655
LAjournée se fige lorsque
les sirènes retentissent à dix
heures. Deux minutes plus tard, la
matinée israélienne reprend
comme à l’ordinaire, ou presque.
C’est le Yom haShoah, le jour
d’avril consacré à la commémora-
tion de la Shoah. Des cérémonies
se déroulent aujourd’hui dans plu-
sieurs pays, mais cette com-
mémoration annuelle a été
instituée pour la première
fois en 1951 par la Knesset, le
parlement d’Israël.
Le calendrier hébraïque
fixe au 27ème jour du mois de
Nissan la célébration du Yom
haShoah, date anniversaire
du début du soulèvement du
ghetto de Varsovie, le 19 avril
1943. Peu après Yom
haShoah, Yom Haatsmaout
(le jour de l’indépendance
d’Israël) est célébré le 5
Iyyar, anniversaire de la pro-
clamation de l’État, le 14 mai
1948. La proximité de ces
deux dates n’est guère for-
tuite. Elle suggère qu’après
les ruines et la résistance du
ghetto de Varsovie, les
ravages et les désespérances
de la Shoah, la vie juive
retrouve une nouvelle vitalité
en Israël.
Retentissant avant la
célébration de l’indépendance
israélienne, les sirènes émettent
aussi plusieurs avertissements :
demeurez vigilants ; ne considérez
pas l’existence d’Israël comme
acquise. Soyez réalistes : n’imagi-
nez pas que la Shoah ne sera
jamais oubliée, et encore moins
que le génocide appartient au
passé. Ne vous leurrez pas : ne
pensez pas que l’existence d’Israël
« compense » la Shoah. Soyez
lucides : ne faites pas de la Shoah
un mal qui aurait, en quelque
sorte, produit un « bien ».
Le hurlement des sirènes ne
doit pas entamer la joie de l’État
d’Israël, ni sa fierté pour ses réali-
sations, ni ses espérances pour son
avenir, y compris une paix
véritable avec des voisins arabes
souvent hostiles. Le hurlement
des sirènes ne signifie pas non
plus que l’identité juive équivaut à
un statut de victime. Les sirènes
du Yom haShoah nient encore
moins le dynamisme de la
vie juive après la Shoah. Au
contraire, ces sirènes
peuvent et doivent être
entendues, du moins en par-
tie, comme des expressions
de courage et de confiance
dans le fait que la vie juive
est ici pour durer –
vigoureuse, brillante et, à
son sommet, ce que le
prophète Isaïe appelait « une
lumière pour les nations. »
Un rêve royal
L’État d’Israël moderne a
célébré son 50ème anniversaire
en 1998. L’aspiration à un
État juif est cependant bien
plus ancienne. Vers la fin du
XIXe siècle, Nathan
Birnbaum, dirigeant juif
autrichien, était à la tête d’un
groupe nationaliste juif
appelé Hovevei Tsion
(Amants de Sion). Il introduisit le
terme sionisme en 1893. Depuis
cette époque, le sionisme constitue,
en partie, une réponse à l’antisémi-
tisme.
Quelques mois après l’indépendance d’Israël, des Juifs
amputés se retrouvent devant une salle de cinéma à Tel Aviv.
Le film d’Hollywood Les meilleures années de notre vie porte
sur les Américains rentrés chez eux après la guerre.
ÉPILOGUE
L’APRÈS
« Observateur de l’Histoire
contemporaine, tourne ton
regard vers les monceaux de
cadavres, arrête-toi un
instant, et pense que ces
pauvres restes de chair et
d'os, c’est ton père, ton
enfant, ta femme, c’est l'être
que tu chéris ! Regarde,
regarde-toi ainsi que tes
proches, auxquels tu es
attaché de cœur et d’esprit,
jetés nus dans les
immondices, tourmentés,
affamés, assassinés. »
—Eugen Kogon, écrivain rescapé de Buchenwald
L’APRÈS
656
Il exprime également
l’affirmation d’une culture juive dis-
tincte et la volonté de fonder et de
soutenir une patrie juive par des
voies politiques. Historiquement, les
aspirations sionistes ont reflété
diverses sensibilités politiques, cul-
turelles et religieuses. Certains sio-
nistes se sont situés politiquement à
gauche, d’autres à droite ; certains
sont laïques, d’autres religieux ; les
uns et les autres, plus ou moins mili-
tants. Ils partagent cependant la
même cause : le soutien et la
défense d’un État pour les Juifs
dans un territoire appelé précédem-
ment Palestine et, dans des temps
encore plus anciens, l’époque
biblique, possédé par les Juifs eux-
mêmes.
En 1896, le dirigeant juif
Théodore Herzl qualifia le concept
d’État juif de « rêve royal ». Ce rêve
est devenu réalité, mais seulement
après des cauchemars qu’Herzl ne
connut pas et n’aurait jamais imagi-
nés.
Le terme biblique aliyah,
signifiant « montée », désigne
un voyage jusqu’aux collines
de Jérusalem ; il est commu-
nément utilisé pour désigner
l’immigration en Israël.
Entre 1882 et 1903, environ
30 000 Juifs immigrèrent en
Palestine, ce qui doubla la
population juive de la région.
Ce nombre demeurait
cependant dérisoire,
comparé aux 500 000 Juifs
d’Europe orientale et de
Russie qui pénétrèrent aux
États-Unis à la même époque.
35 000 Juifs se rendirent en
Palestine au cours de la deuxième
Aliyah (1904-1914), soit un petit
pourcentage du nombre de Juifs
(1,5 million) qui fuirent les pogroms
d’Europe orientale, incessants aux
cours de ces dix années. En 1914,
un demi million d’Arabes et 85 000
Juifs vivaient en Palestine.
De puissants intérêts
économiques et stratégiques au
Moyen-Orient, notamment le
contrôle du canal de Suez, conduisi-
rent la Grande-Bretagne à adopter
la Déclaration Balfour, du nom du
ministre des Affaires étrangères
Arthur James Balfour. Elle stipulait
que le gouvernement britannique
serait favorable à « l’établissement
en Palestine d’un foyer national
pour le peuple juif, et fera tout son
possible pour favoriser la réalisation
de cet objectif, étant clairement
entendu que rien ne sera fait qui
puisse porter atteinte aux droits
civiques et religieux des communau-
tés non juives existantes en
Palestine, ou aux droits et au statut
politique des Juifs dans tout autre
pays. »
La Déclaration Balfour fut
publiée peu après l’entrée des
troupes britanniques en Palestine,
en octobre 1917. Au mois de
septembre de l’année suivante, la
région tout entière se trouvait sous
contrôle britannique. En vertu des
dispositions adoptées après la
guerre par la toute récente Société
des nations, la Palestine fut placée
sous mandat britannique. Les
Britanniques furent alors chargés de
contrôler une Palestine où la popu-
lation arabe majoritaire voyait d’un
mauvais œil la population juive
minoritaire œuvrer de plus en plus
intensément à la création de l’État
évoqué par la Déclaration Balfour.
La Grande-Bretagne accueillit
favorablement l’immigration en
Palestine jusqu’aux émeutes arabes
1947 : Jozef Tiso, ancien premier
ministre de Slovaquie et allié d’Adolf
Hitler, est jugé et exécuté en Tchéco-
slovaquie. • Le diplomate suédois
Raoul Wallenberg meurt dans une pri-
son soviétique (selon un rapport sovié-
tique de 1956). • Le ministre belge
Jean Terfve, communiste, fait adopter
une loi sur la commémoration des vic-
times juives des persécutions nazies.
4 janvier-4 décembre 1947 : Le procès
de 15 juges nazis se déroule à Nuremberg,
en Allemagne. Quatre sont condamnés à
la prison à vie, quatre autres à dix ans de
prison, un à sept ans et un autre à cinq
ans. Quatre sont acquittés et un est libéré
pour raison de santé.
13 janvier-3 novembre 1947 : Dix-
huit anciens membres du Wirtschafts-
und Verwaltungshauptamt (principale
instance nazie chargée de l’économie
et de l’administration) sont jugés à
Nuremberg. Quatre sont condamnés
à mort et onze à des peines de
prison ; trois sont acquittés.
8 février-22 décembre 1947 : Six
industriels allemands, dont Friedrich
Flick, sont jugés à Nuremberg. Trois
Le bateau d’immigrants « illégaux », le
Théodore Herzl, arriva à Haïfa (Eretz Israël),
en 1947. Sur la bannière, il est écrit :
« Les Allemands ont détruit nos familles…
Ne ruinez pas nos espoirs. »
En juillet 1947, un soldat britan-
nique contraint des enfants juifs à
débarquer de l’Exodus.
657
L’APRÈS
de mai 1921. L’immigration fut
alors temporairement suspendue,
mais le secrétaire britannique aux
Colonies, Winston Churchill,
publia un Livre blanc du
gouvernement qui réaffirmait la
Déclaration Balfour. Le Livre
blanc établissait que la Palestine ne
deviendrait pas un territoire com-
plètement juif et liait l’immigration
juive à la capacité d’intégration
économique du pays.
Si les Britanniques ne firent
rien pour encourager un État juif,
l’immigration juive en Palestine
augmenta constamment. Vers la
fin des années 1930, la présence
juive s’était renforcée, la
population arabe avait elle aussi
augmenté et une partie d’entre
elle fomenta des troubles en
faveur d’un État arabe palestinien.
La tentative de la Grande-
Bretagne d’apaiser les troubles se
traduisit par l’adoption du Livre
blanc de 1939. Entre autres
clauses controversées du Livre
blanc : 1. Au bout de dix ans, les
Britanniques créeraient un État
palestinien indépendant binational
dans lequel Juifs et Arabes parta-
geraient le pouvoir proportionnel-
lement à leurs populations
respectives. 2. Durant les cinq
premières années, 75 000 Juifs
seraient autorisés à pénétrer en
Palestine ; ensuite, l’immigration
dépendrait de l’accord arabe. 3.
Les achats de terres par les Juifs
seraient considérablement réduits.
Lorsque la Seconde Guerre
mondiale commença, moins de
quatre mois plus tard, non seule-
ment le rêve de Théodore Herzl
d’un État juif se trouva en hiber-
nation, mais les portes d’un refuge
contre l’antisémitisme qu’il redou-
tait furent brusquement fermées.
De 1939 à 1945, environ 50 000
Juifs seulement purent entrer en
Palestine. Environ 16 000 d’entre
eux arrivèrent clandestinement
par bateau grâce à des groupes
juifs militants décidés à s’opposer
aux tentatives britanniques.
Ultérieurement, la passion
d’après-guerre pour une patrie juive
en Palestine incita des groupes juifs
sont condamnés à des peines de
prison ; trois sont acquittés.
29 mars 1947 : Rudolf Höss, ancien com-
mandant d’Auschwitz, est condamné à mort
par un tribunal de Varsovie (Pologne) ; voir
16 avril 1947. • Le chasseur de nazis Simon
Wiesenthal fonde un Centre de documenta-
tion sur les criminels de guerre nazis à Linz,
en Autriche.
16 avril 1947 : Pendaison de Rudolf
Höss, ancien commandant d’Auschwitz.
8 mai 1947-30 juillet 1948 : Vingt-
quatre membres du conseil d’adminis-
tration d’I.G. Farben sont jugés à
Nuremberg. Treize sont condamnés à
des peines de prison ; dix sont acquit-
tés et l’un n’est pas jugé compte tenu
de son état de santé.
10 mai 1947-19 février 1948 : Douze
anciens officiers de la Wehrmacht sont
jugés à Nuremberg au cours du « procès
des otages ». Huit sont condamnés à des
peines de prison, deux sont acquittés, un
se suicide et le dernier est libéré pour rai-
son de santé.
1er juillet 1947-10 mars 1948 : Procès de
14 anciens chefs SS à Nuremberg. Treize
L’immigration juive en Palestine
Sur les 250 000 Juifs qui devinrent des DP (displaced persons) à la
fin de la guerre, bien peu souhaitaient demeurer en Europe. Confi-
nés dans des camps de DP, ils souhaitaient commencer une nouvelle
vie ailleurs.
La plupart des Juifs espéraient émigrer en Palestine. Cependant,
comme c’était le cas pendant la guerre, leur évasion fut entravée par
les quotas d’immigration imposés par les Britanniques qui détenaient
le mandat sur la Palestine. Grâce aux activités du Mossad, l’organisa-
tion secrète juive, les Juifs parvinrent à entreprendre des voyages
clandestins vers la Palestine, de 1945 à 1948.
Traversant des montagnes et se dirigeant à la faveur de la nuit
vers les côtes européennes, des familles juives s’entassaient alors à
bord d’embarcations délabrées qui tentaient d’esquiver les
patrouilles britanniques. En cas de découverte, elles étaient arrêtées.
Malgré les risques, 64 bateaux acheminèrent plus de 70 000 per-
sonnes sur les plages d’Eretz Israël (Palestine). 50 000 autres furent
arrêtées et emmenées dans des camps de détention britanniques sur
l’île de Chypre.
Dans l’incapacité de stopper l’exode des Juifs d’Europe, les Bri-
tanniques finirent par céder. La proclamation de l’indépendance d’Is-
raël en 1948 permit une immigration en masse d’environ les
deux-tiers des personnes déplacées. Les autres réfugiés choisirent de
s’installer ailleurs, 70 000 environ se rendant aux États-Unis, lorsque
les quotas devinrent moins restrictifs en 1948 et en 1950.
Une grenade à la main, une jeune
femme de la Haganah, la résistance
juive clandestine, s’entraîne dans la
perspective des combats sur le mont
Scopus, à Jérusalem, en 1948.
L’APRÈS
658
clandestins à tenter d’expulser
les Britanniques par la force :
notamment l’Irgoun, dirigé
par Menahem Begin, et le
Lehi, dirigé par Yitzhak Sha-
mir (tous deux furent par la
suite premier ministre en
Israël). La répression britan-
nique tenta de contenir ces
mouvements minoritaires,
mais l’insurrection s’intensifia
en faveur d’un État d’Israël.
Ce bref récit des quelque 50 ans de
l’histoire de la Palestine évoque une
partie de la lutte menée par les Juifs
pour leur patrie et soulève une grave
question : Les Juifs de Palestine ont-il
fait tout ce qui était en leur pouvoir
pour contrecarrer la Shoah ? Le débat
demeure. D’aucuns critiquent les Bri-
tanniques qui refusèrent de soutenir
les efforts militaires des Juifs. D’autres
affirment que les dirigeants juifs en
Palestine demeurèrent trop passifs et
trop dociles face à la politique britan-
nique. Quoi qu’il en soit – et les deux
affirmations sont peut-être exactes –
un fait incontournable demeure : les
tendances antisémites en Europe se
firent de plus en plus intenses dans les
années 1930, conduisant par la suite au
meurtre systématique de six millions
de Juifs. La réflexion des rescapés sur
ce crime commença à faire l’objet de
nombreuses publications après la
guerre.
La choc de la découverte
J’ai parlé avec la mort,
alors je sais
comme trop de choses apprises
étaient vaines,
mais je l’ai su au prix de souf-
frances si grandes
que je me demande si cela en valait
la peine.
— Charlotte Delbo,
Auschwitz et après
sont condamnés à des peines de prison ; le
dernier est acquitté.
3 juillet 1947-10 avril 1948 : Vingt-
quatre officiers de la SS et du SD sont
jugés à Nuremberg. Quatorze sont
condamnés à mort.
12 juillet 1947 : À Netanya, en Eretz
Israël (Palestine), des Juifs kidnappent et
battent deux membres des services secrets
de l’armée britannique ; les autorités bri-
tanniques instaurent temporairement la
loi martiale dans la région.
18 juillet 1947 : La prison de Spandau, à
Berlin-Ouest, accueille les criminels nazis
condamnés à des peines de détention :
Baldur von Schirach (voir 1966), Karl
Dönitz, le baron Konstantin von Neurath,
Erich Raeder, Albert Speer (voir 1966),
Walther Funk, et Rudolf Hess (voir 17
août 1987).
14 août 1947 : Le prince allemand
Josias von Waldeck-Pyrmont, premier
membre de la vieille noblesse
allemande à avoir été recruté par la
SS, est accusé de crimes de guerre et
condamné à la prison à vie.
La clandestinité
juive en
Palestine
La Haganah (Forces de
défense) fut fondée en 1920
pour combattre les attaques
arabes lancées contre les Juifs
palestiniens. Acceptant les
femmes comme leurs égaux,
les membres de la Haganah
combattirent aux côtés des Bri-
tanniques pendant la Seconde
Guerre mondiale. LIrgoun
(Organisation militaire natio-
nale) fut créée en 1931 par des
membres dissidents de la
Haganah qui ressentaient le
besoin d’ouvrir la Palestine en
dépit de l’opposition britan-
nique, afin de sauver des Juifs
européens.
Pendant la Shoah,
l’Irgoun aida l’Aliya Bet
(ou immigration juive « illé-
gale ») des Juifs européens en
Palestine, tout en épaulant les
Britanniques dans leur lutte
antinazie. Mais lorsque la
guerre fut pratiquement
gagnée, l’Irgoun commença à
attaquer des cibles militaires bri-
tanniques en Palestine en raison
de la politique juive de la
Grande-Bretagne, politique
trop restrictive, antisémite et
collaborant avec les Allemands.
Le groupe Stern, encore plus
combatif, qui jugeait les Britan-
niques en général antijuifs et
pro-arabes, combattit les Britan-
niques comme les Allemands.
Menahem Begin fut le premier
ministre d’Israël de 1977 à 1983.
Jeune militant sioniste dans les
années 1930 à Varsovie, il se ren-
dit en Palestine avec l’armée polo-
naise en exil en 1942. Begin
dirigea le groupe militaire Irgoun
de 1943 à 1948.
En 1948, de jeunes membres de l’or-
ganisation clandestine de la Haganah,
accompagnés de leurs chiens, gardent
une implantation juive dans le Néguev
contre une éventuelle attaque arabe.
659
L’APRÈS
Connaissance inutile. C’est
ainsi que Charlotte Delbo qualifie
son expérience à Auschwitz et à
Ravensbrück. Elle n’était pas
juive et fut pourtant envoyée à
Auschwitz en 1943. Sur les 230
Françaises de son convoi, elle fut
l’une des 49 qui survécurent. Ch.
Delbo vit ce qui était arrivé aux
Juifs, à ses camarades françaises
et à elle-même. Elle n’aurait pas
dû connaître Auschwitz. Lorsque
les Allemands occupèrent la
France en juin 1940, Ch. Delbo
se trouvait en tournée en
Amérique du Sud avec une troupe
de théâtre. Contre l’avis de ses
amis, elle revint en
France pour rejoindre
son mari Georges
Dudach et travailler
avec lui dans la
Résistance.
Arrêtés par la police
française collaboration-
niste, le 2 mars 1942,
tous deux furent livrés aux
Allemands qui les emprisonnèrent
séparément. Ch. Delbo eut droit à
une brève entrevue avec son mari,
juste avant sa mise à mort par un
peloton d’exécution, le 23 mai.
Prisonnière en France jusqu’à sa
déportation, Ch. Delbo décrit
ainsi son arrivée à Auschwitz en
janvier 1943 : « Les wagons
s’étaient ouverts au bord d’une
plaine glacée. C’était un endroit
d’avant la géographie. Où étions-
nous ? Nous devions apprendre –
plus tard, deux mois plus tard au
moins ; nous, celles qui deux mois
plus tard étaient encore en vie –
que l’endroit se nommait Ausch-
witz. Nous n’aurions pu lui
donner un nom. »
Ces mots sont extraits de la
superbe trilogie de Charlotte
Delbo, Auschwitz et après, dont
les angoissantes descriptions et les
profondes réflexions sur la
mémoire font un témoignage
exceptionnel sur la Shoah. Les
trois parties commencent par
Aucun de nous ne reviendra
qu’elle écrivit en 1946 après avoir
été libérée par la Croix rouge du
camp de femmes de Ravensbrück.
Après sa convalescence en Suède,
elle revint en France. Ch. Delbo
attendit cependant près de 20 ans
avant d’autoriser la publication de
Aucun de nous ne reviendra en
1965. Des parties de Une connais-
sance inutile furent également
rédigées peu après son retour en
France, mais ce second volume de
la trilogie ne parut qu’en 1970. La
suite, Mesure de nos jours, suivit
bientôt.
« Auschwitz, déclara Ch. Delbo
dans La mémoire et les jours, est
si profondément ancré dans ma
mémoire que je ne peux l’oublier
un seul instant. » Effectivement,
durant les mois et les années
après Auschwitz, elle réapprit ce
qu’elle avait oublié avant son cal-
vaire. Ici, en France où elle était
revenue, elle pourrait faire ce qui
là-bas avait été impossible, par
exemple utiliser une brosse à
16 août 1947-31 juillet 1948 : Pro-
cès de 12 dirigeants de Krupp. Onze
sont condamnés à des peines de pri-
son ; un seul est acquitté. Tous béné-
ficieront par la suite d’une remise de
peine.
20 août 1947 : Fin du « procès des
médecins » à Nuremberg. 16 des 23
médecins accusés sont reconnus cou-
pables. Sept sont condamnés à mort,
cinq à la prison à vie, deux à 20 ans de
détention, un à quinze ans et un autre
à dix ans de prison. Les sept autres
sont acquittés.
Fin août 1947 : À l’issue du procès
des médecins, le Code de Nuremberg,
en dix points, est adopté en vue de
réglementer la recherche mettant en
jeu des sujets humains.
8 septembre 1947 : Les troupes bri-
tanniques en Palestine emploient du
gaz lacrymogène pour empêcher le
débarquement des réfugiés juifs de
l’Exodus.
3 novembre 1947 : Fin du procès
d’Oswald Pohl, général SS chargé des
Kazet, une troupe de théâtre res-
capée, joue La colonie de la mort
au camp de personnes déplacées
de Bergen-Belsen. En 1947, cette
troupe se produisit devant des
publics de DP dans toute l’Europe.
Cette sculpture en bronze,
«Mémorial aux victimes des
camps », œuvre de Nandor Glid,
se dresse dans l’enceinte de Yad
Vashem, à Jérusalem.
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