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La norme IFRS 9 - Instruments financiers
Une mise en œuvre associée à de réels enjeux organisationnels
Le 24 juillet 2014, l'International Accounting Standards Board (IASB) a achevé le dernier
élément de sa réponse globale à la crise financière, publiant la version finale de la
norme « IFRS 9 - Instruments financiers », en remplacement de la norme « IAS 39 -
Instruments financiers : comptabilisation et évaluation ».
La mise en œuvre de cette norme va bien au-delà d’un simple ajustement technique
comptable.
1. Contexte & contenu
1.1. Contexte
Voilà maintenant plus d’un an (depuis le 24 juillet 2014)
que l’International Accounting Standards Board a achevé
sa réponse globale à la crise financière en publiant la
version finale de la norme IFRS 9 – Instruments financiers.
Celle-ci vise à répondre aux imprécisions et autres
difficultés engendrées par la mise en application de la
norme IAS 39 qui précise elle aussi le cadre comptable
relatif aux instruments financiers.
Les principaux reproches faits à l’encontre de la norme
IAS 39 portent sur :
- L’approche « fair value » ou juste valeur qui permet la
prise en compte de la valeur de marché pour évaluer les
actifs et les passifs du bilan
- L’absence de référentiel au business model de
l’entreprise ou du concept de prudence
- L’influence du référentiel comptable américain dans la
mesure où les normes IAS étaient calquées sur les normes
américaines (US GAAP). La difficulté provient
essentiellement du fait qu'IAS 39 s'inspirait largement
des US GAAP dans un souci de convergence; or ce
référentiel américain comporte des spécifités comptables
puisque ces textes ne s'adressent qu'aux sociétés qui
souhaitent émettre des titres aux Etats-Unis.
1.2. Rappel du contenu de la norme
La version finale de la norme IFRS 9 regroupe les 3 phases
qui ont constitué le projet : i. Classification et évaluation,
ii. Dépréciation et iii. Comptabilité de couverture.
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Nous évoquerons dans cet article plus particulièrement
les deux premiers volets, le volet dédié à la comptabilité
de couverture n’étant pas encore stabilisé car la macro-
couverture fait l’objet d’un projet dédié au niveau de
l’IASB.
Les états financiers doivent également présenter une
information plus fine. L’objectif est ainsi d’améliorer la
qualité de l’information à destination des investisseurs.
Avant d’aborder les enjeux qui attendent le secteur
bancaire ainsi que les impacts qui en découlent, voici un
bref rappel du contenu de la norme IFRS 9 Instruments
financiers.
1.2.1. Phase 1 une nouvelle méthodologie de
classification et évaluation des actifs financiers
La norme vient affiner la classification et l’évaluation des
actifs qui reflète le modèle économique dans le cadre
duquel ils sont gérés ainsi que leurs flux de trésorerie
contractuels.
Elle concerne les instruments de dettes (prêts et titres de
dettes) ainsi que les instruments de capitaux propres
(actions et titres de participation non consolidés) et porte
principalement sur les 3 points suivants :
- Extension du périmètre des actifs jusqu’alors évalué à la
juste valeur
- Absence de correspondance « un pour un » entre les
catégories IAS 39 et IFRS 9
- Nécessité de faire une analyse et de la documenter, en
fonction des nouveaux critères IFRS 9 :
(i) Critère 1 : Analyse des modèles de gestion (Collecte,
Collecte & Vente ou Vente)
(ii) Critère 2 : Analyse des caractéristiques du contrat
Le nouvel amendement propose ainsi l’introduction d’une
troisième possibilité d’évaluation des instruments
financiers (la juste valeur par capitaux propres) pour
compléter les deux possibilités existantes (coût amorti et
juste valeur par résultat) de valorisation des actifs
financiers porteurs d’intérêt (obligations et prêts).
Il y a donc reconduction de la catégorie IAS 39 des « titres
disponibles à la vente » (AFS). Cette catégorie sera
adaptée pour les titres constituant les réserves de
liquidité prévues par Bâle III.
D’autres évolutions concernent également le test des
caractéristiques permettant d’échapper à une
comptabilisation en valeur de marché de certains prêts
(afin d’éviter une volatilité des comptes/résultats par
exemple, dans le cas une valorisation instantanée n'a
pas de sens, …).
Toutes ces améliorations apportées par la norme IFRS 9
(Business model, test des caractéristiques des
instruments financiers) impliquent pour les
établissements d’élaborer un diagnostic comptable plus
poussé de leur portefeuille d’instruments financiers.
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Ainsi, la principale amélioration apportée par la norme
IFRS 9 sur ce volet concerne une approche logique et
unique pour la classification et l’évaluation des actifs
financiers.
1.2.2. Phase 2 une nouvelle approche de
provisionnement impactante
La norme remplace le modèle de perte encourue d’IAS 39
par un modèle unique de dépréciation, prospectif, fondé
sur les « pertes attendues »
- Elle concerne les prêts, les engagements hors bilan
(garanties notamment) et les titres en coût amorti et Juste
Valeur par Capitaux Propres recyclables (titres de dette)
- Elle introduit un principe nouveau de provisionnement
des encours sains non sensibles (dépréciation dès l’octroi)
- Elle introduit de nouveaux paramètres à prendre en
compte dans les calculs des provisions :
- L’ECL (Expected Credit Loss) « Point in Time » par
opposition à l’Expected Loss (EL) bâlois « Through the
cycle »
- L’intégration de "Forward looking data" : il s’agit
d’intégrer des données prospectives pour apprécier les
paramètres de défaut
- La nécessité de suivre la dégradation relative du risque
de crédit au cours de sa vie
Ainsi, la principale amélioration apportée par la norme
IFRS 9 sur ce volet concerne la mise en place d’un modèle
unique et prospectif.
Elle implique des changements considérables à mettre en
œuvre au niveau des processus (comptables et risques)
ainsi que dans les outils de gestion pour calculer ces
nouveaux paramètres.
1.2.3. Phase 3 un chapitre « comptabilité de
couverture » non encore stabilisé
L’IASB a scindé son projet sur la comptabilité de
couverture en deux groupes de travail distincts : un projet
sur la comptabilité de couverture macro et un projet sur la
comptabilité de couverture micro.
Comme précisé en préambule, l’IASB a décidé de finaliser
les directives sur le modèle de comptabilité de couverture
générale indépendamment du second projet, la
comptabilité de macro-couverture nécessitant des
recherches plus poussées. Il est par ailleurs demandé de
maintenir en attendant la comptabilité de macro-
couverture selon l’IAS 39 afin que les entités ne soient pas
pénalisées entre-temps.
Le texte concerne donc uniquement à ce jour les
opérations de couverture « micro adossées », visant des
instruments individuels et des portefeuilles fermés.
L’IFRS 9 a pour objectif global d’aligner la comptabilité de
couverture avec la stratégie de gestion des risques. La
comptabilité de couverture restera un traitement
comptable optionnel mais elle ne doit pas être en
contradiction avec la politique de gestion des risques.
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Pour rappel, la disposition relative à la comptabilité de
couverture avait déjà été exclue de la norme IAS 39 lors de
son adoption par le règlement CE 2086/2004 du 19
novembre 2004. Ainsi, cette exception a autorisé la
couverture des dépôts à vue.
2. Notre compréhension des principaux
enjeux
La mise en œuvre de cette nouvelle norme implique que
les établissements soient en capacité de décliner la
publication de l’IASB au niveau des gouvernances et
process mais également des Systèmes d’Information.
En effet, les institutions financières devront revoir le mode
de classement et d’évaluation comptable de l’ensemble
de leurs actifs financiers mais également faire évoluer
leurs systèmes d’information afin d’être en mesure de
calculer les dépréciations selon la nouvelle approche
basée sur les pertes de crédit attendues.
Des impacts probables - et donc à mesurer - sont à prévoir
au niveau du processus d’organisation, de collecte
d’informations et d’alimentation des systèmes pour la
plupart des groupes bancaires.
2.1. Les principaux enjeux & challenges identifiés à ce
jour
2.1.1. Une norme restant à adopter au niveau Européen…
La norme, devant être mise en application au 1er janvier
2018 selon la publication de l’IASB, n’est à ce jour pas
encore adoptée par l’Union Européenne. Ceci met les
entités européennes dans une situation potentiellement
délicate dans la mesure des premières études doivent
être réalisées afin d’estimer les impacts potentiels sur les
états financiers et l’activité.
L’adoption de la norme par l’UE est cependant attendue
pour la fin de l’année 2015.
2.1.2. Des enjeux financiers
D’ici là, les différents établissements devront également
estimer précisément les conséquences de la norme sur
leurs fonds propres réglementaires, leurs indicateurs clés
de performance et communiquer sur ces impacts vis-à-vis
des différentes parties prenantes (superviseurs,
actionnaires, analystes…).
Selon l’approche prospective de provisionnement du
risque de crédit telle que définie par la nouvelle norme, les
établissements devront comptabiliser immédiatement en
charges un certain montant de pertes attendues. Ce
montant devra être réévalué à chaque arrêté afin de tenir
compte des évolutions du risque de crédit relatif à l’actif
détenu et des anticipations de pertes attendues. Un
impact sur les capitaux propres est alors attendu dès
2018, et donc sur le ratio de solvabilité (numérateur) des
institutions. Une possible volatilité des impacts en
capitaux propres est par ailleurs à prévoir.
La déclinaison de la Norme pose une autre
problématique. En effet, l’élaboration d’un budget pour un
tel changement constitue un défi pour les institutions
financières. Celles-ci doivent tenir compte dès à présent
du fait que de nouveaux processus et contrôles seront
requis, notamment en termes de modélisation du risque
de crédit. Les budgets prévus pour l’implémentation
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d’IFRS 9 devront tenir compte des ressources nécessaires
tout en respectant les jalons fixés par le Régulateur.
2.1.3. Des enjeux de gouvernance et de contrôle…
La mise en œuvre de la norme IFRS 9 fait appel non
seulement à des notions comptables mais également à
des notions Risques. Une coopération accrue est
fondamentale entre les départements Risques et Finance.
En effet, la norme comptable nécessite une expertise de
l’évaluation du risque de crédit.
A ce titre, la comptabilité doit dorénavant s’impliquer et
contribuer à la détermination des pertes attendues
(processus à ce jour purement prudentiel). Le nouveau
modèle de provisionnement nécessite par ailleurs un suivi
constant des expositions ainsi que des exigences accrues
en termes de communication financière : communication
sur les impacts ceux-ci étant potentiellement volatils -
auprès des marchés, actionnaires, … En parallèle de cette
gouvernance Finance/Risques, une gouvernance
Centrale/Locale accrue est nécessaire, notamment
autour des données et modèles.
En termes de collecte et restitution, une co-responsabili
des filières Risques et Finance doit être mise en place
dans le cadre plus global des reportings réglementaires.
2.1.4. Des enjeux de systèmes et de données…
La mise en œuvre de la nouvelle norme faisant appel à de
nombreuses informations, la collecte des données
nécessaires à la construction des modèles et états
financiers est un enjeu clé pour les établissements
financiers. En effet, l’ensemble des données requises
n’est pas disponible de manière systématique - à ce jour -
dans les systèmes (e.g. échéanciers, TIE, notation à
l’origine et à date de reporting, …). Les institutions sont
donc contraintes de mettre en œuvre les évolutions
systèmes et process ad-hoc, tout en respectant les
principes de qualité des données définis dans le BCBS
239.
L’élaboration des reportings conformes aux exigences
réglementaires est également un challenge pour les
banques. En effet, une question se pose quant à la
transparence des informations et l’impact sur les
reportings actuels.
Les travaux de mise en œuvre devront par ailleurs
s’articuler autour de la "simplicité" et "l’insertion
opérationnelle", afin de :
- éviter l’effet "boite noire" dans le cadre de l’évolution
des systèmes
- privilégier l’auditabili et la capacité d’explication des
variations
- assurer la capacité de ploiement et l’évolutivité
du/des système(s)
- permettre une certaine paramétrabilité et flexibilité des
systèmes (saisie des paramètres d’allocation entre les
catégories de provisionnement et de calcul des pertes
attendues) afin de rendre possible une différenciation par
segment
Les contrôles qualité des données mais également
KPI/fonctionnels sont par ailleurs nécessaires pour
assurer la fiabilité des modèles mis en place e.g.
contrôle du niveau de provisionnement ainsi que des
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