Il y a quelques années, peu croyaient que les IFRS parviendraient à s'imposer comme une
alternative aux US GAAP, référentiel incontesté des grandes capitalisations.
Désormais, le nombre des grandes entreprises mondiales qui se réfèrent aux US GAAP ou aux
IFRS est équivalent et la progression de ces dernières se poursuit : depuis l'union européenne en
2005, l'Australie, la Nouvelle Zélande, l'Afrique du Sud…., la Chine organise le basculement en
IFRS en 2009, le Brésil et le Japon l'année suivante …
En novembre 2007, la SEC, régulateur des marchés américains, soutenait que le FASB n'était pas
en passe de devenir caduc, tout en autorisant une nouvelle brèche : les émetteurs étrangers
appelés à lever des capitaux aux USA n'ont plus à justifier les écarts découlant de leur référentiel
IFRS avec les US GAAP.
Enfin, ce 14 janvier 2008, les cabinets d'audit planétaires (les 4 bigs et les réseaux Grant Thornton
et BDO) ont officiellement annoncé qu'ils étaient favorables à l'adoption du référentiel IFRS pour le
plus grand nombre d'entreprises,
au plan m
ondial.
LE REFERENTIEL IFRS A LA CONQUETE DU MONDE ET DES PME
Eric Seyvos
Etienne Doise
Pourquoi une telle réussite, alors que l’adoption du référentiel complet en Europe a été difficile et heurté et que d'importantes
imperfections subsistent ou se révèlent ?
Un démarrage parfois fastidieux
A partir du règlement européen de 2002 qui a entériné les règles comptables IFRS, les sociétés cotées ont préparé la mutation afin de présenter
les états financiers selon le nouveau référentiel dès le 1er janvier 2005.
Certaines entreprises européennes ont vécu facilement et rapidement ce changement, comme celles cotées aux Etats-Unis, dont les divergences
entre référentiel US et IFRS étaient faibles. Pour la plupart, le processus a été difficile, en raison de la dimension conceptuelle nouvelle, de la
remise en cause d’approches bien ancrées (comptabilisation des stock-options…) et de la contrainte d'analyses nouvelles pour déterminer les
retraitements (évaluations actuarielles des retraites…).
Dotés de moyens limités ou sans l'assistance d’experts externes, les petits groupe ont peiné à analyser les opérations les plus complexes. Les
difficultés ont affecté les services financiers et comptables, mais aussi le management, les directions techniques, opérationnelles et juridiques qui
participaient à la mise en place le nouveau référentiel, en partageant les informations exigées par les normes.
Des difficultés d’application pratique
Le caractère très conceptuel du référentiel, notamment la prééminence de la substance sur la forme, a soulevé d'importantes difficultés
d'application, faute d'explication pratique (exemple : les problématiques IAS 39 - Instruments financiers - relatives au transfert des risques lors de
la décomptabilisation des créances cédées dans le cadre d’un contrat d’affacturage ou le traitement des décotes des Plan d’Epargne Entreprise.)
La complexité des normes, l'accessibilité à un cercle d'initiés ou le caractère parfois artificiel des résultats publiés ont alimenté les
mécontentements. Ainsi, les chiffrages IFRS sont souvent retraités pour une présentation intelligible pour le management, les équipes
opérationnelles, voire même pour les investisseurs.
Toutefois, dès 2005, les entreprises sont parvenues à produire des états financiers IFRS de bonne qualité.
Malgré les difficultés et les évolutions en cours du référentiel, les études montrent que les différents acteurs utilisant les IFRS sont plutôt satisfaits
de la qualité du référentiel qu'ils considèrent comme un progrès.
Une première avancée mesurée des interprétations textuelles
L’IFRIC, structure de l'IASB dédiée à l’interprétation des textes, est consultée pour les cas les plus complexes.
En 2006 et 2007, l'IFRIC a publié quatre interprétations d’application désormais obligatoire :
IFRIC 7 : retraitements à pratiquer pour convertir les états financiers des activités à l’étranger lorsque la monnaie fonctionnelle est celle d’une
économie hyper inflationniste,
IFRIC 8 : délimitation du champ d’application d’IFRS dans le cas d’une attribution gratuite d’actions sans contrepartie clairement identifiée,
IFRIC 9 : modalités d’évaluation des instruments financiers définis comme « dérivés incorporés »,
IFRIC 10 : traitement de la reprise de perte de valeur comptabilisée lors d’un arrêté intermédiaire.
La " bonne solution" comptable ne dépend pas toujours des travaux de l'IFRIC, parce que la problématique soulevée a une importance limitée à
une petite zone géographique (1 seul pays concerné par exemple) ou parce qu'une future norme y sera consacrée. Dans ce cas, les pratiques
de place prennent le relai, autour des propositions des groupes de travail des professionnels du chiffre.
L’IASB poursuit pour sa part son travail normatif, en cas de lacune d'une norme existante ou d'absence de référentiel. Ainsi, en 2007, deux
normes ont été publiées par l'IASB :
IFRS 7 : norme obligatoire qui porte sur les nouvelles informations à présenter en annexe, en matière d'exposition aux risques liés aux
instruments financiers (exposition au risque de crédit, de liquidité ou de marché…),
IAS 1- amendé : introduction d'informations à faire figurer en annexe sur les objectifs et les procédures de gestion de capital
D'autres normes et interprétations ont été publiées, d'application facultative à ce jour (voir site FocusIFRS.com ou IASB.org).
L'IASB a souhaité un rythme raisonnable d’évolution pour une meilleure "digestion" de la transition engagée en 2005.
Les émetteurs et utilisateurs des états financiers bénéficient ainsi de ce que l’IASB appelle la "stable Plateform", référentiel actuel (cadre
conceptuel, normes et interprétations) utilisé depuis le 1er janvier 2005 par toutes les sociétés cotées en Europe, réformé par petites touches ou
précisé par des interprétations..
Modification du référentiel actuel
: des changements majeurs à
anticiper
Le rythme des nouvelles normes d'application obligatoire va connaître une accélération à partir de 2009.
Une dizaine de sujets nécessite une amélioration ou une actualisation, dans la mesure certaines normes actuelles s'avèrent anciennes ou
incomplètes. L’IASB travaille en collaboration avec ses homologues américains au remplacement des normes actuelles à partir du 1
er
janvier
2009 :
- Les instruments financiers
De l'avis unanime des utilisateurs, les normes IAS 32 et 39 sont trop complexes. L’IASB envisage une simplification de ces textes sans
remise en cause des principes tels la comptabilisation des instruments financiers et leurs dérivés à la juste valeur, ou encore la
comptabilité de couverture… .
- La présentation des états financiers
L’IASB s'interroge sur les besoins des utilisateurs en matière d’informations financières. Ses travaux consistent à déterminer les
éléments devant ressortir en lecture directe des comptes et ceux devant figurer en annexe. La présentation de l'ensemble - bilan,
compte de résultat, tableau de flux de trésorerie et tableau de variation des capitaux propres - pourrait changer pour une meilleure
lecture et compréhension. Par exemple, la lecture transversale des trois supports - bilan, compte de sultat et tableau des flux de
trésorerie- devrait faciliter la compréhension de toutes les incidences d'opérations de financement.
- La distinction entre capitaux propres et dettes
Aujourd’hui, la frontière entre les capitaux propres et la dette n’est pas toujours nette. L’objectif de l'IASB est de déterminer un mode
rigoureux de distinction entre capitaux propres et dettes, afin de ne pas s'interroger à chaque création de nouvel instrument.
- Les contrats de location
Le "leasing financier" et le "leasing opérationnel" se distinguent à partir de règles souvent obsolètes. Le projet actuel vise à définir un
concept simple dictant la comptabilisation d'un actif, si le contrat confère un droit d'utilisation, et d'un passif, si le contrat suppose le
paiement d'un loyer sur une durée précisée et le paiement d'une indemnité en cas de rupture. Dans ce dernier cas, la comptabilisation
au passif se ferait, sans s'interroger quant à la catégorie A ou B du contrat.
- La reconnaissance des revenus
IAS 18 est une norme courte qui nécessite un approfondissement. L'IASB souhaite préciser en particulier les règles de
comptabilisation, dans le cas de transactions à composantes multiples.
- La consolidation
Les règles de consolidation sont à revoir, en particulier les critères pour consolider ou non une entité particulière (ad hoc).
D’autres thèmes sont à l’étude : comptabilisation des avantages post retraite, pensions et avantages assimilés (norme IAS 19), regroupements
d’entreprises (IFRS 3)….
Ainsi, les émetteurs et utilisateurs de comptes en IFRS doivent se maintenir en veille permanente et s’organiser pour absorber la déferlante de
nouvelles normes et interprétations à horizon 2009.
Le projet IFRS PME : pourquoi et pour qui ?
Les normes IFRS actuellement en vigueur s’adaptent difficilement aux sociétés non cotées et/ou de taille modeste.
Aussi, l’IASB va proposer un jeu de normes, dénommé " référentiel IFRS PME ", plus succinct et plus simple pour s'adapter aux besoins et aux
contraintes des PME.
Ce référentiel commun simplifié pour les PME devra, selon nous, tenir compte des coûts de mise en œuvre en réduisant notamment l'importance
de la "juste valeur" et donner une place prépondérante à la mesure de la performance économique.
Le référentiel IFRS PME dont la période de consultations et de tests s'achève, fera l'objet d'une synthèse au cours de 2008 et d'un examen des
observations transmises par les différents pays de l'Union européenne.
La publication prévue fin 2008 n'entrainera pas son application immédiate et obligatoire, l'UE ayant déjà précisé qu'elle n'imposerait pas le
référentiel et laisserait la décision d'adhésion aux états membres. Il est probable que la France laissera le choix de l'option aux IFRS aux PME qui
seront concernées, selon un périmètre restant à définir.
IFRS – la suite ?
Fort de son succès, l'IASB organisation indépendante et non gouvernementale qui travaille depuis 30 ans à l'harmonisation des référentiels
comptables, est désormais au centre de jeux de pouvoir : les Bigs 4 qui soutiennent financièrement l'IASB sont suspectés d'en influencer les
orientations et ses règles de gouvernance sont au cœur de critiques de la SEC.
Plus près du quotidien de BMA et de ses clients, il convient de retenir que le référentiel international simplifié pour les PME est en cours de
préparation et de discussions.
BMA surveille l'évolution des travaux afin de présenter à bonne date, vraisemblablement fin 2008, un module de formation et de séminaires.
LE REFERENTIEL IFRS A LA CONQUETE DU MONDE ET DES PME (suite)
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