r d re Photo : Mireille Janvier Charles-Edouard Jeanneret dit Le Corbusier est sans doute l’un des plus célèbres architectes du XXe siècle. Il naît le 6 octobre 1887 à la Chaux-de-Fonds, en Suisse, s’intéresse à l’architecture dés son adolescence et construit sa première maison en 1905 : la Villa Fallet. Après plusieurs années de voyages, de travail et d’études, il s’installe à Paris et ouvre un atelier d’architecture rue de Sèvres en 1922. «Propagandiste de la modernité», urbaniste visionnaire, il milite et œuvre pour une architecture nouvelle «à l’échelle humaine» dans un contexte où l’homme se retrouve «en harmonie avec les conditions de nature : Soleil, Espace, Verdure». Il conçoit plusieurs projets d’urbanisation, (pour Rio, Sao Paulo, Alger, Anvers, Genève, et Stockholm) et construit divers immeubles publics ou privés avant d’entreprendre ce qui constitue la concrétisation de toutes ses idées sur l’habitat : les unités d’habitations. En 1952, il réalise la première construction de ce type à Marseille : la Cité Radieuse. Quatre autres suivront. Au cours des années cinquante, à la demande des autorités indiennes, Le Corbusier dessine le plan directeur de la ville de Chandigarh et construit l’essentiel des bâtiments administratifs de cette nouvelle capitale du Penjab. Il meurt en 1965 et laisse derrière lui une œuvre considérable qui marquera plusieurs générations d’architectes. Principales réalisations en France : Villa Savoye à Poissy, Pavillon Suisse à la Cité Universitaire de Paris, Unités d’Habitations de Marseille-Michelet, de Rezé, de Brieyen-Forêt, de Firminy ; Chapelle de Ronchamp, Couvent de la Tourette. ■ La L o ir e te Rou Porte Bouguenais de Po rni c La Maison Radieuse Rezé RN 137 En 40 ans la structure n’a pas bougé d’un pouce. De l’intérieur, on sent que c’est du solide. Oui mais voila, les vents d’ouest, la pollution et l’air salin ont lentement dégradé les façades. Alors, il a bien fallu rénover ces jolies dames, d’autant qu’elles sont inscrites à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques depuis 1965 et appartiennent à un ensemble classé Monuments historiques depuis 2001. Deux rénovations ont eu lieu en 1985 et 1989. La troisième a été entreprise en 1996, après trois années de diagnostics très poussés, engagés par le syndicat de copropriété et Loire-Atlantique Habitations.» Le travail ne fut pas simple, chaque loggia a été découpée pour être reconstruite strictement à l’identique. Une véritable opération chirurgicale minutieusement supervisée par les architectes des Bâtiments de France et ceux de la Fondation Le Corbusier. Pas question de lésiner sur la qualité et l’authenticité. On est allé rechercher les pierres d’origine, les mêmes agrégats, de même couleur, dans la même carrière. On a mobilisé plusieurs maçons afin qu’ils reproduisent les techniques d’autrefois, dans l’esprit Maison Radieuse, mais avec des matériaux de haute technicité : micro béton, aciers galvanisés etc. Sur le site, dans un atelier de fabrication, 2500 pièces de maçonnerie ont été réalisées en copies conformes de celles qui ont été remplacées. Le travail fut gigantesque, mais la Maison Radieuse en valait largement la peine. Beaucoup décrié à ses origines, par ceux qui ne l’habitaient pas, l’immeuble représente aujourd’hui une référence architecturale emblématique et unique. En dépit des turbulences de l’histoire il a su à la fois garder sa vocation première d’habitat social, la singularité de son caractère et la certitude d’un avenir radieux. Et vogue le navire ! ■ v «Costaud la Maison Radieuse! près de 300 appartements en duplex de types différents, répartis sur 17 niveaux ? » Il en existe seulement cinq au monde : Marseille, Rezé, Briey-en-Forêt, Berlin et Firminy. Ce sont les unités d’habitation de Le Corbusier. Ses fameux villages à la verticale. «L’unité d’habitation, ça c’est un navire» disait-il «chacun y aura la liberté complète de ses gestes, l’isolement de son foyer, chacun sera libre.» «Je crois qu’il a réussi son entreprise. Au fond, sa préoccupation dominante, c’était la quête constante de l’harmonie au service de l’homme : organisation complémentaire de la vie individuelle et collective (le principe du binôme), continuité entre la ville et la campagne (toutes ses unités d’habitation baignent dans un environnement naturel), composition entre l’espace, la lumière et les couleurs, relation des formes et des proportions.» Le Corbusier considérait que l’architecture influence le comportement des êtres humains. «La construction, – disait-il – c’est fait pour tenir, l’architecture pour émouvoir». Conformément à cet état d’esprit, Le Corbusier a mis au point une gamme de mesures harmoniques «à l’échelle humaine» : le Modulor. La plupart de ses réalisations sont ainsi basées sur les proportions d’un homme d’une hauteur de 1, 83 m dont la main s’élève à 2,26 m du sol (niveau du plafond). Son assise est fixée à 0,70 m et il s’accoude debout à 1,13 m ou 1,40 m. ■ Rezé Sè «En connaissez vous des immeubles avec Maison Radieuse E Photo : Martin Van den Oever Photo : Philippe Ruault Un des bâtiments administratifs de la ville de Chandigarh La L' Photo : Y. Caillaud Le Corbusier La troisième rénovation a été réalisée de 1996 à 1997. Les loggias ont été réalisées à l’identique de l’original. Rénovation es unités d’habitation Rénovation Le Corbusier Les unités d’habitation re N° 52 Porte de Rezé N° 49 Éditeur : Ville de Rezé, en partenariat avec l’Association des habitants de la Maison Radieuse et Loire-Atlantique Habitations. Financement : Ville de Rezé, Loire-Atlantique Habitations. Texte : Dominique Viennet Maquette : Le Square Deshoulières Impression : Piriou Imprimeur Photo de couverture : Philippe Ruault Photo dernière page : Stephan Ménoret Réédition juin 2003 «l’architecture est le jeu savant correct et magnifique des formes et des volumes sous la lumière.» Visites sur rendez-vous : 02 40 84 43 84 Le Corbusier r d re Photo : Mireille Janvier Charles-Edouard Jeanneret dit Le Corbusier est sans doute l’un des plus célèbres architectes du XXe siècle. Il naît le 6 octobre 1887 à la Chaux-de-Fonds, en Suisse, s’intéresse à l’architecture dés son adolescence et construit sa première maison en 1905 : la Villa Fallet. Après plusieurs années de voyages, de travail et d’études, il s’installe à Paris et ouvre un atelier d’architecture rue de Sèvres en 1922. «Propagandiste de la modernité», urbaniste visionnaire, il milite et œuvre pour une architecture nouvelle «à l’échelle humaine» dans un contexte où l’homme se retrouve «en harmonie avec les conditions de nature : Soleil, Espace, Verdure». Il conçoit plusieurs projets d’urbanisation, (pour Rio, Sao Paulo, Alger, Anvers, Genève, et Stockholm) et construit divers immeubles publics ou privés avant d’entreprendre ce qui constitue la concrétisation de toutes ses idées sur l’habitat : les unités d’habitations. En 1952, il réalise la première construction de ce type à Marseille : la Cité Radieuse. Quatre autres suivront. Au cours des années cinquante, à la demande des autorités indiennes, Le Corbusier dessine le plan directeur de la ville de Chandigarh et construit l’essentiel des bâtiments administratifs de cette nouvelle capitale du Penjab. Il meurt en 1965 et laisse derrière lui une œuvre considérable qui marquera plusieurs générations d’architectes. Principales réalisations en France : Villa Savoye à Poissy, Pavillon Suisse à la Cité Universitaire de Paris, Unités d’Habitations de Marseille-Michelet, de Rezé, de Brieyen-Forêt, de Firminy ; Chapelle de Ronchamp, Couvent de la Tourette. ■ La L o ir e te Rou Porte Bouguenais de Po rni c La Maison Radieuse Rezé RN 137 En 40 ans la structure n’a pas bougé d’un pouce. De l’intérieur, on sent que c’est du solide. Oui mais voila, les vents d’ouest, la pollution et l’air salin ont lentement dégradé les façades. Alors, il a bien fallu rénover ces jolies dames, d’autant qu’elles sont inscrites à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques depuis 1965 et appartiennent à un ensemble classé Monuments historiques depuis 2001. Deux rénovations ont eu lieu en 1985 et 1989. La troisième a été entreprise en 1996, après trois années de diagnostics très poussés, engagés par le syndicat de copropriété et Loire-Atlantique Habitations.» Le travail ne fut pas simple, chaque loggia a été découpée pour être reconstruite strictement à l’identique. Une véritable opération chirurgicale minutieusement supervisée par les architectes des Bâtiments de France et ceux de la Fondation Le Corbusier. Pas question de lésiner sur la qualité et l’authenticité. On est allé rechercher les pierres d’origine, les mêmes agrégats, de même couleur, dans la même carrière. On a mobilisé plusieurs maçons afin qu’ils reproduisent les techniques d’autrefois, dans l’esprit Maison Radieuse, mais avec des matériaux de haute technicité : micro béton, aciers galvanisés etc. Sur le site, dans un atelier de fabrication, 2500 pièces de maçonnerie ont été réalisées en copies conformes de celles qui ont été remplacées. Le travail fut gigantesque, mais la Maison Radieuse en valait largement la peine. Beaucoup décrié à ses origines, par ceux qui ne l’habitaient pas, l’immeuble représente aujourd’hui une référence architecturale emblématique et unique. En dépit des turbulences de l’histoire il a su à la fois garder sa vocation première d’habitat social, la singularité de son caractère et la certitude d’un avenir radieux. Et vogue le navire ! ■ v «Costaud la Maison Radieuse! près de 300 appartements en duplex de types différents, répartis sur 17 niveaux ? » Il en existe seulement cinq au monde : Marseille, Rezé, Briey-en-Forêt, Berlin et Firminy. Ce sont les unités d’habitation de Le Corbusier. Ses fameux villages à la verticale. «L’unité d’habitation, ça c’est un navire» disait-il «chacun y aura la liberté complète de ses gestes, l’isolement de son foyer, chacun sera libre.» «Je crois qu’il a réussi son entreprise. Au fond, sa préoccupation dominante, c’était la quête constante de l’harmonie au service de l’homme : organisation complémentaire de la vie individuelle et collective (le principe du binôme), continuité entre la ville et la campagne (toutes ses unités d’habitation baignent dans un environnement naturel), composition entre l’espace, la lumière et les couleurs, relation des formes et des proportions.» Le Corbusier considérait que l’architecture influence le comportement des êtres humains. «La construction, – disait-il – c’est fait pour tenir, l’architecture pour émouvoir». Conformément à cet état d’esprit, Le Corbusier a mis au point une gamme de mesures harmoniques «à l’échelle humaine» : le Modulor. La plupart de ses réalisations sont ainsi basées sur les proportions d’un homme d’une hauteur de 1, 83 m dont la main s’élève à 2,26 m du sol (niveau du plafond). Son assise est fixée à 0,70 m et il s’accoude debout à 1,13 m ou 1,40 m. ■ Rezé Sè «En connaissez vous des immeubles avec Maison Radieuse E Photo : Martin Van den Oever Photo : Philippe Ruault Un des bâtiments administratifs de la ville de Chandigarh La L' Photo : Y. Caillaud Le Corbusier La troisième rénovation a été réalisée de 1996 à 1997. Les loggias ont été réalisées à l’identique de l’original. Rénovation es unités d’habitation Rénovation Le Corbusier Les unités d’habitation re N° 52 Porte de Rezé N° 49 Éditeur : Ville de Rezé, en partenariat avec l’Association des habitants de la Maison Radieuse et Loire-Atlantique Habitations. Financement : Ville de Rezé, Loire-Atlantique Habitations. Texte : Dominique Viennet Maquette : Le Square Deshoulières Impression : Piriou Imprimeur Photo de couverture : Philippe Ruault Photo dernière page : Stephan Ménoret Réédition juin 2003 «l’architecture est le jeu savant correct et magnifique des formes et des volumes sous la lumière.» Visites sur rendez-vous : 02 40 84 43 84 Le Corbusier Caractéristique tion du béton cellulaire assurent une bonne insonorisation phonique. Une ventilation mécanique installée depuis l’origine assainit le logis. Chaque foyer dispose de services communs : école maternelle sur le toitterrasse, bibliothèque, parc de 6 hectares, jeux pour enfants, terrain de sport, étang au pied de l’immeuble construit sur pilotis. Caractéristiques de la Maison Radieuse «Ici, si je veux, depuis chez moi, je ne vois que le ciel, la Loire et l’horizon, à l’Est comme à l’Ouest. Mon appartement, en duplex, donne ouverture sur les deux façades de l’immeuble, avec en prime une loggia à chaque extrémité et des baies vitrées dans toutes les pièces. Autant vous dire que la clarté ne manque pas. Elle pénètre le logement sur toute sa longueur : 16 m ! D’une saison à l’autre c’est le confort. Le Corbusier a tout prévu. Les brise-soleil installés en façades laissent passer la lumière en hiver et la retiennent en été. Côté tranquillité, pas de problème, le béton cellulaire assure une insonorisation parfaite. Chacun chez soi a la certitude de n’être ni vu ni entendu. Le respect de la vie individuelle n’empêche pas pour autant la vie en collectivité. L’école sur le toit, la bibliothèque, les clubs de l’association des habitants et les rues de l’immeuble sont nos points quotidiens de rencontres. Pour les enfants ? Une aire de jeux nichée dans un parc de 6 hectares situé au pied de l’immeuble, lui-même construit sur pilotis. Du coup, mes voisins d’en face, ce sont les arbres et les oiseaux. Il savait bien, Le Corbusier, que l’être humain a besoin de contact avec la nature, où qu’il soit. «Les matériaux de l’urbanisme», disait l’architecte, «ce sont le soleil, le ciel, les arbres, l’acier, le ciment, dans cet ordre et dans cette hiérarchie». ■ Appartement montant Appartement descendant Appartement témoin : cuisine, escalier menant aux chambres à coucher L’immeuble mesure 105m de long, 19 m de large, 52m de haut et comprend 294 appartements (de une à six pièces) répartis sur 17 niveaux. Ce sont en majorité des duplex avec ouvertures sur les deux façades Est et Ouest. Trois ascenseurs desservent 6 rues intérieures. Les planchers en béton armé, la technique des dalles flottantes et l’utilisa- L’école sur le toit Photo : Philippe Ruault la tour centrale, les ailes, la terrasse… Du costaud. Du nouveau. Co-lo-ssal, époustouflant ! Pensez, en 1953, au cœur d’une terrible crise du logement, voilà qu’un architecte, une petite commune et une société d’HLM prenaient le risque de bâtir une maison révolutionnaire de 105 m de long, 19 m de large et 52 m de haut. 294 appartements dans un immense paquebot immobile et silencieux. Honnêtement, vu de loin, la réalisation nous laissait plutôt perplexes. Normal, on n’avait jamais vu ça. Et puis ça faisait sacrément contraste avec la campagne environnante. Notez, quand on nous a proposé d’emménager dans ces lieux confortables, on n’a pas eu de mal à quitter notre logement humide et mal éclairé de Trentemoult. Pour nous la décision a été d’autant plus facile à prendre que la Maison Familiale proposait une séduisante formule de « location-coopérative ». Et ça a formidablement marché, jusqu’à ce que la loi Chalandon ne vienne tout changer (en interdisant ce type de location). En 1972, il a fallu choisir entre devenir immédiatement propriétaire, rester pour toujours locataire ou quitter le navire. Beaucoup sont partis, déçus, en laissant derrière eux un immeuble où l’esprit familial, coopératif, sinon communautaire, prévalait sur toute autre considération. Aujourd’hui, 2/3 des habitants sont locataires, les autres propriétaires.» L’époque a changé, mais la Maison Le Corbusier génère encore une atmosphère radieuse. L’immeuble a gardé l’âme que les premiers habitants ont su lui donner et dans les duplex du village vertical le magnétisme architectural de Charles-Edouard Jeanneret opère toujours. ■ Photo : D.R. «J’ai vu construire l’immeuble, pierre par pierre, Il y a de l’eau chaude et même une douche ! ». Je n’oublierai jamais le bonheur de mon épouse lorsqu’elle a réalisé de quel confort nous allions bénéficier. Elle en pleurait. Il faisait chaud, l’appartement sentait bon le bois, on était bien tout simplement. Au début, on passait des heures à écouter le silence. Autant de logements dans le même immeuble et pas un bruit chez nous. L’isolation acoustique à ce point on ne savait pas que ça pouvait exister ! Marie-Madeleine a tout de suite aimé la vie dans notre nouvelle maison habitée uniquement par des jeunes. Chaque matin, 110 gamins montaient à l’école maternelle, en ascenseur, sur le toit de l’immeuble. Forcément ça favorisait les contacts entre parents. A vrai dire, c’est l’association des habitants, créée en 1955, qui a imprimé la vie communautaire dans les étages. Elle a acheté une machine à laver et une cireuse. On se les passait d’appartement en appartement. Pour la télévision: tout le monde dans la même salle ! Chacun arrivait par les ascenseurs avec sa propre chaise. Épique ! Surtout le jeudi avec 120 gosses assis par terre, heureux. Et puis il y a eu la création de la bibliothèque et des clubs photo, langues étrangères, nature, etc. sans parler des fêtes, des pique-niques en commun et des concours de pêche dans l’étang au pied de l’immeuble. Côté ambiance on ne pouvait pas trouver mieux. Tous les jeunes se connaissaient, les habitants se côtoyaient aisément, toutes professions confondues. Chacun y trouvait son compte : les «cols blancs» pour l’originalité des lieux, les ouvriers pour un confort financièrement accessible. En somme c’était le bonheur, ni plus ni moins. D’ailleurs ce sont les habitants eux-mêmes qui ont proposé le nom de «Maison Radieuse» pour l’immeuble. Le Corbusier a tout de suite accepté. «L’objet de l’architecture» disait-il, «concerne les hommes, leurs besoins pratiques et leurs aspirations morales, psychologiques et esthétiques». ■ Tranches de vie dans les années 50 La Maison Radieuse a Maison radieuse «Vous vous rendez compte les enfants ? Photo : D.R. Construction de la Maison radieuse, 1953-1954 v i e Photos : Lucien Hervé L a La vie ontexte historiqu Le contexte historique Caractéristique tion du béton cellulaire assurent une bonne insonorisation phonique. Une ventilation mécanique installée depuis l’origine assainit le logis. Chaque foyer dispose de services communs : école maternelle sur le toitterrasse, bibliothèque, parc de 6 hectares, jeux pour enfants, terrain de sport, étang au pied de l’immeuble construit sur pilotis. Caractéristiques de la Maison Radieuse «Ici, si je veux, depuis chez moi, je ne vois que le ciel, la Loire et l’horizon, à l’Est comme à l’Ouest. Mon appartement, en duplex, donne ouverture sur les deux façades de l’immeuble, avec en prime une loggia à chaque extrémité et des baies vitrées dans toutes les pièces. Autant vous dire que la clarté ne manque pas. Elle pénètre le logement sur toute sa longueur : 16 m ! D’une saison à l’autre c’est le confort. Le Corbusier a tout prévu. Les brise-soleil installés en façades laissent passer la lumière en hiver et la retiennent en été. Côté tranquillité, pas de problème, le béton cellulaire assure une insonorisation parfaite. Chacun chez soi a la certitude de n’être ni vu ni entendu. Le respect de la vie individuelle n’empêche pas pour autant la vie en collectivité. L’école sur le toit, la bibliothèque, les clubs de l’association des habitants et les rues de l’immeuble sont nos points quotidiens de rencontres. Pour les enfants ? Une aire de jeux nichée dans un parc de 6 hectares situé au pied de l’immeuble, lui-même construit sur pilotis. Du coup, mes voisins d’en face, ce sont les arbres et les oiseaux. Il savait bien, Le Corbusier, que l’être humain a besoin de contact avec la nature, où qu’il soit. «Les matériaux de l’urbanisme», disait l’architecte, «ce sont le soleil, le ciel, les arbres, l’acier, le ciment, dans cet ordre et dans cette hiérarchie». ■ Appartement montant Appartement descendant Appartement témoin : cuisine, escalier menant aux chambres à coucher L’immeuble mesure 105m de long, 19 m de large, 52m de haut et comprend 294 appartements (de une à six pièces) répartis sur 17 niveaux. Ce sont en majorité des duplex avec ouvertures sur les deux façades Est et Ouest. Trois ascenseurs desservent 6 rues intérieures. Les planchers en béton armé, la technique des dalles flottantes et l’utilisa- L’école sur le toit Photo : Philippe Ruault la tour centrale, les ailes, la terrasse… Du costaud. Du nouveau. Co-lo-ssal, époustouflant ! Pensez, en 1953, au cœur d’une terrible crise du logement, voilà qu’un architecte, une petite commune et une société d’HLM prenaient le risque de bâtir une maison révolutionnaire de 105 m de long, 19 m de large et 52 m de haut. 294 appartements dans un immense paquebot immobile et silencieux. Honnêtement, vu de loin, la réalisation nous laissait plutôt perplexes. Normal, on n’avait jamais vu ça. Et puis ça faisait sacrément contraste avec la campagne environnante. Notez, quand on nous a proposé d’emménager dans ces lieux confortables, on n’a pas eu de mal à quitter notre logement humide et mal éclairé de Trentemoult. Pour nous la décision a été d’autant plus facile à prendre que la Maison Familiale proposait une séduisante formule de « location-coopérative ». Et ça a formidablement marché, jusqu’à ce que la loi Chalandon ne vienne tout changer (en interdisant ce type de location). En 1972, il a fallu choisir entre devenir immédiatement propriétaire, rester pour toujours locataire ou quitter le navire. Beaucoup sont partis, déçus, en laissant derrière eux un immeuble où l’esprit familial, coopératif, sinon communautaire, prévalait sur toute autre considération. Aujourd’hui, 2/3 des habitants sont locataires, les autres propriétaires.» L’époque a changé, mais la Maison Le Corbusier génère encore une atmosphère radieuse. L’immeuble a gardé l’âme que les premiers habitants ont su lui donner et dans les duplex du village vertical le magnétisme architectural de Charles-Edouard Jeanneret opère toujours. ■ Photo : D.R. «J’ai vu construire l’immeuble, pierre par pierre, Il y a de l’eau chaude et même une douche ! ». Je n’oublierai jamais le bonheur de mon épouse lorsqu’elle a réalisé de quel confort nous allions bénéficier. Elle en pleurait. Il faisait chaud, l’appartement sentait bon le bois, on était bien tout simplement. Au début, on passait des heures à écouter le silence. Autant de logements dans le même immeuble et pas un bruit chez nous. L’isolation acoustique à ce point on ne savait pas que ça pouvait exister ! Marie-Madeleine a tout de suite aimé la vie dans notre nouvelle maison habitée uniquement par des jeunes. Chaque matin, 110 gamins montaient à l’école maternelle, en ascenseur, sur le toit de l’immeuble. Forcément ça favorisait les contacts entre parents. A vrai dire, c’est l’association des habitants, créée en 1955, qui a imprimé la vie communautaire dans les étages. Elle a acheté une machine à laver et une cireuse. On se les passait d’appartement en appartement. Pour la télévision: tout le monde dans la même salle ! Chacun arrivait par les ascenseurs avec sa propre chaise. Épique ! Surtout le jeudi avec 120 gosses assis par terre, heureux. Et puis il y a eu la création de la bibliothèque et des clubs photo, langues étrangères, nature, etc. sans parler des fêtes, des pique-niques en commun et des concours de pêche dans l’étang au pied de l’immeuble. Côté ambiance on ne pouvait pas trouver mieux. Tous les jeunes se connaissaient, les habitants se côtoyaient aisément, toutes professions confondues. Chacun y trouvait son compte : les «cols blancs» pour l’originalité des lieux, les ouvriers pour un confort financièrement accessible. En somme c’était le bonheur, ni plus ni moins. D’ailleurs ce sont les habitants eux-mêmes qui ont proposé le nom de «Maison Radieuse» pour l’immeuble. Le Corbusier a tout de suite accepté. «L’objet de l’architecture» disait-il, «concerne les hommes, leurs besoins pratiques et leurs aspirations morales, psychologiques et esthétiques». ■ Tranches de vie dans les années 50 La Maison Radieuse a Maison radieuse «Vous vous rendez compte les enfants ? Photo : D.R. Construction de la Maison radieuse, 1953-1954 v i e Photos : Lucien Hervé L a La vie ontexte historiqu Le contexte historique