé dans tous les cas. Il sera complété par une ana-
lyse génétique et, si cela est possible, par une mesure de la dif-
férence de potentiel nasal.
Analyse génétique
L’analyse génétique, à la recherche des mutations le plus fré-
quemment rencontrées sur le gène CFTR, est indispensable dès
que l’on évoque un diagnostic de mucoviscidose, ou pour tout
bilan étiologique de DDB. Nombre de laboratoires de génétique
disposent à l’heure actuelle de kits permettant le dépistage d’une
trentaine de mutations parmi les plus fréquemment rencon-
trées dans le monde. La mise en évidence de deux mutations
affirme le diagnostic ; une seule mutation est un fort élément
supplémentaire d’orientation lorsque l’on sait qu’il existe
actuellement plus de 700 mutations et que les patients diagnos-
tiqués tardivement ont plus souvent des mutations rares
(contrairement à notre patiente, qui est homozygote ∆F508,
comme environ 50 % des patients atteints de mucoviscidose).
Pour ces mêmes raisons, l’absence de mutation identifiée n’éli-
mine pas le diagnostic. Il faut toutefois, dans ce cas, solliciter le
généticien pour pousser plus loin la recherche de mutations
lorsque la suspicion de mucoviscidose est grande.
Analyse génétique