L’interprétation subjectiviste des probabilités, séminaire PhilSci, 27 nov. 2004
L’interprétation subjectiviste des
probabilités
Séminaire PhilSci, 27 novembre 2004
Adrien Barton
I Les probabilités subjectives selon De Finetti
Sauf mention contraire, les numéros de page dans ce chapitre revoient à De Finetti (1937)
Définition de la probabilité de E
« Supposons qu’un individu soit obligé d’évaluer le prix p pour lequel il serait disposé
d’échanger la possession d’une somme quelconque S (positive ou négative) subordonnée à
l’arrivée d’un évènement donné, E, avec la possession de la somme pS ; nous dirons par
définition que ce nombre p est la mesure du degré de probabilité attribué par l’individu
considéré à l’évènement E, ou, plus simplement, que p est la probabilité de E (selon l’individu
considéré ; cette précision pourra d’ailleurs être sous-entendue s’il n’y a pas d’ambiguïté) »
(p.6)
Protocole permettant à A de mesurer la probabilité p d’un individu B en un évènement E :
B choisit un nombre p, A choisit une mise S (positive ou négative).
B paye à A la somme pS.
Si E se produit, A paye à B la somme S.
Vocabulaire
Dutch book : Pari tel que A gagne quel que soit l’évènement qui se produit.
Ensemble de coefficients de pari cohérents : Ensemble de coefficients de pari tels que A ne
peut pas faire de Dutch Book à B.
Théorème de Ramsey-De Finetti
Définition : est défini comme le coefficient de pari que B choisirait pour E si l’on
convient le pari est annulé et les mises rendues si F ne se produit pas.
(
|PEF
)
1
Notons l’évènement certain.
Théorème
Un ensemble de coefficients de paris est cohérent
ssi
il respecte les trois axiomes de probabilités suivants :
1.
0 pour tout E et
()
PE
(
)
1P
=
2. (additivité) Si E1, E2, E3, ..., En sont des évènements exclusifs (i.e. qui ne peuvent se
produire simultanément) et exhaustifs (i.e. que au moins l’un d’entre eux doit se
produire), alors
() ()
(
)
12
... 1
n
PE PE PE+++= (cf. p.7)
3. (loi de multiplication) Pour deux évènements E et F :
(
)( )
(
)
|F PEFPF∧=PE
(cf. p.14)
1
L’interprétation subjectiviste des probabilités, séminaire PhilSci, 27 nov. 2004
Preuve
1) Axiome 1
a. Cohérence -> axiome 1
Si l’évènement se produit, A gagne
()
1qS
Si l’évènement ne se produit pas, A gagne qS
Coefficients de B Choix de A permettant le Dutch Book
()
1qΩ< 0S
<
()
1qΩ> 0S>
Donc B doit choisir
(
)
1q
=
()
0qE< 0
E
S
<
()
1qE> 0
E
S>
Donc B doit choisir
(
)
01qE
b. Réciproque
Si , est toujours nul donc aucun Dutch Book n’est possible.
()
1qΩ=
()
1qS
Si , et ne sont jamais de même signe donc aucun Dutch Book n’est
possible.
()
01qE≤≤
()
1qSqS
2) Axiome 2
a. Cohérence -> axiome 2
Si l’évènement se produit, A gagne qS
i
E11 2 2 ... nn i
q S q S S
+
++ −
Si , si l’évènement se produit, A gagne
12
... n
SS S S==== i
E
(
)
12
... 1
n
qq q S+++−
Coefficients de B Choix de A permettant le Dutch Book
12
... 1
n
qq q+++< 0S
<
12
... 1
n
qq q+++> 0S>
Donc B doit choisir 12
... 1
n
qq q
+
++ =
b. Réciproque
Si l’évènement se produit, A gagne Gq
i
E11 2 2 ...
in
SqS qSS
ni
+++−
En utilisant , on montre que qG
12
... 1
n
qq q+++= 11 2 2 ... 0
nn
q G q G
+
++ =
Or l’un au moins des q est strictement plus grand que zéro, et donc tous les G ne sont pas
positifs (sinon on aurait ).
i i
11 2 2 ... 0
nn
qG q G q G+++>
Ainsi, aucun Dutch Book n’est possible et les coefficients sont cohérents.
3. Axiome 3
a. Cohérence -> axiome 3
Notons :
()
qqEF=∧
()
'|qqEF=
2
L’interprétation subjectiviste des probabilités, séminaire PhilSci, 27 nov. 2004
()
''qqF=
Si A choisit les mises S, S’ et S’’ sur les événements EF
, et , alors les gains de A
sont les suivants :
|EF F
si E et F se produisent :
()( )( )
11 '1' ''1'GqSq Sq S=− + + − '
'
Si E ne se produit pas et F se produit :
()
2'' ''1 ''GqSqSq S=+ +
Si ni E, ni F ne se produisent :
30''GqS qS=++ '
Montrons que la cohérence implique l’axiome 3 :
Si A choisit S=1, S’=-1, S’’=-q’, alors :
123 '''GGG qqq===
Donc pour que tous les gains ne soient pas positifs, B doit choisir ' ''qqq
Si A choisit S=-1, S’=1, S’’=q’, alors :
123'''GGG qqq=== −
Donc pour que tous les gains ne soient pas positifs, B doit choisir
' ''
qqq
Donc pour être cohérent B doit choisir : '' '
qqq
=
b. Réciproque
On montre que si ', alors :
' '
qqq=
() ( )
12
''' 1 ' '' 1 '' 0qqG q qG q G+− +− =
3
Or :
- si ' 1
q, alors 1
''' 0q−≠
- si ' 1
q=, alors soit 'qq , soit
'' '
(
)
1'qq''
3
est différent de zéro
Dans tous les cas, l’un au moins des coefficients devant les G est non nul.
i
Par conséquent, tous les G ne peuvent pas être tous positifs (sinon on aurait
), et donc les coefficients de B sont cohérents.
i
''q
() ( )
12
''' 1 ' '' 1 0qq G q qG G+− +− >
La question de l’additivité dénombrable
“[The assumption of countable additivity] is the one most commonly accepted at present ; it
had, if not its origin, its systematisation in Kolmogorov’s axioms (1933). Its success owes
much to the mathematical convenience of making the calculus of probability merely a
translation of modern measure theory... No-one has given a real justification of countable
additivity (other than it as a ‘natural extension’ of finite additivity).” (de Finetti 1974, vol. 1,
p.119)
2’. (axiome d’additivité dénombrable) Si les
(
)
0
ii
E
<+(autrement dit, {E1, E2, E3, ...,
En, ...}) sont des évènements exclusifs (i.e. qui ne peuvent se produire simultanément)
et exhaustifs (i.e. que au moins l’un d’entre eux doit se produire), alors la
série (autrement dit,
()
1
i
i
PE
+∞
=
(
)
(
)
(
)
12 ...PE PE ... n
PE
+
++ +) converge et vaut 1.
Lignes directrices de la preuve (Williamson 1999)
Supposition : seule une somme finie d’argent peut être échangée.
3
L’interprétation subjectiviste des probabilités, séminaire PhilSci, 27 nov. 2004
Alors dans une situation comme celle rencontrée dans la démonstration de l’axiome 2, tous les
gains Gi sont finis ; autrement dit, pour tout i, 11 2 2 ... ...
ii nn
qS qS q S q S
++ ++ +converge ; et
donc la série converge.
11 2 2 ... ...
nn
qS q S q S++++
Par ailleurs, d’après l’axiome 1, la série la série qq
12
... ...
n
q
+
++ + est croissante et majorée
par 1, donc elle converge.
Les quantités qS et
11 2 2 ... ...
nn
q S q S++++ 12
... ...
n
qq q
+
++ + étant bien définies, on peut
adapter la démonstration de l’axiome 2 pour démontrer l’axiome 2’.
Apparence de probabilités objectives
Situation de départ
Nous disposons d’une pièce biaisée, et voulons évaluer ce déséquilibre.
Nous la lançons n fois, et considérons la séquence de résultats (notée A) suivante : E1 , E2 , ...,
En (chaque Ei valant Pi ou Fi selon que le résultat est pile ou face), dans laquelle le résultat
« face » apparaît r fois. Quel est mon degré de croyance en Fn+1 ?
La position de De Finetti sur la modification de nos probabilités
« [...] quelle que soit l’influence de l’observation sur la prévision future, elle n’implique et ne
signifie nullement que nous corrigeons l’évaluation primitive de la probabilité P(En+1) qui a
été démentie par l’expérience, en lui substituant une autre P*(En+1) qui est conforme à cette
expérience et donc probablement plus voisine de la probabilité réelle ; au contraire, elle se
manifeste seulement dans le sens que, lorsque l’expérience nous apprend le résultat A des n
premières épreuves, notre jugement sera exprimé non plus par la probabilité P(En+1) mais par
la probabilité P(En+1|A), à savoir celle que notre opinion initiale attribuait déjà à l’évènement
En+1 considéré comme dépendant de l’éventualité A. Rien donc de cette opinion initiale n’est
répudié ou corrigé : ce n’est pas la fonction P qui a été modifiée (et remplacée par une autre
P*), mais bien l’argument En+1 qui a été remplacé par En+1 | A, et c’est précisément pour
demeurer fidèles à l’opinion initiale (telle qu’elle se manifeste dans le choix de la fonction P)
et cohérents dans notre jugement que nos prévisions varient lorsqu’un changement a lieu dans
des circonstances connues. » (p.54-55)
Calcul de
()
1|
n
PF A
+
Cas général
On a :
()
(
)
()
1
1|n
n
PF A
PF A PA
+
+
=
Hypothèse d’échangeabilité : B assigne le même quotient de probabilité à différentes
séquences d’évènements si elles font apparaître le même nombre de fois « face » dans n
lancers.
Notation : r
n
ω
: probabilité qu’il y aura r « face » dans n épreuves
Il y a
()(
()
)
1 ... 1
!
!( )! 1 ...3.2.1
r
n
nn n r
n
rn r rr
−−+
==
−−
C différentes manières dont r faces peuvent
apparaître dans n lancers.
On en déduit d’après l’hypothèse d’échangeabilité :
()
r
n
r
n
PA C
ω
= et
()
1
1
11
1
r
n
nr
n
PF A C
ω
+
+
++
+
∧=
4
L’interprétation subjectiviste des probabilités, séminaire PhilSci, 27 nov. 2004
Donc :
()
1
1
1
1
|1
r
n
nr
n
r
PF A n
ω
ω
+
+
+
+
=+
Si on suppose
1
11
r
n
n
r
n
ω
ω
+
+
→+
 (supposition très raisonnable), alors :
()
1
1
|~ 1
n
r
PF A n
+
+
+
donc :
()
1|~
n
r
PF A n
+
Cas particulier
Si on applique le principe d’indifférence, on a : 012 1
... 1
n
nnn n
n
ωωω ω
=====
+
Dans ce cas :
()
1
1
|2
n
r
PF A n
+
+
=+ (règle de succession de Laplace)
Application au problème de l’induction
L’histoire enregistrée remonte à 5000 ans (1.826.250 jours), le soleil a été vu se levant chaque
jour ; alors la probabilité que le Soleil se lève demain est :
(
)
1| 0.9999994
n
PF A
+=
Problème (Popper) : si un jour le soleil ne se lève pas, alors on aura tout de même, pour le
lendemain :
()
1| 0.9999989
n
PF A
+=
II Les probabilités subjectives et l’utilité
Sauf mention contraire, les numéros de page dans ce chapitre revoient à Ramsey (1926).
Critique de l’utilisation de l’argent pour définir les probabilités
subjectives
Critiques principales :
- le pari peut avoir en lui-même une certaine valeur, indépendamment de l’argent misé (p.169)
- l’utilité marginale de l’argent est décroissante (p.169)
L’approche de Ramsey
La démarche de Ramsey revient à dériver :
- une fonction d’utilité à partir des préférences d’un agent, qui satisfont un certain
ensemble d’axiomes (p.171)
- une fonction de probabilité à partir de cette fonction d’utilité
Si l’individu est indifférent entre « α avec certitude » et « β si p est vraie et γ si p est fausse ».,
alors on peut en définir la probabilité comme la grandeur satisfaisant à la relation suivante (où
l’on note α la valeur du monde α, etc.) (p.172) :
() ( )
Pr 1 Pr( )pp
α
βγ
=+
()( )
Pr p
α
βγ γ
=−+
()
Pr p
α
γ
β
γ
=
Exemple (p 168) :
- α vaut r-f(d), l’avantage d’arriver à destination moins celui d’avoir parcouru d yards pour
demander son chemin
- β vaut r, l’avantage d’arriver à destination
- γ vaut w, le désavantage de ne pas arriver à destination
5
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