Le rôle des activités commerciales en grandes gares ferroviaires à

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Rôle des activités commerciales dans les grandes gares ferroviaires à Paris, Londres, Tokyo et Osaka.
Position de thèse
UNIVERSITE PARIS IV SORBONNE
ECOLE DOCTORALE DE GEOGRAPHIE DE PARIS
THESE DE DOCTORAT
pour obtenir le titre de Docteur de l'Université Paris IV
Spécialité : Géographie
présentée et soutenue publiquement par
Kae OKI-DEBAYLES
le samedi 23 février 2008
Le rôle des activités commerciales en grandes gares ferroviaires
à Paris, Londres, Tokyo et Osaka
Directeur de thèse :
M. Jean ROBERT (Université Paris IV)
Jury :
M. Etienne AUPHAN (Université Paris IV)
M. Pascal LUPO (SNCF)
M. Alain METTON (Université Paris XII)
M. Jean SOUMAGNE (Université d'Angers)
Université Paris IV-Sorbonne
Kae OKI-DEBAYLES
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Rôle des activités commerciales dans les grandes gares ferroviaires à Paris, Londres, Tokyo et Osaka.
Position de thèse
Position de thèse
La présente thèse entend contribuer à la connaissance des très grandes villes, dites mondiales,
à travers les activités commerciales qui s’exercent dans leurs grandes gares. Paris, Londres,
Tokyo et Osaka, sont connues pour leur puissance économique, égale ou supérieure à celle
d’un pays de taille moyenne, ainsi que pour les réseaux très denses qui les connectent aux
autres villes du pays et du monde, d’où leur image de « villes mondiales ».
Ces quatre villes ont des traces comparables d’urbanisation moderne datant de la révolution
industrielle. Notamment, l’introduction du réseau ferré a été l’un des facteurs déterminants de
la configuration urbaine actuelle de leurs régions, et les grandes gares caractérisent fortement
le paysage du centre ville. Les chemins de fer et les gares permettent à ces villes d’accueillir
et de gérer le mouvement d’une population extrêmement dense le jour et la nuit. Le réseau
ferré est, avec les autres infrastructures, l’artère qui les fait vivre. Comme la Gare
Montparnasse à Paris ou la Gare de Liverpool Street à Londres, ces énormes espaces à la fois
publics, sociaux et techniques, qui se trouvent dans le centre-ville sont des espaces de
croisement de la circulation urbaine, et l’on y trouve traditionnellement diverses activités et
services.
Cette thèse se focalise sur les gares, les entreprises ferroviaires et les opérateurs des
commerces dans les gares pour mettre en lumière le mécanisme du développement
commercial des gares au sein des entreprises ferroviaires, ainsi que l’ambition des enseignes
commerciales et le contexte social et technique de leur développement dans les très grandes
gares. Nous pensons ainsi montrer la richesse mais aussi la complexité du mécanisme de la
valorisation commerciale des gares. Il est aisé de voir que les activités commerciales amènent
des recettes financières, donnent une animation aux gares et améliorent l’image du chemin de
fer, mais avant tout, pour arriver au résultat optimal, c’est-à-dire pour rendre les commerces et
les gares les plus performants possible au sens socioéconomique, il faut mettre en place un
mode de gestion adéquat. Les comparaisons internationales nous aideront à comprendre les
particularités des différents types de gestion.
Cette thèse entend analyser le mécanisme de ce phénomène du point de vue des « opérateurs »
des gares en comparant sept très grandes gares : Paris Nord, Paris Montparnasse, London
Liverpool Street, London Paddington, Tokyo Ueno, Tokyo Shinagawa et Osaka Uméda. Car
elles sont parmi les premières gares ferroviaires à avoir subi des interventions importantes et
différentes des interventions « classiques », autour des années 1990. Il s’agit de «
l’introduction massive des activités commerciales » dans le bâtiment voyageurs et dans les
espaces adjacents aux gares.
Les réaménagements récents des grandes gares en Europe et au Japon renvoient à deux faits.
Le premier est le changement du mode de vie urbain, suite notamment à la tertiarisation
progressive de la structure économique de ces grandes villes. Le deuxième est le changement
profond de la gestion des grandes entreprises ferroviaires commencé il y a une vingtaine
d’années. Il s’agit notamment de leur privatisation qui est la vraie cause directe d’une série de
réaménagements des gares, fortement orientés vers la « valorisation commerciale ». Cette
valorisation commerciale conduit les gares à un rapprochement avec les villes à travers «
l’enrichissement de la qualité des services » disponibles dans leur périmètre.
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Rôle des activités commerciales dans les grandes gares ferroviaires à Paris, Londres, Tokyo et Osaka.
Position de thèse
La rénovation de la gare de Liverpool Street au cœur du quartier d’affaires de la City de
Londres, l’apparition de nombreuses boutiques dans une salle d’échange de la gare du Nord,
la reconversion de l’ancien bâtiment voyageurs en lieu de consommation de la gare de Ueno,
l’installation d’enseignes haut de gamme et d’un musée dans la gare de Kyoto ainsi que dans
la gare Termini de Rome… la dernière décennie constitue une vraie période « laboratoire »
pour la recherche de la mise en valeur des gares par les entreprises ferroviaires.
Après le succès économique et financier de ce laboratoire, il est devenu aujourd’hui
incontestable que les grandes gares se trouvent au cœur de la question de la régénération
urbaine dans les grandes villes. Cela signifie que les villes et les entreprises ferroviaires ont
enfin trouvé un intérêt commun et un consensus. A Paris, Londres, Tokyo et à Osaka, toutes
les grandes gares et leurs quartiers font plus ou moins l’objet de grandes interventions
urbaines à l’horizon 2010 – 2020. C’est déjà la deuxième phase de la valorisation des gares
qui est en cours. Par exemple, en 2007, la gare Saint-Lazare, la gare d’Austerlitz, la gare de
Saint-Pancras, la gare de Waterloo, la gare de Tokyo, la gare de Shinjuku et la gare d’Osaka
sont en chantier afin de renaître comme un nouveau « hub-urbain » à l’échelle internationale.
Elles seront équipées de galeries commerciales, d’hôtels de haut standing et d’autres services
variés tout en étant desservies au moins par le réseau international du TGV ou par une navette
ferroviaire reliant la gare et l’aéroport international.
Entre ces grandes villes, les contenus des offres commerciales et des services sont-ils
comparables ? En réalité, à présent, la qualité et le choix des offres commerciales et des
services disponibles varient encore beaucoup selon les gares. De nombreux ouvrages et
analyses portant sur les expériences de valorisation des gares dans le monde (la Gare Centrale
de New York ou la Gare de Shinjuku) témoignent d’une certaine frustration devant cet aspect
disparate du résultat de la mise en valeur des gares. Par exemple, ceux qui sont habitués à la
vie de Tokyo ou d’Osaka ont le réflexe de se rendre dans le quartier de la gare dans des buts
très divers : voyager, travailler, chercher des cadeaux ou des nouveautés, faire des courses,
prendre un repas, acheter des livres ou se faire soigner. Ceux qui habitent à Londres vont dans
les gares pour faire des courses rapides. Quant aux Parisiens, ils ne pouvaient se permettre,
jusqu’à une date récente, d’aller dans une gare avec ce genre de projet en tête...
Alors qu’on peut payer les factures des services publics dans un « Convenience Store », type
de superette offrant des produits variés sophistiqués, dans une gare à Tokyo, se faire bronzer
et coiffer à Londres, on trouve beaucoup moins de choix de services dans les gares
parisiennes. A une époque d’internationalisation du réseau ferré et des gares, d’où vient cette
différence ? De la culture locale, du profil et du goût des usagers, de l’organisation des
entreprises ferroviaires, de la politique de la ville ou du profil des opérateurs des
commerces… l’on peut énumérer quantité de raisons. Comme le mouvement de la
valorisation des gares est entré dans une phase plus mature et plus ambitieuse, la question de
la qualité des services et offres commerciales dans les gares mérite également d’être traitée de
manière plus approfondie. Notamment l’enjeu et le mécanisme de la valorisation commerciale
des gares au sein des entreprises ferroviaires n’ont pas encore été mis en lumière d’une
manière globale alors que c’est là que se concrétise la définition du contenu des services et
offres commerciales.
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La « concurrence » est un mot-clef de cette thèse. La recherche d’un standard mondial et de la
mise à niveau des services et offres commerciales dans les gares est en cours dans cette
deuxième phase de la valorisation des gares. Il est incontestable que le réseau ferré des
grandes villes mondiales est concerné par les déplacements des gens à l’échelle du monde. Et
dans la notion de « hub-urbain », les citadins des grandes villes et voyageurs attendent sans
doute un niveau de qualité et de service homogènes. Quelle que soit la volonté des entreprises
ferroviaires, l’ouverture du marché ferroviaire européen les a déjà mises en « concurrence »
pour répondre à cette attente des voyageurs internationaux.
En ce qui concerne la « concurrence », cette thèse analyse également le profil et la politique
de certains très grands opérateurs des enseignes dans les gares car la concurrence autour de la
valorisation commerciale des gares existe à deux degrés : entre les entreprises ferroviaires, et
entre les opérateurs d’enseignes. Nous mettrons en évidence que les grands opérateurs
d’enseignes dans les gares parisiennes et londoniennes sont soumis à une concurrence «
limitée », à l’échelle mondiale, alors que ceux des gares japonaises sont soumis à une
concurrence à l’échelle du réseau, mais le nombre de concurrents y est « illimité ». C’est pour
cela qu’on trouve facilement les mêmes enseignes dans les gares (et même dans les aéroports)
en Europe alors que les enseignes varient entre les compagnies ferroviaires au Japon. La
compréhension de la structure financière et de la politique commerciale des entreprises
ferroviaires et des opérateurs d’enseignes nous permettent de comprendre la nature de la
concurrence et le mécanisme de décision concernant le choix des activités commerciales qui
seront installées dans les gares. La clef de la mise en valeur de la gare, c’est la capacité, chez
les entreprises ferroviaires, de maîtriser ces concurrences.
Enfin, l’acceptation de la concurrence et la recherche des meilleurs services à proposer aux
villes et aux usagers, conduira les entreprises ferroviaires vers une nouvelle responsabilité
sociale. Il n’est plus possible de s’exonérer de la concurrence au nom du service public. D’ici
dix ans, il est bien possible que le retrait de l’Etat du financement du secteur public s’accélère.
C’est en effet une démarche d’adaptation au courant de l’économie mondiale, et dans ce
contexte les entreprises publiques au sens large seront amenées à plonger dans la concurrence
internationale.
Il faudra considérer cette mutation de la structure financière du secteur public comme un
nouveau chantier de création et de développement de la qualité des services. Il sera de plus en
plus nécessaire de communiquer avec les usagers (devenus des clients), ce qui est
fondamental pour l’amélioration des services. Malheureusement, le statut nationalisé des
entreprises ferroviaires les a dispensées d’écouter leurs clients avec attention pendant des
décennies, mais de nombreux chantiers de réaménagement des gares nous montrent leur
volonté de communiquer avec eux.
La qualité de l’infrastructure et de la gare n’est pas seulement l’outil de concurrence entre les
opérateurs d’infrastructures. Elle est aujourd’hui un des critères de compétitivité des villes
mondiales. Non seulement Paris, Londres, Tokyo et Osaka, mais les autres grandes villes du
monde veulent aussi relever la qualité de leurs infrastructures car c’est ainsi qu’elles peuvent
devenir les plaques tournantes de l’économie mondiale, et accueillir ceux qui, venant de tous
les coins du monde, ont besoin de se réunir. Les villes qui maîtrisent les questions liées aux
infrastructures de qualité sont les mieux placées dans la concurrence économique mondiale.
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Dans le contexte local et global, les gares ont donc la responsabilité d’être compétitives. Pour
cela, il faut faire venir de nombreuses enseignes, elles aussi compétitives sur le plan
international. Même en gardant un statut de droit public, les entreprises ferroviaires peuvent
poursuivre cette ambition. Regardons la Grande-Bretagne : la société propriétaire des gares
est de droit privé et réalise un taux de bénéfices aussi important que celui des entreprises
japonaises, notamment grâce au développement immobilier, tout en restant détenue par des
entités publiques et institutionnelles. Ceci souligne l’importance de mettre au point le modèle
de gestion adéquat. Le commerce en gare est un outil majeur dans l’élaboration d’une
nouvelle structure financière des entreprises ferroviaires dans une ère d’économie
mondialisée. Son dynamisme et sa diversité sont des indicateurs pour mesurer la
compétitivité, au plan international, des gares et des villes où il s’exerce, et reflètent la qualité
de la vie urbaine elle-même.
La ville et la société ne cessent d’évoluer, et plus les réseaux de communication sont
développés plus les hommes bougent. Ainsi, le bouleversement du système de production
économique, de l’industrialisation à la tertiarisation, implique pour notre société un nouveau
mode de vie et une nouvelle exigence de qualité de la vie urbaine. Les villes comme Paris,
Londres, Tokyo et Osaka sont les premières à être exposées à cette circulation mondiale des
hommes et à cette nouvelle exigence sociale. L’évolution de la société, des gares, des activités
commerciales dans les grandes gares attestent que ces gares sont en train de devenir une
plateforme urbaine adaptée à la nouvelle structure urbaine et économique, et la qualité des
activités commerciales qui s’y trouvent fait partie des éléments indispensables pour assurer
leur nouveau statut socio urbain. C’est un élément de qualification de la ville autant que de la
gare mondiale.
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