chirurgie de l`appareil locomoteur chapitre vii

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CHIRURGIE DE L’APPAREIL LOCOMOTEUR
Volume 2
Professeur J.J. ROMBOUTS et
Professeur Ch. DELLOYE
CHAPITRE VII : PATHOLOGIE PAR REGION
I. Ceinture scapulaire et humérus
Plan
A. Rappel physiologique
1. Anatomie fonctionnelle de l'épaule
2. Mouvements de l'épaule
B. Pathologie traumatique
1. Fracture de la clavicule
2. Luxation acromio-claviculaire
3. Fracture de l'extrémité supérieure de l'humérus
Fracture du col chirurgical
Fracture du col anatomique
4. Fracture de la diaphyse humérale
5. La luxation traumatique de l'épaule
Luxation antérieure
Luxation antérieure récidivante
Luxation postérieure
C. Pathologie non traumatique de l'épaule
1. Tendinopathie de la coiffe des rotateurs
La calcification
La tendinite
La rupture
2. L'épaule gelée ou la capsulite rétractile
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A. Rappel physiologique
1. Anatomie fonctionnelle de l'épaule
La ceinture scapulaire est une chaîne articulaire qui arrime le membre supérieur au corps. L'épaule en
est le principal complexe articulaire. C'est la plus mobile des articulations du corps. C'est aussi la
plus exposée à l'instabilité car les pièces osseuses comme telles sont peu congruentes et la stabilité
repose essentiellement sur les ligaments et les tendons. Ce sont les tendons dits de la coiffe des
rotateurs qui sont les plus menacés par l'usure car ils assurent un rôle de coapteurs càd qu'ils
maintiennent la tête humérale contre la glène durant toute l'élévation. Une élévation harmonieuse et,
si nécessaire avec force, requiert un deltoïde normal et une coiffe saine.
Les mouvements complexes de l'épaules sont assurés par l'articulations gléno-humérale, l'acromioclaviculaire , la sterno-claviculaire et deux plans de glissement que sont la bourse séreuse acromiodeltoïdienne et la scapulo-thoracique. Cette dernière assure le glissement de l’omoplate sur la paroi
thoracique. Lors de l'élévation, l'omoplate bascule au fur et à mesure de l'élévation du bras. Dans les
180° d'élévation, 120° sont réalisés dans la gléno-humérale et 60° dans la bascule de l’omoplate.
L'épaule est donc une articulation complexe, requérant une synergie articulaire et musculaire. Elle est
donc fragile, menacée à la fois par l'instabilité et l'enraidissement.
2. Mouvements de l'épaule
Abduction-adduction
L'abduction est l'élévation du bras dans le plan frontal (c'est une élévation latérale). Elle est due à la
contraction simultanée du deltoïde et du supra-épineux. Ce dernier "plaque" la tête contre la glène,
évitant l'ascension de la tête humérale. L'amplitude maximale est de 180° (verticale) et résulte de la
mobilisation combinée de la gléno-humérale et scapulo-thoracique, cette dernière fournissant le tiers
de l'amplitude totale (120° + 60°).
L'adduction se fait grâce aux muscles rhomboïde, grand rond, grand dorsal et grand pectoral. Elle est
de 60° maximum.
Antéflexion-extension
L'antéflexion ou élévation antérieure (ou encore antépulsion!) nécessite les muscles deltoïde, coracobrachial et grand pectoral puis le trapèze et grand dentelé pour atteindre 180°.
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L'extension est réalisée par les muscles petit et grand ronds, deltoïde (faisceau postérieur) et grand
dorsal.
Rotations interne et externe
La rotation interne a une course de 60° lorsque la main est placée devant le tronc et de 120°, la main
derrière le tronc. Elle résulte de l'action des muscles grand dorsal, grand rond, sous-scapulaire et
grand pectoral. Elle peut être évaluée par la position de la main par rapport à une vertèbre (par ex.
RI = D7).
La rotation externe atteint 60° environ et est due aux muscles infra-épineux et petit rond.
Autres mouvements
L'élévation antérolatérale (ou élévation tout court !) est une référence internationale fort utilisée.
C'est une abduction dans le plan de l'omoplate càd une abduction située entre l’abduction pure et
l'antéflexion. Elle est beaucoup utilisée car la plupart du temps, sa valeur représente la valeur
moyenne de l'antéflexion et l'abduction.
La circumduction est un mouvement complexe combinant tous les mouvements élémentaires de
l'épaule et qui permet au bras de faire 360°. On ne le mesure pas en pratique mais on parle de
mouvement complet ou incomplet.
B. Pathologie traumatique de l’épaule
1. Fracture de la clavicule
Généralités
Il s'agit d'une fracture fréquente chez l'enfant (chute à vélo). Elle se situe la plupart du temps au
tiers moyen. Le déplacement est constant, le fragment interne étant attiré par le sterno-cléidomastoïdien.
Examens
Une radiographie de face est suffisante pour affirmer le diagnostic.
Lésions associées
Le pédicule vasculaire sous-clavier, le plexus brachial et la plèvre peuvent être concernés par le
traumatisme ou par un des fragments osseux.
l'ouverture de la peau reste possible.
Traitement
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Par ailleurs, la clavicule étant sous-cutanée,
Il est conservateur dans la très grande majorité des cas. Bandage en anneaux ou en 8 ou Dujarrier.
Chez l'enfant, il sera gardé 15 à 21 jours et chez l'adulte 4 à 6 semaines. Une ostéosynthèse par
plaque et vis peut être discutée lorsqu'il y a souffrance de la peau ou irritation du plexus sous-jacent
ou encore en cas d'incompatibilité avec une longue immobilisation (ex : indépendant).
2. La luxation acromio-claviculaire
Généralités
Cette luxation résulte souvent d'un accident de sport. On distingue 3 stades d'intensité croissante.
Anatomopathologie et traitement
On distingue les trois stades classiques d'une entorse.
I : entorse du ligament acromio-claviculaire.
Ce ligament est un renforcement de la capsule
supérieure. A ce stade, il a été distendu. Douleurs localisées. Bras en écharpe à titre antalgique
pour 8 jours.
II : subluxation. Déchirure du ligament acromio-claviculaire. Petit diastasis de l'interligne et décalage
des surfaces articulaires. Saillie modérée ou absente. Même traitement.
III : véritable luxation articulaire avec déchirure du ligament acromio-claviculaire mais aussi des
ligaments coraco-claviculaires qui relient solidement la clavicule à l’omoplate par l'apophyse
coracoïde. La couverture musculaire peut parfois être également atteinte.
Radiologiquement, la
luxation est évidente. Cliniquement, la saillie de la clavicule sous la peau peut être importante. Une
pression au doigt de l'extrémité distale de la clavicule efface cette saillie : c'est la classique "touche de
piano". En cas de doute, des clichés dynamiques peuvent quantifier le déplacement.
Le traitement du grade III est soit conservateur soit chirurgical. La préférence est actuellement
donnée au traitement conservateur car les études prospectives ont montré une normalisation plus
rapide avec le traitement conservateur. Appareil de Dujarrier pour 15-21 jours. Le patient doit être
averti de la persistance de la saillie cutanée dans ce cas.
Le traitement chirurgical s'adresse plus volontiers aux séquelles (douleurs) et une stabilisation
secondaire peut être proposée dans ces cas.
3. Fracture de l’extrémité supérieure de l’humérus
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a) Fracture du col chirurgical
Le trait de fracture passe en dessous des tubérosités. Elle est soit engrenée soit non engrenée. Elle
résulte d'une chute directe ou plus souvent, sur le coude ou la main. L'ostéoporose est un facteur
favorisant. Une luxation peut être associée plus rarement.
Clinique
Le patient tient son avant-bras avec la main du côté valide et la tronc incliné du côté invalide.
L'impotence est totale. Une ecchymose brachio-thoracique (dite de Hennequin) est un signe de
confirmation mais tardif.
Imagerie
Un cliché de face et au moins un cliché avec le profil de l'omoplate et si possible un dernier avec un
profil axillaire. Ceci afin de ne pas méconnaître une luxation-fracture.
L'imagerie permettra de
classer la fracture soit selon le mécanisme lésionnel (fracture par abduction ou adduction soit suivant
le nombre de fragments).
Traitement
80 % de ces fractures sont peu ou pas déplacées et ne demandent qu'une immobilisation limitée à
15-21 jours dans un bandage de Dujarrier.
Ce temps court est observé pour éviter un
enraidissement de l'épaule chez les personnes de plus de 40 ans.
En effet, laisser l’épaule
immobilisée plus longtemps provoquerait une raideur importante qui serait très gênante longtemps.
Chez les enfants, le temps d'immobilisation sera de 6 semaines avec la plupart du temps, une
immobilisation par plâtre thoraco-brachial.
En cas de déplacement (20 %), une réduction avec ou sans ostéosynthèse percutanée sera réalisée.
Complications
• Lésions associées du plexus brachial.
• Nécrose céphalique (rare si pas de luxation associée).
• Capsulite rétractile (enraidissement).
b) Fracture du col anatomique
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La fracture passe sous le cartilage articulaire, isolant ainsi la calotte épiphysaire. L'impaction peut
encore enfoncer cette calotte en valgus ou en varus et isoler le trochin ou le trochiter. Un refend
articulaire est également possible.
4. Fracture de la diaphyse humérale
Ces fractures sont caractérisées par la possibilité de survenue d'une paralysie radiale qui est
observée dans environ 15 % des cas. Le nerf radial passe en effet dans la gouttière de torsion qui est
médiodiaphysaire. La récupération de cette paralysie est la règle dans 95 % des cas et endéans les
3-4 mois. Cette fracture peut être traitée par une plâtre ou par embrochage de plusieurs broches qui
occupent la cavité médullaire (embrochage dit de Hacketal) ou encore par un clou ou enfin et plus
rarement, par plaque (notamment lorsqu’il faut aller explorer le nerf).
5. La luxation traumatique de l’épaule
La luxation de l'épaule est la perte des rapports anatomiques de la cavité gléno-humérale. Cette
luxation est dans la grande majorité des cas d'origine traumatique. Elle est antérieure dans 95 % des
cas et s'observe alors entre 15 et 30 ans la plupart du temps. L'épisode de luxation entraîne une
lésion du plan capsulo-ligamentaire et du bourrelet. Celui-ci est une structure fibrocartilagineuse qui
permet l'insertion du ligament à l'os. La désinsertion traumatique du bourrelet antéro-inférieur dans
la luxation traumatique entraînera automatiquement celui du ligament gléno-huméral inférieur.
Outre la douleur importante et l'impotence totale, on recherchera des signes cliniques évocateurs.
a) La luxation antérieure
Elle résulte d'un mouvement forcé en abduction, rotation externe et rétropulsion.
- signe de l'épaulette: saillie de l'acromion
- coup de hache dans le deltoïde
- bras en rotation externe
- vacuité de la glène et saillie de la tête dans le grand pectoral.
Radiologie
Le diagnostic ne pose pas de problème lorsque l'épaule est luxée.
Si il n'y a pas eu de radiographies lors de l'épisode, il faut rechercher les signes indirects de la
luxation : impaction osseuse de la zone postérosupérieure de la tête par la glène et dite encoche de
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Malgaigne ou de Hill-Sachs, arrachement du rebord antéro-inférieur de la glène.
Ces signes
s'apprécient sur des clichés en incidence de face et de profil d'omoplate ou de glène (incidence dite
de Bernageau, du nom du radiologue qui l'a codifiée).
Complications
• Fracture du trochiter.
• Lésion du plexus brachial ou du nerf circonflexe (n. mixte : sensibilité du moignon de l'épaule qui
sera recherchée systématiquement et innervation du muscle deltoïde).
• Rupture de la coiffe après 40 ans (y penser chez une personne de plus de 40 ans dont l'épaule
n'évolue pas bien en rééducation).
• Récidive de la luxation.
Réduction
Celle-ci sera d'autant plus facile que le délai est court. En effet, après 5 minutes, une contracture
musculaire puissante s'installe, rendant la réduction plus difficile.
Procédés
1. décubitus dorsal
• Traction douce sur l'avant-bras et en abduction progressive. Une contre-traction se fait sur le
thorax tandis qu'une autre personne appuie sur la tête.
• Patient couché, tête sur un oreiller. Traction douce sur coude fléchi en rotation externe et la main
en supination se place sous la tête. Une fois l'épaule réduite, le bras est placé le long du corps.
2. décubitus ventral
Patient sur un brancard ou table. La réduction s'obtient en laissant pendre le bras et en tirant au
besoin sur l'avant-bras.
Immobilisation : Dujarrier 21 jours. Chez la personne âgée de > 30 ans, l'épaule ne sera immobilisée
que 15 jours maximum.
b) Luxation antérieure récidivante
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La survenue d'un épisode de luxation traumatique de l'épaule expose à la récidive. Cette récidive est
d'autant plus fréquente que l'âge de la première luxation est jeune.
Si le premier épisode remonte avant l'âge de 20 ans, le risque de récidive est d'environ 55 %. Entre
les épisodes, l'intervalle est asymptomatique ou le patient peut présenter une appréhension. Celleci traduit la peur de se luxer à nouveau. Le patient peut avoir renoncé à des activités sportives par
exemple.
Cette appréhension, pathognomonique de la luxation antérieure récidivante, est reproduite par
l'armé du bras càd le bras en rotation externe et abduction au-delà de 90°.
En cas d'appréhension importante et après 3 épisodes de luxation, on recommande la cure
chirurgicale. La technique la plus utilisée est l'opération de Bankart qui réinsère le ligament glénohuméral antérieur détendu sur la glène. Cette technique donne d'excellents résultats dans 95 % des
cas. Il y a 5 % de récidive. Une autre opération consiste à mettre une butée osseuse prélevée au
dépens de la pointe de la coracoïde et munie de ses insertions tendineuses. Cette butée resangle et
renforce le point faible du ligament détendu. Au passif de cette méthode, le sacrifice d'une anatomie
normale et une arthrose potentielle.
c) Luxation postérieure
Elle résulte d'un mouvement forcé en rotation interne, antéflexion.
Celle-ci est beaucoup plus rare (< 5 %) mais reste trop souvent méconnue. Elle est causée par des
contractions violentes (épilepsie, alcool, électrocution) des rotateurs internes de l'épaule (latissimus
dorsi, pectoralis maior).
Clinique
Bras en rotation interne.
Suppression ou limitation passive de la rotation externe.
Radiologie
Même luxée, le diagnostic d'une épaule luxée derrière n'est pas évident !
Incidences de face, de profil d'omoplate et axillaire (Jacobson)
Réduction
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Traction simple en s'aidant d'une pression manuelle sur la tête. Immobilisation dans une attelle
mettant le bras en légère rotation externe pour 21 jours.
Si la luxation date de plus de 3 semaines, il est probable que la réduction sera chirurgicale.
C. Pathologie non traumatique de l’épaule
1. Tendinopathie de la coiffe des rotateurs
Ce groupe de pathologie est responsable de la grande majorité des motifs de consultation après la
cinquantaine. Après les lombalgies, la douleur à l'épaule est le 2e motif de consultation du médecin
généraliste ( Bergenudd et Nilsson, Clin. Orthop. 308, 264, 1994).
Anatomie
La coiffe des rotateurs de l'épaule est classiquement constituée de l'insertion terminale de 4 tendons :
• au sommet : tendon du muscle supraépineux (m. supraspinatus);
• devant, celui du muscle sous-scapulaire (m. subscapularis);
• derrière, celui du muscle infraépineux (m. infraspinatus) et du petit rond (m. teres minor).
• On y rattache le tendon du long chef du biceps (caput longum biceps brachii).
Les 4 tendons forment une coiffe tendineuse sur la tête de l'humérus. Entre le subscapulaire et le
supraépineux, existe un intervalle constitué uniquement du plan capsulaire. Le long chef du biceps
est intraarticulaire et s'insère sur le sommet de la glène.
Fonction
La coiffe maintient la tête humérale centrée sur la glène, elle coapte activement la tête. Elle évite
l'ascension de la tête lors de la contraction du deltoïde.
Pathogénie
Le tendon du supraépineux se trouve dans un défilé ostéofibreux constitué par la partie antérieure de
l'acromion et le ligament acromio-coracoïdien. Lors de l'élévation, si il y a ascension de la tête (et
donc du tendon), un conflit apparaît. Ce conflit peut aussi s'observer si le contenu augmente de
volume comme en cas de calcification. La pathologie de la coiffe peut être assimiler à une pathologie
de conflit canalaire.
Synonyme
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Périarthrite scapulo-humérale ou PSH. Ce vocable, créé au 19e siècle ne signifie pas grand chose et
est un vocable "fourre tout". Il était (est) donné à toute pathologie dégénérative de l'épaule sans
atteinte radiologique de la gléno-humérale.
Clinique
Toute pathologie de la coiffe entraîne douleur et impotence variable.
La douleur est le premier symptôme. Celle causée par l'épaule a les caractères suivants:
• L'épicentre est le moignon de l'épaule (le patient empaume l'épaule pour situer la douleur).
• Elle irradie fréquemment vers le bras (V deltoïdien ou la face antérieure du bras) et vers
l'épicondyle (ne pas infiltrer !) et plus rarement vers la main.
• L'irradiation dans le trapèze ou l'omoplate est fréquente (il faut exclure alors une cervicalgie
primaire).
• Le réveil nocturne est constant en phase aiguë et l'appui sur le côté impossible.
L'impotence est variable, allant d'une gêne à l'impossibilité d'exécuter un mouvement (épaule
pseudo-paralytique). Une cervicalgie secondaire peut également s'installer suite au mouvement de
compensation de l'épaule.
L'examen clinique d'une épaule passe d'abord par celui de la colonne cervicale. La ceinture scapulaire
est ensuite examinée en notant une éventuelle atrophie musculaire.
Après, on recherche les
mobilités avant de réaliser quelques manoeuvres spécifiques.
• Présence d'une arc douloureux entre 60-120° lors de l'abduction active.
• Douleur provoquée par la contraction contre résistance du tendon enflammé et mesure de la
force.
Supra-épineux: écartement du bras contre résistance, coude au corps.
Infra-épineux: rotation externe contrariée de l'avant-bras, coude au corps et fléchi à 90°.
Sous-scapulaire : rotation interne contrariée de l'avant-bras, coude au corps et fléchi à 90°.
Sémiologie spécifique
• Manoeuvre de Jobe : les bras sont mis en abduction de 90° avec une antéflexion de 30° (=
élévation dans le plan de l'omoplate). Les pouces sont dirigés en bas. L'examinateur tente alors
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d'abaisser les bras. Si la résistance est indolore, le test est négatif. Si le patient ne peut résister, il
y a rupture très probable du supra-épineux.
• Manoeuvre de Neer : le clinicien placé derrière le patient, élève passivement le bras du patient
tout en bloquant l'omoplate. Il y a un conflit entre le trochiter et la partie antérieure de
l'acromion et le ligament acromio-coracoïdien (conflit antéro-supérieur). Ce geste le reproduit.
• Manoeuvre de Hawkins : on imprime une rotation interne au bras qui est antéfléchi à 90° et
coude à 90°, en abaissant l'avant-bras. Même signification que le test précédent.
• Manoeuvre de Gilchrist ou appelée encore palm-up de Speed : élévation antérieure du bras
contre résistance, coude tendu et paume de la main vers le haut (supination). Ce test explore le
long biceps et la partie antérieure du supraépineux. Test assez peu spécifique.
• Manoeuvre de Yergason : coude fléchi à 90°, on demande de faire une supination contrariée de
l'avant-bras.
• Manoeuvre de Gerber (appelée aussi lift-off test) : le patient place la main derrière, sur la
fesse. On lui demande d'éloigner la main de la fesse. La manoeuvre est impossible en cas de
rupture complète du sous-scapulaire (rare). Elle est douloureuse en cas de rupture partielle
(moins rare).
Imagerie
La radiographie standard reste le moyen le plus simple de dépistage d'une rupture du supra-épineux.
Sur une radiographie de face de l'épaule, la distance entre l'acromion et le sommet de la tête doit être
égale ou supérieure à 9 mm. Cette distance permet d'éliminer une rupture. Elle sera suspectée en
cas de distance inférieure. Une distance inférieure à 7 mm permet d'affirmer la rupture du supraépineux. La même radiographie de face mais avec une abduction contrariée de +/- 20° (Manoeuvre
de Leclercq) sensibilise le test.
En effet en cas de rupture, l'espace sera encore plus diminué (> 30 %) avec la contraction du
deltoïde.
L'échographie, l'arthroscanner et la résonance sont des examens complémentaires qui ne seront
demandés qu'en seconde intention.
a) La tendinite du supra-épineux (supraspinatus)
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Douleur plus ou moins vive et à la contraction contrariée du supraspinatus orienteront vers ce
diagnostic clinique. Chez le jeune sportif, il faut incriminer un problème d’entraînement (non
respect de palier dans l'effort, absence d'étirements musculaires avant l'effort).
L'examen clinique ne montre pas de perte de force et la radiographie ne montre pas de pincement de
l'espace acromio-huméral ou de calcification.
Le traitement est le repos, l'évitement momentané du mouvement causal, la prescription d’antiinflammatoires si nécessaire.
b) La tendinopathie calcifiante
La calcification d'un tendon de la coiffe est une pathologie fréquente. C'est à l'épaule que le tendon
est le plus souvent le siège de cette minéralisation. C'est à nouveau le supraépineux qui est le plus
fréquemment atteint, suivi de l'infraépineux et plus rarement du sous-scapulaire. La prédominance
féminine est nette, 2 fois plus que chez l'homme et survient entre 30 et 65 ans. La pathogénie reste
obscure: un fibrocartilage apparaît dans le tendon par métaplasie locale. Celui-ci se minéralise de
façon indolore. La calcification est enchâssée dans le tendon. Elle est la plupart du temps indolore
et ce, pendant de longues années. Elle peut aussi devenir douloureuse à la suite d'un effort ou d'un
mouvement répétitif. C'est la dissolution de la masse calcique vers la bourse sous-acromiodeltoïdienne qui serait à l'origine de la douleur. Tantôt sourde, tantôt violente. Dans ce cas, la crise
hyperalgique survient la nuit, empêche les gens de dormir et parfois de rester couché. Cette phase
hyperalgique est synonyme de disparition progressive de la calcification.
Une calcification finit toujours par disparaître (avec ou sans crise hyperalgique) et ne revient en
principe jamais dans le même tendon. On ne peut malheureusement pas prédire cette disparition
spontanée. Le délai peut aller jusqu'à 10 ans...
Le traitement est symptomatique : anti-inflammatoires, infiltration sous-acromiale si nécessaire. En
plus, pendant une crise : application de glace. En cas de douleur rebelle, on pourra considérer une
arthroscopie pour réaliser soit l'ablation de la calcification soit une acromioplastie qui permet une
course plus aisée du tendon dans le défilé sous-acromial.
c) Les ruptures de la coiffe des rotateurs
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La rupture représente le point final de l'accumulation de microlésions intratendineuses qui finissent
par rompre le tendon. Elle survient en général après 50 ans. Le mode de début est tantôt brutal,
posttraumatique, tantôt insidieux. On peut considérer que dans 95 % des cas, le point de départ de
la rupture est le supraépineux et que cette déchirure peut s'étendre soit vers l'arrière dans
l'infraépineux soit vers l'avant, dans le biceps ou le sous-scapulaire.
Une rupture de tendon de la coiffe ne guérit jamais. En cas de rupture importante, le muscle du
tendon rompu s'atrophie progressivement et d'une façon irréversible. Le tendon déchiré peut aussi
se rétracter.
Cette rupture peut ne jamais être symptomatique ou elle peut redevenir asymptomatique (c'est le
but du traitement conservateur). Enfin, dans d'autres cas, elle reste symptomatique et invalidante.
Cliniquement, à la douleur peut aussi s'ajouter une perte de la mobilité active (pas nécessaire au
diagnostic) et une perte de la force si la douleur est très importante.
Le traitement est chirurgical dans les formes récentes chez des personnes actives (+/- < 70 ans). En
effet, ce traitement est le seul capable d'assurer la réparation du tendon et l'indolence à long terme.
Le cas échéant, une arthroscopie avec acromioplastie (sans réparation tendineuse) peut être efficace
sur les symptômes mais ne met pas à l'abri d'une récidive de la douleur. Enfin, le traitement médical
(et la kinésithérapie) est lui aussi capable de rendre une épaule indolente (AINS, infiltrations) mais
expose à la récidive chez un patient actif.
(On admet que trois injections intraarticulaires est le maximum autorisé pour éviter les effets
néfastes de la cortisone in loco. Il faut éviter à tout prix l'injection intratendineuse qui provoque
douleur et surtout nécrose.)
2. L’épaule gelée ou la capsulite rétractile
Définition
Raideur douloureuse de l'épaule, d'apparition insidieuse et qui diminue la mobilité PASSIVE (et
donc active). C'est l'élévation (= abduction dans le plan de l'omoplate càd entre l'abduction classique
et l'antéflexion) et la rotation externe qui sont les plus limitées.
Ce diagnostic peut être posé devant une élévation passive limitée à moins de 100° et une rotation
externe diminuée de plus de 50 % par rapport à l'autre côté.
Etiologie
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Elle reste inconnue. L'affection se localise au début dans la partie supéroantérieure de la capsule
(intervalle dit "des rotateurs" c-à-d celui situé entre le tendon du supraépineux et le sous-scapulaire).
Il y a un épaississement inflammatoire qui rétrécit la capsule (présence de myofibroblastes dans la
capsule comme dans la maladie de Dupuytren) (Bunker and Anthony: J. Bone Joint Surg., 77B,
677, 1995).
L'épaule gelée est tantôt primitive (idiopathique), tantôt secondaire à une pathologie de l'épaule
(rupture de coiffe, calcification etc.) ou à une pathologie associée (diabète, maladie de la thyroïde,
infarctus du myocarde, cancer pulmonaire, prise de phénobarbital etc.).
Une hyperlipidémie
(cholestérol et triglycérides) est observée contrairement à la population contrôle (J. Bone Joint Surg.
77B, 684, 1995).
L'affection touche avec une nette prédominance les femmes et de préférence vers la cinquantaine.
Evolution
Elle est classiquement divisée en trois phases :
• phase douloureuse : apparition insidieuse d'une douleur qui devient vite bruyante à
prédominance nocturne. Elle dure environ 6 mois. Apparition progressive d'une raideur.
• phase de raideur (phase d'état) : elle est dominée par la raideur qui handicape la personne. La
douleur est devenue tolérable si elle n'est pas oubliée. Durée: +/- 1-1,5 ans.
• phase de résolution : récupération progressive de la raideur. La récupération peut ne pas être
complète. Le cycle peut durer 2 ans. Cette longue durée doit être expliquée au patient sous
peine d'une déprime profonde.
Diagnostic
Aucun test de laboratoire n'est spécifique. Le diagnostic est clinique. La scintigraphie montre une
captation modérée par l'épaule. La capsulite peut également faire partie d'une algodystrophie avec
apparition de symptômes à la main.
La radiographie ne montre qu'un aspect moucheté de
l'épiphyse humérale, en plus de signes associés d'autres pathologies de l'épaule si il s'agit d'une
capsulite secondaire (calcifications etc.).
Traitement
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La physiothérapie, la kinésithérapie sont des moyens précieux pour éviter une aggravation de la
raideur.
Elles permettent, semble-t-il, de récupérer plus vite une meilleure mobilité.
Les
infiltrations de cortisone n'ont pas fait la preuve de leur efficacité mais sont prescrites classiquement
dans cette pathologie tant elle est douloureuse et invalidante.
Enfin, les manipulations sous narcose peuvent accélérer le regain de mobilité et faire diminuer la
douleur. Une capsulotomie sous arthroscopie semble également efficace et peut être proposée en
dernier lieu.
II. Pathologie du coude
A. Traumatologie
1. Fractures de l’extrémité inférieure de l’humérus
• Fractures instables intéressant souvent la surface articulaire.
• Possibilité de lésion du nerf cubital et de l’artère humérale.
• Indications chirurgicales en cas de fracture articulaire déplacée de l’adulte.
• Problématique de la fracture supracondylienne de l’enfant (voir vol. 1) : risque de cubitus
varus.
2. Luxation du coude
• Possibilité d’instabilité articulaire.
3. Fracture de l’olécrane
• Indication chirurgicale (hauban) systématique en cas de fracture déplacée, sauf chez le grand
vieillard.
4. Fracture de la tête radiale
• La tête radiale stabilise le coude et transmet les forces de la main à l’humérus.
• La fracture de la tête radiale est souvent associée à des lésions ligamentaires du coude ou de la
membrane interosseuse (lésion d’Essex Lopresti).
• Une fracture non déplacée est traitée conservativement.
• Les fractures déplacées qui sont synthésables doivent l’être.
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• La résection de la cupule radiale peut entraîner une déformation du coude en valgus et une
instabilité. Il peut être indiqué de remplacer la tête radiale « éclatée » par un implant
prothétique temporaire ou définitif.
5. Luxation de la tête radiale
• Fracture de Monteggia = association d’une fracture du cubitus à une luxation de la tête radiale.
• La luxation isolée existe chez l’enfant. Elle peut être apparemment isolée, mais effectivement
associée à une incurvation plastique du cubitus (voir vol. 1).
B. Pathologie orthopédique du coude
1. Epicondylite ou « Tennis elbow » : c’est une enthésopathie de surcharge.
2. Epitrochléite ou « Golfer elbow ».
3. Corps étranger intraarticulaire : « Souris »
• ostoéchondromatose synoviale
• ostéochondrite disséquante
• fracture ostéochondrale.
Symptômes : blocages.
Traitement : exérèse arthroscopique si le nombre de corps étrangers le permet.
4. Neuropathie du nerf cubital du coude
• Syndrome du tunnel cubital.
• Beaucoup plus fréquent que la compression au niveau du poignet dans le canal de Guyon.
• Distinguer
− les nerfs cubitaux hypermobiles
− les nerfs cubitaux fixes
− les compressions extrinsèques suite à une pathologie du coude
− les conséquences des déviations axiales et des instabilités posttraumatiques.
• Traitement chirurgical à proposer en cas d’atteinte évolutive
16
− neurolyse simple
− épitrochléectomie
− translocation du nerf cubital (profonde ou semi-profonde).
III. Pathologie de l’avant-bras
Rappel : le mouvement de prosupination concerne les articulations radiocubitales supérieures et
inférieures et la membrane interosseuse. Il est permis grâce à la forme particulière du radius qui a
deux courbures (manivelle radiale).
Les pathologies radiocubitales et les modifications
morphologiques du rachis sont susceptibles d’interférer avec ce mouvement.
A. Fracture diaphysaire des deux os de l’avant-bras
Ce sont des fractures instables.
L’ostéosynthèse est généralement nécessaire. Elle se fait classiquement par plaque vissée, mais il
y a une tendance à utiliser les moyens de stabilisation souples centromédullaires.
La consolidation est lente (3 à 4 mois).
En cas de traumatisme des tissus mous, et en particulier de contusion musculaire, risque de
syndrome de loge ou de Volkman (voir vol. 1).
La synostose radiocubitale est une complication rare, qui entraîne un blocage de la prosupination.
B. Fracture diaphysaire d’un os de l’avant-bras
MONTEGGIA = fracture du cubitus + luxation radiale proximale.
GALEAZZI = fracture du radius + luxation radiocubitale inférieure.
IV. Pathologie du poignet
A. Traumatologie
1. Fracture de l’extrémité inférieure du radius
• C’est la fracture la plus fréquente.
• Classification :
17
− extraarticulaire
◊ en extension = Pouteau-Colles
◊ en flexion = Goyrand-Smith
− articulaire
◊ partielle = marginale antérieure ou Barton
cunéenne interne (Die Punch)
cunéenne externe
◊ complète = fracture en T ou en Y - fracture comminutive du sujet jeune.
• Ces fractures sont instables car il y a souvent une comminution métaphysaire.
• Chez le sujet jeune, on ne peut accepter une réduction approximative.
• Traitement :
− réduction par manoeuvres externes sous anesthésie de plexus brachial
− stabilisation :
◊ plâtre
◊ broches percutanées
◊ fixateur externe
− ostéosynthèse des fractures articulaires, en particulier des fractures marginales
antérieures de Barton (plaque vissée « en console »).
• Complications
− déplacement secondaire
− cal vicieux
− incongruence radiocubitale
− algodystrophie (Sudeck)
− syndrome du canal carpien
− rupture du long extenseur du pouce.
2. Lésions traumatiques du carpe
Grande variété de lésions passant souvent inaperçues dans les conditions de la médecine
d’urgence →
• nécessité d’examens itératifs
• incidences radiologiques spécifiques
18
• épreuves dynamiques
• et même scintigraphie.
Il s’agit principalement
• de fracture du scaphoïde carpien
• des luxations dont la périlunaire et le transscaphopérilunaire du carpe
• des lésions ligamentaires (entorses graves) menant aux instabilités du carpe.
a) Fracture du scaphoïde carpien
• Lésion du sujet jeune.
• Diagnostic difficile : outre les incidences classiques de face et de profil, nécessité de
radiographies de _ pour dérouler le petit os dans son plan d’élection.
• Consolidation lente.
• Vascularisation « terminale » (risque d’ostéonécrose).
• Risque élevé de pseudarthrose.
• Celles-ci se compliquent de « collapsus du carpe » à long terme.
Traitement
• Fractures stables non déplacées : simple immobilisation plâtrée pendant 8 à 16 semaines.
Pour immobiliser le scaphoïde, il est nécessaire d’immobiliser la colonne du pouce et
d’entraver la prosupination.
• Fractures instables ou très déplacées : ostéosynthèse (vis AO, vis de Herbert, double
brochage).
• Pseudarthrose
− évidement-greffe : Matti-Russe
− ostéosynthèse-greffe : Herbert-Fisk.
b) Les luxations du carpe
• Les luxations les moins rares sont les luxations rétrolunaires du carpe et la luxation
transscaphorétrolunaire. La classique luxation isolée du semi-lunaire (énucléation en avant)
est très rare.
• Clinique : poignet douloureux « cloué ».
19
• RX : bien vérifier chacun des interlignes du carpe.
• Traitement :
− la réduction orthopédique est généralement possible, mais le carpe reste souvent
instable → nécessité de stabiliser la réduction par brochage(s) percutané(s)
− en cas de luxation transscaphoïdienne, il est nécessaire d’ostéosynthéser la fracture du
scaphoïde.
• N.B. Les luxations anciennes, négligées parce que non reconnues, entraînent des séquelles
majeures difficiles à traiter.
c) L’instabilité du carpe
L’instabilité du carpe est de reconnaissance récente. Le système ligamentaire est complexe. La
lésion la plus caractéristique est le diastasis scapholunaire, qui se manifeste par un
élargissement de l’espace entre le scaphoïde et le semi-lunaire, principalement en inclinaison
cubitale du poignet.
Le semi-lunaire déstabilisé peut basculer ventralement (V.I.S.I. = Ventral Intercalated Segment
Instability) ou dorsalement (D.I.S.I. = Dorsal Intercalated Segment Instability) en fonction des
lésions associées.
Ces instabilités du carpe peuvent être la conséquence d’un traumatisme unique, de traumatismes
itératifs, ou encore être la conséquence du déséquilibre entraîné par une modification anatomique.
Le collapsus du scaphoïde en cas de pseudarthrose ancienne peut entraîner une désorganisation
du carpe.
Un cal vicieux du radius avec modification de la pente articulaire peut entraîner ce que l’on
appelle une « instabilité d’adaptation ».
Traitement
• le traitement des lésions fraîches utilise les broches de stabilisation et des sutures
ligamentaires (ancres Mitek)
• le traitement des lésions anciennes est difficile : ligamentoplasties, capsulodèses, arthrodèses
localisées.
Evolution
20
L’évolution des instabilités scapholunaires invétérées se fait vers la décompensation arthrosique.
Ce type particulier de dégénérescence s’appelle en anglais le SLAC-WRIST (Scapho-LunateAdvanced-Collapse).
B. Affections non traumatiques du poignet
1. Arthrose
• Incongruence posttraumatique après fracture articulaire du radius.
• Instabilité du carpe.
• Poignet sénile.
2. Nécrose aseptique : la maladie de Kienböck du semi-lunaire
V. Pathologie de la main
A. Traumatologie
1. Les fractures du métacarpe et des phalanges
• Base du premier métacarpien
− extraarticulaire
− Bennett : petit fragment interne permettant la subluxation trapézométacarpienne
− Rolando : fracture en Y.
• Diaphyse des métacarpiens II à V
Attention à la rotation !
• Col du 5e métacarpien
− fracture du boxeur
− bascule palmaire jusqu’à 30° bien tolérée
− technique du brochage « en faisceau ».
• Phalanges proximales et médianes
− indications opératoires fréquentes en cas d’atteinte articulaire (fracture-luxation)
− problématique de la rotation en cas de fracture spiroïde
− consolidation rapide des fractures diaphysaires (immobilisation d’une durée rarement
supérieure à 3 semaines).
21
2. Les entorses et luxations des doigts
• Articulation métacarpophalangienne du pouce - le pouce du skieur - le problème de
l’interposition de la dossière.
• Articulation I.P.P. : mauvais pronostic des luxations traumatiques - nécessité fréquente d’une
stabilisation chirurgicale.
3. Les plaies de la main
La main est un organe exposé aux lésions traumatiques, et en particulier aux plaies. Du fait de la
structure anatomique de la main, les lésions tendineuses ou nerveuses sont fréquentes.
Quelques principes
• au niveau de la main, plaie minime ne signifie pas plaie bénigne;
• toute plaie de la main impose un examen complet de la sensibilité et de la motricité;
• la plaie d’un seul tendon fléchisseur a peu de signes cliniques;
• il n’y a pas de signe clinique de l’atteinte articulaire;
• l’atteinte partielle d’un nerf sensitif est difficile à reconnaître;
• dans des conditions d’urgence, l’atteinte de la branche motrice du nerf médian ou même du
nerf cubital est souvent méconnue sur base de l’examen clinique.
Recommandations
• toute plaie de la main qui dépasse le tissu graisseux sous-cutané doit être explorée dans des
conditions « chirurgicales »;
• un examen radiographique sera demandé systématiquement en cas de plaie profonde ou de
lésion contuse.
4. Les lésions des tendons de la main
La découverte d’une lésion du tendon fléchisseur justifie l’anesthésie locorégionale ou
l’anesthésie générale avec hémostase préventive par garrot pneumatique.
La plupart des plaies des tendons extenseurs peuvent par contre être réparées sous anesthésie
locale.
22
KLEINERT
Suture d’un tendon fléchisseur
Point en cadre ou laçage intratendineux
suture du péritendon
Mobilisation passive assistée selon Kleinert
Attelle de STACK
Attelle de CALBERG
a) Les lésions des tendons extenseurs
• Au niveau de l’IPD
Plaie tendineuse
• lésion avec ouverture de l’articulation
• risque de blessure de la matrice de l’ongle
• nécessité d’appuyer la suture par un appareillage d’extension (broche ou attelle)
• technique de la ténodermodèse en cas de plaie nette.
Rupture tendineuse (sous-cutanée)
• doigt en maillet (Mallet Finger)
• distinguer les
− formes complètes (avec rupture de l’appareil rétinaculaire)
− formes incomplètes (chute du P3 sur P2 inférieure à 60°)
• dans les formes incomplètes : appareillage suivant Stack ou Abouna en permanence, jusqu’à la
fin de la 6e semaine, de façon intermittente pendant 2 autres semaines
• dans les formes complètes : il vaut mieux stabiliser l’articulation par brochage (broche fine) en
extension (et non en hyperextension) pendant les 3 premières semaines.
• Le traitement sera ultérieurement poursuivi de la même façon.
• Au voisinage de l’IPP (syndrome de la boutonnière)
Section tendineuse
Le problème est dominé par l’état des téguments et les possibilités de couverture cutanée.
Lorsque les conditions locales sont favorables, le tendon sera réparé.
23
→ la bandelette centrale sera suturée (points en U) ou réimplantée (laçage + point transosseux) à
la base de la deuxième phalange;
→ les extensions latérales réparées (petits points en U) seront laissées dans leur position
normale latérodorsale.
L’IPP est maintenue en extension par brochage jusqu’à guérison cutanée (2 à 3 semaines). Le
doigt est ensuite placé dans un appareil type Bunnel-Calberg jusqu’à la fin du deuxième mois.
En cas de perte de substance cutanée, la réparation tendineuse sera conseillée si la couverture
peut être obtenue primairement par un lambeau de rotation.
Schéma de l’ultrastructure du nerf périphérique expliquant l’organisation du réseau vasculaire
1. Interfasciculaire
2. Epineurale
3. Périneurale
4. Epi-périneurale
SUTURES NERVEUSES
En cas de plaie contuse, irrégulière, avec perte de substance cutanée et tendineuse, la réparation
comportera le recouvrement de l’articulation par un plan cutané (lambeau local). L’IPP est
immobilisée en extension.
Rupture sous-cutanée
• lésions fraîches et lésions récentes (vues dans les 3 premiers mois) : l’appareillage suivant
Bunnel-Calberg pendant 2 mois permet d’obtenir d’excellents résultats;
• lésions anciennes : corriger la déformation par appareillage, ensuite réparation secondaire si
encore nécessaire après appareillage.
Si lésion fixée non correctible par appareillage,
l’arthrodèse sera souvent la moins mauvaise solution.
• Au niveau de l’articulation MP
24
réparer le tendon et l’appareil rétinaculaire (lamina transversa) par des points en U monofil 000,
lentement résorbable (PDS, monocril);
en cas de lésion contuse ou de lésion ancienne, le Barber wire de Jenning est utile;
S.P.O. : immobiliser le poignet en extension et le doigt en position de protection pendant 3
semaines.
• Au dos de la main
Ces lésions sont facilement réparées par suture. Le pronostic est favorable.
5. Les lésions des nerfs
La réparation des nerfs peut se faire par suture primaire ou greffe secondaire.
a) Suture primaire
• formellement conseillée :
− nerfs sensitifs de la main
− section nerveuse incomplète
• à considérer :
− plaie nette du tronc nerveux (sans contusion), associée à des lésions tendineuses (qui
rendront l’exploration secondaire laborieuse), surtout chez les enfants.
• technique :
− utilisation du microscope opératoire
− suture par groupes fasciculaires (= épipérineurale) (sans dissection intrafasciculaire)
− utilisation du fil fin : (par exemple : Ethilon 9/0 ou Dermalon 10/0)
• suture primaire déconseillée
− si contusion des extrémités nerveuses
− si le rapprochement nécessite une « tension » importante
− si plaie souillée avec perte de substance.
Dans ces cas : repérer les 2 extrémités nerveuses et les amarrer l’une à l’autre avec un fil de nylon
laissé long.
b) Greffe nerveuse secondaire à proposer
Moment ?
25
Idéalement après cicatrisation cutanée, disparition des manifestations trophiques et récupération
fonctionnelle.
Néanmoins, il vaut mieux intervenir sans délai excessif (les résultats deviennent médiocres après
9 mois. Les récupérations sont mauvaises après 18 mois, sauf chez l’enfant).
En pratique, la greffe secondaire se situera généralement entre la 4e et la 6e semaine en cas de
lésion nerveuse isolée. Au 3e mois, en cas de lésion tendineuse associée.
c) La récupération nerveuse
Elle peut être suivie grâce au signe de Tinel (1916) : la récupération du tronc nerveux entraîne une
sensation « électrique » dans le territoire cutané innervé par le nerf en question. L’endroit de
sensibilité à la percussion se déplace vers l’extrémité distale du membre au fur et à mesure de la
récupération.
La vitesse de récupération nerveuse est de l’ordre de 1 mm/j dans les cas favorables, et pendant
les premiers mois; le « passage » de la suture prend plusieurs jours.
La percussion se fait en allant de l’extrémité distale vers l’extrémité proximale pour éviter des
douleurs parasites.
6. Les mutilations de la main
Principes
• 2 étapes :
− la chirurgie d’urgence
− la chirurgie réparatrice secondaire
• en urgence, distinguer :
− les amputations nettes « en guillotine », qui font discuter la réimplantation digitale
− les mains « déchiquetées », qui posent un problème de couverture cutanée
− les plaies complexes ou multiples
• but : la chirurgie d’urgence - le traitement initial doit :
− conserver le maximum
− résoudre de façon définitive les problèmes qui peuvent l’être
− prévenir les complications liées à la conservation de fragments nécrosés.
L’attitude variera donc suivant les conditions de travail
26
• en milieu spécialisé, attitude très conservatrice, surveillance en hospitalisation
• en pays en voie de développement : éviter l’infection - débridement.
7. Les amputations traumatiques
L’amélioration des techniques chirurgicales et les progrès de l’anesthésie et de la réanimation ont
permis la réussite de replantations de segments de membres complètement amputés.
a) Historique
L’étude expérimentale des replantations de membres a été entreprise dès le début de ce siècle
chez l’animal (Carrel & Guthrie, 1906).
La première réimplantation d’un bras humain amputé a été effectuée à Boston le 23 mai 1962 par
l’équipe de Malt (Malt & McKhann, 1964). Peu après, Chung-Wei Chien réimplantait un avantbras à Shangaï le 2 janvier 1963 (Chen & al., 1963).
Au cours des vingt dernières années, plus d’une centaine de cas de réimplantations de bras et
d’avant-bras ont été publiés.
b) Classification
Il faut distinguer les amputations proximales qui posent des problèmes généraux (la
revascularisation d’un membre ischémique crée un risque sérieux de complications générales) des
amputations distales (doigts), qui posent des problèmes techniques particuliers (microchirurgie).
• Les amputations proximales
La légitimité de la réimplantation d’un membre amputé à un niveau proximal reste discutable. Il
faut prendre en considération le bénéfice fonctionnel possible et les risques liés au geste
chirurgical, qui est grevé d’une morbidité et d’un risque vital significatifs.
L’évaluation à long terme de réimplantations réussies démontrent que l’on peut espérer obtenir
un résultat fonctionnel satisfaisant, particulièrement chez l’enfant.
Les chances de réussite de la réimplantation sont dans des conditions normales de l’ordre de 50 à
60 %. La morbidité est liée à la durée de l’anesthésie, à l’importance des pertes sanguines, à la
revascularisation de tissus ischémiques et à la longueur du traitement postopératoire, qui
nécessitera généralement des interventions itératives.
27
Les complications sont fréquentes. Certaines compromettent la viabilité (thromboses) ou la
fonction du membre (retard de consolidation osseuse, raideurs articulaires). Les plus graves
(hémorragies, embolies, syndrome de revascularisation, nécrose tubulaire rénale, infections)
entraînent un risque vital. Compte tenu de ces éléments, nous pensons que la réimplantation
proximale d’un membre supérieur n’est légitime que dans des conditions optimales (patient
jeune, en bon état général sans lésion traumatique associée, conservation du membre dans de
bonnes conditions et délai de revascularisation raisonnable).
• Les amputations distales
La réimplantation d’un doigt amputé est une intervention techniquement difficile, qui nécessite
une expérience de la microchirurgie. Dans de bonnes conditions (amputation nette), les équipes
entraînées ont un taux de succès élevé. La qualité des résultats est cependant souvent imparfaite,
du fait d’une revascularisation précaire (syndrome d’intolérance au froid), d’un déficit de
mobilité (raideur articulaire et adhérences tendineuses) et d’une récupération sensitive
incomplète.
La replantation doit être tentée en cas d’amputation du pouce ou en cas d’amputation de
plusieurs doigts longs. Quand un seul doigt long est amputé, le bénéfice de la réimplantation
serait surtout esthétique, si bien que l’indication est discutable.
c) Conditions de réimplantation
• Le segment amputé doit être conservé dans de bonnes conditions, c’est-à-dire :
− mettre le segment amputé dans un linge propre sec
− l’introduire dans un sac en plastique, qui sera laissé ouvert
− déposer ce sac sur de la glace fondante.
Eviter donc :
de plonger le segment à replanter dans du liquide
de « congeler » le segment à replanter.
• Le moignon doit permettre la réimplantation.
Eviter donc : les hémostases avec des pinces traumatisantes. Un pansement compressif assurera
généralement une hémostase suffisante.
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• Le patient doit être en bon état général et son système vasculaire indemne de lésions évoluées
d’artériosclérose (sujet jeune).
• L’équipe chirurgicale doit être entraînée à ce type de chirurgie.
B. Pathologie non traumatique de la main
1. Affections congénitales cfr. Volume 1.
2. Affections tumorales
Des tumeurs peuvent se développer au niveau de tous les tissus de la main. Parmi les tumeurs
des tissus mous, la plus banale est le kyste synovial. Citons aussi la tumeur à cellules géantes
des gaines tendineuses. La tumeur glomique sous-unguéale a une symptomatologie douloureuse
caractéristique.
Parmi les tumeurs osseuses, l’enchondrome a sa localisation préférentielle au niveau de la main.
Toutes les autres tumeurs osseuses peuvent se rencontrer, mais il s’agit d’une localisation rare,
particulièrement pour les tumeurs malignes qui sont exceptionnelles.
a) Kyste synovial (en anglais « ganglion »)
Il s’agit d’une tumeur mésenchymateuse kystique, contenant du liquide mucoïde. Ces kystes se
rencontrent avec prédilection au niveau du poignet. Ils peuvent communiquer avec l’articulation
ou en être indépendants. On considérait classiquement qu’ils étaient formés au départ d’une
hernie synoviale, la plupart des auteurs considèrent actuellement qu’il s’agit d’une tumeur
indépendante de l’articulation.
Les kystes synoviaux peuvent disparaître spontanément.
On a proposé de les traiter par
écrasement ou injection intracavitaire d’hydrocortisone. Il peut être nécessaire d’en pratiquer
l’exérèse chirurgicale.
Les récidives sont fréquentes et ne pourront être évitées que si
l’intervention est menée dans des conditions parfaites d’anesthésie et d’hémostase, permettant
de pratiquer l’ablation complète de la tumeur et de la structure qui lui a donné naissance. La
tendance actuelle est de les traiter par simple aspiration s’ils sont situés à un endroit aisément
accessible.
b) Chondrome
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L’enchondrome isolé ou multiple (mal d’Ollier) est une tumeur d’origine cartilagineuse, qui se
rencontre avec prédilection au niveau des phalanges proximales et des métacarpiens.
Cette tumeur peu symptomatique est souvent découverte à l’occasion d’une fracture
pathologique.
Radiologiquement, l’os est « soufflé » par une tumeur radiotransparente. La corticale amincie
n’est pas dépassée. C’est généralement à l’occasion d’une fracture pathologique qu’on est amené
à traiter des tumeurs. Il faut cureter tout le tissu cartilagineux, bourrer la cavité ainsi créée par de
l’os spongieux, éventuellement de l’os de banque lyophilisé ou de la poudre d’os de banque, et
immobiliser la fracture.
3. Affections abarticulaires
a) Maladie de Dupuytren
La maladie de Dupuytren consiste en un épaississement et une rétraction fibreuse primaire de la
main et des doigts, pouvant aboutir à la flexion irréductible d’un ou de plusieurs doigts. Les 4e et
5e doigts sont généralement les premiers atteints.
L’étiologie de cette affection n’est pas connue, elle se voit surtout chez les hommes au-dessus de
40 ans. Une prédisposition génétique existe : la maladie ne s’observe quasi que chez les sujets de
race blanche et d’origine nordique. L’épilepsie traitée par les barbituriques est un facteur
favorisant. Elle se rencontre aussi dans le cadre du syndrome épaule-main des coronariens. Elle
est parfois associée à la maladie de Ledderhose (rétraction de l’aponévrose plantaire) et à la
maladie de la Peyronie (sclérose des corps caverneux).
Anatomie pathologique
Classiquement, il s’agit d’une rétraction de l’aponévrose palmaire moyenne. En fait, la maladie
débute entre peau et aponévrose où apparaît du tissu fibreux néoformé.
Microscopiquement, on observe deux types de tissu pathologique qu’il est tentant de considérer
comme deux stades évolutifs de la maladie :
du tissu fibroblastique disposé régulièrement en tourbillon, avec mitoses cellulaires,
du collagène dense, orienté en fibres parallèles formant les brides rétractiles.
30
Traitement
Le traitement médical comportant l’injection locale de corticoïdes associée au redressement forcé
des doigts est décevant et inutilement douloureux.
La fasciotomie enzymatique est restée au stade expérimental (Bassot 1965, Hueston 1971).
L’intervention chirurgicale sera proposée dès que la rétraction des doigts est fixée. Par des
incisions permettant de gagner de la peau palmaire par plastie en Z, on pratique l’incision des
tissus fibreux rétractés (aponévrectomie à la demande).
L’aponévrectomie totale élargie à visée préventive n’améliore pas significativement le pronostic,
compte tenu d’un taux plus élevé de complications. Les aponévrotomies à l’aveugle sont
dangereuses.
Elles ne sont plus guère utilisées que comme temps préparatoire à
l’aponévrectomie dans des rétractions ultimes ou chez des patients ne pouvant supporter une
intervention chirurgicale de plus longue durée.
Récemment, le mode de l’aponévrotomie à l’aiguille a été relancée. Il s’agit d’une aponévrotomie
à l’aveugle, qui peut également se complique de lésion pédiculaire.
b) Ténosynovite de Quervain (1895)
Il s’agit d’une sténose douloureuse de la gaine des tendons du long abducteur et du court
extenseur du pouce, à l’endroit où ces tendons passent sur la styloïdoradiale.
Le traitement médical (infiltration locale de cortisone - immobilisation temporaire) vient
généralement à bout des symptômes. Il est rare que la section chirurgicale de la gaine fibreuse
soit nécessaire (prendre garde à ne pas léser la branche cutanée sensitive du nerf radial).
c) Syndrome du canal carpien
Il répond à une souffrance fonctionnelle sensitivomotrice du nerf médian au niveau de la loge
interne du canal carpien.
Physiopathologie
Si le contenu du canal augmente (synovite spécifique, aspécifique, tumeur, cal tendineux) ou si le
canal est trop étroit (luxation antérieure du semi-lunaire, cal vicieux du poignet), le nerf médian
peut être comprimé.
Symptômes
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• Troubles sensitifs subjectifs : acroparesthésie dans le territoire du médian pouvant devenir de
vraies douleurs irradiant en amont et en aval; aggravées la nuit par les efforts et les
mouvements extrêmes du poignet; par contre, soulagées par massage léger.
• Troubles moteurs : manque de stabilité du pouce par parésie des muscles thénariens externes.
• Troubles trophiques.
L’examen objective les anomalies décrites ci-dessus. Le diagnostic peut être confirmé par
− le test de Möberg
− l’électromyographie et la mesure de vitesse de conduction du nerf médian.
Une radiographie du poignet est utile.
Traitement
• Médical : l’injection locale d’un corticoïde-retard dans la synoviale des fléchisseurs guérit la
majorité des formes légères.
• Chirurgical : la chirurgie est réservée aux cas résistants. Il s’agira de l’ouverture du canal à ciel
ouvert ou avec contrôle endoscopique par section du ligament carpien. La plastie ou l’exérèse
du ligament ainsi que la neurolyse fasciculaire ne sont plus guère pratiquées.
Syndrome canal de Guyon
L’affection est plus rare que le syndrome du canal carpien : elle consiste en une compression du
nerf cubital au niveau du poignet. Elle ne s’observe quasi qu’en cas de lésion anatomique de la
région sous forme d’un kyste synovial ou d’une thrombose de l’artère cubitale (syndrome
hypothénarien du « marteau »).
probablement pas.
Le syndrome du canal de Guyon idiopathique n’existe
L’endroit de prédilection de compression du nerf cubital est le tunnel
épitrochléen (cfr. p. 26).
4. Ostéonécroses
a) Maladie de Kienböck
C’est
l’ostéonécrose
aseptique
du
semi-lunaire.
Kienböck
parlait
d’ostéomalacie
posttraumatique (1910). L’origine traumatique n’est pas la règle. Il s’agit d’une affection
idiopathique qui se rencontrerait surtout en cas de dysharmonie de longueur des deux os de
l’avant-bras par insuffisance du cubitus (variante en moins de Hulten).
32
Le Kienböck s’observe chez des adultes jeunes.
Cette maladie se manifeste par des douleurs à la mobilisation du poignet.
C’est l’examen
radiographique qui permet de poser le diagnostic : à la phase d’état, le semi-lunaire est déformé,
légèrement aplati, sa trabéculation est disparue et l’os a un aspect hétérogène. Rapidement, des
signes d’arthrose secondaire apparaissent.
Le traitement conservateur comporte l’immobilisation du poignet pendant la phase douloureuse
(attelle amovible).
Plusieurs interventions ont été proposées. L’extirpation pure et simple du semi-lunaire laisse
des séquelles, c’est pourquoi on a prôné son remplacement par une prothèse en Silastic
(Swanson) ou par un lambeau capsulaire (Flap arthroplasty).
L’allongement du cubitus proposé par Personn, Desenfants & Verbrugge a une base
physiopathogénique.
Au stade d’arthrose évoluée, l’arthrodèse périlunarienne du carpe, parfois l’arthrodèse
radiocarpienne resteront les seules solutions.
Des études récentes discutent le bien fondé de la chirurgie de Kienböck et il y a une tendance à
privilégier le traitement conservateur.
b) Maladie de Thieman
C’est l’ostéochondrite juvénile de l’épiphyse basale des phalanges, affection bénigne guérissant
spontanément sans séquelles.
5. Affections dégénératives des articulations
a) Nodosités d’Heberden et nodosités de Bouchard
L’arthrose des articulations interphalangiennes distales (nodosités d’Heberden) et l’arthrose des
articulations interphalangiennes proximales (nodosités de Bouchard) sont justifiables d’un
traitement physiothérapique en période douloureuse. C’est ici que la mobilisation sous paraffine
chaude trouve sa meilleure indication.
b) Rhizarthrose
On appelle rhizarthrose du pouce l’arthrose de l’articulation trapézométacarpienne.
La
dégénérescence arthrosique de cette petite articulation remarquablement mobile se rencontre
surtout chez la femme d’âge mûr.
33
Elle se manifeste par des douleurs d’apparition progressive à la base du pouce. Ces douleurs ont
un caractère nettement mécanique (accentuées par les mouvements et soulagées par le repos).
Tardivement, la mobilité du pouce en opposition, en antépulsion et en abduction est limitée,
particulièrement si le métacarpien est subluxé en dehors.
Le traitement médical (antiinflammatoires, immobilisation temporaire, infiltration locale de
corticoïdes) suffit généralement à soulager les patients.
Chez des patients actifs et particulièrement chez ceux qui exercent une activité manuelle, la
persistance de la douleur et la gêne fonctionnelle peuvent justifier une solution chirurgicale.
La technique chirurgicale la plus utilisée est la trapézectomie avec interposition du petit palmaire
(« anchois ») et « suspension » du 1er métacarpien. Les arthroplasties totales et les arthrodèses
trapézométacarpiennes ne sont plus guère pratiquées (cfr. volume 1, p 129).
6. Pathologie infectieuse
a) La tuberculose
La main était le siège de prédilection de l’inoculation directe cutanée.
L’arthrite tuberculeuse du poignet (tumeur blanche du poignet) est une forme classique de
tuberculose ostéoarticulaire.
Au niveau de la main, l’infection des phalanges et des métacarpiens a un aspect caractérisé :
atteinte centromédullaire avec élargissement de l’os et atteinte secondaire de l’articulation (spina
ventosa).
La ténosynovite tuberculeuse est difficile à diagnostiquer. Il s’agit d’une synovite riziforme avec
crépitation. Il faut faire le diagnostic différentiel avec la synovite rhumatoïde.
b) Infections banales = panaris (en anglais « felon »)
Ces infections sont très fréquentes et graves. En l’absence d’un traitement correct et précoce, les
séquelles peuvent être très importantes.
La porte d’entrée est généralement une plaie, une piqûre, une écharde. Le germe en cause est
dans la majorité des cas un staphylocoque doré coagulase + (80 %); vient ensuite le streptocoque
hémolytique (10 %). Des germes variés peuvent se rencontrer dans des conditions étiologiques
particulières (piqûres anatomiques et morsures).
34
Le diagnostic doit être fait précocement, qu’il s’agisse d’un panaris des doigts ou d’un phlegmon
de la main. L’infection se manifeste par :
• une douleur spontanée lancinante, pulsable, spontanée mais soulagée par la surélévation;
• de l’oedème et de la rougeur (la douleur exquise signe une suppuration débutante).
Anatomie pathologique : 4 stades
1. Cellulite
2. Suppuration
3. Diffusion
à éviter à tout prix par un traitement correct et précoce.
4. Nécrose superficielle
Le traitement doit être entrepris dès le stade de la cellulite. Il comprendra :
• l’immobilisation,
• l’administration d’antibiotiques actifs (c’est-à-dire généralement antistaphylococciques) par
voie générale à forte dose,
• la prévention antitétanique,
• le traitement chirurgical réglé (« there is no place for plunging the knife blindly into an abcess
in a struggling patient ») se fera sous anesthésie générale, avec champs exsangue et
instruments adaptés, et respectera les principes généraux de la chirurgie de la main, en
particulier pour ce qui concerne les voies d’abord.
Le chirurgien pratiquera suivant le stade évolutif et la localisation l’excision suture (Scott &
Vilain), l’incision simple ou l’incision drainage. Dans tous les cas, on demandera une culture et
un antibiogramme.
Formes cliniques
Panaris : c’est l’infection aiguë de l’une quelconque des parties constituantes du doigt.
On distingue :
• panaris superficiels situés dans une des couches de la peau;
• panaris phlycténoïde, collection purulente ayant décollé l’épiderme du derme. Il est bénin. Il
faut le distinguer du panaris profond qui se fistulise;
• panaris péri-unguéaux ou tourniole;
• panaris sous-unguéaux;
• panaris anthracoïdes : c’est le furoncle du dos de la première phalange;
35
• panaris cellulaires sous-cutanés : ce sont les cellulites des doigts. Ils sont toujours graves et
susceptibles de se propager.
− Le panaris de la pulpe est le plus fréquent. Il se complique fréquemment d’ostéite;
− le panaris de la deuxième phalange : il se propage vers la peau palmaire et s’il n’est pas
traité à temps, il entraîne une nécrose cutanée qui nécessitera après guérison de
l’infection, une couverture par lambeau cutané;
− le panaris de la première phalange, qui succède à un traumatisme ou à un durillon forcé,
il fuse généralement vers la commissure;
• panaris profond compliqué : le panaris des gaines est redoutable, il expose au phlegmon
profond de la main. Il succède à une blessure de la gaine tendineuse souvent suite au
traitement incorrect d’un panaris pulpaire (inoculation opératoire de la gaine);
• phlegmon de la main : l’aponévrose superficielle permet de distinguer les phlegmons
superficiels des phlegmons profonds.
Phlegmons superficiels :
• phlegmon érythémateux bénin,
• phlegmon phlycténulaire ou ampullaire, durillon forcé, couvercle épidermique a enlever sans
attendre la fusée commissurale,
• phlegmon anthracoïde : furoncle du dos de la main, évolution bénigne.
Profonds sous-aponévrotiques (dramatiques)
• des espaces cellulaires,
• des gaines digitocarpiennes devenues rares, car les panaris sont soignés.
Traitement des phlegmons
• traiter le panaris originel,
• inciser le cul-de-sac supérieur,
• laver la gaine.
7. La main rhumatismale
La polyarthrite chronique évolutive entraîne au niveau des mains des déformations complexes.
Les lésions initiales sont dues à la prolifération de la synoviale articulaire et tendineuse. La
synovite articulaire distend et désorganise l’appareil capsulo-ligamentaire complexe des doigts.
A un stade plus évolué, le cartilage et l’os sont érodés.
La problématique de la main rhumatoïde est développée au chapitre IVI (volume 1, p136-150)
36
VI. Pathologie du bassin
A. Les fractures du bassin
1. Classification
• Fractures stables sans atteinte de l’articulation coxofémorale :
− fracture du cadre obturateur,
− fracture isolée de l’aile iliaque.
• Fractures partiellement stables ou instables sans atteinte de l’articulation coxofémorale :
− fracture de l’anneau pelvien,
− fracture de Malgaigne,
− classification de Tile,
− intérêt du CT Scan pour rechercher les lésions sacrées.
• Fractures du cotyle :
− fracture articulaire → risque d’arthrose,
− colonne antérieure ou postérieure,
− fractures transversales.
2. Lésions associées
• Hémorragie des plexus veineux sacrés, en particulier en cas de diastasis pubien (« open
book »). Intérêt de la stabilisation en urgence par fixateur externe. Indication occasionnelle
d’artériographie et d’embolisation (en cas par exemple de lésion de l’artère fessière ou d’une
de ses branches).
• Lésions du plexus lombosacré.
• Rupture urétrale.
• Rupture vésicale.
• Plaies périnéales (rectum, vagin).
3. Traitement
• Fractures stables extraarticulaires :
37
− simple repos au lit,
− ! prévention antithromboembolique.
• Fractures instables extraarticulaires :
− fixateur externe,
− vissage sacro-iliaque,
− ostéosynthèse du pubis.
• Fracture du cotyle :
− non ou peu déplacée : traction-suspension 3 semaines,
− déplacées :
◊ évaluer par _ / CT Scan,
◊ indications chirurgicales fréquentes.
B. Orthopédie du bassin
Le bassin est un des sièges d’élection du chondrosarcome.
VII. Pathologie de la hanche
A. La luxation traumatique de hanche
• nécessite un traumatisme important
• plusieurs variétés : postérieure, antérieure, inférieure
• fréquence des fractures associées : rebord cotyloïdien, tête fémorale (PIPKIN)
• attitude de la « baigneuse surprise » en cas de luxation postérieure
Complications
• étirement du nerf sciatique
• nécrose aseptique de la tête fémorale : survient principalement en cas de réduction tardive
Traitement : réduction orthopédique précoce (urgence 1) sous anesthésie générale.
38
Surveillance
• intérêt du CT Scan après réduction pour s’assurer de l’absence de fragment ostéochondral
intraarticulaire
• IRM pour dépister une rare nécrose aseptique.
B. Fracture de l’extrémité supérieure du fémur
• fréquent chez la personne âgée (ostéoporose)
• met en jeu le pronostic vital (par l’intermédiaire des complications : décubitus, encombrement
pulmonaire, désorientation, désordres électrolytiques, complications thromboemboliques)
chez le vieillard fragile
• problème de santé publique : prévention primaire et secondaire.
1. Fractures du col du fémur
Classification
Classification anatomique :
sous-capitales
transcervicales
basicervicales
Classification radiologique : GARDEN
Classification biomécanique : PAUWELS.
Complications
Risque majeur de nécrose aseptique posttraumatique (> 30 % en cas de Garden IV) et de
pseudarthrose (Pauwels III = trait vertical).
Traitement
chez le jeune : ostéosynthèse d’urgence (triple vissage)
chez la personne âgée :
ostéosynthèse des fractures engrenées
arthroplastie céphalique des fractures déplacées
39
entre 55 et 70 ans (?) : discuter l’arthroplastie totale de hanche en cas de fracture déplacée ou de
lésions arthrosiques associées.
2. Fractures pertrochantériennes
Généralités
• fracture extraarticulaire en zone spongieuse
• localisation privilégiée des métastases (fractures pathologiques).
Classification
• multiples classifications
• distinguer les fractures stables des fractures instables (fragment isolant le petit trochanter).
Traitement : ces fractures doivent être opérées
• anciennement : ostéosynthèse par clou-plaque
• actuellement, deux techniques ayant leurs indications respectives :
− ostéosynthèse par vis-plaque,
− enclouage centromédullaire proximal avec vissage « verrouillé » du col (clou de Zickel,
clou GAMMA, PFN).
C. La hanche non traumatique
Plan
1. La maladie luxante de la hanche
2. La hanche douloureuse de l’enfant
3. L’épiphysiolyse fémorale supérieure
4. La coxarthrose
5. La nécrose aseptique de la tête du fémur.
1. La maladie luxante de la hanche
2. La hanche douloureuse de l’enfant
40
Introduction
Une multitude de pathologies de l’enfant peuvent avoir comme premier symptôme un refus de
marcher, une boiterie ou une douleur dans la région de la hanche.
La cause la plus fréquente de boiterie ou de douleurs de hanche chez l’enfant de 3 à 8 ans est la
coxite transitoire, encore appelée synovite bénigne ou « rhume de la hanche ». La nature même
de cette affection bénigne reste mal connue. Il s’agit en fait d’un diagnostic d’exclusion qui ne
peut être retenu qu’après avoir éliminé toute autre pathologie.
Clinique
• L’enfant qui refuse de marcher ou de prendre appui sur un membre sans autre plainte
présente parfois une pathologie de hanche, mais il faut avant tout rechercher une raideur
rachidienne car cela peut être le premier signe d’une spondylodiscite bénigne du petit enfant
et rechercher une douleur provoquée qui nous orienterait par exemple vers une fracture de
jambe sans déplacement ou vers une lésion du pied.
• La coxite transitoire se manifeste souvent par une boiterie indolore ou peu douloureuse,
apparaissant subitement chez un enfant par ailleurs en parfaite santé. A l’examen clinique, le
seul signe pourra être une discrète limitation de l’abduction ou des rotations de hanche.
• Lorsque la douleur domine le tableau, il faut d’abord s’assurer qu’il s’agit d’une douleur de
hanche. Dans ce cas, les mouvements extrêmes sont toujours douloureux. L’existence d’une
douleur provoquée par la mobilisation de la hanche permettra de reconnaître une douleur
d’origine coxofémorale d’une douleur d’origine abdominale, rachidienne ou neurologique.
Une attitude antalgique du membre inférieur peut s’observer en cas de pathologie appendiculaire
(appendicite) par le mécanisme d’une contracture réflexe du psoas (psoïtis). Une hanche très
douloureuse à la mobilisation doit avant tout faire évoquer le diagnostic d’arthrite septique,
affection redoutable dont le diagnostic précoce est capital.
Dans une série récente de 60 enfants de moins de 5 ans hospitalisés pour mise au point d’une
douleur de hanche ou d’un refus de marcher, 14 (25 %) présentaient une pathologie infectieuse
(arthrite septique, ostéomyélite, abcès des tissus mous ou spondylodiscite). Il s’agit en fait des
principaux diagnostics à ne pas « manquer » chez le jeune enfant.
41
Diagnostic différentiel
Le tableau I reprend en fonction de l’âge les causes de douleur de hanche chez l’enfant. Les
affections reprises dans la partie gauche du tableau s’observent en l’absence de toute altération
de l’état général. Les pathologies notées du côté droit s’accompagnent « en principe » de
manifestations générales ou d’une majoration des paramètres biologiques d’inflammation.
Tableau I
Le diagnostic de ces pathologies peut être difficile. Ehrlich & Zaleske ont retrouvé dans les
archives du Mas’General à Boston 38 cas de douleurs ostéoarticulaires sans explication initiale.
Une pathologie caractérisée fut finalement identifiée dans presque tous les cas, mais avec un délai
allant de 3 mois à 7 ans (moyenne de 11.4 mois). Il s’agissait d’affections aussi diverses que
l’algodystrophie ou ostéoporose transitoire, une fracture de stress ou encore une maladie
d’Addison ou une leucose.
La coxite transitoire
La coxite transitoire s’observe principalement chez l’enfant entre 4 et 10 ans. Les symptômes
peuvent être mineurs (discrète boiterie) ou bruyants (refus de marcher). Il peut y avoir un peu
de température, une discrète élévation de la VS et de la leucocytose.
Les radiographies ne
montrent pas d’anomalie osseuse, ni de pincement articulaire. Il peut y avoir un épanchement
articulaire perceptible à l’échographie (+/-
40 % des cas selon McGoldrick & al.).
La
scintigraphie peut être positive (50 % des cas selon Haueisen & al.).
On ne connaît pas l’étiologie de la coxite transitoire.
L’affection guérit spontanément en quelques jours, mais il existe des formes traînantes.
Les
récidives sont rares, mais il existe des formes récurrentes.
Elle n’entraîne pas de séquelle significative, mais on a décrit des accélérations de la croissance du
côté atteint (coxa-magna, discrète inégalité de longueur des membres inférieurs).
L’arthrite septique
42
L’arthrite infectieuse de la hanche reste, à l’ère des antibiotiques, une affection grave dont le
pronostic ne peut être amélioré que par un diagnostic très précoce et la mise en route immédiate
d’un traitement efficace.
En quelques heures, la nécrose purulente de la synoviale et la chondrolyse articulaire peuvent
entraîner des lésions irréversibles alors qu’au stade tout à fait initial, l’affection répond bien à une
antibiothérapie adéquate par voie générale.
Les germes les plus souvent en cause sont le staphylocoque doré chez le grand enfant et
l’haemophilus influenzae chez le petit enfant.
Les manifestations générales d’infection peuvent être larvées au début.
Le diagnostic est posé sur base de l’examen du liquide articulaire. L’examen bactériologique doit
comporter un examen direct au Gram, une mise en culture et l’étude de la sensibilité des germes
isolés. L’examen cytologique permettra le diagnostic de certitude s’il y a plus de 100.000
leucocytes par microlitre, mais au début, le comptage peut ne pas dépasser 20 à 30.000 éléments.
L’ostéochondrite fémorale supérieure
L’ostéochondrite primitive de la hanche (O.P.H.) ou maladie de Legg-Calvé-Perthès est une
affection de l’épiphyse fémorale qui suit un ou des épisodes ischémiques d’étiologie inconnue et
se caractérise par une résorption de l’os nécrosé parallèlement à une reconstruction
ostéocartilagineuse. Au cours de la phase d’évolution, l’épiphyse est susceptible de se déformer.
Il en résulterait une altération de la mécanique articulaire que le traitement tente d’éviter. Il faut
distinguer la maladie de Legg-Calvé-Perthès de la dysplasie de Meyer, qui guérit sans séquelle
significative dans les formes caractéristiques. La limite entre les deux affections est cependant
peu précise, d’autant plus que Meyer lui-même estimait que 20 % des cas évoluaient vers la
maladie de Legg-Calvé-Perthes.
Coxite transitoire et ostéochondrite
Il a été postulé que la synovite transitoire pouvait entraîner un gonflement articulaire susceptible
d’occasionner une obstruction vasculaire produisant ultérieurement une ostéochondrite. Cette
hypothèse n’a pas été démontrée, mais les séries récentes suggèrent une relation entre les deux
affections dans 0.6 à 6 % des cas.
43
Il importe donc de prévenir les parents des enfants atteints de coxite transitoire de cette
éventualité rare et leur recommander de faire pratiquer un examen radiologique de contrôle si le
moindre symptôme apparaît dans les mois qui suivent.
Conduite à tenir
Lorsqu’un enfant présente une douleur de hanche ou une boiterie d’apparition récente, il faut
pratiquer outre l’examen clinique et la prise de la température, une radiographie du bassin, une
biologie inflammatoire, un examen hématologique complet et une échographie de hanche. Si la
hanche est très douloureuse, si l’enfant est fébrile, si sa biologie révèle un syndrome
inflammatoire, une hyperleucocytose ou une neutrophilie, il faut ponctionner la hanche, si
l’échographie a révélé un épanchement articulaire. L’objectif est de ne pas ignorer une arthrite
septique.
La radiographie standard permettra parfois de poser d’emblée le diagnostic en cas
d’ostéochondrite avérée par exemple.
L’échographie est devenue une étape importante de la mise au point de la hanche douloureuse de
l’enfant.
Elle permet de dépister les épanchements articulaires importants justifiant une
ponction à titre de diagnostic ou de thérapeutique.
Dans la coxite transitoire, il y a un
épanchement articulaire modéré dans près de la moitié des cas. Cet épanchement peut entraîner
un élargissement de l’interligne articulaire analogue à celui que l’on observe au stade tout à fait
initial de la maladie de Legg-Calvé-Perthes. Dans la coxite transitoire, l’élargissement est dû à
l’épanchement.
En cas d’ostéochondrite, il est dû à un épaississement cartilagineux.
L’échographie permet donc d’orienter le diagnostic entre ces deux affections au stade tout à fait
initial.
La scintigraphie osseuse au méthylène diphosphonate de technétium 99 est un examen sensible,
mais peu spécifique. Elle est surtout utile dans les hanches douloureuses atypiques pour
éliminer les pathologies squelettiques qui peuvent mimer la coxite transitoire (cfr. tableau I).
Pour distinguer la simple synovite de l’ostéochondrite au stade initial, il faut avoir recours à des
clichés tardifs réalisés avec un collimateur à points (pin-hole). La technique en est délicate.
La résonance magnétique nucléaire (IRM) est une excellente technique pour rechercher une
nécrose osseuse. Chez l’enfant, cette technique pose un problème du fait de la longueur du
44
temps de pose qui impose l’anesthésie. Elle est peut-être utile pour confirmer le diagnostic
d’une maladie de Legg-Calvé-Perthes au stade débutant. La sensibilité de la méthode doit encore
être démontrée.
En pratique La figure I reprend sous forme d’un « arbre de décision » l’attitude à avoir face à
une douleur de hanche ou une boiterie d’apparition récente chez le jeune enfant.
Résumé
Chez l’enfant, face à une douleur de hanche, une boiterie d’apparition récente ou un refus de
marcher, les diagnostics à évoquer d’abord sont la coxite transitoire, l’arthrite septique de hanche
et l’ostéochondrite fémorale supérieure (Legg-Calvé-Perthes).
D’autres affections peuvent plus rarement être en cause. Il faut donc rester vigilant surtout si
l’enfant présente une altération de l’état général ou des douleurs importantes.
La coxite transitoire est une affection bénigne spontanément résolutive en quelques jours.
L’arthrite septique évolue rapidement, elle peut détruire l’articulation en quelques jours; son
pronostic ne peut être amélioré que par un diagnostic très précoce et la mise en route immédiate
d’un traitement antibiotique efficace en hospitalisation. La maladie de Legg-Calvé-Perthès qui se
caractérise par une résorption de l’os nécrosé, parallèlement à une reconstruction
ostéocartilagineuse, devra faire l’objet en temps utile d’une consultation spécialisée.
Les indications des examens complémentaires (biologie, ponction articulaire, échographie,
radiographie, scintigraphie, résonance magnétique) sont discutées sur base des publications les
plus récentes et la conduite à suivre à la fois sur le plan du diagnostic et du traitement est
présentée sous forme d’un arbre de décision.
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3. L’ostéochondrite fémorale supérieure ou maladie de Legg Calve Perthes
•
C'est une maladie bénigne, entraînant des douleurs, habituellement discrètes, ainsi q'une
boiterie. (Mais attention, toute boiterie n'est pas synonyme d'ostéochondrite; elle est
fréquente chez le petit enfant).
•
Elle atteint les enfants de 3 à 8 ans environ, surtout les garçons (huit fois sur dix).
Habituellement, une seule hanche est atteinte. Dans quelques cas, l'autre peut être aussi,
avec léger décalage dans le temps.
•
L'origine de la maladie est d'ordre "vasculaire": l'artère qui nourrit la tête fémorale se
bouche (pour une raison inconnue), provoquant une destruction (nécrose) de la tête.
L'ostéochondrite n'est donc ni contagieuse ni héréditaire. Cette tête devient alors
fragile, se fragmente et peut s'aplatir. Elle se réparera d'elle-même progressivement, dans
tous les cas, mais l'intérêt du traitement est de conserver à la tête sa sphéricité pendant
ce stade de fragilité. Toutes les méthodes concourent à ce' but. En outre, la chirurgie peut
accélérer ce cycle évolutif.
•
La guérison s'obtient en un an environ, et cette période représente un handicap
temporaire. Certaines formes (très bénignes) ne nécessitent même pas de traitement
mais une simple surveillance.
Le traitement
•
Il est destiné à éviter autant que possible la déformation de la t^te fémorale et donc la
survenue d'une arthrose à l'âge adulte.
•
Il vise à placer la tête fémorale dans une position de recentrage dans le cotyle, qui joue
le rôle d'un moule.
•
Il est jalonné par des consultations à intervalles réguliers auprès du chirurgien (et
éventuellement de l'appareilleur-prothésiste), avec des radiographies de la hanche. Le
kinésithérapeute a un rôle important tout au long des étapes.
•
Dans certains cas, il peut être utile de recourir à d'autres examens radiologiques
(scintigraphie, arthrographie, résonance magnétique nucléaire…) pour apprécier le stade
d'évolution de la maladie ou pour aider le chirurgien dans le choix d'un traitement.
47
4. L’épiphysiolyse fémorale supérieure
Synonyme : coxavara de l’adolescent.
Description
Lors de la poussée de croissance prépubertaire, peu avant la fermeture des cartilages de
croissance, il y a un moment de fragilité du cartilage épiphysaire sous-capital du fémur. Celui-ci
cède par cisaillement, ce qui permet un déplacement en bas et en arrière de l’épiphyse (coxavara
retorsa).
Il existe des formes aiguës et des formes chroniques.
Elle se voit surtout chez des adolescents obèses (on parlait jadis de syndrome adiposo-génital).
L’ostéodystrophie rénale est également un facteur favorisant.
Signes cliniques
• Il faut y penser chaque fois qu’un adolescent se plaint d’une douleur de hanche. Il ne faut pas
oublier que l’adolescence est plus précoce chez les jeunes d’origine méditerranéenne (l’EPFS
se voit dans ces populations dès l’âge de 9-10 ans).
• « Le » signe clinique appelé signe DREHMANS se voit à un stade tardif : il s’agit d’une
rotation externe obligée lors de la flexion de la hanche.
Examens
Un examen radiographique du bassin avec une incidence de Lavenstein (profil vrai) s’impose en
cas de douleur de hanche, de boiterie ou d’impotence fonctionnelle de l’adolescent. L’examen
radiographique doit être répété si les symptômes persistent après un premier examen négatif.
Le CT Scan est utile pour évaluer l’importance du déplacement et planifier le traitement
chirurgical.
Traitement
Il est impératif de fixer l’épiphyse par vissage, avant que le déplacement ne progresse donc à un
stade précoce.
En cas d’épiphysiolyse aiguë à grand déplacement, on peut mettre une traction continue
prudente et laisser « revenir » l’épiphyse.
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Il est très dangereux de réduire sous anesthésie générale.
Des opérations complexes (opération de Dunn) ont été décrites pour corriger les grands
déplacements. Elles sont grevées d’un risque de complication significatif.
Complications
Les complications peuvent être très graves et laissent des séquelles majeures.
• Nécrose aseptique de l’épiphyse : l’épiphyse basculée en arrière est vascularisée par une lame
vasculaire postérieure peu élastique, qui peut être détruite par des manoeuvres intempestives
de réduction.
• Coxite laminaire ou chondrolyse ou nécrose aseptique du cartilage articulaire : il s’agit d’une
complication redoutable avec disparition progressive de cartilage articulaire. On retrouve des
lésions inflammatoires et des lésions ischémiques. La hanche s’enraidit. Le traitement est la
traction au lit par bande collée et la décharge articulaire pendant une période très prolongée,
mais il est rare que l’interligne se reconstitue.
• Coxavara retorsa : les grands déplacements perturbent la mécanique de la hanche, entraînant
boiterie, raccourcissement, attitude vicieuse en rotation externe et ultérieurement, une
coxarthrose.
! L’épiphysiolyse n’est pas fréquente, mais un diagnostic retardé est gravement
préjudiciable pour l’adolescent.
5. La coxarthrose
Se référer au chapitre général sur l’arthrose.
6. Nécrose aseptique de la tête du fémur
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Il est classique de séparer les nécroses aseptiques de la tête fémorale de cause connue, des
nécroses aseptiques primitives ou idiopathiques.
Les principales étiologies connues de la nécrose aseptique de la tête fémorale sont les radiations
ionisantes, les fractures du col fémoral, les luxations traumatiques de la hanche, la maladie des
caissons et la drépanocytose.
Dans le groupe des nécroses aseptiques primitives ou idiopathiques, plusieurs facteurs
étiologiques ont été mis en évidence.
L’hypercorticisme est actuellement une cause reconnue de la nécrose de la tête fémorale qui était
particulièrement fréquente chez les patients ayant subi une transplantation rénale avant
l’introduction de la cyclosporine.
Il semble que l’hypercorticisme thérapeutique puisse
également être en cause dans les cas de nécrose qui compliquent certaines maladies du collagène,
comme le lupus érythémateux disséminé.
Il est proposé de classer les nécroses
« postcortisoniques » dans le groupe des nécroses de cause connue, bien que le mécanisme
pathogénique liant l’hypercorticisme à la nécrose épiphysaire reste mal compris.
L’hyperuricémie, la pancréatite chronique et l’éthylisme chronique sont les causes « supposées »
de la nécrose aseptique de la tête fémorale.
L’hypercorticisme, la diathèse goutteuse, la pancréatite chronique et l’éthylisme ont comme
point commun de s’accompagner de perturbations du métabolisme des lipides pouvant expliquer
une perturbation de la circulation épiphysaire fémorale par des micro-embolies graisseuses.
Introduction
Les facteurs étiologiques de la nécrose aseptique de la tête fémorale sont multiples. On peut
considérer que la cause de la nécrose osseuse est connue quand elle est induite par des radiations
ionisantes, un traumatisme, la maladie des caissons, la drépanocytose ou anémie à cellules
falciformes et la maladie de Gaucher.
Depuis les années 70 (Smyth & Leidholt, 1973; Catto, 1976), l’hypercorticisme exogène est
considéré comme une étiologie connue et non plus supposée de la nécrose de la tête fémorale,
bien que la pathogénie en reste très controversée.
Etiologies connues
• Radiations ionisantes
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Les nécroses aseptiques induites par les radiations ionisantes sont liées à la mort cellulaire de l’os
et du tissu hématopoïétique.
La nécrose osseuse peut résulter d’une irradiation externe,
thérapeutique par exemple, ou de l’absorption accidentelle de radio-isotopes à tropisme osseux.
L’irradiation thérapeutique à haut kilovoltage est susceptible d’entraîner une ostéonécrose à
partir d’une dose de 3 à 4.000 centigrays (Woodard & Coley, 1947). Une dose supérieure à
5.000 centigrays crée régulièrement des lésions osseuses. La dose entraînant des lésions radiques
est plus élevée chez l’enfant, tandis que l’os du vieillard est plus sensible (Woodard & Coley,
1947; Woodard, 1957). Pour ce qui concerne la hanche, c’est le traitement des cancers pelviens
par radiothérapie externe et curiethérapie endocavitaire qui risquent d’entraîner des lésions
d’ostéonécrose.
Les radiolésions de la hanche n’intéressent que rarement la tête fémorale
isolément. Elles comportent des lésions du cotyle et du col fémoral (Duparc & al., 1974). Une
complication sérieuse de l’irradiation de l’extrémité supérieure du fémur est la fracture du col du
fémur (Woodard, 1957; Jeffery 1962; Duparc & Frot, 1971).
L’absorption de radio-isotopes à dose suffisante pour entraîner des lésions d’ostéonécrose ne
peut relever que de situations exceptionnelles.
Un exemple classique est l’ostéonécrose
maxillaire observée autrefois chez des ouvriers peignant des cadrans lumineux avec des
substances radioactives (de Sèze et Ryckewaert, 1971). Les isotopes utilisés dans les réacteurs
nucléaires ont été étudiés expérimentalement : le plutonium comme l’yttrium et l’americium, se
localisent dans la moelle osseuse et les cellules endothéliales, tandis que le radium est incorporé à
l’hydroxyapatite (Catto, 1976).
• Nécrose post-traumatique
Les nécroses compliquant les fractures du col du fémur et les luxations de la hanche sont liées à
l’interruption de la circulation épiphysaire. L’anatomie rend compte de la vulnérabilité de la
circulation céphalique dans son trajet intrasynovial (Trueta & Harrison, 1953).
Les artères épiphysaires latérales, qui assurent la vascularisation des 2/3 supérieurs de la tête du
fémur, circulent sur la face supérieure du col fémoral et pénètrent dans l’os à proximité de la
jonction entre le col et la tête recouverte de cartilage. Cette situation anatomique a pour
conséquence que ces vaisseaux sont interrompus dans presque toutes les fractures déplacées du
col fémoral. Les artères métaphysaires inférieures vascularisent le reste de la tête fémorale.
Lorsque ces deux groupes vasculaires sont interrompus, la vascularisation n’est assurée que par
l’artère du ligament rond, qui est inconstante chez le sujet âgé, et n’assure chez l’adulte la
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vascularisation que d’une très petite partie « fovéale » de la tête du fémur. D’après Trueta &
Harrison (1953), il existe des anastomoses entre les différents systèmes vasculaires irriguant la
tête du fémur, tandis que leur existence est niée par d’autres auteurs (Sevitt & Thompson, 1965).
L’artère du ligament rond, qui est peu importante dans des conditions normales, pourrait avoir
un rôle dans la revascularisation de la tête du fémur après fracture du col (Barnes, 1967).
Les fractures déplacées du col du fémur se compliquent de nécrose dans un pourcentage élevé des
cas, quel que soit le traitement. L’incidence clinique et radiologique est de l’ordre de 20 à 30 %
(Fielding & al., 1962; 33 %, Banks, 1962; 39 %, Linton, 1944). L’étude histologique des têtes
fémorales réséquées après fracture déplacée du col du fémur permet de constater des lésions
d’ostéonécroses localisées ou étendues dans 60 à 80 % des cas (84 %, Sevitt, 1964, 66, Catto,
1965).
Après luxation traumatique de la hanche, le risque de nécrose de la tête fémorale est déterminé
par la gravité des lésions traumatiques locales et par le délai entre l’accident et la réduction
(Trojan, 1959; Merle d’Aubigné, 1959; Brav, 1962). Le pronostic des luxations simples réduites
précocement est favorable, avec une incidence de nécrose inférieure à 10 % (Trojan, 1959;
Creyssel & al., 1959; Hunter, 1969).
L’association d’une fracture du cotyle ou de la tête
fémorale sont des facteurs péjoratifs.
Un délai supérieur à 12 heures entre le moment du
traumatisme et celui de la réduction double le risque de complication ischémique de la tête
fémorale (Brav, 1962).
Les lésions radiologiques de nécrose avasculaire peuvent apparaître
tardivement, jusqu’à 2 ans après le traumatisme (Nicoll, 1952).
En dehors des fractures et des luxations, le rôle d’un traumatisme dans la genèse d’une nécrose
aseptique de la tête fémorale reste controversé. Il semble cependant indéniable dans certaines
observations rapportées dans la littérature (Arlet & al., 1973).
Il est possible que des
mouvements forcés de l’articulation coxofémorale entraînent des lésions capsulaires intéressant
les vaisseaux épiphysaires avant leur pénétration dans l’os.
La tendance actuelle est donc
d’admettre l’imputabilité d’une nécrose qui se déclencherait dans les suites d’un traumatisme de
ce type.
• Nécroses dysbariques
Les nécroses de la maladie des caissons sont de 2 types.
Il faut distinguer les nécroses
médullaires diaphysaires qui se localisent préférentiellement à l’extrémité inférieure du fémur, et
à l’extrémité supérieure du tibia, des lésions juxta-articulaires, qui sont plus fréquentes à
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l’extrémité supérieure de l’humérus qu’au niveau de la tête fémorale (McCallum & al., 1966;
Ohta & Matsunaga, 1974; Catto, 1976).
Il est communément admis que c’est la libération, sous forme de bulles, des gaz inertes dissous
dans les tissus et le sang qui produit une obstruction mécanique des vaisseaux terminaux.
Actuellement, d’autres mécanismes pathogéniques sont pris en considération, tels que
l’altération des protéines et des lipides plasmatiques qui adhèrent aux interfaces sang/gaz. En
outre, des agrégats plaquettaires peuvent devenir circulants et libérer leurs constituants
(Chryssanthou, 1978). La maladie des caissons concerne des groupes de patients exerçant une
profession les exposant à des pressions élevées, principalement les plongeurs et les travailleurs
des constructions sous-marines.
L’incidence des lésions osseuses chez les travailleurs en
hyperbarisme est de l’ordre de 10 à 20 % en Grande Bretagne (Trowbridge, 1977). Au Japon,
près de 60 % des plongeurs professionnels examinés par l’équipe de Kawashima (1978)
présentaient des lésions d’ostéonécrose. Des antécédents d’accident de décompression sont
signalés avec une fréquence très variable : 15,8 % pour Kindwall (1974), 53,3 % pour
Kawashima & al. (1978).
• La drépanocytose
La drépanocytose est une anémie hémolytique, chronique et héréditaire, caractérisée par la
présence dans le sang d’hématies falciformes contenant une hémoglobine anormale, l’hémoglobine
S. Il s’agit d’une maladie moléculaire où la substitution d’un seul acide aminé (la valine
remplaçant l’acide glutamique dans la région amino-terminale de la chaîne α est responsable de la
cristallisation de la désoxyhémoglobine S sous faible pression d’oxygène (Dean & Schechter,
1978). Lors des crises aiguës de déglobulisation, les hématies falciformes provoquent des
thromboses et des embolies vasculaires responsables des nécroses tissulaires, médullaires et
osseuses. Les homozygotes sont gravement atteints bien qu’avec des variations individuelles
notables. Des décès par embolie graisseuse ont été décrits dans des cas de nécroses médullaires
et osseuses très étendues (Shelley & Curtis, 1958).
Dans la drépanocytose, le mécanisme élémentaire de la nécrose osseuse est donc une obstruction
des vaisseaux par des agglomérats de globules rouges.
• Maladie de Gaucher
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La maladie de Gaucher est une maladie héréditaire et métabolique, caractérisée par un déficit
enzymatique en -5-glucosidase au niveau des lysosomes.
Il en résulte une accumulation de
glucocérébrosides au niveau des lysosomes des macrophages et des cellules réticuloendothéliales
de la rate, du foie, du poumon et de la moelle osseuse (Hers & Van Hoof, 1973).
Décrite par Gaucher en 1882, ce sont Cushing & Stout (1926) qui ont rapporté le premier cas
avec atteinte osseuse, en l’occurrence l’articulation coxofémorale.
Pour certains auteurs
(Moseley, 1973; Jaffe, 1972), c’est la prolifération des cellules de Gaucher au niveau de la moelle
qui provoquerait à la longue une ischémie vasculaire responsable des lésions de nécrose
diaphysaire et épiphysaire. Comme dans la drépanocytose, les nécroses médullaires étendues
peuvent entraîner la mort par embolie graisseuse (Smith & al., 1978).
• Hypercorticisme thérapeutique
Les nécroses cortisoniques de la tête fémorale ont d’abord été incluses dans les séries de nécroses
idiopathiques. Comme d’autres auteurs (Smyth & Leidholt, 1973; Catto, 1976), nous pensons
qu’actuellement elles sortent de ce cadre et qu’il s’agit d’une étiologie bien établie. A l’examen
des séries dites historiques des nécroses idiopathiques de la tête fémorale, il ressort que
l’hypercorticisme thérapeutique se retrouve dans les antécédents avec une fréquence non
négligeable. Pour les cas traités à l’hôpital Cochin (Massias & al., 1962; Merle d’Aubigné & al.,
1965), les fréquences respectives sont 36 et 34 %.
La série anglo-saxonne la plus importante est celle de Patterson & al. (1964), qui publie les cas de
nécrose idiopathique de la tête fémorale rencontrés à la Mayo Clinic de 1935 à 1960.
L’hypercorticisme thérapeutique est signalé dans 9,6 % des cas.
L’essor de la transplantation rénale a fourni des groupes homogènes de patients traités par des
corticostéroïdes. Les premiers cas de nécrose aseptique de la tête fémorale chez des transplantés
rénaux ont été publiés par Starlz & al. (1964).
Dans la littérature, la fréquence de l’ostéonécrose de la tête fémorale après transplantation varie
de 3 % (Kinnaert & al., 1972) à 37 % (Cruess & al., 1968) (tableau 1). Harrington & al. (1971)
ont modifié l’incidence de l’ostéonécrose après greffe rénale en raccourcissant la durée du
traitement initial aux corticostéroïdes, mais ceci n’a pas été confirmé par d’autres auteurs. Dans
l’état actuel des publications, il reste difficile de se faire une idée précise de la fréquence de
l’ostéonécrose comme complication de la greffe rénale, étant donné que certains auteurs insèrent
dans leur série des échecs précoces qui n’ont pas reçu de corticostéroïdes pendant une période
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prolongée, et que d’autres ne retiennent que les transplantés soumis au traitement
immunodépresseur pendant plus de 6 mois.
Pour les services de néphrologie et de
transplantation des Cliniques Universitaires St-Luc, 14,4 % des patients transplantés et traités
aux immunodépresseurs pendant plus de 3 mois ont développé une nécrose de la tête fémorale
(Rombouts & al., 1972); cette fréquence a diminué dramatiquement avec l’introduction de la
cyclosporine à partir de 1983.
Le rôle prépondérant des corticostéroïdes dans l’apparition des nécroses épiphysaires et
métaphysaires après transplantation est admis par la plupart des auteurs, mais le mécanisme
pathogénique en reste très controversé.
Les corticostéroïdes ont un effet analgésique très marqué. Il en résulte que l’ostéoporose, qu’ils
induisent, évolue insidieusement. La réduction du volume absolu osseux favorise l’apparition de
tassements vertébraux et de fractures périphériques (Nagant de Deuxchaisnes & al., 1973).
D’autre part, l’administration de corticostéroïdes à dose thérapeutique, pendant une période
prolongée, induit une hyperlipidémie et aggrave les troubles lipidiques préexistants (Skanse & al.,
1959; Harvengt, 1973; Roux & al., 1978). Les perturbations lipidiques au cours de l’insuffisance
rénale et après transplantation sont bien connues (Ibels & al., 1975). Dans une étude à court
terme, Ibels & al. (1978) ont montré que 61 % des transplantés présentaient une hyperlipidémie
dont le typage est hétérogène. Plus récemment, Nicolas & al. (1979) ont constaté que, si
l’incidence des troubles lipidiques est de 51 % deux ans après la greffe rénale, à long terme, c’està-dire 10 ans après la greffe rénale, cette fréquence tombe à 25 %. L’âge et le sexe sont des
facteurs qui doivent entrer en ligne de compte plus que la dose moyenne quotidienne de
prednisolone reçue par les patients.
L’hypothèse d’une micro-embolie graisseuse comme mécanisme de l’ostéonécrose a été avancée
pour la première fois par Fisher & Bickel (1969).
Cette hypothèse a été plus largement
documentée par Cruess & al. (1975) et Fisher (1978).
Le rôle respectif des microfractures et des micro-embolies graisseuses dans la genèse de
l’ostéonécrose cortisonique de la tête fémorale reste toutefois à être précisé.
Le lupus érythémateux disséminé (LED) a été considéré comme un facteur étiologique de la
nécrose aseptique de la tête fémorale. Il semble bien que dans la majorité des cas, c’est le
traitement aux corticostéroïdes et non l’affection lupique elle-même qui engendre la nécrose.
Dubois & Cozen (1960) ont rapporté les 11 premiers cas d’ostéonécrose de la tête fémorale dans
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une série de 400 observations de LED.
10 des 11 patients avaient été traités par des
corticostéroïdes avant l’apparition de la nécrose.
La fréquence de l’ostéonécrose de la tête fémorale dans le LED varie de 3 à 10 %.
Les cas d’ostéonécrose rapportés ont presque tous été traités par de fortes doses de cortisone; il
existe une corrélation très significative entre l’apparition de la nécrose et la dose journalière de
corticostéroïdes, indépendamment de la dose totale de cortisone administrée. De rares cas de
LED non traités par des corticostéroïdes se sont compliqués d’ostéonécrose de la tête fémorale
(Siemsen & al., 1962; Velayos & al., 1966; Ropes, 1976). Que l’ostéonécrose du LED puisse
être induite par des lésions vasculaires suite à l’apparition de complexes immuns circulants est
une hypothèse plausible mais non démontrée.
Etiologies supposées
L’hyperuricémie et la goutte, la pancréatite et l’éthylisme chroniques sont des étiologies dites
« supposées » de la nécrose idiopathique de la tête fémorale.
• Ethylisme
L’éthylisme chronique se retrouve avec une fréquence très élevée dans les séries de nécroses dites
idiopathiques de la tête fémorale : 18 % pour Serre & Simon (1962), 17 % pour Patterson & al.
(1964), 40 % pour Louyot & Gaucher (1970).
Outre une hyperuricémie, l’éthylisme chronique peut engendrer une hyperlipidémie et celle-ci
s’observe essentiellement chez les éthyliques atteints de stéatose hépatique. La perturbation
porte sur toutes les fractions lipidiques mais en particulier sur les triglycérides, dont les valeurs
peuvent atteindre 10 g/dl et les chylomicrons qui sont des particules sphériques susceptibles
d’obstruer les capillaires (Wilson & al., 1970). Cette hyperlipidémie est transitoire et régresse
dès l’instauration d’un sevrage. En cas d’éthylisme, l’hypothèse d’une micro-embolie graisseuse
proposée par Jones & al. (1968), comme mécanisme de l’ostéonécrose de la tête fémorale, paraît
vraisemblable, bien que la preuve histologique n’en soit pas faite formellement. La tendance
actuelle est donc d’exclure les nécroses aseptiques d’origine éthylique du cadre des nécroses
idiopathiques au même titre que les nécroses aseptiques induites par les corticostéroïdes.
Diagnostic différentiel
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L’algodystrophie idiopathique de la hanche.
Traitement
Les formes localisées en dehors du quadrant portant de la tête fémorale (rôle de l’IRM dans
l’évaluation) peuvent rester stables et ne pas évoluer vers l’effondrement. Dans ces cas, le
traitement sera symptomatique pendant la phase aiguë (analgésiques, décharge).
Le traitement chirurgical peut avoir pour objectif de favoriser la revascularisation du séquestre
(forage, greffe vascularisée), de le mettre à l’abri des contraintes mécaniques (ostéotomie fémorale
de varisation ou de déflexion selon Sugioka), ou de pallier à la destruction de la hanche
(arthroplastie totale).
Les interventions conservatrices et en particulier les greffes vascularisées et les ostéotomies
n’ont pas donné des résultats réguliers.
L’arthroplastie de hanche est régulièrement la seule solution pour traiter cette pathologie, mais il
s’agit souvent de patients jeunes et actifs, dont l’os n’a pas toujours une résistance mécanique
idéale.
P.S.: Ce chapitre sur la nécrose aseptique de la tête du fémur a fait l'objet d'une mise à jour
récente qui est rédigée en anglais et est annexé.
VIII. Pathologie de la cuisse
A. Pathologie traumatique : la fracture de la diaphyse fémorale
• Un traumatisme important est nécessaire pour fracturer le fémur d’un adulte.
• Les pertes de sang sont importantes.
• Il y a souvent des lésions associées (polytraumatisme).
• Les lésions de voisinage sont plutôt rares (lésion du nerf sciatique et de l’artère fémorale).
• Risque de complication générale : « le syndrome de l’embolie graisseuse » (cfr. vol. 1, p. 38).
Traitement d’urgence
Immobiliser la fracture pendant le transport (attelle de Thomas).
Installer le patient en traction par broche transosseuse si on ne peut pratiquer l’ostéosynthèse
d’emblée.
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Traitement
Ostéosynthèse par enclouage centromédullaire verrouillé à foyer fermé.
Pour limiter le risque de syndrome d’embolie graisseuse, il est préconisé d’utiliser un clou non
alésé (UFN), voire un fixateur externe chez les polytraumatisés présentant soit plusieurs
fractures diaphysaires, soit un traumatisme thoracique associé.
B. Pathologie non traumatique
La cuisse est un des sièges de prédilection des lipomes, liposarcomes et myosarcomes.
IX. Pathologie du genou et de la jambe
Plan
A. Anatomie fonctionnelle
1. L'articulation fémoro-tibiale
2. L'articulation fémoro-patellaire
B. Pathologie traumatique
1. Fracture du fémur distal
2. Fracture de la rotule
3. Fracture des plateaux tibiaux
4. Fracture diaphysaire de la jambe
5. Les entorses du genou
Entorse du LLI ou LLE
Rupture du LCA
Triade de O'Donoghue
6. Syndrome méniscal
C. Pathologie non-traumatique
1. Syndrome méniscal
2. Syndrome fémoro-patellaire
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Subluxation et luxation de la rotule
Chondromalacie rotulienne
Arthrose fémoro-patellaire
3. Affections génératrices de corps étrangers
L'ostéochondrite
L' (ostéo)chondromatose synoviale
4. Déviations angulaires du genou
5. La gonarthrose
6. Les hygromas
A. Anatomie fonctionnelle
Le genou est le complexe articulaire le plus large du corps humain.
Le genou est composé de deux articulations: la fémoro-tibiale et la fémoro-patellaire.
1. L’articulation fémoro-tibiale
On y distingue 2 compartiments : l'externe constitué par l'articulation du condyle fémoral externe et
du plateau tibial externe et l'interne constitué du condyle et plateau internes.
La congruence entre le tibia et le fémur n'est réalisée parfaitement que par l'interposition de 2
croissants de fibrocartilage appelés ménisques.
La stabilité passive de l'articulation est assurée par de puissants ligaments.
Les ligaments
collatéraux interne et externe maintiennent passivement le genou dans le plan frontal tandis que les
ligaments croisés, le croisé antérieur et le croisé postérieur, insérés au centre de l'articulation assurent
la stabilité dans le plan sagittal. Le croisé antérieur limite l'avancée du tibia sous le fémur. Le croisé
postérieur limite la course postérieure du tibia. Ces deux ligaments s'enroulent lors de l'extension du
genou.
La capsule articulaire est renforcée derrière à hauteur des condyles et limite l'extension du genou.
La stabilité active est apportée par les muscles (quadriceps, ischio-jambiers, tenseur du fascia-lata,
poplité). Seuls les muscles et en particulier le quadriceps confèrent au genou une stabilisation
active. Le genou est verrouillé par l'action du quadriceps. "Pas de bon genou sans bon quadriceps".
La fémoro-tibiale autorise des mouvements de flexion-extension et de rotation. Aucune rotation
n'est possible sur un genou étendu (essayez de faire pivoter votre tibia sans faire bouger votre
fémur, vous n'y parviendrez pas lorsque le genou est étendu. En flexion, les ligaments se détendent
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et le tibia pivote facilement). Le genou a l'apparence d'une articulation à un seule charnière.
Cependant l'axe de rotation ni même celui de la flexion ne sont fixes. La structure du genou impose
un mouvement de rotation interne lors des 20 premiers degrés de flexion et l'inverse lors des 20
derniers degrés d'extension. Lors de la flexion, il y a un roulement des condyles sur leur plateau
respectif dans les 20 premiers degrés de flexion et auquel s'ajoute un glissement des condyles pour
obtenir une flexion maximale de 160°.
2. Articulation fémoro-patellaire
Elle est constituée par la rotule et la trochlée fémorale. La rotule est l'os sésamoïde (os situé dans
l'épaisseur d'un tendon) le plus volumineux du corps et fait partie de l'appareil extenseur du genou
en s'interposant entre le tendon du quadriceps et le tendon rotulien inséré sur la tubérosité tibiale
antérieure.
Ces deux tendons font entre eux un angle ouvert en dehors de 15°. Cet angle Q augmente en cas de
genu valgum, la rotation externe du tibia. Lors de la contraction du quadriceps, l'appareil extenseur a
tendance à aligner rotule et ligament (tendon) rotulien. Ceci a pour effet d'attirer la rotule vers le
côté externe du genou.
La rotule ne se luxe pas car elle est retenue par :
• l'aileron interne, puissante formation fibreuse qui unit le rebord rotulien au condyle interne
• le vaste interne, qui par sa contraction attire la rotule en interne
• le relèvement (la hauteur) de la berge externe de la trochlée.
L'étude cinématique des rapports entre rotule et trochlée montre qu'en extension complète, il n'y a
pas de contact entre les deux surfaces articulaires. A 30°, il y a contact entre la trochlée et les deux
versants de la rotule à sa partie inférieure. A 60°, le même contact existe mais avec le pôle supérieur
de la rotule. Au-delà de 60°, la rotule reste en contact avec le fémur par son pôle supérieur.
La rotule assure la protection du quadriceps, favorise le glissement du tendon tout en augmentant
son bras de levier. Ce bras est maximal à 45° de flexion.
B. Pathologie traumatique du genou
1. Fracture du fémur distal
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Fracture supra- et éventuellement intercondylienne. Résulte d'un traumatisme important. Elle est
favorisée par l'ostéoporose chez les personnes âgées.
Le fragment distal est toujours basculé vers l'arrière suite à l'action des gactrocnémiens.
Le traitement est chirurgical (lame-plaque, vis-plaque, clou verrouillé) quand elle est déplacée.
2. Fracture de la rotule
Elle est consécutive à une chute sur le genou fléchi. Etant une fracture articulaire, elle exige le plus
souvent un traitement chirurgical (broche et cerclage) de façon à minimiser le risque d'arthrose posttraumatique. Un diastasis intraosseux peut être palpé cliniquement en cas de fracture transversale
complète.
3. Fracture des plateaux tibiaux
Cette fracture résulte le plus souvent d'un écart forcé du genou en valgus ou varus (par ex. un piéton
renversé par une voiture). La fracture produit soit une séparation soit un tassement ou les deux
composantes. Une rupture du ligament latéral et/ou des ligaments croisés peut être associée en
fonction de la gravité du traumatisme. Une paralysie du sciatique poplité externe (SPE ou fibulaire
commun) peut également s'observer suite à une compression ou un étirement du nerf.
Si la déformation est minime, un traitement conservateur (traction ou plâtre cruro-pédieux) peut être
réalisé pour une durée totale de 6 semaines (à la différence d'une fracture diaphysaire, une fracture
de l'os spongieux consolide plus rapidement).
Si l'enfoncement est supérieur à 10 mm, une
réduction chirurgicale est nécessaire.
4. Fracture diaphysaire de la jambe
Le tibia est l'os long le plus fréquemment fracturé. La fracture peut être causée par un traumatisme
direct (coup) ou indirect (torsion, chute). C'est aussi la localisation la plus fréquente des fractures
ouvertes car un tiers de sa surface est sous-cutanée et non protégée par les masses musculaires (à la
différence des fractures du fémur qui est bien entouré par les muscles, ce qui explique que l'on peut
perdre plus de sang dans une fracture du fémur).
Chez l'enfant, le traitement est conservateur pour une durée variable entre 2 et 3 mois.
Si nécessaire, une réduction orthopédique sous anesthésie peut être réalisée.
Chez l'adulte, le traitement est soit chirurgical, soit conservateur.
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• Le traitement chirurgical de choix reste l'enclouage centromédullaire càd la mise en place d'un clou
après avoir alésé la cavité (alésage : à l'aide d'une fraise, mise à dimension du canal médullaire pour le
passage du clou).
Le clou peut être verrouillé, càd que pour empêcher la rotation d'un des fragments osseux autour du
clou, on peut les solidariser par une ou deux vis transfixiant le clou et l'os en passant par un ou deux
orifices du clou.
En cas de fracture ouverte, l'os ne sera plus alésé pour éviter d'augmenter la dévascularisation. En
cas de fracture largement ouverte, un fixateur externe sera posé exclusivement.
• Le traitement peut être également conservateur : réduction orthopédique si nécessaire, plâtre cruropédieux pour +/-4 semaines et ensuite plâtre de Sarmiento (nom du chirurgien qui a mis cette
technique au point) pour 2 mois. L'appui est réalisé progressivement vers la 4-6e semaine. L'appui
doit être toujours indolore.
5. Les entorses du genou
La pratique sportive a fait augmenter la fréquence de ce type de traumatisme.
Les ligaments
collatéraux et les croisés sont vulnérables aux contraintes en traction et rotation.
Eléments de gravité
• la non reprise du sport après quelques instants indique une lésion importante;
• le traumatisme appuyé (chute d'un skieur dont les sécurités n'ont pas fonctionné) plaide
également pour une lésion importante;
• la sensation d'instabilité du genou est en faveur d'une entorse grave.
Ponction articulaire
Elle peut aider au diagnostic et soulager le patient.
Repérer l'angle supéro-externe de la rotule. Marquer un trait à 1.5 cm sous cet angle.
Badigeonner à l'alcool iodé et enfoncer l'aiguille à travers ce point. Un liquide séreux sera en faveur
d'une lésion méniscale tandis que si il y a une hémarthrose, le diagnostic de présomption sera en
faveur d'une rupture du croisé antérieur, d'une fracture ostéochondrale ou d'une luxation de rotule.
62
Gravité d'une entorse
Grade I : distension du ligament. Douleur sur le trajet du ligament latéral. Aucune laxité. Bandage
élastique.
Grade II : Rupture de quelques fibres du ligament, pouvant conduire à une laxité en flexion à 30°.
Genou stable en extension. Genouillère 4 semaines.
Grade III : rupture complète du ligament latéral. Laxité en flexion et extension. Application de
glace. Ponction en option. Attelle cruro-pédieuse. Chirurgie en option.
Il faut 6 semaines à un ligament pour cicatriser complètement.
Sémiologie du genou
• Signe du choc rotulien
En cas d'épanchement de synoviale ou d'hémarthrose, il est possible de soulever la rotule en
chassant le liquide du cul-de-sac quadricipital. La rotule est ainsi soulevée. Il est alors possible de
lui imprimer une pression vers la trochlée avec laquelle elle prend contact à la manière d'un glaçon
que l'on enfonce mais qui revient ensuite à la surface.
• Recherche d'une laxité latérale
Ces tests recherchent une distension du ligament collatéral en faisant bailler l'interligne interne ou
externe fémoro-tibial. En cas de laxité, on perçoit le contact du plateau avec le condyle fémoral.
En extension, il n'y a aucune laxité càd que toute latéralisation d'un genou étendu n'entraîne aucun
déplacement anormal en cas d'intégrité. Il est par contre physiologique d'obtenir une petite laxité en
légère flexion. Il faut donc comparer les genoux. Seule une asymétrie sera pathologique.
a) Entorse du ligament latéral interne (LLI) ou externe (LLE)
L'étirement voire la rupture du LLI est l'entorse la plus fréquente du genou. Elle est causée par un
choc externe au niveau du genou, le pied restant bloqué dans sa position initiale, étirant le ligament
par un traumatisme en valgus (par ex. piéton renversé par une voiture). Isolé, il n'occasionne qu'une
douleur située sur le ligament (le patient localise précisément la douleur) et il n'y a pas en règle
générale un hémarthrose associé, sauf en cas de rupture complète. La rupture complète n'est jamais
isolée (cfr. infra). Une paralysie du SPE (sciatique poplité externe) peut compliquer une entorse du
LLE.
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L'examen radiologique permet d'exclure une fracture épiphysaire et peut montrer l'arrachement
osseux d'une insertion ligamentaire.
Les lésions du 1er et 2e degrés sont traitées par une genouillère plâtrée pour 3 à 6 semaines.
Une entorse du LLI non traitée peut se solder par une ossification de son insertion proximale
(fémorale)(maladie de Pellegrini-Stiéda) et être source d'une gêne chronique.
b) Rupture du ligament croisé antérieur
Il s'agit fréquemment d'un accident sportif (hyperextension brutale telle un tir du pied dans le vide,
une mauvaise réception au sol [basket] ou un faux pas). Le patient ressent un craquement audible
avec parfois, une impression de déboîtement. Impotence et gonflement immédiats. La radiographie
est négative et permet de différencier cette rupture avec une luxation de la rotule. La radiographie
peut également montrer surtout chez les adolescents, une fracture-arrachement d'une épine tibiale.
Le diagnostic est surtout clinique mais il peut être malaisé de faire le diagnostic sur un genou gonflé
et aigu.
Le test de Lachmann peut reproduire ce mouvement antérieur du tibia sur un genou fléchi à 10°. On
empaume le fémur et on provoque un mouvement de tiroir sur le tibia. Il s'agit d'un signe sensible et
spécifique d'une rupture du ligament croisé antérieur.
Un tiroir antérieur peut également être recherché sur un genou fléchi à 90° mais celui-ci ne sera
positif qu'en cas de lésion du ligament, associée à une atteinte de la capsule.
Lorsque le diagnostic n'a pas été fait en aigu et que le patient se plaint d'une douleur chronique ou
d'une instabilité, on peut tester le croisé antérieur par une manoeuvre supplémentaire : test du
ressaut antéro-externe (jerk test ou pivot shift) : on met le pied en rotation interne avec une main
tandis que l'autre appuie sur la partie haute et externe du tibia (étirement en valgus). En fléchissant
progressivement le genou à 40°, la partie antéro-externe du tibia subluxée vers l'avant en extension se
réduit en flexion avec un ressaut (= jerk). La manoeuvre peut être réalisée en partant de la flexion
vers l’extension. Dans ce cas, le ressaut est perçu lors de l’apparition de la subluxation antérieure
du plateau tibial externe.
Le traitement est symptomatique.
• Si nécessaire, ponction évacuatrice de l'hémarthrose en cas de douleur importante.
64
• Immobilisation de 3-4 semaines en commençant par une attelle cruro-pédieuse provisoire et relais
par une genouillère plâtrée. Rééducation ensuite du quadriceps, genou tendu. Eventuellement,
orthèse de stabilisation du genou lors d'activités sportives.
• Si malgré ce traitement conservateur ou si la pratique sportive du patient est exigeante, un
traitement chirurgical peut alors être proposé. Il consiste à substituer le ligament croisé déficient
par une autogreffe prélevée aux dépens du tiers central du tendon rotulien et comprenant une
insertion osseuse à chaque extrémité (opération de Kenneth-Jones). Si ce prélèvement s'avère
délicat, on peut choisir d'utiliser une allogreffe tendineuse munie de son attache osseuse (tendon
rotulien ou achilléen). Quel que soit le type d'implant tendineux, celui-ci peut être implanté soit
à ciel ouvert soit, et c'est mieux, par arthroscopie.
A ce type d'opération qui est articulaire, il est encore possible de préférer une chirurgie extraarticulaire qui consiste à limiter la rotation interne du plateau tibial et empêcher le ressaut. La reprise
du sport sera beaucoup plus rapide.
L'hospitalisation est de courte durée (+/- 5 jours). La rééducation est immédiate. Reprise des
activités sportives de loisir à 6 mois et de haut niveau à 1 an.
c) Triade de O’Donoghue
Elle est provoquée par une traumatisme appuyé et violent du genou en valgus (contact sportif,
ruade etc.). Il s'agit d'une rupture complète du LLI, d'une déchirure du ménisque interne et d'une
rupture du ligament croisé antérieur. Le traitement est chirurgical (à ciel ouvert ou arthroscopie).
6. Syndrome méniscal
Les ménisques sont deux structures semi-lunaires de fibrocartilage. Ils augmentent la surface de
contact entre le tibia et les condyles et par conséquent répartissent mieux les contraintes
mécaniques. A l'âge adulte, le ménisque n'est plus vascularisé que dans son tiers périphérique, là où
il adhère à la capsule par son épaisseur. Son tiers interne, càd son versant articulaire est libre, non
vascularisé. On considère qu'une lésion distante de plus de 5 mm de la capsule n'a aucune chance de
se réparer. En dehors de ses attaches capsulaires en périphérie, les surfaces méniscales en regard du
cartilage sont libres.
Les lésions méniscales sont surtout l'apanage des sportifs (football) : le genou fléchi et en charge est
latéralisé par une chute ou un contact alors que le pied est bloqué. La lésion méniscale peut survenir
65
suite à un mouvement de flexion extension du genou lorsque la rotation physiologique du tibia sur le
fémur est contrariée par le blocage du pied et/ou la dynamique du tronc. Les lésions méniscales et
ligamentaires peuvent coexister. Les lésions méniscales chez le jeune sont longitudinales, alors que
l'atteinte dégénérative (le vieillissement provoque une plus grande rigidité du ménisque) sera plutôt
horizontale.
Clinique
• Douleur à l'interligne fémoro-tibiale.
• Epanchement de synovie dans le décours du traumatisme.
• Atrophie discrète du quadriceps si lésion chronique.
• Blocage du genou en flexion. L'extension complète n'est pas possible. Le blocage peut être
passager ou permanent.
La manoeuvre de Mac Murray permet de reproduire la douleur et parfois le déclic dans l'interligne
articulaire. Il met sous contrainte le ménisque suspect en réalisant une flexion complète du genou et
en mettant le pied en rotation externe (pour le ménisque interne). En étendant progressivement la
jambe (avec le pied en rotation externe), on peut reproduire la douleur ou le déclic dans l'interligne.
La manoeuvre d'Apley ("le grinding test"- to grind = moudre) permet de distinguer une douleur
séquellaire d'une entorse de celle d'une douleur méniscale. Le patient est couché sur le ventre. Le
genou est fléchi à 90°. Dans la première partie du test, on n'appuie pas sur la jambe et on imprime
une rotation externe pour tester le ménisque interne (et vice versa pour l'externe). Le test est
reproduit en appuyant ensuite sur la jambe.
Les mouvements de rotation sans appui testent les ligaments tandis qu'avec appui, ce sont les
ménisques qui sont testés. En cas d'entorse, les deux manœuvres peuvent être positives tandis
qu'avec les ménisques, ils ne peuvent produire la douleur qu'en appui.
La manoeuvre de recherche du blocage méniscal (Généty)
Elle permet de faire le diagnostic de blocage en flexion du genou.
Patient en décubitus ventral, jambes en porte à faux. Vue de profil, la jambe du côté du genou
bloqué est un peu plus haute que l'autre. Ce test n'a pas de valeur en cas d'épanchement.
66
Diagnostic
Une radiographie standard exclura une fracture ou une ostéochondrite fémorale.
L'arthrographie du genou reste le moyen d'imagerie le plus accessible. La résonance est également
très performante pour visualiser les ménisques et les croisés. L'arthroscopie permet la visualisation
directe et le traitement. L'indication pour ces techniques varie d'un chirurgien à l'autre.
Traitement
Un traitement conservateur pourrait être proposé en cas de lésion asymptomatique et proche du
tiers externe (proche de la capsule, càd susceptible de guérir spontanément).
La résection partielle si possible du ménisque se fera sous arthroscopie. Elle sera proposée en cas
de symptômes. Le patient est capable de marcher à nouveau endéans les 12 heures. Le bandage
peut être ôté à 24 heures. Les activités sportives peuvent être reprises après 6 semaines. Dans
certains cas, il est possible de réaliser une allogreffe de ménisque pour substituer le ménisque détruit
et ainsi, éviter l'apparition d'une arthrose fémoro-tibiale à long terme.
C. Pathologie non traumatique du genou
1. Syndrome méniscal
Lésion dégénérative
Un dérangement interne du genou peut se produire chez la personne de plus de 50 ans sans
commémoratif de chute ou d'entorse. La palpation de l'interligne est alors douloureuse et la
sémiologie méniscale peut être positive. Ce sont des lésions dégénératives du ménisque qui sont
très bien traitées par arthroscopie.
Le ménisque discoïde externe
Malformation du ménisque qui est resté sous forme embryonnaire et ne s'est pas résorbé dans sa
partie centrale pour donner la forme semi-lunaire.
Le ménisque discoïde se traduit par l'apparition d'un ressaut et d'un déclic audible caractéristique
lors de la flexion-extension chez l'enfant ou un jeune de moins de 18 ans.
asymptomatique puisqu'il est retrouvé dans 7 % des genoux en autopsie.
67
Il peut être
Les symptômes
s'amenuisent dans les mois suivants et la résection par arthroscopie ne sera proposée que si
nécessaire.
2. Syndrome fémoro-patellaire
(voir aussi le chapitre sur la chondropathie rotulienne, tome 1).
Ce vocable regroupe un ensemble d'affections de l'appareil extenseur du genou.
• Subluxation et luxation de la rotule
Episodes de subluxation voire même de luxation de la rotule lors de la flexion du genou. La rotule se
subluxe toujours en dehors étant donné l'angle Q. Le traumatisme initial quand il existe, est mineur.
L'épisode résulte la plupart du temps d'une contraction musculaire soudaine.
Cette instabilité
rotulienne survient plus volontiers chez l'adolescente. A la suite d'un faux pas ou en descendant les
escaliers, apparition brutale et fugace d'une sensation de décrochage avec dérobement du genou
(suite à l'inhibition réflexe du quadriceps) et chute éventuelle. Cliniquement, l'angle Q est augmenté.
La palpation et la translation externe de la rotule mettent en évidence une laxité rotulienne en dehors
et éventuellement une appréhension (signe de Smillie). Rarement, l'examen clinique montre un choc
rotulien modéré. La rotule peut être en position haute et externe.
Radiologiquement, on retrouve fréquemment une dysplasie fémoro-patellaire et/ou une subluxation
externe. Il faut demander une incidence axiale à 30° de flexion. Une subluxation latérale se manifeste
par un élargissement de l'interligne interne et la latéralisation de la rotule sur la berge externe de la
trochlée. Parfois, une ossification du rebord interne de la rotule signe un antécédent d'arrachement
de l'aileron interne. La fémoro-patellaire peut également être le siège d'une dysplasie de la trochlée
ou de la rotule.
Traitement : genouillère plâtrée 4-6 semaines après le premier épisode. Rééducation du quadriceps.
Intervention sur les tissus mous (section de l'aileron externe par arthroscopie, abaissement du vaste
interne) si le cartilage de croissance est encore présent.
Transposition de la tubérosité tibiale
antérieure (TTA) en dedans (opération d'Emslie-Trillat) si le cartilage est fermé.
• Chondromalacie rotulienne
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Il s'agit d'une maladie du cartilage de la rotule dont l'étiologie reste obscure. Les lésions peuvent
évoluer depuis l'oedème, la fissuration, l'ulcération jusqu'à l'arthrose. Ces lésions font suite à la
surcharge du cartilage. Cette lésion peut devenir symptomatique à la suite d'une contusion (chute
sur la rotule, impaction sur le tableau de bord). Elle siège plus volontiers sur la facette interne de la
rotule. Une lésion en miroir peut se retrouver sur la trochlée. L'évolution est lente et caractérisée
par un syndrome fémoro-patellaire chronique (cfr. infra). Le traitement est d'abord médical, kinésithérapeutique et éventuellement chirurgical (avancement de la TTA : opération de Maquet).
• Arthrose fémoro-patellaire
Elle succède en général à une subluxation rotulienne chronique (qui a pu rester indolore) ou à une
chondromalacie évoluée.
Cette arthrose est caractérisée par un syndrome fémoro-patellaire :
− douleur à la descente des escaliers,
− douleur à la flexion prolongée du genou (signe du cinéma).
Cliniquement, une douleur à la pression de la rotule peut être retrouvée en appuyant la rotule sur la
trochlée et en la mobilisant, genou étendu (signe du rabot).
L'ascension contrariée de la rotule provoque la douleur (signe de Zöhlen). La palpation des facettes
articulaires peut reproduire la douleur.
Le traitement est chirurgical (prothèse, patellectomie, nettoyage articulaire sous arthroscopie)
lorsque le traitement médical devient insuffisant.
c) Affections génératrices de corps étrangers
• L’ostéochondrite disséquante
La problématique de cette affection chez l’enfant est développée au tome 1.
Affection caractérisée chez l’adulte par l'individualisation plus ou moins complète d'un fragment
d'os sous-chondral nécrosé et revêtu de son cartilage articulaire. Libéré dans la cavité, le fragment
constitue alors une "souris articulaire" ou un corps libre dans l'articulation. L'évolution vers la
libération dans l'articulation reste inconstante et des guérisons càd la cicatrisation du fragment en
place peuvent s'observer chez l’enfant principalement. L'affection est parfois bilatérale mais peut
exister au niveau d'autres articulations telles le coude, la cheville ou la hanche. Elle a une prédilection
pour les surfaces convexes : elle intéressera au genou, la partie externe du condyle interne.
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La pathogénie reste actuellement obscure mais la majorité des auteurs s'accordent pour une origine
traumatique ou microtraumatique; c’est une pathologie de surcharge.
Clinique
Elle dépend du stade de l'affection. Elle peut être asymptomatique ou ne causer qu'une gêne après
un effort ou une instabilité ("passage à travers") ou encore une hydarthrose chronique ou à
répétition. Si le fragment se libère, la douleur mécanique devient plus importante, de même que des
épisodes de blocage du genou peuvent apparaître.
Imagerie
Il est classique de considérer 3 stades.
• Stade 1 : stade de la nécrose. Ilot osseux nécrotique non isolé du voisinage.
• Stade 2 : l’îlot osseux s'est isolé du socle osseux sous-jacent. Le cartilage articulaire n'est pas
rompu. Stade de la séquestration. Ce stade peut encore être réversible.
• Stade 3 : stade de la libération. L’îlot devient "une souris articulaire", source potentielle de
blocage articulaire.
La résonance permet de stadifier avec plus de précision et d'analyser l'atteinte éventuelle du
cartilage.
Traitement
Il est rare d'observer la libération du fragment avant la fermeture du cartilage de croissance. Le
traitement sera toujours conservateur chez l'enfant. Abstention d'activités sportives (pour éviter les
sollicitations tangentielles du cartilage), genouillère plâtrée pour 3 semaines si nécessaire. Chez
l'adolescent et l'adulte, une arthroscopie sera réalisée en cas de symptômes et le fragment sera refixé
ou enlevé selon les cas.
• L’(ostéo)chondromatose synoviale
Affection de la synoviale qui produit par métaplasie des nodules de cartilage ou d'os. Ces nodules
peuvent se détacher de la synoviale et se déplacer dans la cavité articulaire.
Ils peuvent croître, nourris par la synoviale. Tant qu'il n'y a pas d'ossification, les corps étrangers
produits ne sont pas visibles à la radiographie.
70
Cliniquement, il y des épisodes de blocage accompagnés de douleurs chroniques et hydarthrose.
Le traitement consiste à l'ablation des corps par arthroscopie.
4. Déviations angulaires du genou dans le plan frontal
Le fémur oblique en bas et en dedans, forme avec le tibia vertical un angle fémoro-tibial de 5 à 10°
ouvert en dehors. Les contraintes mécaniques s'appliquent aux 2 membres inférieurs en charge selon
l'axe mécanique de chaque membre. Celui-ci relie le centre de la tête fémorale au milieu de la
mortaise tibiale, en passant par le milieu du genou.
En station debout, pieds joints, les genoux et les malléoles se touchent.
Le genu valgum est défini par un angle fémoro-tibial supérieur à 10° avec un axe mécanique qui
passe en dehors du centre du genou. La distance entre les deux malléoles augmente et est supérieure
à 10 cm. On parle de "genoux en x" ou "genoux cagneux".
Le genu varum est défini par un angle fémoro-tibial inversé, ouvert en dedans. L'axe mécanique
passe en dedans du milieu du genou. Les malléoles se touchent. On parle de "genoux arqués"
"genoux entre parenthèses".
En général, les déviations dans le plan frontal sont bien tolérées longtemps. Les patients ne
consultent soit que pour raison esthétique lorsque la déviation est importante, soit que lorsque le
genou devient douloureux, càd qu'au moment où se constitue l'arthrose.
Les étiologies de ces déviations sont diverses.
La déviation peut être physiologique : en effet, les nourrissons ont un genu varum qui peut
s'observer jusqu'à 3-4 ans au plus tard. Ensuite, l'enfant développe un genu valgum qui se normalise
vers 6-7 ans avec la croissance.
• Genu varum pathologique
Ecart intercondylien supérieur à 10 cm.
Maladie de l'épiphyse tibiale interne (maladie de Blount) ou séquelle traumatique du cartilage. Le
rachitisme est une autre cause classique.
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Le traitement est conservateur dans les déviations mineures, sauf si la déformation évolue après l'âge
de 8 ans.
• Genu valgum pathologique
Ecart intermalléolaire supérieur à 10 cm. Séquelle traumatique ou rachitisme sont les causes les plus
fréquentes d'un valgus pathologique.
Chez l'enfant, une correction chirurgicale sera rare sauf dans les cas de tibia vara (maladie de Blount).
Chez l'adolescent, un arrêt temporaire de l'activité d'un cartilage de croissance par agrafage du côté
long permet de rétablir la symétrie de croissance.
Chez l'adulte, une déviation angulaire provoquera une arthrose du compartiment surchargé
(compartiment externe si genu valgum). Une ostéotomie de correction sur l'épiphyse tibiale ou
fémorale permet d'arrêter la progression des lésions en réaxant le membre inférieur.
5. La gonarthrose
Etiologies
Le genou est l'articulation la plus atteinte par l'arthrose. L'atteinte est primitive sans déséquilibre
apparent du genou (forme essentielle) mais peut également être secondaire suite à une fracture
articulaire, une ablation d'un ménisque, une déviation axiale ou encore une instabilité chronique du
genou ou à toute pathologie articulaire chronique.
Clinique
La gonarthrose se traduit par des douleurs mécaniques (au dérouillage, à la marche, à la fatigue).
Craquements et dérobements sont possibles, de même que l'atrophie du quadriceps.
Traitement
Le traitement dépendra de l'étiologie. L'ostéotomie sera indiquée dans les déviations angulaires.
Une prothèse ne remplaçant que le compartiment atteint ou l'ensemble du genou pourra être
proposée également mais plus volontiers chez les personnes de plus de 65 ans. En cas de contreindications chirurgicales, on peut infiltrer le genou avec un dérivé de la cortisone type Lederspan.
6. Les hygromas
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Il s'agit d'une inflammation des bourses séreuses qui sont nombreuses au genou.
a) Le kyste poplité
Il s'agit d'un kyste séreux développé aux dépens d'une des bourses postérieures du genou, soit celle
du tendon poplité, soit celle du jumeau (gastrocnémien) interne ou encore une autre.
Le point particulier est qu'il y a presque toujours communication entre la bourse et la cavité
synoviale postérieure du genou.
Le kyste peut s'étendre le plus souvent derrière le jumeau interne. Ce kyste n'est présent qu'en cas
d'irritation de la synoviale et est donc une lésion "satellite" d'une pathologie intraarticulaire
(problème rotulien ou méniscal, arthrose, arthrite rhumatoïde). Il est accessible à la palpation qui
permet d'apprécier la fluctuation, le patient étant en décubitus ventral.
Cliniquement, il peut entraîner une gêne fonctionnelle et des douleurs discrètes.
L'échographie est le moyen le plus commode de le mettre en évidence. L'excision est rarement
nécessaire si la cause première est traitée. Une arthroscopie-lavage peut être également efficace. Le
diagnostic différentiel doit évoquer un anévrisme (masse pulsatile). Le kyste poplité rompu peut
causer un oedème du mollet qui ne sera pas confondu avec une phlébite profonde.
Chez l’enfant, le kyste poplité n’est généralement pas en rapport avec l’articulation du genou; il
peut disparaître spontanément. Il faut donc confirmer le diagnostic par échographie et suivre
simplement l’évolution clinique.
b) Hygroma prérotulien
Collection séreuse au devant de la rotule (genou du parqueteur). La collection est prérotulienne,
extraarticulaire (absence de choc rotulien). Celle-ci est secondaire à un traumatisme le plus souvent
répété de façon inhabituelle. Le traitement est conservateur.
X. Pathologie de la cheville
A. Pathologie traumatique
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1. Rupture du tendon d’Achille
• Elle est causée par un impact violent sur un tendon sous tension. C’est souvent un accident
sportif chez l’amateur d’une quarantaine d’années.
• On note une douleur en coup de fouet, suivie d’une impotence fonctionnelle relative (la
marche est souvent encore possible).
• Il faut distinguer la rupture du tendon d’Achille du « claquage » musculaire.
Signes cliniques
On palpe la solution de continuité.
Signe de Thompson.
Impossibilité de se mettre sur la pointe du pied.
Examen complémentaire : l’échographie.
Traitement
Bien qu’il y ait eu des écoles préconisant le traitement conservateur par immobilisation plâtrée
en équin pendant deux mois, le traitement classique est chirurgical.
• Soit suture tendineuse classique.
• Soit suture tendineuse renforcée par le plantaire grêle.
• Soit suture percutanée.
2. Les ruptures ligamentaires de la cheville
En bref, les « entorses » de la cheville sont fréquentes. Il faut distinguer les entorses bénignes
des entorses graves entraînant une laxité articulaire.
La laxité articulaire est soit la conséquence de traumatismes sportifs majeurs entraînant la rupture
complète de plusieurs ligaments, soit le résultat de traumatismes itératifs chez des patients ayant
une laxité articulaire constitutionnelle.
Distinguer
• les entorses en varus ou inversion, qui lèsent le complexe ligamentaire externe,
• les entorses en valgus ou éversion, qui se compliquent souvent d’une fracture malléolaire.
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Signe clinique : l’hématome en « oeuf de pigeon ».
Bilan
• radiographie standard
• épreuves dynamiques en varus-valgus (en l’absence de fracture)
• recherche du tiroir antérieur de Castaing
• (examen sous anesthésie)
• (arthrographie).
Traitement
• entorse bénigne : strapping ou appareillage type Aircast;
• entorse grave avec laxité :
− immobilisation plâtrée s’il s’agit d’un premier accident,
− réparation chirurgicale en cas de lésion majeure chez le jeune sportif.
Instabilité séquellaire
Il existe des interventions pour instabilité séquellaire en varus principalement. Il faut toujours
essayer d’abord la prescription d’une semelle rétablissant le valgus de l’arrière pied et une
rééducation proprioceptive.
On pratique actuellement en cas d’instabilité handicapante, des interventions de remise sous
tension des ligaments plutôt que des ligamentoplasties.
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Pour en savoir plus:
Message d’actualité.
Les entorses externes de la cheville.
J.J.Rombouts
Service de chirurgie orthopédique et de traumatologie des cliniques universitaires Saint-Luc, 1200 Bruxelles.
Mots clés : Entorse, déchirure ligamentaire, instabilité, traumatisme, cheville, articulation tibio-tarsienne.
RESUME
Au cours de ces dix dernières années, l’attitude thérapeutique face aux entorses de la cheville
s’est considérablement modifiée. Plusieurs études rétrospectives et quelques études prospectives
ont démontré que le traitement chirurgical ou le traitement orthopédique comportant une
immobilisation plâtrée prolongée n’était pas supérieur au traitement fonctionnel.
Parallèlement, les moyens d’investigation et en particulier les techniques d’imagerie ont été
développés. Ces examens complémentaires ont montré la grande fréquence des lésions associées
aux ruptures du complexe ligamentaire externe de la cheville ont permis de démembrer ce que l’on
commence à appeler le « syndrome de l’entorse externe ».
Quel qu’ait été le traitement de l’accident initial, des patients développent une instabilité chronique de la cheville.
Le traitement conservateur du syndrome d’instabilité chronique de la cheville a bénéficié de l’apport des techniques
de rééducation proprioceptive et des progrès de l’appareillage. Le traitement chirurgical de la laxité externe
chronique de la cheville a évolué vers des techniques de reconstruction ligamentaire plus anatomiques préservant les
muscles longs qui sont des stabilisateurs dynamiques de la cheville .
INTRODUCTION
L’entorse de la cheville est un des traumatismes le plus fréquent en pratique générale comme en
pratique sportive ou militaire. Des études prospectives ont démontré que les traumatismes aigus
de la cheville représentaient 16 à 21 % des lésions traumatiques survenant lors de la pratique
sportive (1).C’est surtout le complexe ligamentaire externe qui est vulnérable.
Ce complexe ligamentaire externe de la cheville est constitué de trois ligaments: le ligament
péronéoastragalien antérieur, le ligament péronéocalcanéen et le ligament péronéoastragalien
postérieur. Le ligament péronéoastragalien antérieur est presque horizontal lorsque le pied est à
angle droit. Par contre, il est presque vertical lorsque le pied est en équin et il a alors un rôle de
ligament collatéral(2).Comme la plupart des entorses en inversion du pied surviennent en équin,
c’est le ligament le plus fréquemment lésé. Près de deux tiers des entorses de la cheville
concernent le ligament péronéoastragalien antérieur isolément. Si le traumatisme en inversion est
plus important, le ligament péronéocalcanéen peut également être lésé. Brodström a observé des
lésions combinées de ces deux ligaments chez 20% de ses patients alors qu’il n’a jamais observé
de lésion isolée du ligament péronéocalcanéen(3). Des investigations plus récentes semblent
démontrer que les lésions combinées sont plus fréquentes encore.
CLASSIFICATION
Classiquement on distingue les entorses bénignes des entorses graves. Une classification en trois
niveaux de gravité s’est imposée :
76
-
Les entorses de grade 1 sont de simples étirements ligamentaires sans lésion
macroscopiquement visible des ligaments. Il peut y avoir un gonflement et une douleur locale
mais il n’y a ni déficit fonctionnel ni instabilité objective.
- Les entorses de grade 2 comportent une lésion ligamentaire en continuité. Il y a généralement
des signes locaux sous forme d’un gonflement et d’une douleur élective. Il peut exister une
limitation de la mobilité articulaire qui est due principalement à la douleur et un certain degré
d’instabilité articulaire.
- Les entorses de grade 3 se caractérisent par une rupture ligamentaire complète avec
gonflement, hématome instabilité et laxité articulaire.
Au niveau de la cheville, l’apparition immédiate d’un hématome pré et sous malléolaire externe
("hématome en œuf de pigeon") est considéré comme un signe de gravité.
DIAGNOSTIC CLINIQUE
L’anamnèse va permettre d’évaluer l’importance et le mécanisme du traumatisme. La position de
la cheville lors de l’accident est importante à connaître pour définir la lésion. Le blessé ou son
entourage signale souvent la perception d’un craquement.
L’examen clinique comportera classiquement (4):
-L’inspection qui permet d’observer le gonflement local et l’hématome. En cas d’entorse
classique du complexe ligamentaire externe, le gonflement et l’hématome sont localisés en pré et
sous-malléolaire. Un gonflement plus haut situé doit évoquer une lésion de la syndesmose. Un
gonflement plus distal au stade aigu évoque une lésion sousastragalienne ou médiotarsienne.
-La palpation a pour but de localiser une douleur élective ou une déformation.
-Il faut toujours palper le tendon d’Achille à la recherche d’une éventuelle solution de continuité.
-L’examen de la mobilité montrera une restriction de la mobilité liée à la douleur et permettra
surtout de localiser plus précisément la lésion en fonction du type de mouvement qui provoque
la douleur principale. Il faut en effet dépister des lésions plus rares mais aussi plus graves que la
banale entorse externe comme les luxations du Lisfrancs qui peuvent survenir à l’occasion de
traumatismes apparemment mineurs (comme par exemple une mauvaise réception sur la pointe
du pied lors de la pratique de la danse de salon).
-Divers tests cliniques peuvent être utiles, comme par exemple l’examen de la mobilité active du
pied en éversion-inversion à la recherche d’une luxation des tendons péroniers et surtout
l’examen de la flexion plantaire de la cheville contre résistance à la recherche d’une rupture du
tendon d’Achille.
-L’examen systématique comprend la palpation des pouls et des tests de sensibilité.
-Les tests de stabilité articulaires sont difficiles à réaliser au stade aigu. Le test du tiroir antérieur
de la cheville a été décrit par un auteur de langue allemande dès 1934(5,6). Il est connu dans la
littérature française sous le nom de test de Castaing (7). C’est le ligament péronéoastragalien
antérieur qui limite le déplacement vers l’avant de l’astragale dans la mortaise tibiopéronière. Une
lésion associée du ligament péronéocalcanéen ne majore pas le mouvement de tiroir. L’instabilité
peut également être testée par le test de bascule astragalienne (« talar tilt test »).Ce test est
surtout utilisé lors du bilan radiologique pour objectiver une laxité articulaire (épreuves en varusvalgus).La bascule astragalienne en varus peut varier de 0° à 25° chez un individu normal. Il est
donc important d’examiner les deux chevilles avant de conclure à une laxité posttraumatique.
C’est la rupture combinée des ligaments péronéoastragaliens et péronéocalcanéens qui permet les
bascules pathologiques de l’astragale dans la mortaise.
BILAN COMPLEMENTAIRE.
77
Tout traumatisme de la cheville justifie un examen radiographique standard (8, 9) avant des
manœuvres propédeutiques appuyées et des tests d’instabilité. L’examen standard a évidemment
pour objectif d’exclure une fracture. Il s’agit de rechercher les fractures malléolaires mais
également des lésions plus rares comme les fractures du sustentaculum tali. En cas de douleur
mal localisée ou de gonflement diffus, il faut une fois de plus examiner avec attention les
articulations tarsométatarsiennes dont les luxations peuvent échapper à un examen trop rapide.
Les examens spécifiques sont (4):
-Les épreuves dynamiques de la cheville qui seront réalisées au stade aigu sous anesthésie locale
si on suspecte une laxité majeure chez un jeune sportif (cf discussion thérapeutique).
-Il n’existe malheureusement pas de test simple permettant d’évaluer la stabilité de l’articulation
sous astragalienne. Si la clinique est évocatrice d’une pathologie sousastragalienne ou
médiotarsienne, il faudra avoir recours à la tomographie axiale computerisée(CTScan) ou à la
résonance magnétique nucléaire (IRM) (10, 11, 12).
-L’arthrographie opaque de la cheville a été popularisée par Broström (3).Elle n’est plus guère
utilisée au stade aigu. Il persiste comme indication de l’arthrographie de cheville l’évaluation
d’une instabilité subjective lorsqu’il ne peut être démontré de laxité articulaire alors que la
statique et la fonction neuromusculaire n’est pas altérée. Cet examen invasif est actuellement le
plus souvent remplacé par l'IRM.
-La résonance magnétique nucléaire permet de visualiser les lésions ligamentaires (10, 11) et en
particulier les lésions du ligament astragalocalcanéen (12) qui constitue le pivot de l’articulation
sousastragalienne dont l’évaluation clinique et radiographique est difficile. Cet examen permet
également de documenter les lésions ostéochondrales qui peuvent compliquer les lésions
ligamentaires.
-L’échographie permet d’analyser les ligaments de la cheville et en particulier le faisceau antérieur
et le faisceau moyen du plan ligamentaire latéral avec une précision de l’ordre de 2 mm (13, 14).
-La scintigraphie osseuse est un examen sensible mais peu spécifique qui est indiqué en cas de
douleurs persistantes inexpliquées . En cas d'hyperfixation, elle permet d'orienter un examen
radiologique complémentaire.
-L’arthroscopie n’a pas d’indication au moment du bilan lésionnel. Cette technique permet de
traiter des lésions séquellaires et en particulier d’enlever les fragments ostéochondraux libérés.
TRAITEMENT
Le traitement des entorses de la cheville a fait l’objet d’un nombre considérable de recherches et
de discussions au cours de ces dernières années.
Il est admis que les entorses bénignes de grade 1 et 2 guérissent rapidement sans séquelle quel
que soit le traitement. Par contre en ce qui concerne les entorses dites graves de grade 3,la
controverse se poursuit.
Traitement des entorses bénignes :
Immédiatement après le traumatisme, l’application de glace et d’un bandage compressif peut
diminuer les phénomènes inflammatoires et en conséquence accélérer la récupération.
L’application d’un support externe sous forme d’un bandage élastique ou adhésif ou d’une
orthèse peut diminuer la douleur et augmenter le confort.
Enfin, après quelques jours de repos, un traitement de kinésithérapie comportant des exercices de
tonifications des muscles péroniers et une rééducation proprioceptive peut accélérer la
récupération du niveau de performance sportive.
78
Chez les cadets de l’armée américaine, Jackson et coll.(15) font état d’une incapacité sportive de
8 jours en cas d’entorses de grade 1 et de deux semaines en cas d’entorses de grade 2.
Traitement des entorses graves :
Le traitement des entorses graves du complexe ligamentaire externe reste très discuté. Il a été
recommandé de traiter chirurgicalement les entorses graves du jeune sportif et de traiter par six
semaine d’immobilisation plâtrée les déchirures ligamentaires de la cheville du sujet sédentaire.
Récemment, le traitement fonctionnel par simple protection à l’aide d’une orthèse a été proposé
et démontré efficace.
Kannus et Renström en 1991 (1) ont revu en détail les études contrôlées comparant ces trois
traitements. Je traduis ci-dessous leur discussion :
-Il y a cinq études qui comparent le traitement chirurgical et l’immobilisation plâtrée. Trois
auteurs (16,17,18)concluent que l’immobilisation plâtrée est le traitement de choix. Clark et coll
(19) recommandent également l’immobilisation plâtrée si ce n’est chez le jeune athlète avec une
bascule astragalienne de plus de 15°, qu’ils opèrent. Prins (20) recommande l’opération de façon
quasi systématique.
-Il y sept études qui comparent les trois types de traitement. Quatre (21,22,23,24)
recommandent sans réserve le traitement fonctionnel et trois(3,25,26) font une réserve à propos
des lésions majeures du jeune athlète qui reste candidat à la réparation chirurgicale..
Kannus et Renström (1) concluent que, sur base de leur revue de la littérature, le traitement de
choix des entorses graves de la cheville (rupture complète du complexe ligamentaire externe) est
le traitement fonctionnel. Ce traitement fonctionnel comprend une brève période de protection à
l’aide d’un bandage adhésif ou non ou encore d’une orthèse. La mise en charge est autorisée
rapidement et un traitement de rééducation proprioceptive est prescrit. La duré de l’appareillage
n’est pas précisée dans cet article qui fait état de 0 à 5 semaines. Les auteurs apportent les
arguments suivants :
-Le traitement fonctionnel est le moins onéreux et est celui qui permet la reprise d’activité la plus
rapide.
-En l’absence de différence quant à la qualité de la cicatrisation ligamentaire, le traitement
fonctionnel est celui qui donne le moins de complication (la simple immobilisation plâtrée est
grevée de risques propres comme les phlébothrombose et les compressions du nerf sciatique
poplité externe qui ne peuvent toujours être prévenues).
-Si le traitement doit se solder par une instabilité résiduelle, les interventions chirurgicales
secondaires donnent actuellement de très bons résultats (cf les situations séquellaires).
Ces études n’apportent cependant pas une réponse satisfaisante à certaines situations
particulières comme les lésions anatomiques majeures qui restent une indication opératoire ( par
exemple une avulsion ostéopériostée du complexe ligamentaire externe déterminant une
subluxation rotatoire de l’astragale dans la mortaise ). En outre elle ne prennent pas en
considération les lésions dégénératives survenant à très long terme chez les sportifs soumis à des
lésions itératives(27).
On peut conclure que, de nos jours, sauf situation particulière, le traitement des entorses graves
de la cheville peut être un traitement fonctionnel. De nombreuses orthèses sont apparues sur le
marché. L’efficacité de plusieurs d’entre elles a été démontrée (28,29).Des études comparatives
n’ont pas jusqu’à présent démontré de supériorité définitive de l’un ou l’autre modèle
(30,31,32). Nous utilisons des orthèses de protection latérale restreignant modérément la
mobilité en flexion extension.
79
LES SITUATIONS SEQUELLAIRES
Après un traumatisme de la cheville, les principales séquelles sont à court terme les douleurs
résiduelles et l’instabilité subjective. A plus long terme, il peut y avoir une dégénérescence
arthrosique qui peut devenir handicapante (27).
Les douleurs persistantes :
Les douleurs persistantes après entorse de la cheville peuvent être dues à des lésions intra ou
extraarticulaires comme des conflits cicatricels (33) des fractures ostéochondrales ou des lésions
tendineuses (34).
Bassett et coll. (33) ont décrit en 1999 un épaississement du fascicule antéroinférieur du ligament
péronéotibial antérieur dont la résection a soulagé leurs patients. Récemment, Gerber et coll.
(35) ont confirmé qu'une lésion associée de la syndesmose tibiopéronière était une cause
fréquente de douleurs résiduelles.
On a également décrit des lésions longitudinales des tendons péroniers (36) et même des
avulsions ou des luxations de tendon du muscle jambier postérieur (37, 38).
Certaines lésions intraarticulaires peuvent être traitées par endoscopie (39).
L'avènement de l'imagerie en résonance magnétique nucléaire a démontré que les lésions associées
étaient beaucoup plus fréquentes qu'on ne le suspectait. Il peut s'agir de lésions osseuses sévères
(40) ou de simples contusions qui ne péjorent pas nécessairement le pronostic (41, 42) ou encore
de lésions de l'articulation sous astragalienne ou du sinus du tarse (43). Beaucoup de douleurs
résiduelles après entorses sont dues à des lésions associées.
Celles-ci sont tellement fréquentes que Fallat et coll. (44) recommandent d'utiliser plutôt le terme
de "syndrome de l'entorse externe". La première démarche en cas de consultation pour douleurs
résiduelles est donc de rechercher une lésion associée.
L'instabilité résiduelle :
Quel qu'ait été le traitement initial, 20 % des patients qui ont présenté une entorse de grade 3 se
plaignent d'instabilité résiduelle (45). Cette instabilité résiduelle peut être liée à une laxité de
l’articulation tibiotarsienne en tiroir ou en varus et être péjorée par une instabilité
sousastragalienne(46).
La première étape lors d’une consultation pour instabilité de la cheville est d’évaluer le
morphotype et l’état neuromusculaire. Il faut ensuite évaluer objectivement la laxité par des tests
radiologiques dynamiques. Un tiroir antérieur de plus de 10 mm est pathologique. Une bascule de
l’astragale dans la mortaise tibiopéronière de plus de 10 degrés est pathologique dans la majorité
des cas. En cas de laxité constitutionnelle,la limite du pathologique est une différence de 5 degrés
par rapport au coté non symptomatique (45).
L’évaluation de la laxité sous-astragalienne est difficile (12, 43, 47). La fréquence des lésions
sousastragaliennes et leur rôle dans les instabilités résiduelles a probablement été sous-estimé
(48).
Une instabilité subjective justifie un traitement par rééducation proprioceptive de la cheville,un
rehaussement du bord externe de la semelle de la chaussure et une protection par bandage
collé(« taping ») lors de la pratique sportive. Le but de la rééducation proprioceptive de la
cheville est d’optimaliser l’équilibre entre les muscleséverseurs et les inverseurs du pied et
d’arriver à compenser les structures ligamentaires externes déficientes par une contraction
adéquate et en temps utile des éverseurs (49,50,51).
Une instabilité subjective entraînant des accidents répétés associée à une laxité objectivée doivent
faire considérer l’indication d’une stabilisation chirurgicale par ligamentoplastie externe.
L’objectif de la ligamentoplastie est de restaurer une stabilité passive de l’arrière pied. Dans la
80
majorité des cas, compte tenu du caractère complexe des lésions, il faut reconstruire
fonctionnellement le ligament péronéoastragalien antérieur et le ligament péronéocalcanéen.
Beaucoup de techniques anciennes sacrifiaient le court péronier latéral qui est le principal
stabilisateur dynamique de la cheville (Elmslie,52 ; Evans,53 ; Watson-Jones,54 ;Castaing,55).
Les techniques de réparation directe ont été popularisées par Bodström (3) et par Duquennoy
(56,57). Bodström(3) réalise une suture secondaire directe des ligaments après axcision du tissu
cicatriciel. Duquennoy(56,57) comme Karlsson et coll.(58) remettent le complexe
capsuloligamentaire externe sous tension par réinsertion transosseuse à la malléole externe. Il est
recommandé de retendre dans tous les cas les deux ligaments principaux (péronéoastragalien
antérieur et péronéocalcanéen). Ces interventions ont un taux de succès supérier à 80 %. Les
échecs surviennent principalement chez les patients hyperlaxes : dans cette situation,il vaut
probablement mieux renforcer la suture par uneplastie à l’aide du plantaire grèle ou de fascia lata.
Les indications persistantes de ligalmentoplactie au court péronier latéral concernent les laxités
de la cheville observées en cas de paralysie éventuellement après arthrodèse du couple de torsion
(cette situation se rencontre principalement dans les neuropathies périphériques héréditaires de
type Charcot-Marie).
L’arthrose posttraumatique :
Il est d’observation courante que les entorses récidivantes et la laxité chronique se compliquent,
principalement chez le sportif , de lésions dégénératives de la cheville. Ces arthroses après
entorses constituent avec les arthroses compliquant les fractures de la cheville des indications
d’arthrodèse tibioastragalienne.
Il y a paradoxalement peut de publications récentes sur ce sujet. La publication classique de
Harrington en 1979 fait état d’une série de 36 patients qui au stade des lésions dégénératives
débutantes ont été bien soulagés par des interventions stabilisatrices. L’étude de Gross et Marti
réalisée en Suisse chez des anciens joueurs de volleyball de haut niveau révèle 19 arthroses chez
22 joueurs dont 8 ont étés opérés pour entorse grave. Il n’est pas démontré que le traitement des
laxités chroniques de la cheville prévient la dégénérescence arthrosique mais on peut le supposer
(45).
PREVENTION
L’étude des lésions séquellaires démontre bien que si la majorité des entorses ont une évolution
bénigne il s’agit néanmoins d’une pathologie qui entraîne des incapacités de travail et dont les
conséquences peuvent être handicapantes à long terme. Le port de souliers de sports
adaptés(59), de protections stabilisatrices(60) et, en cas d’instabilité d’orthèses (28, 29, 30, 31,
32) ou la réalisation d’un taping ainsi que le choix d’un revêtement de sol adéquat sont des
mesures préventives qui relèvent de la médecine du sport. Le traitement chirurgical des laxités
chroniques de la cheville devrait probablement également contribuer à réduire les séquelles
tardives de ces accidents.
SUMMARY
The treatment of acute complete (grade III) tears of the lateral ligamants of the ankle has
generated much controversy in the medical literature. The functional treatment is becomed the
standard treatment as it has been shown that there is no striking difference in the long term
results whatever the treatment was (operative repair and cast,cast alone,or early controlled
mobilization).
Functional treatment includes only a short period of protection by tape bandage,or brace,and
allows early weight-bearing. Major trauma with avulsion of bone and severe ligamentous damage
81
on both the medial and the lateral sides of the ankle remains however a situation in which
operation should still be considered in the acute phase.
Secondary operative reconstruction can be performed in case of persistant instability and laxity
of the ankle. Secondary anatomic repair as proposed by Bodström,Duquennoy et al. and
Karlsson et al. has a hight rate of success and avoid the potential morbidity of haversing a part of
the totality of the peroneus brevis or other tendon grafts.
The evaluation of the injured ankle is improving
and in selected patients
ultrasonography,arthrography,magetic resonance imaging or bone scintigraphy may be useful for
further evaluation of the injury. The frequency of associated injuries has probably been
underestimated . If the ankle sprain is often thought of as an injury involving only the lateral
ankle ligaments,there are varied and multiple components to the common sprained ankle .This
condition would perhaps more approprialy be designed as the sprained ankle syndrome .
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3. Les fractures malléolaires
Les fractures de cheville sont fréquentes.
On observe régulièrement la combinaison de lésions ligamentaires et de fractures malléolaires.
La classification des fractures malléolaires est complexe. Elle intègre le mécanisme de la fracture
et la lésion.
La fracture bimalléolaire classique porte le nom de fracture de DUPUYTREN.
On appelle fracture de MAISONNEUVE l’association d’une lésion interne (fracture de malléole
ou entorse grave à une fracture haute du péroné).
En cas de lésion de la syndesmose tibiopéronière, on parle de DIASTASIS. Ce diastasis peut
survenir suite à des lésions ligamentaires, mais aussi suite à des fractures déstabilisant la cheville.
Traitement
Les fractures malléolaires sont des fractures articulaires instables. Sauf exception, elles sont
traitées par ostéosynthèse.
4. Fracture du pilon tibial
Fracture articulaire généralement instable.
5. Fracture de l’astragale
Traumatisme important.
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Risque de nécrose aseptique car le corps a une vascularisation terminale qui peut être
interrompue par la fracture.
Nécessité d’ostéosynthèse en cas de fracture déplacée.
6. Fracture du calcanéum
Chute d’un lieu élevé.
Atteinte fréquente de la surface articulaire = FRACTURE TRANSTHALAMIQUE.
L’enfoncement du thalamus peut être évalué en mesurant l’angle de Böhler.
Ces fractures, quand elles sont déplacées, donnent des séquelles importantes que l’on peut tenter
de minimiser par un traitement chirurgical.
7. Luxation de Lisfranc
Problème de diagnostic !!!
B. Pathologie non traumatique de la cheville
1. Ostéochondrite de l’astragale - ostéochondrose ou fracture ostéochondrale ?
2. Ostéophytose antérieure de la cheville chez le joueur de football (« impigement »).
3. Tendinopathie du jambier postérieur.
4. Tendinopathie du tendon d’Achille
• éviter les injections de corticostéroïdes car elles fragilisent le tendon (risque de rupture);
• essayer une talonnette surélevant le talon; choisir une matière absorbante (sorbothane podofoam).
XI. Pathologie du pied
A. Pathologie traumatique
1. Pathologie traumatique de l’arrière pied : voir traumatismes de la cheville.
2. Fractures des métatarsiens
L’apophyse styloïde du 5e métatarsien peut être avulsée avec l’insertion du tendon du court
péronier latéral lors d’un mouvement d’inversion du pied. En cas de déplacement peu important,
c’est une lésion bénigne qui peut être traitée par un simple bandage et la protection de la marche
par des cannes béquilles jusqu’à indolence.
86
Il faut distinguer cette avulsion de la fracture de Jones, qui est plus distale et nécessite une
immobilisation plus stricte et plus prolongée.
Les fractures des métatarsiens, particulièrement si elles surviennent au niveau du col, doivent être
correctement réduites et stabilisées car un cal vicieux peut entraîner des métatarsalgies.
Les métatarsiens sont un des endroits de prédilection des fractures de fatigue ou « fractures de
marche ».
On peut observer des luxations, principalement au niveau de l’articulation métatarsophalangienne
du gros orteil. Elles sont généralement stables après réduction.
3. Fractures de phalange
Les fractures fermées de phalange des orteils surviennent généralement à la suite d’un choc direct
ou à un écrasement. Elles sont généralement stables et ne nécessitent qu’un traitement simple :
soulier médical à semelle rigide (sabot) et syndactylisation par taping.
Les fractures ouvertes des orteils peuvent être associées à des lésions sévères des tissus mous.
Elles surviennent souvent suite à des accidents de tondeuses à gazon.
Le pronostic dépend de la gravité des tissus mous.
Il faut s’assurer de la prévention
antitétanique et réaliser un débridement adéquat, préalablement à toute chirurgie reconstructrice.
B. Pathologie non traumatique
1. Le pied de l’enfant
Voir vol. 1, chap. IV
2. Les troubles statiques du pied chez l’adulte
Le pied plat de l’adulte
• peut être la conséquence d’un trouble statique de l’enfance et se compliquer d’arthrose;
• peut être associé à une malformation du squelette (« barre » tarsal coalition), il se caractérise
alors par sa rigidité;
• peut être la conséquence d’un traumatisme et avoir été entraîné par une fracture du calcanéum
par exemple;
• peut être la conséquence d’une rupture dégénérative du tendon du muscle jambier postérieur;
87
• s’observe en cas d’atteinte des articulations de l’arrière pied au cours de la polyarthrite
rhumatoïde.
Le pied creux de l’adulte
La réduction des zones d’appui plantaire peut entraîner des hyperkératoses de surcharge.
L’avant-pied rond
C’est le trouble statique le plus fréquent chez l’adulte.
Il est lié à « l’affaissement » de l’arche métatarsienne.
Le trouble statique peut être complexe et comprendre
• une déformation en hallux valgus du 1er rayon;
• des métatarsalgies moyennes avec durillon.
Il peut se compliquer
• de fracture de fatigue des métatarsiens;
• de luxation d’origine dégénérative des articulations métatarsophalangiennes des 2e et 3e
rayons;
• de névrome de Horton (compression du nerf intermétatarsien);
• d’orteil en marteau.
Le traitement préventif est le port de chaussures correctes ne comprimant pas l’avant-pied.
Le traitement curatif est le port d’une semelle orthopédique adaptée avec appui rétrocapital.
La chirurgie de l’avant-pied est délicate. Les indications doivent être posées avec circonspection
en particulier chez le jeune.
Certaines interventions comme les résections des têtes des métatarsiens peuvent entraîner des
séquelles majeures difficilement rattrapables si elles ne sont pas réalisées à bon escient.
3. Diagnostic différentiel des douleurs chez l’adulte
Aigu : penser à la goutte.
Subaigu : penser aux fractures de fatigue et au névrome de Morton.
Chronique : les lésions de surcharge, les troubles statiques, les lésions arthrosiques.
Toujours penser à éliminer
• une polyneuropathie
• une radiculalgie d’origine lombaire
88
• un trouble vasculaire.
L’épine calcanéenne, l’aponévrosite plantaire, le syndrome du sinus du tarse, les syndromes de
compression de la branche talonnière du nerf tibial interne sont des diagnostics à n’évoquer
qu’après avoir éliminé les principales causes évoquées d’abord.
4. Les problèmes podologiques
L’ongle incarné
• prévention : hygiène adéquate, chaussures de largeur convenable;
• prédisposition : l’ongle en tuile;
• complication : le bothryomycome chronique ou le panaris périunguéal;
• traitement conservateur : soins pédicures (orthonyxis), antisepsie;
• traitement chirurgical : le simple désonglement n’est pas un traitement adéquat; la cure
chirurgicale nécessite une technique précise et n’est justifiée qu’en cas d’échec des mesures
conservatrices.
Le cor au pied est un durillon (hyperkératose). Il faut le distinguer de la verrue vulgaire.
L’hyperkératose est la conséquence d’une lésion de frottement qu’il faut corriger. Elle peut être
éliminée par des soins pédicures (râpe) ou par de la vaseline salicylée (R/ acide salicylique 5 g,
vaseline ad 30 g).
Il est dangereux d’appliquer le traitement d’une verrue vulgaire à un cor au pied. Il faut donc
établir le diagnostic avec précision.
L’oeil de perdrix s’appelle en anglais « soft corn ». Il s’agit d’un durillon « mou » qui se
développe au point de pression entre deux orteils en cas de saillie d’une joue condylienne
phalangienne. Il est favorisé par les souliers étroits et pointus.
XII. Pathologie de la colonne vertébrale
Plan
A. RAPPEL PHYSIOLOGIQUE
1. Anatomie fonctionnelle
2. Anatomie topographique
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3. Neuroanatomie
B. PATHOLOGIE TRAUMATIQUE DE LA COLONNE VERTEBRALE
1. Généralités
2. Rachis cervical
3. Rachis dorsolombaire
C. PATHOLOGIE NON TRAUMATIQUE DE LA COLONNE VERTEBRALE
1. Les cervicobrachialgies
2. La myélopathie cervicale
3. Les lombalgies
4. Les lomboradiculalgies
5. Autres irradiations dans le membre inférieur
6. Le canal lombaire étroit
7. Le spondylolisthésis
8. Troubles statiques, cyphose et scoliose
A. Rappel physiologique
1. Anatomie fonctionnelle
La colonne est composée de 24 vertèbres (7 cervicales, 12 dorsales, 5 lombaires), le sacrum et
coccyx appartenant au bassin. La colonne ou rachis est un système complexe :
• qui soutient le corps et la tête,
• qui protège la moelle et les racines,
• qui est maintenu par un puissant haubanage musculaire.
Hormis les deux premières cervicales, chaque vertèbre comprend
• un corps vertébral qui s'articule avec la vertèbre voisine par le disque intervertébral. Le corps
vertébral est constitué d'os spongieux entouré d'un os cortical. Sa face supérieure et inférieure
représente le plateau vertébral. Il est séparé du disque par un cartilage. C'est par cette interface
que se font les échanges métaboliques du disque. Le disque intervertébral comprend en son
centre le nucleus pulposus qui est un gel riche en eau. Ce noyau (sous pression) est contenu par
un anneau fibreux. Ce système permet d'amortir les contraintes mécaniques de façon efficace;
• deux articulations supérieures et inférieures à l'arrière, les lames, les apophyses et les pédicules;
90
• le canal vertébral dans lequel se trouve la moelle épinière est circonscrit par le corps et le disque à
l'avant et le pédicule et les lames derrière.
Chaque pièce osseuse est unie à sa voisine par des ligaments et deux articulations, outre le disque.
Les mouvements de la colonne se font dans les trois plans de l'espace :
• flexion-extension
• inclinaison latérale
• rotation.
2. Anatomie topographique
Colonne cervicale
Elle permet la flexion, l'extension et la rotation de la tête.
Les 2 premières cervicales sont particulières. C1 ("l'atlas") n'a pas de corps et ressemble à un
anneau à 2 articulations latérales. C2 ("l'axis") possède l'apophyse odontoïde qui est solidarisée à
C1 par un ligament puissant, le ligament transverse. L'articulation C1-C2 permet la moitié de la
rotation de la colonne cervicale, l'autre moitié se répartissant entre C2 à C7.
Les autres vertèbres C3 à C7 ont un aspect similaire. Elles ont un corps qui s'articule avec le disque
sus et sous-jacent. Latéralement, le corps est limité par l'apophyse unciforme. Les vertèbres
s'articulent entre elles par les apophyses articulaires.
Devant celles-ci, il y a les apophyses
transverses dans lesquelles passe l'artère vertébrale. Les 2 artères vertébrales se rejoignent dans le
crâne pour former le tronc basilaire. La flexion et l’extension sont maximales entre C4 et C6. Il n'y
a presque aucun mouvement entre C7-D1.
Colonne dorsolombaire
Les 17 pièces osseuses augmentent de taille vers la région caudale. Les disques intervertébraux sont
plus épais à chaque passage vers le niveau caudal. Seul, le disque L5-S1 est moins épais que le L4L5, le plus large de toute la colonne.
Schématiquement, le canal rachidien divise la vertèbre en une partie antérieure avec le corps et une
postérieure avec les deux pédicules, lames et apophyses (transverses, articulaires et épineuse).
Au thorax, les côtes limitent la mobilité de la colonne thoracique.
La moelle épinière s'arrête au niveau L1-L2 et se prolonge par la queue de cheval.
91
3. Neuroanatomie
La moelle est en continuité avec le cerveau, s'étendant du foramen magnum jusqu'à L2. La moelle
occupe 50 % du canal médullaire au niveau cervical et un peu moins plus bas. La moelle est
entourée par la dure-mère. Entre les deux, circule le liquide céphalo-rachidien qui protège la moelle
en amortissant les chocs. La moelle est encore protégée par la graisse épidurale qui se trouve entre
la dure-mère et le canal rachidien.
La moelle épinière ne descend que jusqu'à L1-L2.
(En fait, la moelle a grandi moins vite que la
colonne osseuse). En dessous, il n'y a plus que des racines. Les racines sont en contact des disques
intervertébraux et les parois osseuses. Elles peuvent être menacées par une saillie discale ou un
ostéophyte. A chaque segment, une racine sort par le trou de conjugaison.
Pour les racines
thoraciques et lombaires, les racines ont les noms de la vertèbre sus-jacente (ex. la racine L4 passe
entre L4-L5). Pour les racines cervicales, elles ont le nom de la vertèbre sous-jacente à l'exception de
C8 (7 vertèbres cervicales, 8 racines cervicales) (ex. C5 passe entre C4-C5, C8 entre C7 et D1).
B. pathologie traumatique de la colonne vertébrale
1. Généralités
Il faut un traumatisme violent pour provoquer une lésion de la colonne.
Les lésions varient en fonction de la topographie
• charnière dorsolombaire : c'est le siège le plus fréquent des traumatismes et notamment des
tassements
• colonne cervicale : siège de luxation-fracture fréquente
• colonne dorsale : siège de fracture comminutive et fréquence élevée de paraplégie.
On estime à 800 cas le nombre annuel de paraplégies traumatiques en France (Argenson, 1995).
2. Rachis cervical
Les traumatismes de la colonne cervicale prédominent chez le sujet jeune avec un pic de 20 à 30 ans.
Ce sont les accidents de voiture qui en sont la cause principale. La 2e cause est représentée par les
accidents de plongée.
Mécanismes des lésions
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On distingue classiquement les lésions par hyperflexion, hyperextension et des lésions en
compression.
On peut observer des entorses, des luxations ou des fractures.
On peut individualiser certaines fractures :
• fracture de Jefferson : fracture-séparation de l'atlas (C1)(compression)
• "Burst fractures" : fracture comminutive du corps vertébral (compression)
• fracture du pendu (hangman): fracture des pédicules de l'axis (C2) (hyperextension)
• fracture en "tear drop" : fracture-luxation postérieure du corps.
Un fragment antérieur est
souvent repoussé prenant l'aspect d'une goutte de larme ("tear") (hyperflexion).
Sur le plan ostéoarticulaire, 3 conséquences sont possibles
L'instabilité qui peut apparaître d'emblée ou secondairement. Elle se traduit par un déplacement
anormal qui peut menacer la moelle.
Les lésions peuvent être instables d'emblée ou n'être
qu'instables provisoirement càd le temps de la consolidation (90 jours environ). Si la probabilité
d'une consolidation orthopédique est mince, il vaut mieux recourir à la fixation chirurgicale pour
assurer cette consolidation. Enfin, les lésions instables durablement (pour lesquelles aucune
consolidation spontanée ne peut être espérée) seront également fixées chirurgicalement.
• Un cal devient vicieux quand l'angulation frontale est > à 10° et sagittale > 15°.
• Une sténose du canal rachidien peut menacer de compression la moelle et doit être levée
lorsqu'elle atteint 30 % du diamètre antéro-postérieur du canal vertébral.
Lésions neurologiques
Une lésion radiculaire peut être causée par une facette luxée ou fracturée ou par une fracture de
l'apophyse unciforme. Ces lésions se rapprochent de celles du nerf périphérique.
Les lésions médullaires peuvent être intrinsèques ou extrinsèques.
Intrinsèques
Possibilité d'une sidération ou commotion médullaire : il s'agit d'un bloc spinal sans lésion
anatomique. Cette sidération ne dure que 48 heures maximum. Passé ce délai, le tableau est dû à des
lésions anatomiques. La réapparition d'un réflexe bulbo-caverneux (voir infra) signe la fin d'une
sidération éventuelle.
La contusion médullaire : lésions élémentaires d'hémorragies, nécrose, oedème, thrombose.
93
La rupture médullaire est rare.
Extrinsèques
Compressions par le disque ou l'os fracturé ou luxé.
Examen clinique
Ramassage et transport
Sur les lieux de l'accident
Dès les premières minutes, le pronostic vital et fonctionnel d'un traumatisé cervical peut être
compromis par des manipulations inadéquates.
Tout blessé est a priori suspect d'une lésion vertébrale.
Maintien des fonctions vitales (cathéter iv, perfusion lente, atropine 0.5-1 mg iv si bradycardie <
55/min, oxygène 6-9l/min., Trendelenburg 30°) pour prévenir un arrêt cardiaque. Un tétraplégique
présente une bradycardie réflexe, une hypotension liées à la lésion médullaire et une hypothermie
par vasodilatation périphérique.
Premier examen sommaire sans bouger le malade : recherche de point douloureux, examen
neurologique. Réconforter le blessé et le couvrir (risque d'hypothermie).
Transport
En cas de suspicion ou chez un blessé inconscient, placement d'un collier mousse si disponible
(attention, ce collier peut donner un sentiment de fausse sécurité par l'immobilisation relative qu'il
donne et peut être gênant en cas d'emphysème sous-cutané suite à une lésion thoracique ou
trachéale) ou mieux, attelle rigide postérieure et sangle frontale.
Toute manipulation du blessé se fait en monobloc avec traction douce longitudinale.
Patient conscient : immobilisation en décubitus dorsal dans un matelas-coquille ou équivalent.
Patient inconscient : vérifier d'abord la liberté des voies aériennes (langue, dentier, corps étranger).
On considère ici que le risque de vomissement et de fausse déglutition fait préférer le décubitus
latéral en maintenant une traction.
Admission
Maintien des fonctions vitales.
Bilan clinique et ostéoarticulaire.
94
Bilan neurologique.
Bilan neurologique
L'examen neurologique détaillé à l'admission est impératif.
Examen de la motricité
Flexion de hanche L2
Extension du genou pour L3
Flexion dorsale de la cheville pour L4
Extension des orteils pour L5
Flexion plantaire de la cheville pour S1
Flexion du coude pour C5
Extension du poignet pour C6
Extension du coude pour C7
Flexion des phalanges distales pour C8
Abduction 5e doigt pour D1
Examen de la sensibilité (tact, piqûre, sens de la position des doigts, douleur).
Elle est évaluée dermatome par dermatome de C2 à S4 pour le toucher et la piqûre.
Réflexes : recherche du caractère asymétrique, Babinski).
Fonctions végétatives.
Le niveau de la paraplégie est défini par la limite supérieure du déficit sensitif et moteur constaté.
Les lésions seront classées tétraplégies complètes ou incomplètes.
Le score de Frankel classe les lésions de complète (score A) à incomplète (scores B, C, D) et le
score E désigne l'absence de lésion neurologique. Les chances de récupération d'une lésion complète
après 48 heures sont quasi nulles.
Une lésion sera incomplète (épargne d'origine sacrée : en effet, les métamères sacrés sont souvent les
derniers à être épargnés) s’il persiste
• une sensibilité périanale, une contraction du sphincter anal (toucher rectal);
• la découverte d'un tonus anal ou d'une sensibilité transforme la paraplégie de complète en
incomplète;
95
• réflexe bulbo-caverneux ou clitoridoanal : la pression du gland ou du clitoris ou la traction légère
sur la sonde vésicale (stimule le trigone vésical) provoque la contraction réflexe du sphincter anal.
Si le réflexe est absent et le sphincter atone, une sidération médullaire ne peut pas être exclue.
Après 48 heures, s’il n'y a aucune motricité ni sensibilité et que le réflexe bulbo-caverneux est à
nouveau présent, le diagnostic d'une lésion complète peut être confirmé.
Lorsqu'il y a une lésion médullaire traumatique, on peut protéger la moelle et améliorer le pronostic
par un traitement cortisonique à haute dose de courte durée : Solu-Médrol (méthylprednisolone) IV,
30 mg/kg à l'admission et endéans les 8 premières heures après le traumatisme suivi d'une injection
à 5 mg/kg/h pendant 24 heures, puis ce traitement est arrêté.
Traitement ostéoarticulaire
Lésions non déplacées et stables : collier mousse ou minerve plus rigide selon les cas.
Lésions instables : traction par halo crânien (réduction, contention) puis chirurgie ou minerve ou
halo-jaquette.
La chirurgie peut se faire par voie antérieure et/ou par voie postérieure (la chirurgie peut être
indiquée en cas de visualisation en résonance d'un oedème avec une compression car une réversibilité
peut être espérée contrairement à la visualisation d'une hémorragie intramédullaire, qui péjore le
pronostic).
L'objectif de la chirurgie est double :
• décomprimer la moelle
• stabiliser la colonne.
Soins à un tétraplégique : voir syllabus de médecine physique et réadaptation.
3. Rachis dorsolombaire
C'est la région thoracolombaire qui est la plus exposée aux traumatismes car elle fait la transition
entre une zone rigide et une zone mobile. Une hyperflexion forcée est la cause la plus fréquente. La
région de D12 à L2 compte plus de 50 % des traumatismes de la colonne vertébrale. Cette zone
représente environ 40 % de toutes les lésions de la moelle épinière.
thoracolombaires, on observe 30 % de lésions neurologiques.
96
Dans les fractures
Comme pour les blessés du rachis cervical, on insistera sur la valeur de l'examen neurologique à
l'admission.
Il faut pouvoir répondre aux questions suivantes : y a-t-il une atteinte neurologique et si oui, est-elle
complète ou partielle ?
Lésions sans complications neurologiques
Le blessé ne peut se plaindre que de lombalgies aiguës. On recherchera alors une douleur à la
palpation des épineuses et une contracture des muscles paravertébraux.
On se méfiera d'un iléus réflexe posttraumatique qui peut égarer le diagnostic vers une pathologie
abdominale.
(Une lésion du rachis peut simuler ou au contraire masquer une lésion viscérale associée.
Une fracture d'une vertèbre dorsale peut donner un élargissement du médiastin simulant une
rupture artérielle mais peut aussi s'associer à une dissection aortique. Une fracture de la
colonne lombaire peut donner une défense abdominale et une dialyse rosée par le biais d'un
hématome rétropéritonéal).
Une radiographie complétée par un scanner ou résonance confirmera le diagnostic.
La consolidation est de règle en 2 à 3 mois. Les séquelles sont dominées par les douleurs suite à
l'arthrose et à une déformation résiduelle éventuelle.
La majorité de ces fractures ne nécessite qu'un traitement simple : repos au lit quelques jours, suivi
de kinésithérapie.
Certaines fractures doivent être immobilisées dans un corset plâtré après
réduction, le cas échéant. Une fracture instable, càd susceptible de s'aggraver ou de se déplacer, sera
traitée chirurgicalement.
Lésions avec complications nerveuses
Les complications neurologiques dépendent du niveau : moelle jusqu'à L1 et queue de cheval (cauda
equina), du déplacement initial et de la réserve d'espace disponible du canal rachidien. On retiendra
surtout que c'est la violence du traumatisme initial qui induit en majeure partie la lésion
neurologique. Nous n'avons aucune emprise sur cette "lésion primaire".
• Une paraplégie complète (paralysie flasque des membres inférieurs) peut être le fait d'une
sidération médullaire. Celle-ci peut être objectivée par la disparition du réflexe bulbo-caverneux.
La sidération ne dure pas plus de 48 h maximum. Si le réflexe réapparaît et qu'il n'y a aucune
amélioration de la sensibilité ou motricité périnéale, la paralysie est complète. Le non-retour du
réflexe bulbo-caverneux a la même signification, càd que le centre médullaire de ce réflexe est lésé.
97
Outre l'atteinte motrice et sensitive, il y a une atteinte des sphincters avec rétention vésicale et
incontinence anale.
• Une décompression chirurgicale précoce sera peut-être indiquée dans certains cas de paraplégie
incomplète et compression médullaire ou radiculaire.
Le traitement sera aussi chirurgical en cas
de lésions déplacées ou instables. Une lésion stable avec une paraplégie complète d'emblée peut
être traitée par corset.
C. Pathologie non traumatique de la colonne vertébrale
1. Les cervicobrachialgies
Elles surviennent plus volontiers au niveau C5-C6/C6-C7, qui sont les niveaux les plus mobiles.
Une hernie peut créer un conflit radiculaire et/ou médullaire, en fonction de sa localisation latérale ou
centrale. Un ostéophyte peut également comprimer une racine.
Clinique
Douleur d'apparition progressive ou présente d'emblée au lever sous forme de raideur du cou (peut
aller jusqu'au torticolis), associée à une douleur du cou irradiant dans l'épaule ou l'omoplate voire
jusque dans les doigts. Des paresthésies peuvent accompagner cette douleur.
La douleur est
augmentée à la toux, l'éternuement (impulsivité). L'hypoesthésie est souvent présente, de même
que la parésie. Une asymétrie des réflexes aide à localiser la cause : bicipitale (C5-C6), tricipitale
(C7).
Diagnostic
La radiographie standard permet d'exclure d'autre causes de douleur cervicale mais ne peut
visualiser un conflit discoradiculaire. La tomodensitométrie ou la résonance permettront de
faire le diagnostic.
Diagnostic différentiel
• Tumeur médullaire (absence de réponse au traitement symptomatique, résonance).
• Cervicarthrose (signes neurologiques absents).
• Syndrome de la traversée cervicothoracique (imagerie).
98
Traitement
Il est conservateur dans la grande majorité des cas. Repos au lit si nécessaire, collier mousse ou
minerve en plastique en fonction de l'acuité des symptômes. Antalgiques et AINS. Péridurale
cervicale. En cas de douleur rebelle ou de signes déficitaires, une discectomie percutanée ou
chirurgicale (abord antérieur) sera réalisée.
2. La myélopathie cervicale
Il s'agit d'une compression médullaire progressive suite à une diminution du canal rachidien (arthrose
cervicale). Elle produit une faiblesse musculaire, une aréflexie aux membres supérieurs et une
spasticité et une hyperréflexie aux membres inférieurs. Une incontinence sphinctérienne peut
également être présente dans les cas évolués.
Une tétraplégie peut également se produire à la suite d'un mouvement banal chez un sujet avec une
cervicarthrose évoluée. La moelle étant à l'étroit, une hyperextension peut provoquer une ischémie
et la paralysie.
Le traitement est chirurgical et consiste à élargir le canal par un abord antérieur.
3. Les lombalgies
Incidence
Seulement 2/10 personnes passeront leur existence sans douleur rachidienne.
Les lombalgies
représentent la première cause de consultation en pathologie de l'appareil locomoteur. Elles sont
transitoires le plus souvent, ne persistant plus de 2 mois que chez 10 % de patients. 7 % de
patients restent lombalgiques plus de 6 mois.
L'identification de la structure anatomique en cause n'est pas toujours évidente.
Facteurs de risque
Le risque de devenir lombalgique est augmenté en cas d'antécédents de traumatisme lombaire, en cas
d'arthrose des mains, genoux et hanche; l'exposition aux vibrations causées par des véhicules ou
machines industrielles est aussi un facteur de risque.
Néanmoins, le poids des facteurs
psychosociaux apparaît encore plus important. Plus que le travail en station debout prolongée, un
travail en antéflexion, les efforts de soulèvement, un travail
99
monotone ou peu satisfaisant sont plus importants dans les lombalgies.
Etiologies
La lombalgie n'est pas une maladie mais un symptôme.
Le traitement sera le plus souvent
symptomatique et non causal.
Il faut d'abord déterminer le caractère inflammatoire ou mécanique des douleurs.
Lombalgies d'horaire inflammatoire
Le caractère inflammatoire est défini par l'horaire nocturne de la douleur, réveillant le patient dans la
2e partie de la nuit et se poursuivant par un dérouillage matinal de longue durée.
• Lombalgies extrarachidiennes
− fissuration d'anévrisme aortique,
− dissection de l'aorte,
− tumeurs du pelvis ou rénale...
• Lombalgies rachidiennes
− Infection (spondylodiscite ou spondylite. Diagnostic par ponction-biopsie.
Localisation au rachis d'hémopathies malignes.
− Tumeur osseuse (ostéome ostéoïde) ou nerveuse (neurinome etc., lombalgie avec grande
raideur et Rx négative).
− Spondylarthrite ankylosante (lombalgies inflammatoires avec fessalgies à bascule).
− Après 50 ans, évoquer de principe face à une lombalgie persistante une métastase
vertébrale ou un myélome.
Lombalgies d'horaire mécanique
Ce sont les lombalgies les plus fréquentes. Tantôt aiguës (< 3 mois), tantôt chroniques.
Lombalgies aiguës
C'est le lumbago ("tour de rein" en langage populaire). Douleur brutale, violente dans le bas du dos à
la suite d'un effort banal et anodin.
La douleur est exacerbée par le moindre effort, la toux.
Sensation de blocage lombaire.
100
Clinique
En phase aiguë, il y a souvent une attitude antalgique avec un spasme paravertébral important
consécutif à une pathologie vertébrale sous-jacente avec soit une déviation latérale du rachis
lombaire dite "en baïonnette" ou une attitude en cyphose.
Raideur lombaire mesurée par la distance doigts-sol lorsque cette manoeuvre peut être réalisée. Le
schéma en étoile de Maigne est utile pour apprécier les mobilités et surtout l’évolution de celle-ci.
L'indice de Schöber est un autre repère quantitatif mais peu reproductible. En flexion antérieure, il
mesure l'allongement d'une distance de 10 cm à partir de l'interligne lombo-sacré en station verticale.
Chez un sujet normal, cette distance s'allonge jusqu'à 15 cm en flexion maximale.
Evolution : favorable. Guérison en une semaine. Anti-inflammatoires et décontracturants (débuter
par une IM (max. 2 x/j pendant 2 j) : Voltaren [diclofenac], Rofenid [kétoprofène], Feldène
[piroxicam], Tilcotil [tenoxicam] ou suppo 1 à 2 x/j : Voltaren 100 mg, Indocid ou Dolcidium 100
mg ou Rofénid 100 mg). Repos si possible au lit.
Les radiographies sont inutiles, sauf si le diagnostic n'est pas évident ou si le 1er épisode chez un
patient de > 50 ans (suspecter une métastase).
Diagnostic différentiel : tassement d'une vertèbre ostéoporotique chez une femme de > 60 ans. La
douleur siège de préférence à la jonction dorsolombaire. Disparition progressive des douleurs en 3-6
semaines.
Lombalgies chroniques
Dans plus de la moitié des cas, aucun diagnostic lésionnel précis ne sera porté.
La plupart du temps, la lombalgie relève cliniquement d'une origine discale :
• douleur lombaire basse, centrale ou en barre
• douleur à la flexion du tronc
• douleur pendant ou après un effort de soulèvement ou après vibrations (équitation, tracteur,
camion)
• raideur segmentaire du rachis lombaire
• relèvement en s'appuyant sur les cuisses ou en fléchissant les genoux
• soulagement en décubitus dorsal.
Parfois, la lombalgie relève plus d'une douleur d'origine facettaire.
En effet, les apophyses
articulaires postérieures sont mises en charge en hyperextension du tronc.
suspectée lors de:
101
Cette origine sera
• douleur au relèvement du tronc,
• douleur latéralisée, paravertébrale et unilatérale,
• douleur en décubitus dorsal (lors du changement de position),
• douleur augmentée en hyperextension ou en torsion du tronc.
Ces douleurs peuvent irradier dans l'aine, la fesse ou la cuisse mais plus rarement plus bas.
Enfin, les lombalgies peuvent être également d'origine mixte, càd à la fois discale et facettaire chez
des patients âgés de plus de 50 ans (ex. canal lombaire étroit).
Le traitement sera le plus souvent symptomatique :
• médicamenteux (antalgiques, AINS, antidépresseurs),
• kinésithérapie (école du dos, voir Médecine physique),
• physiothérapie,
• lombostat (action dissuasive, plus qu'une contention mécanique vraie qui nécessiterait
d'immobiliser la cuisse aussi...),
• manipulations en décoaptation des facettes s’il s'agit d'un syndrome facettaire,
• rhizolyse lombaire : thermocoagulation des branches nerveuses des articulaires postérieures,
• chirurgie (arthrodèse, discectomie). Celle-ci n'est réalisée que dans des cas bien sélectionnés.
4. Les lomboradiculalgies
La sciatique et la cruralgie sont des douleurs ressenties dans un territoire radiculaire précis la plupart
du temps, à la suite d'un conflit entre la racine et le disque. Ce conflit résulte le plus souvent d'une
hernie discale mais peut aussi survenir sur un contact avec un ostéophyte ou résulter d'une
compression du nerf par une tumeur se développant dans le bassin. Elle survient le plus souvent
vers 30-40 ans et peut se voir à partir de l'adolescence et jusqu'à vers 60 ans.
Symptômes
• Un effort déclenchant est retrouvé dans la moitié des cas.
• La radiculalgie apparaît après un épisode de lombalgies (avec souvent une
voire une disparition de la douleur lombaire).
• Des antécédents de lombalgies ou de lumbagos sont fréquemment retrouvés.
102
diminution
• La douleur est due à l'inflammation du nerf tandis que la compression est responsable de
paresthésies (fourmillements, brûlure), de crampes. La douleur peut être très intense ("sciatique
hyperalgique", intolérable, clouant le patient au lit).
Topographie de la douleur radiculaire
• L5 : fesse, zone postéro-externe de la cuisse et de la jambe, dos du pied et face dorsale du gros
orteil. Une douleur en étau de la cheville est évocatrice de L5.
• S1 : fesse, face postérieure de la cuisse et jambe, bord externe du pied, plante et petits orteils.
La topographie n'est pas toujours aisée à localiser quand l'atteinte est incomplète.
Facteurs de majoration de la radiculalgie
• Impulsivité; augmente à la toux, défécation, éternuement. Signe le conflit disco-radiculaire.
• Manoeuvre de Lasègue : l'élévation progressive du membre inférieur, genou tendu, réveille la
douleur à partir d'un certain angle. Plus l'angle est petit, plus la sciatique est sévère. Cette
manoeuvre étend progressivement la racine et permet de reproduire la douleur. Attention : audelà de 70°, il n'y a plus de traction sur la racine, de sorte qu'une douleur apparaissant à partir de
cet angle n'a plus de valeur.
• Le Lasègue contralatéral : l'élévation de la jambe du côté indolore réveille la douleur du côté
douloureux (ce signe est pathognomonique d'une hernie discale importante).
• Apparition de la douleur radiculaire à la flexion de la nuque : signe de Néri.
• Position : la sciatique typique est bien soulagée par le décubitus. (Si le patient est réveillé la nuit
par la douleur, il faut penser à une tumeur ou à un syndrome facettaire).
Examen neurologique
Il précise la souffrance radiculaire et sa gravité.
Sensibilité : rechercher une hypoesthésie superficielle (palpation symétrique)
Hypoesthésie bord externe du pied, talon : S1.
Hypoesthésie dos du pied, 1er espace interdigital : L5.
Hypoesthésie face interne tibia : L4.
Motricité : demander au patient un test simple
Marche sur la pointe des pieds : S1.
Marche sur les talons : L5.
103
Vérifier la symétrie de la force.
Réflexes : la recherche a une valeur localisatrice.
Absence ou asymétrie d'un réflexe rotulien : L4, L3.
Absence ou asymétrie d'un réflexe achilléen : S1.
Etiologie
L'atteinte de la racine est due à une hernie discale dans 95 % des cas.
Tantôt, c'est le nucleus et l'anneau fibreux qui le contient qui font saillie dans le canal ("protrusion"),
tantôt, c'est le nucleus seul qui fait irruption dans le canal à travers une fissure de l'anneau fibreux
(hernie discale).
Il ne faut cependant pas oublier que tout processus infectieux ou tumoral peut comprimer la racine
ou son trajet plus distal ("atteinte tronculaire") et provoquer les mêmes symptômes. L'atteinte
radiculaire peut encore être d'origine métabolique (polynévrite diabétique) ou virale (zona)
Evolution
On estime qu'environ 85 % des sciatiques par conflit disco radiculaire guérissent en quelques jours
sans traitement ou avec un traitement symptomatique léger (repos, AINS, antalgiques).
Si
l'anamnèse et l'examen clinique permettent d'affirmer le diagnostic, il ne faut pas demander d'examen
complémentaire (sauf si suspicion de fracture, si patient âgé ou état général altéré).
Aucun signe clinique n'est prédictif de l'évolution favorable ou défavorable de la sciatique (une
sciatique très invalidante, avec attitude antalgique et un Lasègue serré peut guérir totalement).
Formes cliniques
Il convient d'isoler des formes graves pour lesquelles un traitement chirurgical est indiqué.
Sciatique hyper algique : ce qualificatif évoque le caractère intolérable de la douleur qui cloue le
patient au lit et lui interdit tout effort de toux, éternuement. De plus, la douleur répond mal aux
AINS voire à la cortisone (1,5 mg/Kg/j) pendant 3 jours.
104
Syndrome de la queue de cheval : l'apparition brutale d'une parésie flasque des membres
inférieurs, associée à des troubles sphinctériens et une anesthésie périnéale en selle réalise un
syndrome complet de la queue de cheval, généralement provoqué par une hernie discale massive.
L'intervention doit être réalisée le plus rapidement possible pour minimiser les séquelles sensitives
et/ou motrices.
L'atteinte peut être incomplète, se traduisant par une atteinte du sphincter urinaire se manifestant
soit par une incontinence soit par une rétention indolore avec mictions par regorgement. Y sont
associées plus ou moins une atteinte de la sensibilité périnéale, une diminution de la sensation de
passage des urines et/ou matières fécales.
Dans ces cas, le traitement sera également chirurgical. Le degré d'urgence sera fonction de la sévérité
de l'atteinte et surtout de la rapidité de celle-ci.
Sciatique paralysante : présence d'un déficit moteur égal à 3 au testing musculaire : incapacité à
réaliser un mouvement complet sans résistance. Elle intéresse dans 80 % des cas la racine L5. Le
déficit dans la zone S1 est plus rare et la parésie moins intense.
Si l'atteinte porte sur l'ensemble des muscles dépendant de la racine lésée (L5 : extenseurs gros
orteils et orteils, fibulaires), si elle s'installe en quelques heures ou si elle s'aggrave, l'indication
chirurgicale sera posée. L'expectative est de mise s’il y a des signes évidents de récupération. La
récupération motrice est inconstante et non prédictible.
On estime qu'un déficit d'installation
rapide et égal à 3 a plus de chance de récupérer avec la chirurgie.
Examens complémentaires
Les radiographies standard permettent d'exclure une pathologie tumorale, inflammatoire ou
infectieuse. Un grand cliché de face et un profil centré sur L4-L5 suffiront. Un 3/4 sera demandé en
cas de lyse isthmique (spondylolisthésis).
Ces clichés permettent le comptage des vertèbres
lombaires et de détecter toute anomalie de transition entre L5 et le sacrum.
Un scanner ou une RMN ne seront demandés qu'en cas d'échec du traitement médical et avant un
traitement chirurgical.
L'EMG ne sera utile qu'en cas de doute ou d'atteinte peu typique.
105
Traitement médical
• Repos : il sera indiqué si cela est possible pour une huitaine de jours dans la phase aiguë. Il ne
semble pas utile dans les sciatiques chroniques.
• Lombostat : son action thérapeutique n'a pas été démontrée mais il a l'avantage de réduire la
mobilité du patient (sa présence n'empêche pas la mobilisation des 2 derniers disques lombaires).
Il peut être porté par intermittence, pour les activités contraignantes. Il peut être remplacé par
un corset en plâtre ou en résine.
• AINS : ils ont leur place puisqu’il y a une composante inflammatoire.
• Corticothérapie :
− la voie générale n'a que peu de justification sauf dans les sciatiques hyper algiques (11,5 mg/Kg/j prednisone);
− la voie épidurale est la plus logique puisqu'elle permet d'atteindre le lieu du conflit avec
un minimum d'effets généraux. L'infiltration peut être renouvelée trois fois;
− l'infiltration foraminale (par le trou de conjugaison) est logique si le conflit se passe à
la sortie du trou de conjugaison.
• Traction lombaire : son efficacité n'a pas été démontrée. Elle oblige au repos au lit.
• Manipulations vertébrales : elles sont de principe contre-indiquées en cas de hernie discale.
• Kinésithérapie : elle est utile une fois passée la phase algique pour prévenir les récidives en
développant les muscles para vertébraux et les lombopelviens.
• Traitements percutanés : ils sont une alternative à la chirurgie classique. Ils évitent le canal
rachidien.
Chimionucléolyse : la chympapaïne est une enzyme végétale dérivée de la papaye et capable de
digérer les glycoaminoglycanes du nucleus pulposus. L'injection se fait sous anesthésie locale et
sédation. Elle donne 70 % d'efficacité. Elle peut provoquer des accidents allergiques et beaucoup
plus rarement neurologiques. Elle occasionne également un pincement discal.
Nucléotomie percutanée : elle réalise une décompression mécanique du disque par retrait du
matériel discal à la pince. Pour accéder au nucleus, il faut réaliser une trépanation de l'annulus. Ceci
permet de créer une fenêtre permanente par laquelle la pression du disque est diminuée.
Elle ne
cause pas de pincement discal ni de lombalgies. Elle n'a qu'une action indirecte sur la hernie qu'elle
n'enlève jamais (la pression diminue).
Aucune complication sérieuse n'a été rapportée. Elle est
106
efficace dans 60 % des sciatiques rebelles. Dans notre expérience, un quart des patients devra avoir
ensuite une intervention classique.
Intervention chirurgicale classique : la discectomie chirurgicale.
Patient opéré sur le ventre. Abord limité au côté douloureux. Exérèse du ligament jaune qui permet
l'accession dans le canal rachidien. La racine est réclinée, la hernie est excisée et le disque est cureté
localement. (Ainsi, pour une hernie refoulant la racine S1 gauche, seule la racine gauche est abordée
et le disque L5-S1 sera cureté par le côté gauche). Hospitalisation : 6 jours, lever 3e jour. Reprise
du travail : entre 2 à 3 mois en fonction du type d'activité. Lombostat éventuellement. L'efficacité
de la chirurgie est de l'ordre de 85 % de guérison ou de bons résultats.
5. Autres irradiations dans le membre inférieur
Lombalgies d'origine facettaire, donnant des pseudo-sciatalgies dépassant rarement le creux poplité.
La douleur diminue à la marche, à la mise en cyphose lombaire.
Sciatique non discale d'origine tumorale, infectieuse.
Méralgie paresthésie ou névralgie du nerf fémoro-cutané. Dysesthésie de la face externe de la cuisse
(engourdissement, brûlure, picotements). Elle est liée à une atteinte tronculaire du nerf lors de son
passage dans la fosse iliaque interne ou de son émergence sous le ligament inguinal. La méralgie se
traite par infiltration du nerf avec un corticoïde.
La cruralgie : elle est nettement moins fréquente que la sciatique.
Elle survient en général plus tard que la sciatique, le plus souvent entre 50-60 ans, càd 15 ans plus
tard que la sciatique.
La lombalgie peut ne pas être présente mais la douleur est toujours présente dans la cuisse, à sa face
antéro-externe puis, le cas échéant, croise et descend à la face antéro-interne de la jambe. La douleur
est d'intensité variable mais souvent intense.
Elle est objectivée par la manœuvre de Lasègue inversée (ou d'Ely) : patient en décubitus ventral.
L'examinateur fléchit le genou sur la cuisse, mettant ainsi en tension le nerf crural (fémoral).
L'épreuve est positive quand elle reproduit la douleur quadricipitale.
Clinique
Aréflexie ou hyporéflexie rotulienne si atteinte de la racine L3 ou L4.
Hypoesthésie superficielle de la face antérieure de la cuisse.
107
Parésie assez fréquente du quadriceps (rarement inférieure à 3, responsable alors de dérobement à la
marche ou à la descente des escaliers.
Amyotrophie rapide.
Imagerie
Scanner ou résonance qui objective un conflit entre le disque et la racine.
Traitement
Il est médical dans 95 % des cas et la réponse est favorable endéans les 3 mois. Il est chirurgical
dans les rares formes sans réponse.
6. Le canal lombaire étroit
Affection se traduisant par des lombalgies et des douleurs dans les membres inférieurs.
Clinique
Plus fréquent chez l'homme après 40 ans. Le tableau clinique est très variable. Le plus classique est
celui d'un homme ayant des douleurs fessières ou dans les membres inférieurs après la marche. Ces
douleurs disparaissent en se couchant ou en se penchant en avant.
Le patient peut adopter une marche de "singe" (penché en avant) pour diminuer ou retarder les
douleurs. L'hypoesthésie ou paresthésie (engourdissement, sensation de "peau morte") et une
faiblesse musculaire ("jambes de coton" ou vite fatigables) sont plus tenaces que les douleurs.
Rouler à bicyclette ou monter une pente est plus facile. Des troubles génitosphinctériens peuvent
apparaître à la marche.
Les symptômes apparaissent constamment à la marche avec un périmètre remarquablement fixe
chez le même patient. Dans les formes évoluées, ils peuvent être présents dès la mise en station
debout ou en extension lombaire. Les symptômes disparaissent à l'arrêt et plus facilement si le sujet
peut s’asseoir ou s'accroupir.
La douleur a un caractère uni- ou pluriradiculaire dans une ou les deux jambes.
En outre, le patient se plaint souvent de lombalgies qui sont cependant moins vives et nettes que
dans un conflit disco radiculaire.
Signes objectifs
108
Ils sont pauvres. L'examen est souvent normal au repos, sauf une raideur lombaire variable. La
manœuvre de Lasègue peut être négative ou discrètement positive. L'examen neurologique peut
mettre en évidence une abolition d'un réflexe, une hypoesthésie ou une faiblesse musculaire. Ces
signes sont la plupart du temps discrets.
L'examen recherchera un signe de Babinski qui doit rester négatif et des pouls périphériques (exclure
une artérite : la claudication ischémique apparaît plus vite à la marche et cède plus rapidement au
repos. La diminution de sensibilité si elle existe, n'est pas radiculaire).
Physiopathologie
Il s'agit d'un rétrécissement du canal rachidien contenant le sac et les racines. Cette sténose peut être
congénitale (achondroplasie) ou le plus souvent d'origine dégénérative. Expérimentalement, il faut
réduire le diamètre du sac dural d'environ 40 % pour observer une stase veineuse et un trouble de la
conduction.
Outre le mécanisme de compression statique, une ischémie des racines peut aussi s'observer au
cours de la marche, la sténose empêchant la dilatation artérielle présente normalement au cours de
l'effort.
Traitement
Le traitement sera d'abord médical et symptomatique : AINS, lombostat, kinésithérapie, et en cas de
radiculalgie invalidante : péridurale d'un corticoïde retard.
La chirurgie sera indiquée dans les atteintes radiculaires et surtout lorsqu'il existe des signes
neurologiques. L'âge en soi ne doit ni faire reculer ni repousser l'intervention. L'opération consiste à
décomprimer les racines en travaillant sur le disque et/ou le pourtour du canal. Une arthrodèse sera
réalisée dans le même temps s’il y a un risque d'une déstabilisation secondaire à la décompression.
Les résultats obtenus sont bons dans 75 % des cas. La claudication et la radiculalgie déficitaire ou
non répondent mieux que les lombalgies à la chirurgie.
7. Le spondylolisthésis
Glissement antérieur d'une partie de la vertèbre (le sens du déplacement est jugé d'après la vertèbre
sous-jacente) à la suite d'une lyse bilatérale. Cette spondylolyse est une solution de continuité
résultant la plupart du temps d'une fracture de fatigue au niveau de l'isthme, càd la partie située
entre les apophyses articulaires (pars interarticularis). Cette fracture se constitue durant l’enfance
109
ou l'adolescence. Elle est localisée la plupart du temps au niveau de L5. C'est surtout en extension
lombaire que cette zone est soumise à des contraintes importantes (12 % chez les gymnastes, 5 %
dans la population générale). Le listhésis est un glissement antérieur de la partie vertébrale "libérée"
càd le corps, les pédicules et les apophyses articulaires supérieures et les transverses. Les lames,
les articulaires inférieures et l'épineuse restent en place.
L'affection est souvent latente, les individus porteurs pouvant mener une vie active et même
sportive. Un petit nombre d’entre eux deviendront symptomatiques, présentant une lombalgie
aiguë ou chronique. Une radiculalgie secondaire peut également s'observer : soit par hernie discale,
qu'elle soit au-dessus du listhésis ou qu'elle soit plus rarement au niveau de la zone de glissement,
soit par étirement ou irritation de la racine au niveau de la lyse (irritation par le cal ou la tentative de
réparation).
Le déplacement de la vertèbre olisthésique peut parfois être important, créant une lordose et une
irritation des ischio-jambiers par bascule du bassin. Le risque de déplacement vertébral est surtout
présent pendant la période de croissance.
Radiologie
Sur les clichés de 3/4, la perte de continuité est objectivée par l'apparition d'un collier sur le petit
chien. Le déplacement quand il est présent, s'apprécie le mieux sur le profil.
Traitement
Il ne s’adresse qu’aux patients symptomatiques et est conservateur : kinésithérapie, port d'un
lombostat en période de douleur. La suppression des sources de vibrations (équitation, moto, vélo
tout-terrain etc.) est impérative en cas de lombalgies.
Lorsque les lombalgies deviennent rebelles, une arthrodèse lombo-sacré L5/S1 postérolatérale ou
inter somatique sera envisagée.
8. Les scolioses
Une scoliose est une déviation dans le plan frontal de la colonne vertébrale. C’est la déformation
la plus fréquente du rachis. Elle peut être :
110
•
Non-structurale, posturale. On parle d’une attitude scoliotique. La vertèbre n’est pas
déformée , la scoliose est souple, réductible et disparaît avec le traitement de la cause sousjacente. Le plus souvent, cette attitude est sans cause apparente. Il s’agit alors de grands
enfants qui prennent une mauvaise position avec une incurvation latérale dans une attitude
asthénique comprenant très souvent une cypholordose. Les autres causes les plus fréquentes
sont une inégalité de longueur des membres inférieurs, entraînant un déséquilibre du bassin
(toujours vérifier l’horizontalité du bassin en mettant les mains sur les crêtes iliaques lors de
l’examen d’une colonne) ou une contracture musculaire dûe à une hernie discale ou encore à
une spondylodiscite et entraînant un déséquilibre du tronc.
La courbure disparaît lorsque le patient se penche en avant ou que l’horizontalité du bassin
est rétablie (cale sous le pied) . Radiologiquement, la vertèbre n’est pas en rotation et la
scoliose disparaît sur un cliché radiologique de face en position couchée.
•
Structurale. La scoliose est le résultat d’une déformation tridimensionnelle de la vertèbre.
Elle s’accompagne toujours d’une gibbosité plus ou moins apparente, résultant de la rotation
axiale de la vertèbre. « Pas
de rotation vertébrale, pas de scoliose ». La gibbosité est
recherchée en faisant pencher vers l’avant le patient. Elle devient évidente lorsque
l’angulation de la scoliose est supérieure à 20°.
Elle est située du côté convexe de la
courbure.
La radiographie debout de face permet
•
de confirmer le diagnostic de scoliose en montrant la courbure associée à la rotation
vertébrale. La rotation vertébrale s ‘apprécie en observant la position de l’épineuse ou
des pédicules par rapport au corps vertébral sur un cliché de face.
•
de mesurer la courbure tridimensionnelle. La méthode de Cobb prolonge le plateau
supérieur de la vertèbre proximale et le plateau inférieur de la vertèbre distale les plus
inclinées sur l’horizontale. Une perpendiculaire à la ligne de prolongement est ensuite
tracée et l’angle ouvert en haut ou en bas est ensuite mesuré. Cette méthode ne mesure
que sur une seule projection la déformation et n’a donc qu’une valeur relative.
111
•
De déterminer les vertèbres caractéristiques.
1. La vertèbre sommet est la seule vertèbre horizontale de la courbure. Elle
présente le maximum de rotation. Suivant sa localisation, on distingue le plus
souvent:
La scoliose dorsale avec un sommet situé entre D7-D10
La scoliose dorso-lombaire lorsque le sommet est entre D11-L1, à la
charnière dorso-lombaire.
La scoliose lombaire quand le sommet se trouve entre L2-L4.
La scoliose dorsale et lombaire càd une scoliose à 2 courbures vraies
associées.
2. Les vertèbres limites de la courbure sont la première et la dernière vertèbre de
la courbure qui présentent une rotation vertébrale.
3. Les vertèbres neutres sont la dernière et première vertèbres qui ne présentent
pas de rotation vertébrale.
•
De déterminer l’existence de contre-courbures de compensation de part et d’autre
d’une courbure scoliotique. Il s’agit de courbure sans rotation vertébrale, véritables
« attitudes scoliotiques » et dont le rôle est la rééquilibration du rachis permettant à la
tête de se placer sur la verticale passant par le sacrum. Leur aggravation suit celle de la
courbure primitive.
Etiologies
Scoliose idiopathique : Elle représente 70 % des cas. Cependant on retrouve une fois sur 4 une
notion familiale. Toute autre cause de scoliose sera recherchée avant de faire ce diagnostic (cfr.
infra).
Scoliose congénitale : Elle est secondaire à une malformation vertébrale. On recherchera d’autres
malformations notamment urinaire, cardiaque ou o.r.l..
Scoliose paralytique : toutes les affections neurologiques de l’enfant peuvent s’accompagner
d’une scoliose. L’évolutivité de la scoliose dépend de la maladie neurologique. Parmi celles-ci :
112
-
La poliomyélite
-
L’infirmité motrice cérébrale
-
Les myopathies avec un risque scoliogène augmenté après perte de la marche
-
Le spina-bifida
-
L’arthrogrypose
Scoliose d’autre origine :
-
Maladie neurologique : Recklinghausen, Friedreich, Charcot-Marie
-
Maladie chromosomique : Trisomie 21
-
Maladie du tissu conjonctif : maladie de Marfan, Ehler-Danlos
-
Scoliose
raide
et
douloureuse :
hernie
discale,
tumeur
médullaire,
spondylodiscite.
LES SCOLIOSES IDIOPATHIQUES
Ce sont les plus fréquentes et leurs étiologies restent inconnues actuellement.
Evolutivité
L’évolution d’une scoliose idiopathique se fait vers l’aggravation. Dans un premier temps, elle
est lente et puis s’accélère dès le début de la puberté et ce, jusqu’à la fin de croissance càd à
l’ossification complète de la crête iliaque . [ L’âge osseux prime sur l’âge civil. Le test de Risser
apprécie l’ossification de la crête iliaque sur un cliché de face. L’ossification débute à la partie
antérieure de la crête vers 13 ans chez la fille et 15 ans chez le garçon et progresse vers l’arrière.
La maturation osseuse est achevée lorsque l’ossification est radiologiquement complète].
Après la croissance, la scoliose n’évolue plus sauf celles de plus de 50°.
Retenons donc que pendant la puberté, l’angulation peut tripler ou quadrupler. Toute scoliose
qui s’aggrave de 1° par mois est une scoliose évolutive. A angulation initiale identique, le
pronostic dépend de l’âge de découverte et du potentiel
résiduel de croissance. A âge de
découverte identique, le pronostic dépend de l’angulation initiale.
113
Classification chronologique
L’âge de découverte a donc une importance pronostique considérable et permet de distinguer :
-
La scoliose du nourrisson : décelée avant l’âge de 1 an. Elle est spontanément
résolutive dans la plupart des cas.
-
La scoliose infantile : elle apparaît entre 1 et 3 ans. Elle est généralement
sévère, pouvant atteindre 100° d’angulation en fin de croissance.
-
La scoliose juvénile : elle apparaît après l’âge de 3 ans et avant la puberté.
-
La scoliose de l’adolescent : elle apparaît au cours de la puberté et avant la
maturation osseuse complète.
Classification topographique
Dans les scolioses idiopathiques, on distingue les courbures principales ou structurales et des
contre-courbures compensatrices dites courbures mineures. La courbure principale est la moins
réductible en traction, elle est la plus centrale. La contre-courbure est moins structurale et plus
réductible.
En fonction de la vertèbre sommet, la scoliose présente des caractères particuliers:
-
Dorsale (25%): elle est à convexité droite en général. La gibbosité est la plus
marquée dans cette variété et le risque respiratoire est majeur. En effet,
lorsque la courbure est supérieure à 80°, la capacité vitale est diminuée par un
syndrome restrictif important.
-
Dorso-lombaire (20%) : Convexité droite habituelle. Elle peut déséquilibrer le
tronc.
-
Lombaire (25%) : Convexité gauche habituelle. Elle peut être à l’origine de
lombalgie chez l’adulte.
-
Double courbure comprenant une dorsale droite et une lombaire gauche (30%).
Elle est de diagnostic souvent tardif parce que souvent équilibrée dans chacune
des courbures.
-
Cervico-dorsale: très rare et inesthétique par la gibbosité haute qui soulève
l’omoplate.
114
Traitement
Attitude scoliotique
Il faut corriger le trouble sous-jacent si possible, prescrire de la gymnastique de rééducation
posturale lorsqu' il s’agit de mauvaises habitudes de maintien et favoriser la pratique des sports
d’extension tels la natation, volley, basket etc…
Scoliose structurale
•
Kinésithérapie : Elle permet un assouplissement du rachis et de rendre plus aisée
la
réduction de la déformation. A elle seule, elle n’apporte pas de correction permanente à une
courbure structurale.
•
Traitement orthopédique : Contention par corset plâtré ou synthétique. Le choix du corset
sera en fonction de la topographie de la courbure. Ainsi, pour une scoliose dorsale, un
corset à têtière (type Milwaukee) est nécessaire ou encore un halo-corset (« halo-jacket »)
qui permet d ‘appliquer une force de traction crânienne. Une scoliose lombaire ou dorsolombaire peut être traitée par un corset court (type Lyonnais).
Entrepris avant la fin de la croissance, le traitement orthopédique a pour but de favoriser la
croissance vertébrale du côté concave de la courbure, dans l’espoir de stabiliser la courbure,
voire la diminuer. Une correction de 10° peut être espérée pour une courbure inférieure à
50° ou à défaut, sa stabilisation.
•
Traitement chirurgical : Il corrige au moins partiellement la déviation et la stabilise par une
greffe vertébrale et une instrumentation (Cotrel-Dubousset, Lu que etc…) mise la plupart du
temps par voie postérieure. Il se fait de préférence après la poussée pubertaire, càd vers 13
ans chez la fille et vers 15 ans chez le garçon.
Le traitement des scolioses idiopathiques repose schématiquement sur l’angulation, le type,
l’âge de découverte et l’évolutivité de la courbure qui est surveillée tous les 6 mois ou tous
les ans selon l’âge. Le schéma thérapeutique suivant peut être proposé:
115
•
En dessous de 30°, la moitié des scolioses est évolutive. Celle qui s’aggrave d’1°/ mois
nécessite un traitement orthopédique. Pour les autres, surveillance annuelle au minimum.
•
Au dessus de 30°, toute scoliose est évolutive et doit être traitée
-
orthopédiquement jusqu’à 50°
-
chirurgicalement au delà de 50°
Cependant, ce schéma est modifiable en fonction du type de courbure. Une scoliose
dorsale de 40° peut justifier une chirurgie pour éviter une aggravation de la fonction
respiratoire. A l’opposé, une scoliose à double courbure de 50° ne nécessite peut-être pas
une chirurgie car elle exigerait une arthrodèse très étendue
TABLE DES MATIERES
CHAPITRE VII : PATHOLOGIE PAR REGION
I. Ceinture scapulaire et humérus
A. Rappel physiologique
B. Pathologie traumatique de l’épaule
C. Pathologie non traumatique de l’épaule
II. Pathologie du coude
A. Traumatologie
B. Pathologie orthopédique du coude
III. Pathologie de l’avant-bras
A. Fracture diaphysaire des deux os de l’avant-bras
B. Fracture diaphysaire d’un os de l’avant-bras
IV. Pathologie du poignet
A. Traumatologie
B. Affections non traumatiques du poignet
V. Pathologie de la main
A. Traumatologie
B. Pathologie non traumatique de la main
VI. Pathologie du bassin
A. Les fractures du bassin
B. Orthopédie du bassin
VII. Pathologie de la hanche
A. La luxation traumatique de hanche
B. Fracture de l’extrémité supérieure du fémur
C. La hanche non traumatique
VIII. Pathologie de la cuisse
A. Pathologie traumatique : la fracture de la diaphyse fémorale
B. Pathologie non traumatique
IX. Pathologie du genou et de la jambe
A. Anatomie fonctionnelle
B. Pathologie traumatique du genou
C. Pathologie non traumatique du genou
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X. Pathologie de la cheville
A. Pathologie traumatique
Les entorses externes de la cheville 125
B. Pathologie non traumatique de la cheville
XI. Pathologie du pied
A. Pathologie traumatique
B. Pathologie non traumatique
XII. Pathologie de la colonne vertébrale
A. Rappel physiologique
B. pathologie traumatique de la colonne vertébrale
C. pathologie non traumatique de la colonne vertébrale
le spondylolisthesis
les scolioses
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