Lire l`article complet

publicité
C
A
S
C
L
I
N
I
Q
U
E
Un accident sur la voie publique aux conséquences
inattendues
● B. Lascar*, M. Zamni**, G. Cadélis**, E. Lepage**, N. Fadel**, J.P. Lecouturier*
M
onsieur B., âgé de 55 ans, est victime d’un accident sur la voie publique (AVP) le 8 mai 1997.
À l’examen clinique initial, on constate une
hémodynamique stable chez un patient parfaitement conscient,
avec une tension artérielle à 100/70 et un pouls à 80/min. Sa fréquence respiratoire est à 20/min et l’auscultation pulmonaire normale, sans râles crépitants.
Interrogatoire et examen clinique
L’auscultation cardiaque retrouve un souffle systolique dans
tout le précordium avec composante diastolique. Ce souffle
n’existait pas précédemment. Il n’y a pas de signes d’insuffisance
cardiaque droite ou gauche. L’électrocardiogramme ne montre
que des séquelles d’infarctus inférieur. Par ailleurs, il existe une
luxation de la hanche droite qui est réduite le jour même sous
anesthésie générale. La radiographie pulmonaire associée au gril
costal révèle l’existence d’une fracture de la partie antéro-latérale des 5e et 6e côtes gauches, et une contusion pulmonaire au
niveau du lobe supérieur droit est décelée au scanner thoracique.
À l’interrogatoire, on apprend qu’il s’agit d’un patient coronarien suivi depuis 1985, avec monopontage de l’IVA la même
année. En 1989, il bénéficie d’une triple angioplastie (ATC) sur
deux marginales et la circonflexe distale.
Ensuite, il est stable jusqu’au 15 février 1997, date à laquelle il
présente un infarctus myocardique inférieur, qui sera fibrinolysé
à la 4e heure. L’examen clinique initial et final d’alors ne note
aucun souffle dans l’aire cardiaque. La coronarographie retrouve
une akinésie postérieure et apicale du ventricule gauche, un pontage IVA perméable, et des sténoses serrées sur la coronaire droite
et sur la marginale. La discussion quant à la décision thérapeutique à adopter est restée ouverte, et le patient ne reconsulte pas,
car la situation est stable. Le compte-rendu ne mentionne par
ailleurs aucune anomalie.
Les examens suivants sont réalisés :
L’échographie cardiaque transthoracique, de réalisation difficile, semble mettre en évidence une CIV, notamment au doppler couleur, avec dilatation des cavités droites et une insuffisance
tricuspidienne de moyenne importance.
L’échographie cardiaque transœsophagienne confirme la CIV
de la partie basse du septum interventriculaire dans une zone où
celui-ci est aminci, probablement ischémique, alors que le reste
du septum est plutôt hypertrophique (figures 1 et 2).
Échographies
cardiaques
transœsophagiennes.
2
Devant le tableau auscultatoire présent, le diagnostic de communication interventriculaire post-traumatique est évoqué.
* Service de médecine interne (Dr Lecouturier), Centre Hospitalier,
78120 Rambouillet.
** Service de réanimation et des urgences (Dr Fadel), Centre Hospitalier,
78120 Rambouillet.
La Lettre du Cardiologue - n° 294 - mai 1998
11
1
C
A
S
C
L
I
N
Le cathétérisme des cavités droites par sonde de Swan-Ganz
avec oxymétrie étagée confirme le shunt significatif avec une
pO2 à 36 torrs dans l’oreillette droite et à 63 torrs dans le ventricule droit, une hypertension artérielle pulmonaire à 46/25 torrs
et un débit cardiaque élevé à 7,61/min.
Intervention chirurgicale
Le patient est donc confié aux chirurgiens. Compte tenu des antécédents coronariens récents, une coronarographie préopératoire
est réalisée et retrouve un pontage mammaire perméable, une sténose marginale, des sténoses sur la coronaire droite et une CIV
moyenne avec un ventricule droit dilaté ainsi qu’une cinétique
ventriculaire gauche conservée.
L’intervention chirurgicale retrouve la CIV musculaire siégeant
juste en avant de la tricuspide au centre du septum, mesurant environ 2 à 3 cm de diamètre, dans une zone où le septum est aminci.
La rupture septale est fermée par un grand patch de Gore-Tex®.
Le bilan des lésions va retrouver aussi une valve tricuspide très
fine, avec un anneau très dilaté et une rupture de la partie basse
des folioles septales et inférieures. Ces deux valvules vont être
réinsérées, puis un anneau de Carpentier sera mis en place. Les
pontages coronariens ne pourront être effectués faute de greffon
utilisable, mais une ATC de la marginale a été réalisée avec succès ; en revanche, la coronaire droite n’a pu être dilatée. Les suites
opératoires ont été simples et le patient a regagné son domicile.
CONCLUSION
Il s’agit d’une communication interventriculaire due à un choc
traumatique sur un septum déjà fragilisé et extrêmement ischémique, associée à une rupture valvulaire tricuspide. En reprenant la littérature, on remarque que les CIV et les ruptures tricuspides post-traumatiques sont assez rares, souvent de révélation
tardive. Elles ont été favorisées, dans notre observation, par les
antécédents du patient.
■
R
É F É R E N C E S
B I B L I O G R A P H I Q U E S
1. Jebara V.A., Acar C., Dervanian P., Farge A., Sousa Uva M., Julia P., Fabiani
J.N., Blondeau P., Carpentier A. Traumatic ventricular septal defects. Report of
3 cases with tricuspid valve rupture in 2 cases. J Cardiovasc Surg (Torino) 1992 ;
33 (2) : 253-5.
2. Moront M., Lefrak E.A., Akl B.F. Traumatic rupture of the interventricular septum and tricuspid valve : case report. J Trauma 1991 ; 31 (1) : 134-6.
3. Katz N.M., Pallas R.S. Traumatic rupture of the tricuspid valve : repair by
chordal replacements and annuloplasty. J Thorac Cardiovasc Surg 1986 ; 91 (2) :
310-4.
12
La Lettre du Cardiologue - n° 294 - mai 1998
I
Q
U
E
Téléchargement