Conformité à la Constitution du dégrisement en

publicité
Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr)
Conformité à la Constitution du dégrisement en cellule
le 20 juin 2012
PÉNAL | Enquête
SOCIAL | Santé publique
L’article L. 3341-1 du code de la santé publique, qui prévoit qu’une personne trouvée en état
d’ivresse dans un lieu public est conduite dans un local de police ou de gendarmerie pour y être
retenue jusqu’à ce qu’elle ait recouvré la raison, est conforme à la constitution, à condition, si la
personne est ensuite placée en garde à vue, que la durée de la retenue soit prise en compte.
Cons. const., 8 juin 2012, décis. n° 2012-253-QPC
L’ivresse publique peut à la fois donner lieu à des mesures de police administrative – notamment la
fameuse retenue en chambre de sûreté, plus communément appelée « cellule de dégrisement »
(CSP, art. L. 3341-1) – et à des actes de police judiciaire – ne serait-ce que parce que se trouver en
état d’ivresse manifeste dans un lieu public est puni de l’amende prévue pour les contraventions de
la deuxième classe (CSP, art. R. 3353-1). Cette ambivalence se trouvait de fait en filigrane de la
question prioritaire de constitutionnalité (QPC) transmise au Conseil constitutionnel par la chambre
criminelle (Crim. 27 mars 2012, n° 12-81.691, Dalloz jurisprudence) et rédigée en ces termes : «
L’article L. 3341-1 du code de la santé publique est-il conforme à l’article 66 de la Constitution (“Nul
ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure
le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi”) ? ».
La décision du Conseil constitutionnel s’inscrit ainsi dans une série d’arrêts relatifs à l’article 66 de
la Constitution, qui ont posé les bornes de l’intervention du juge judiciaire dans le domaine des
privations de liberté. Les Sages de la rue Montpensier ont, par exemple, imposé l’intervention de
l’autorité judiciaire en cas d’hospitalisation sans consentement au delà d’une durée de quinze jours
(Décis. n° 2010-71-QPC, 26 nov. 2010, AJDA 2011. 174, note X. Bioy ), ou pour prolonger la
rétention administrative d’un étranger en situation irrégulière au-delà de sept jours (Décis. n°
2011-631-DC, 9 juin 2011). Dans l’espèce, le Conseil décide néanmoins de valider la disposition
contestée, s’appuyant notamment sur la brièveté de la rétention en chambre de sûreté (« quelques
heures au maximum » ; comp. en matière de retenue pour vérification d’identité, Décis. n°
80-127-DC, 20 janv. 1981) et la possibilité pour la personne, le cas échéant, d’engager la
responsabilité de la puissance publique devant la juridiction compétente du fait de la faute
commise par les agents de police ou de gendarmerie. Dès lors, la détention en cellule de
dégrisement lui apparaît comme une mesure proportionnée à la menace que présente la personne
pour l’ordre public ou pour elle-même.
La décision s’inscrit du reste parfaitement dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits
de l’homme (CEDH) relative à l’article 5, 1, e), de la Convention européenne, qui estime que « les
personnes dont la conduite et le comportement sous l’influence de l’alcool constituent une menace
pour l’ordre public ou pour elles-mêmes, même si aucun diagnostic médical d’alcoolisme n’a été
posé les concernant, peuvent être détenues à des fins de protection du public ou dans leur propre
intérêt, par exemple leur santé ou leur sécurité personnelle » (CEDH 4 avr. 2000, Wiltold c. Pologne,
n° 2662/95). Le droit interne offre de surcroît une garantie supplémentaire, puisque la visite d’un
médecin avant la mise en cellule de dégrisement est exigée, afin de s’assurer que le patient ne
présente pas une autre pathologie et qu’une hospitalisation n’est pas nécessaire.
Cependant, on l’a dit, l’ivresse publique relève également de la police judiciaire, et les forces de
l’ordre peuvent avoir, à l’issue du dégrisement, à placer la personne en garde à vue. Soulignons
néanmoins qu’il ne s’agit pas d’une obligation, ce qui a été expressément codifié par la loi n°
2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue (art. L. 3341-1, al. 3 ; V. égal. Crim. 11 mai
2004, n° 03-86.479, Dalloz jurisprudence). Mais, lorsque cela s’avère nécessaire, le Conseil
Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017
Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr)
constitutionnel exige, en posant une réserve au considérant 9, que la « durée du placement en
chambre de sûreté, qui doit être consignée dans tous les cas par les agents de la police ou de la
gendarmerie nationales, soit prise en compte dans la durée de la garde à vue ».
Site du Conseil constitutionnel
par Maud Léna
Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017
Téléchargement