UNIVERSITE MONTPELLIER 1 CENTRE DE DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE MASTER 2 CONSOMMATION ET CONCURRENCE UMR 5815 DYNAMIQUES DU DROIT L’AVANTAGE CONCURRENTIEL ET LE CONTRAT Par Céline CRACCO Sous la direction de Madame Alice TURINETTI Doctorante à la faculté de droit de Montpellier Année universitaire 2012/2013 L’AVANTAGE CONCURRENTIEL ET LE CONTRAT REMERCIEMENTS Je tiens à adresser mes sincères remerciements à : Monsieur Malo DEPINCE, Maître de conférences à la Faculté de droit de Montpellier et Directeur du Master 2 Consommation et Concurrence, pour m’avoir permis de suivre cette formation professionnelle ainsi que pour la formidable année universitaire passée, très instructive. Monsieur Daniel MAINGUY, Professeur à la faculté de droit de Montpellier et Directeur du Master 2 de Droit économique privé, pour l’accueil et les enseignements prodigués. Madame Alice TURINETTI, Doctorante à la Faculté de Montpellier et Directive de ce mémoire, pour sa patience, sa gentillesse, sa disponibilité et ses conseils, indispensables à l’élaboration de ce mémoire. L’ensemble de l’équipe du CDCM pour leur attention et leur soutien tout au long de cette année. SOMMAIRE Introduction................................................................................................................. 1 Section 1. La constatation du traitement négatif de l’avantage contractuel par le droit de la concurrence ............................................................................................................................... 2 Section 2. La limitation de l’avantage concurrentiel à une optimisation contractuelle ........ 13 PARTIE 1. La préparation de l’avantage concurrentiel ........................................ 17 Chapitre 1. L’attraction préalable du professionnel .............................................. 17 Section 1. L’attractivité limitée de l’information diffusée par l’opérateur ........................... 19 Section 2. L’attractivité naturelle de l’information diffusée par un intermédiaire ............... 30 Chapitre 2. L’attraction préalable du consommateur ............................................ 37 Section 1. L’optimisation par le déplacement du consommateur vers le professionnel ....... 37 Section 2. L’optimisation par le déplacement du professionnel vers le consommateur ....... 50 PARTIE 2. La contractualisation de l’avantage concurrentiel .............................. 59 Chapitre 1. La création de l’avantage contractuel.................................................. 60 Section 1. La différenciation par le prix ............................................................................... 61 Section 2. La différenciation par le produit .......................................................................... 73 Chapitre 2. La reprise contractuelle d’un avantage concurrentiel ....................... 91 Section 1. L’obtention de conditions avantageuses par le regroupement ............................. 91 Section 2. La réitération de conditions avantageuses par la franchise .................................. 99 Annexes ................................................................................................................... 109 Annexe 1. Le contenu des CGV .................................................................................... 109 Annexe 2. La fixation du prix ....................................................................................... 116 Annexe 3. Les neufs facteurs de T. Nagle et R.K. Hodle ............................................ 118 Annexe 4. Le calcul du Seuil de Revente à Perte ........................................................ 120 Bibliographie ........................................................................................................... 121 Index alphabétique.................................................................................................. 127 INTRODUCTION 1. L’avantage concurrentiel. L’avantage se définit de diverses manières. Il peut tantôt être un simple profit ou encore désigner quelque chose de supérieur, c’est-àdire : « le fait, pour quelqu’un, un groupe, de l’emporter sur un autre ou sur d’autres, de lui être ou de leur être supérieur sous un certain rapport »1. L’avantage regroupe deux facettes qui sont complémentaires. Dans ce cas, le profit découle de la supériorité acquise sur l’autre. Pareillement, l’avantage concurrentiel se résumerait à la supériorité de quelqu’un sur ces concurrents. Le dictionnaire Larousse retient sur ce point que l’avantage concurrentiel est « la meilleure maîtrise acquise, par rapport à la concurrence, de certaines compétences qui constituent un facteur décisif de succès dans un domaine d’activité ». Cette définition incorpore le caractère supérieur de l’avantage et son profit, puisque de la meilleure maîtrise découle un succès. 2. Avantage et concurrence Au-delà, il apparaît que l’avantage sur la concurrence passe par la nécessaire prise en compte de celle-ci. Une personne n’a pas à être la meilleure, il suffit qu’elle surpasse ces concurrents. Pour se faire, elle doit inévitablement se référer à ses concurrents. Cependant, l’avantage peut se faire au détriment de la libre concurrence. Dans ce cas, le profit retiré par une entreprise se fait à l’encontre de ses concurrents. 3. Avantage indu sur la concurrence. Conscient de l’impact que peut avoir l’avantage sur le marché, le droit prohibe des pratiques susceptibles de restreindre la concurrence. Ainsi, la présence de dispositions légales ou jurisprudentielles particulièrement strictes est souvent un indice de l’efficacité d’une pratique pour se détacher de la concurrence. C’est ainsi qu’un marché monopolistique ne peut connaître d’avantage concurrentiel, faute de concurrents ou parce que le leader met de barrières à l’entrée du marché (abus de position dominante). Dans le même sens, un marché où l’offre est identique en termes de produits et de prix ne peut connaître d’avantage concurrentiel, la concurrence n’ayant pas lieu. C’est typiquement le cas 1 Dictionnaire Larousse. –1– lorsqu’il existe des ententes sur le prix, qu’elles soient horizontales ou plus fréquemment verticales. Ce type d’ententes verticales se fonde sur le contrat entre fournisseur et distributeur. Elles sont donc les plus susceptibles de restreindre un avantage concurrentiel par le contrat. Abus de position dominante, prix prédateurs sont également prohibés, puisqu’ils ne permettent pas d’avoir un marché atomisé, marché où il existe une concurrence saine. Cependant, le revers d’un marché atomisé est la difficulté qu’ont les entreprises de s’imposer sur celui-ci. C’est généralement le signe qu’elles ne parviennent pas à acquérir un avantage concurrentiel majeur. Dès lors, on perçoit bien l’opposition qu’il existe entre avantage concurrentiel et concurrence. S’ils ont en effet la même étymologie, leurs finalités sont tout à fait différentes, l’avantage concurrentiel visant à surpasser la concurrence. C’est pourquoi, l’avantage est toujours traité négativement en droit de la concurrence (Section 1). Ce constat du traitement négatif par le droit de la concurrence rejaillit nécessairement sur l’avantage contractualisé (Section 2). Section 1. La constatation du traitement négatif de l’avantage contractuel par le droit de la concurrence 4. Le droit traite de manière négative l’avantage concurrentiel, en estimant qu’il soit anticoncurrentiel (I) ou qu’il soit déloyal (II). I. — Le traitement anticoncurrentiel de l’avantage 5. Présentation. L’avantage est généralement entendu par le droit de la concurrence, comme contre la concurrence, anticoncurrentiel au sens large. Il est ainsi tantôt une simple restriction de concurrence (A), tantôt l’objet d’une pratique véritablement anti-concurrentielle –au sens strict (B). Dans les deux cas, il s’agira de s’atteler à l’étude de l’avantage contractuel par rapport au droit de la concurrence. A. L’avantage contractuel restrictif de la concurrence 6. L’avantage concurrentiel : un délit civil. L’avantage est ici indu, puisqu’il constitue dans ce cas un délit spécifique. La négativité de l’avantage se retrouve –2– particulièrement en matière de pratiques restrictives à la concurrence. L’article L.422-6, I, 1° et 3° du Code de commerce prohibe ainsi l’avantage qui ne correspond à aucune contrepartie (1°) ou à une contrepartie disproportionnée ou encore comme condition préalable à la passation de commandes (3°). Ces articles ont vocation à encadrer les relations entre fournisseurs et distributeurs dans le monde de la grande distribution. Par ces articles, deux pratiques sont particulièrement visées : la coopération commerciale et la corbeille de la mariée. Cette dernière vise à ce que le distributeur contribue au paiement d’une opération du fournisseur, sans qu’il en retire une contrepartie. Elle est à ce titre expressément visée par le premièrement de l’article susmentionné : « Un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d'une opération d'animation commerciale, d'une acquisition ou d'un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins ou encore du rapprochement d'enseignes ou de centrales de référencement ou d'achat ». Cependant, seul l’avantage sans contrepartie est l’objet du contrat, celui préalable à la passation de commandes étant une condition à la passation du contrat. 7. L’avantage concurrentiel : un délit pénal. Au-delà de la condamnation de ces pratiques, dont la sanction est l’engagement de la responsabilité délictuelle de son auteur, d’autres pratiques constituent des infractions pénales. Contrairement aux avantages à proprement parler anticoncurrentiels (entendu comme une pratique anticoncurrentielle et non comme simplement restrictive de concurrence), ces délits, une fois constatés, sont sanctionnés, sans possibilité de rachat. Ainsi, l’avantage qui constituerait une pratique restrictive de concurrence ne peut être durable, en étant systématiquement sanctionné. Tel est le cas par exemple, d’un fournisseur qui souhaiterait se distinguer par le prix et imposerait à ses distributeurs, un prix minimum de revente, pratique pouvant être sanctionnée par une amende de 15 000 €, en vertu de l’article L.442-5 du Code de commerce. Par ailleurs, cette imposition peut également constituer une pratique anticoncurrentielle, s’il existe un accord entre un fournisseur et un distributeur. –3– B. L’avantage contractuel contraire à la concurrence 8. L’avantage visé par une pratique anticoncurrentielle est en principe prohibé en soi (1), cependant il n’en sera pas pour autant nécessairement sanctionné (2). 1. La prohibition per se de l’avantage anticoncurrentiel 9. L’avantage concurrentiel et la pratique anticoncurrentielle. La principale pratique anticoncurrentielle qui entoure un avantage concurrentiel est l’entente, l’abus de position dominante correspondant à une situation particulière du marché, où une entreprise y est le leader et tire abusivement profit de cette position. L’entente peut être horizontale (des concurrents se concertent) ou verticale. Dans ce cas, il s’agit typiquement de fournisseurs et de distributeurs qui passent un accord. L’entente verticale sera ici la seule envisagée, la prohibition des ententes verticales visant en réalité à contrôler les effets qu’a un contrat sur la concurrence, ce qui répond à la problématique de l’obtention d’un avantage concurrentiel par le contrat. Dès lors, cette pratique anti-concurrentielle limite nécessairement l’apposition d’un avantage concurrentiel dans le contrat. 10. La restriction de l’avantage contractuel par la prohibition des ententes verticales. Un arrêt récent de la Cour d’appel de Paris condamne une entente verticale sur les prix. Le 26 janvier 20122, dans un arrêt dit « Beauté Prestige International », elle confirme la décision rendue par l’Autorité de la concurrence3. Elle condamne les appelantes du secteur du parfum de luxe pour ententes verticales (LVMH, Beauté prestige International, Chanel, Clarins, Hermès, Christian Dior, Guerlain…). La Cour d’appel déclare infondée le recours en annulation, malgré les spécificités du secteur du luxe invoquées par certaines de ces entreprises afin de s’exonérer. Elle approuve l’Autorité de la concurrence en justifiant les différents éléments constitutifs d’une entente sur les prix : « que partant, la réalité des pratiques ou d’actions concertées entre distributeurs et fournisseurs portant sur un 2 CA Paris, Pôle 5 Ch. 5-7, 26 janv. 2012, n°2010/23945 3 AC 13 mars 2006, 06-D-04 bis, décision relative à des pratiques relevées dans le secteur de la parfumerie de luxe. –4– prix de vente minimum équivalant à un prix plancher et celle d’une police de prix impliquant aussi bien les fournisseurs que les distributeurs sont à l’évidence les éléments les plus significatifs du faisceau d’indices, graves, précis et concordants propres à établir la réalité d’une entente verticale généralisée sur les prix, contraire aux dispositions combinées des articles L.420-1 du Code de commerce et 81 §1 du TCE (aujourd’hui 101§1 du TFUE) ; que la simple constatation d’un alignement de prix n’est pas en soi suffisamment éclairant pour caractériser l’existence de cette infraction administrative »4. 11. L’avantage recherché apparait clairement dans cet arrêt. Il s’agit pour les fournisseurs de contrôler le prix de revente du produit par les distributeurs. Plus précisément, l’objectif est ici de pouvoir revendre le produit luxueux au prix le plus bas, la pratique en question portant sur l’imposition d’un prix plancher, autrement appelé prix minimum. Cette pratique interdite en soi (article L.442-5 du Code de commerce) en tant que pratique restrictive de concurrence. Elle est également prohibée si elle consiste en une entente. Les éléments constitutifs d’une entente sont repris par l’arrêt. La pratique doit être concertée : elle porte sur les prix, d’une part, et est contrôlée par une police des prix pratiqués par le fournisseur, d’autre part. 12. L’encadrement strict de l’avantage issu de la fixation du prix. Le prix s’avère anticoncurrentiel, si, conformément à l’article L.420-1, 2° du Code de commerce, il a pour effet de limiter ou restreindre l’accès de ses concurrents à un marché. Cet article s’applique tant aux ententes horizontales que verticales et sert de fondement à l’arrêt Beauté prestige. Le droit européen est similaire sur ce point. L’article 101 du TFUE (ex article 81 du TCE) prohibe également les ententes verticales. Le Règlement d’exemption R330/2010 énonce clairement au sein des premiers points que l’article 101 du TFUE s’applique à certaines catégories d’accords verticaux. L’article 101 concerne donc les ententes verticales. En vertu du premier paragraphe, point a, de cet article, le prix ne peut être fixé de façon directe ou indirecte, peu importe que ce soit le prix d’achat, de vente ou tout autre contrat. 4 CA Paris, Pôle 5 Ch 5-7, 26 janv. 2012, précité, p.49. –5– 13. La fixation du prix est donc très encadrée et témoigne de son caractère avantageux. L’intérêt de fixer des prix et particulièrement des prix bas, permet d’unifier un réseau ou en l’absence de réseau, d’avoir une offre uniforme pour un produit sur un territoire déterminé. Cependant, l’avantage obtenu est très défavorable pour le consommateur, la concurrence étant éludée, voire nulle, il ne peut bénéficier de conditions favorables, dont le prix. C’est pourquoi, imposer un prix de revente minimum constitue la plus grave des restrictions caractérisées en droit européen. L’article 4 a du Règlement d’exemption R330/2010 retire en effet le bénéfice de l’exemption à cette pratique. 2. La sanction aléatoire de l’avantage anti-concurrentiel 14. Des pratiques anti-concurrentielles nulles de plein droit. En principe, les pratiques susmentionnées sont prohibées en soi. La sanction est la nullité absolue, de plein droit de ces pratiques5. Toutefois, ce principe est largement remis en cause tant à l’égard de la difficulté d’apporter la preuve (a) (problème qui se retrouve également en matière de concurrence déloyale) qu’aux possibilités offertes pour le rachat de la pratique (b). a) La difficulté intrinsèque de la preuve 15. La difficulté de prouver l’accord. L’entente verticale, bien que portant sur un contrat, porte en réalité sur un accord tacite. La pratique incriminée, ici des prix bas de revente imposés, est généralement non contractualisée, afin d’éviter précisément d’être trop facilement identifiable et donc sanctionnée en tant que pratique restrictive, ou plus grave, comme entente. C’est pourquoi, elle est implicite et peut constituer en l’apposition de prix étiquetés. Dans ce cas, il existe certes une imposition mais il n’est pas rapporté l’accord nécessaire à toutes ententes. L’absence de preuves est donc intrinsèque à l’entente, puisqu’elle est à dessein implicite. Cependant, la jurisprudence constante permet des moyens de preuve facilitée pour l’établir. La preuve peut ainsi être rapportée par un faisceau d’indices « graves, précis et concordants » qui établissent que le prix voulu pour la revente est connu des 5 Article L420-3 du Code de commerce ou Article 101 § 2 du TFUE. –6– distributeurs, qu’une police des prix a été mise en place afin de contrôler leur application, qui doit être effective6. L’arrêt Beauté prestige réunit en l’occurrence ces indices qualifiés de « graves, précis et concordants ». 16. La preuve est donc difficile à rapporter, ce qui rend incertain la sanction de l’avantage : pour des mêmes faits, la preuve pourra ou non être rapportée et donc la pratique ou ne pourra pas être sanctionnée. L’avantage anti-concurrentiel qui serait indirectement issu du contrat ne pourra être aisément conservé, parce qu’il risque d’être sanctionné, même si elle est aléatoire. Cependant, les ententes verticales restent courantes, les entreprises estimant ou constatant qu’il y a plus de profits à retirer d’une entente que de risques encourus, même si la proportion entre ce qui est découvert, et plus encore ce qui est sanctionné, et ce qui existe est inconnue. Il est en effet fort probable qu’une grande partie soit inconnue. b) La faculté extrinsèque de rachat 17. Le droit européen comme le droit interne ne sanctionne pas automatiquement une pratique pourtant interdite en soi. Il existe en effet certaines facultés permettant en quelque sorte de « racheter » une pratique prohibée. Une entente peut sous certaines conditions, être exemptée (i). Par ailleurs, l’Autorité de la concurrence dispose de voies procédurales permettant également de diminuer la sanction (ii). (i) L’exemption de la pratique 18. Le droit français comme droit européen pose autant des exemptions catégorielles qu’individuelles. Si elles visent toutes deux à exonérer une pratique, elles ont des conditions d’application différentes et doivent être appliquées dans un sens précis : les exemptions catégorielles avant les exemptions individuelles. 19. Les exemptions catégorielles. En droit français, c’est l’article L.420-4 II du Code de commerce qui les pose, tandis qu’en droit européen, c’est l’article 101§2 du TFUE qui les énonce. L’article L.464-6-1, b) du Code de commerce retient ainsi que les ententes verticales, celles entre « des entreprises ou organismes qui ne sont pas 6 Cons. Conc. N°06-D-04, 13 mars 2006. –7– concurrents existants ou potentiels sur l’un des marchés en cause ». En revanche, en droit européen, c’est la communication n°368/13 du 22 décembre 2001 7 qui pose ces seuils. Le point 4 de cette communication retient que la Commission n’engage pas de procédure dans les cas retenus pour la communication. Le point 7 retient également le seuil de 15 % pour les accords verticaux. Ainsi, si les entreprises à l’entente ont une part de marché inférieure à ce seuil, les pratiques sont en principe exonérées, car considérées comme n’affectant pas réellement le marché concerné. 20. Cependant, certaines pratiques sont insusceptibles d’être exemptées par catégorie. L’article L.464-6-2 du Code de commerce énonce que l’article L.464-6-1 du Code de commerce ne s’applique pas lorsqu’il existe des restrictions caractérisées, puis il liste ces restrictions. Constituent notamment une restriction insusceptible d’exemption catégorielle, les pratiques qui visent directement ou indirectement à fixer un prix de vente (point a) ou encore d’interdire les ventes dites passives, qui se font hors du territoire contractuel prévu pour le distributeur (point b). Pareillement le droit européen pose des pratiques qui sont insusceptibles d’exonération par ce biais. Elles sont listées à l’article 4 du Règlement d’exemption8. Il retient que les pratiques sont insusceptibles d’exemption si elles ont notamment pour objet de restreindre la fixation du prix par le distributeur, en l’occurrence « l’acheteur » (point a). Est également considérée comme une pratique restrictive, l’interdiction des ventes passives (point b). En outre, il existe en droit européen, une présomption qui pose un seuil. Entre 15 % et 30%, les pratiques ne sont pas des restrictions caractérisées : celles-ci ne porteraient en effet pas atteinte au droit de la concurrence9, en vertu du point 8 du Règlement n°330/2010. A contrario, cela sousentend que lorsque le seuil de 30% de parts de marché cumulées est dépassé, quelle 7 Communication n°C/368/13 de la Commission européenne du 22 décembre 2001 concernant les accords d’importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l’article 81 §1 du traité instaurant la Communauté européenne (de minimis). 8 Règlement n° 330/2010 de la Commission Européenne du 20 avril 2010 : Règlement d’exemption concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union 9 Il s’agit des restrictions exclues, supposées moins attentatoires au droit de la concurrence, selon l’article 5 du Règlement d’exemption n°330/2010. –8– que soit la nature de la restriction –la pratique–, celle-ci est insusceptible de rachat par une exemption catégorielle. 21. Les exemptions individuelles. L’exemption individuelle est la dernière possibilité de racheter une pratique anti-concurrentielle, même constituant une restriction caractérisée. En droit interne, l’article L.420-4, I, 2 du Code de commerce pose la condition essentielle à l’exemption individuelle : il faut que la pratique contribue à apporter un progrès économique. Il en va pareillement en droit européen, conformément à l’article 101§3 du TFUE. Globalement, le progrès économique doit être favorable et compenser les effets négatifs qu’a cette pratique. La pratique devra notamment avoir pour effet de sauvegarder des emplois, conférer un profit aux consommateurs. 22. Dès lors, les exemptions contribuent également à fragiliser la prohibition de l’avantage anti-concurrentiel, celui-ci pouvant être racheté. Sa conservation en est donc affectée et est très aléatoire, particulièrement en ce qui concerne l’exemption individuelle, clairement soumise à l’appréciation des juges. (ii) L’exemption de la sanction 23. L’autorité de la concurrence, en contrepartie de certaines facilités d’obtention de preuves par une entreprise, réduit la sanction que subirait cette entreprise si elle ne collaborait pas à l’établissement de la pratique dont elle est auteur. L’exemption peut ainsi être totale ou partielle. 24. L’exemption issue de la procédure de clémence. L’article L.464-2, IV du Code de commerce prend en compte la contribution, apportée par une entreprise, aux fins d’établir une pratique anti-concurrentielle. Cette procédure appelée procédure de clémence vise clairement pour une entreprise à dénoncer une pratique anticoncurrentielle à laquelle elle est partie, en échange de la clémence de l’autorité de la concurrence. La clémence de l’Autorité se manifeste par une réduction totale ou partielle de la pratique. L’entreprise qui établit la première la pratique bénéficiera d’une exemption totale, les entreprises qui apporteront des faits par la suite ne pourront être exonérées que partiellement, sous la réserve de l’apport de preuves –9– inconnues et nécessaires à l’établissement de la pratique. Ainsi, des éléments non pertinents ou déjà établis ne donneront pas lieu à exonération. 25. L’exemption issue de la procédure de non-contestation des griefs. L’article L.464-2, III du Code de commerce pose la procédure dite de non contestation des griefs. Elle consiste comme son nom l’indique à ne pas contester les griefs qui sont reprochés à une entreprise. Cette dernière pourra bénéficier d’une sanction réduite si elle renonce à se défendre sur les pratiques qui sont invoquées à son encontre. Dans ce cas, elle bénéficiera selon l’article susmentionné d’une réduction de la sanction maximum encourue qui sera réduit de moitié. Toutefois, s’il n’est pas possible de contester la réalité et les effets des griefs, une entreprise conserve néanmoins la possibilité de contester les éléments permettant de déterminer le quantum de la sanction, à savoir la gravité des faits et le dommage causé à l’économie10. 26. Le montant peut par ailleurs être encore réduit, si l’entreprise s’engage à modifier son comportement pour l’avenir, c’est-à-dire s’engage à ne plus recommencer, en vertu de l’article précité. 27. L’absence de prévisibilité consécutive à la variété des sanctions. Par conséquent, dans ces deux procédures devant l’autorité de la concurrence, la sanction est susceptible de variations. Si celles-ci sont relativement prévisibles, il en va différemment de la sanction encourue initialement. Elle repose en effet sur la gravité des faits reprochés, l’importance du dommage causé à l’économie 11, notions volontairement ambigües. Du faits de ces éléments lâches, il y a peu de prévisibilité, et ce bien que le montant maximum de la sanction encourue par une entreprise soit 10% de son chiffre d’affaire HT mondial le plus élevé au cours d’un des exercices clos précédemment à celui durant lequel les pratiques ont été mises en œuvre12. 10 AC Sté Lacroix Signalisation 11 Article L.464-2, I, alinéa 3 du Code de commerce 12 Article L.464-2 alinéa 4 du Code de commerce –10– II. — Le traitement déloyal de l’avantage 28. L’avantage peut également être sanctionné sur le droit civil de la responsabilité délictuelle de l’article 1382 du Code civil. La prohibition des pratiques restrictives de concurrence opérée par l’article L.442-6 du Code de commerce est sanctionnée par l’engagement de la responsabilité civile de son auteur. Cette prohibition a été néanmoins précédemment traitée, dans le cadre des pratiques contre la concurrence, puisqu’elle est avant tout restrictive de concurrence. Classiquement, l’engagement de la responsabilité civile nécessite la réunion de trois conditions cumulative : une faute, un préjudice et un lien de causalité entre les deux. 29. L’avantage sanctionné est ici un avantage déloyal, indûment obtenu et constitutif d’une faute Généralement, la faute ne pose pas de difficultés, en résultant d’un dénigrement d’une entreprise concurrente ou encore de l’imitation d’un concurrent. Ce dernier point est une faute si la copie débouche sur une confusion dans l’esprit du public ou si elle est plus généralement le fait d’un parasitisme. Bien souvent, la faute résultera de l’irrespect d’une loi. Par exemple, une entente est prohibée au titre des pratiques anti-concurrentielles, mais pourra également donner lieu à des dommagesintérêts si elle a causé un préjudice à un concurrent. L’avantage peut encore être issu de l’imitation d’un produit ou d’une technique ayant fait ses preuves. 30. Cependant, il en va tout autrement en ce qui concerne l’établissement du lien de causalité et celui du préjudice. Le lien de causalité souffre en général de la difficulté d’établissement de la preuve (A), tandis que le préjudice est difficilement déterminable (B). A. La difficulté probatoire du lien de causalité 31. En principe, l’article 1315 alinéa 1 du Code civil impose à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver. En matière délictuelle, la charge de la preuve incombe donc à celui qui compte s’en prévaloir. Le problème est de prouver par un faisceau d’indices graves, précis et concordants qui permettent de relier la faute (copie d’un produit…) à un préjudice. Or, risquant une sanction, les auteurs d’une pratique déloyale, n’ont aucun intérêt à les faire apparaître. Dès lors, le lien –11– causal est difficile à établir et c’est généralement ce lien qui fait défaut entre la faute et le préjudice, sachant que ce denier est difficile à déterminer. B. La difficulté de détermination du préjudice 32. Le préjudice d’atteinte à l’image. Le préjudice en matière de concurrence déloyale est causé à une société, il ne pourrait être a priori qu’un préjudice matériel. Mais, la Cour de cassation a accepté le préjudice moral d’une société, lors d’un arrêt du 15 mai 201213, rendu aux visas des articles 1382, 1383 et 1147 du Code civil, démontrant ainsi une volonté de généraliser la solution, ce qui est également attesté par l’utilisation de l’expression générale : « s’agissant de sociétés » dans l’attendu. L’attendu de la Cour d’appel, cassé, énonce en effet « pour rejeter les demandes de la société La Pizzeria et de la société Jafa au titre du préjudice moral, l’arrêt retient que s’agissant de sociétés, elles ne peuvent prétendre à un quelconque préjudice moral ». Si l’admission du préjudice moral à tout type de sociétés ne fait ici pas de difficulté, de quel préjudice moral s’agit-il ? Il semblerait que ce soit une atteinte à l’image de la société, la Cour d’appel de Paris l’ayant retenu dans un arrêt isolé 14. Cependant, si ce préjudice est autorisé, rien n’est dit sur les conditions d’indemnisation. Comment déterminer le quantum ? Le préjudice étant moral, il est par nature difficilement quantifiable. C’est pourquoi, conformément à la pratique, le préjudice est généralement posé de façon totalement arbitraire. Le préjudice d’atteinte à l’image aura généralement lieu, lorsque par la copie (médiocre), une entreprise dévalorise et porte atteinte à l’image de la société victime. Cette dernière pourra donc demander l’indemnisation d’un préjudice d’atteinte à l’image. 33. Le préjudice matériel. En ce qui concerne le préjudice matériel, celui-ci doit se distinguer de la faute concurrentielle, les dommages-intérêts punitifs étant interdits. Dès lors, quel peut être ce préjudice ? Il apparait bien souvent que la déloyauté de la concurrence n’a d’incidence que si elle a pour effet de diminuer la clientèle de la 13 Cass. Com. 15 mai 2012, n°11-10.218 14 CA Paris, 30 juin 2006. –12– société subissant la déloyauté15. Le préjudice est donc la perte de clientèle. Ce préjudice n’est pas un préjudice éventuel, il doit s’analyser en gain manqué, ce qui est un préjudice certain mais dont l’indemnisation n’est pas fixée. Or, la perte de clientèle est d’une part difficilement quantifiable et d’autre part si elle est constatée très difficile à rattacher à l’acte déloyal. En effet, comment savoir qu’un client est allé chez le concurrent et au-delà comment connaître les raisons qui l’on fait quitter le giron de l’entreprise victime ? C’est pourquoi, le quantum est généralement focalisé sur la perte de chiffre d’affaires en présumant que celle-ci correspond à la perte de clientèle. Ainsi, tout comme en matière d’atteinte à l’image, le préjudice est ici difficilement déterminable. Ceci rejaillit sur l’établissement du lien de causalité, qui devient difficile à établir puisque le préjudice n’est pas très clair, il est donc difficilement rattachable à l’acte déloyal. 34. L’influence juridique sur l’avantage. Par conséquent, l’avantage est effectivement traité négativement par le droit, qu’il soit de la concurrence ou qu’il soit de la responsabilité civile. Ainsi, l’avantage en résultant est nécessairement influencé (infra). Toutefois, la prohibition du droit est aléatoire, puisque rien n’est précisément fixé, en ce qui concerne les sanctions, ou en ce qui concerne l’établissement de celles-ci que soit par la preuve ou par le préjudice. C’est pourquoi, si l’avantage concurrentiel peut être contractualisé, sa conservation sera soumise à l’aléa, particulièrement s’il est illégal. L’illicéité de l’avantage concurrentiel est une réalité à prendre en compte, car c’est bien souvent celui qui est utilisé en raison de son efficacité (infra). Mais, l’objectif recherché est ici de contractualiser un avantage concurrentiel légal. Section 2. La limitation de l’avantage concurrentiel à une optimisation contractuelle 35. Le paradoxe concurrentiel. Un paradoxe apparait : l’avantage concurrentiel en visant intrinsèquement à évincer les concurrents d’une entreprise est prohibé par le 15 Outre le préjudice d’atteinte à l’image qui dans ce cas ne nécessite pas une baisse de clientèle, mais en est généralement l’origine, si bien que les deux préjudices sont réunis en pratique. –13– droit. Mais, en réalité, le droit prohibe l’avantage qui restreint trop la concurrence, c’est-à-dire celui qui est trop efficace. Dès lors, l’obtention d’un avantage ne peut viser un véritable avantage, c’est une optimisation. Ainsi, contractualiser un avantage ne peut qu’être une optimisation du contrat, si toutefois il s’agit d’un avantage légal. 36. La pratique des entreprises face aux pratiques anti-concurrentielles. Il ne faut en effet pas négliger l’aspect lucratif que peuvent constituer les pratiques illégales ou déloyales développées ci-dessus. Peu d’entre-elles sont en effet découvertes et moins sont réprimées, puisque, par exemple, nombre de procédures engagées devant l’autorité de la concurrence sont en réalité issues de la procédure de clémence. Dans le même sens, les pratiques ne sont pas nécessairement prouvées, établies ou encore sanctionnées, la sanction pouvant être inexistante ou réduite. Il en résulte d’une part, la difficulté de conserver un avantage concurrentiel illégal, faute de prévisibilités sur les risques encourus et d’autre part l’établissement d’un avantage concurrentiel effectif, si celui-ci est légal. 37. L’optimisation de l’avantage contractuel. Par conséquent, la contractualisation de l’avantage concurrentiel ne pourra en réalité qu’être une optimisation, un outil au service d’une stratégie globale. A ce titre, si une entreprise désire mettre en valeur un produit innovant, elle pourra opter pour des réseaux de distribution permettant de réserver le bien (qui sera ainsi plus cher : le prix n’étant pas un obstacle à l’achat), puisque la rareté est créatrice d’envie. Le choix d’un réseau de distribution plutôt qu’un autre est clairement la preuve du caractère vectoriel du contrat. Les développements qui suivront, ne viseront donc qu’à optimiser le contrat, afin qu’il soit un support efficace pour que le véritable avantage, portant sur un bien innovant ou sur un prix, permette à l’entreprise de se détacher de ses concurrents. Toutefois, il convient d’ores et déjà de nuancer le propos en ce qui concerne l’avantage par le prix. Ce dernier sera en effet nécessairement limité puisqu’il est généralement contractualisé, la majorité des contrats étant des contrats de vente. 38. La nécessité de la phase précontractuelle. L’optimisation du contrat nécessite naturellement l’analyse des différentes clauses. Pourtant, préalablement à tout contrat, une relation va se nouer entre les futurs cocontractants. L’offrant, ce professionnel, doit donc préalablement séduire et amener son contractant, –14– professionnel lui-même ou consommateur, à accepter la proposition et ainsi former le contrat. En effet, même si un produit est très attractif, voire constitue un produit incontournable16, il doit nécessairement être diffusé, pour informer le futur contractant de son existence ou communiquer avec le client conquis. Il s’agira d’une véritable information pour le professionnel, tandis que pour le consommateur celle-ci sera plus idéalisée. La différence d’informations entre professionnel et consommateur se comprend par la professionnalisation de l’un et de l’ingénuité de l’autre. Le professionnel ne pourra en effet être leurré, contrairement au consommateur. C’est pourquoi, l’information qui sera mise à la disposition du consommateur sera sans être trompeuse, édulcorée. L’information du consommateur s’apparente plus à une séduction alors qu’il s’agit véritablement d’une information pour le professionnel. 39. Suite à cette phase précontractuelle, il y aura logiquement la conclusion d’un contrat. Contrairement à cette période avant-contrat17, qui optimise l’obtention du meilleur partenaire, le contrat qui résultera de la négociation, devra lui aussi tendre à être le plus profitable pour l’une des parties. La partie qui bénéficiera au mieux de ce contrat pourra par la suite envisager d’être compétitive vis-à-vis de ses concurrents. Il convient de rappeler que si la phase précontractuelle a pour but de rechercher le cocontractant le plus adapté dans une relation entre professionnels, la logique est en revanche différente dans les contrats de consommation. Le consommateur « subit » le contrat, contrairement au professionnel. Ainsi, l’avantage concurrentiel issu à proprement parler du contrat ne pourra se situer que dans un contrat entre professionnels. Le consommateur ne sera donc que la cible finale qu’il faudra séduire et idéalement fidéliser. 40. Problématique. L’enjeu principal de tout contrat est de trouver le meilleur cocontractant, celui qui permettra le plus de bénéfices (pécuniaires ou autres). Mais, 16 Un produit dit « incontournable » est un produit que la grande distribution ne peut pas se permettre de ne pas commercialiser. Il est de surcroit souvent insubstituable dans l’esprit du consommateur : Nutella, Coca- Cola, Pampers… 17 Au sens large (syn. Phase précontractuelle) –15– il faut préalablement au contrat, trouver ce partenaire. Comment un professionnel peut-il attirer au mieux celui-ci ? La réponse diverge selon la qualité de professionnel ou de consommateur du cocontractant potentiel. L’information reçue l’est en effet différemment selon ces deux qualités. Le professionnel pourra se contenter de normes techniques, tandis que le consommateur aura besoin d’une aide. Pour un ordinateur, les professionnels –ou ceux suffisamment initiés– pourront se contenter d’informations concernant le disque dur, le processeur, etc. En revanche, un consommateur aura besoin d’une approche plus pratique lui permettant d’entrevoir notamment les besoins satisfaits par l’ordinateur en question ou s’il est de bonne ou mauvaise qualité. Il en ressort une asymétrie d’informations entre professionnels et consommateurs. Toutefois, si elles sont asymétriques, elles sont toujours présentes et nécessaires. Il est en effet impossible pour un professionnel « d’exister » sur un marché sans diffuser des informations, c’est-à-dire sans annoncer l’activité qu’il exerce, les produits qu’il propose. Même un leader se doit d’informer régulièrement ses clients et ceux à venir. Coca-cola fait en ce sens régulièrement des campagnes de publicité notamment pour faire part de la sortie d’un nouveau produit. La publicité est ici un moyen efficace de diffuser des informations au consommateur. Elle est ici développée plus bas. 41. Plan. Par conséquent, il convient dans un premier temps d’envisager la phase précontractuelle et plus précisément la diffusion attractive de l’information du professionnel. Cette information doit cibler et optimiser la recherche du meilleur futur cocontractant, quelle que soit sa qualité (Partie 1). A vrai dire, il ne s’agit pas d’obtenir un avantage concurrentiel, mais de trouver un cocontractant avec lequel il ressortira du contrat, le meilleur avantage sur la concurrence. En effet, si le contrat peut revêtir cet avantage, il est aussi naturellement soumis à la relation des parties 18. Il est donc indispensable de contracter avec un partenaire adapté pour espérer un contrat profitable. Le contrat ne sera donc envisagé que dans un second temps (Partie 2), après cette phase précontractuelle. 18 Les contrats sont en effet généralement synallagmatiques puisqu’il s’agit majoritairement de contrat de vente ou de prestations de services, qui par ailleurs ne seront jamais à titre gratuit. –16– PARTIE 1. LA PREPARATION DE L’AVANTAGE CONCURRENTIEL 43. Présentation. La séduction du futur contractant ne sera efficace que si elle correspond au public envisagé, l’attraction devant cibler son futur partenaire, à tout le moins abstraitement. Les professionnels et consommateurs n’ont en effet ni le même regard ni les mêmes envies. Le professionnel n’a ainsi pas besoin d’être séduit, mais d’être informé sur les qualités du produit ou du service, objet du contrat projeté. Le consommateur a quant à lui, besoin certes d’être informé, mais surtout convaincu de l’utilité d’un bien ou d’un service. C’est pourquoi, l’information qui lui sera fournie sera idéalisée. Cette différence amène nécessairement à faire une distinction entre professionnel et consommateur. L’attraction du professionnel (Chapitre 1) sera ainsi étudiée avant celle du consommateur (Chapitre 2). Chapitre 1. L’ATTRACTION PREALABLE DU PROFESSIONNEL 44. Présentation. Dans le cadre d’un contrat entre un fournisseur et un distributeur, le distributeur se fera lui-même son opinion sur le contrat projeté et appréciera le profit qu’il pourra en retirer. Sa qualité de professionnel est en effet intimement liée à la connaissance qu’il a de son domaine d’activités. C’est donc suivant le secteur concerné, soit le fournisseur, soit le distributeur qui cherchera à attirer, tout dépendant de la position de force que possèdent les fournisseurs ou les distributeurs dans ce domaine. Marginalement19, cela peut être le distributeur qui occupe cette place de choix, comme dans le secteur de la grande distribution française. Dans ce cas, ce sera le fournisseur qui le démarchera. Il ne faut cependant pas conclure à une passivité de l’opérateur puissant, même s’il s’avère naturellement que de la puissance découle une certaine attractivité. Ce dernier devra donc lui aussi veiller à la diffusion 19 Marginalement au regard du nombre de domaines concernés par cette inversion du système de distribution, il en va différemment au niveau pécuniaire. –17– – au moins minimale – des informations relatives à son activité, et plus précisément celles concernant ses produits ou ses services. 45. Le pouvoir de négociation. La négociation constitue une part importante du processus menant à la conclusion du contrat. Elle se définit comme « l’action de traiter une affaire, de passer un marché et, par extension (sens principal aujourd’hui), opérations préalables diverses (entretiens, démarches, échanges de vues, consultations) tendant à la recherche d’un accord. Comp. concertation ; désigne aussi bien la discussion d’un contrat en vue d’arriver à sa conclusion (pourparlers précontractuels impliquant une discussion sur les conditions du contrat spécialement sur le prix) que les efforts déployés en vue du règlement d’un différend (conflit collectif ou international) ».20 L’étude ne portera que sur ce processus précontractuel indispensable à l’obtention d’un contrat adapté et profitable soit au fournisseur, soit au distributeur. Notons que la négociation commerciale et plus largement la faculté de négocier d’une partie peut être amoindrie en fonction de la puissance de l’opérateur avec qui elle souhaite contracter, ce qui peut la conduire dans une situation de faiblesse similaire à celle d’un consommateur face à un professionnel, le contrat conclu s’apparentant à un contrat « d’adhésion »21. 46. Le rôle central de l’information. L’information est essentielle pour la négociation et a fortiori la conclusion d’un contrat. Elle est donc stratégique. Un auteur retient à ce sujet qu’elle est « pour le décideur objet de convoitise et élément stratégique incontournable. Dans notre société moderne, elle constitue un vecteur fort de l’interaction stratégique et concurrentielle entre entreprises : détenir une information procure souvent un avantage compétitif. Cette dissymétrie 20 G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 8ème éd. « Quadrige » 21 Ce contrat d’adhésion est une « dénomination doctrinale générique englobant tous les contrats dans la formation desquels le consentement de l’une des parties (clients, consommateurs, voyageurs) consiste à accepter une proposition qui est à prendre ou à laisser sans discussion, adhérant ainsi aux conditions (délais, tarifs, etc.) établies unilatéralement à l’avance par l’autre partie (compagnie d’assurance, entreprise de transport) ; se dit aussi de contrats comportant, en dehors des conditions soustraites à la discussion, des conditions particulières sujettes à négociation ». G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 8ème éd. « Quadrige –18– informationnelle confère aux acteurs économiques un pouvoir de marché, de négociation ou un moyen d’améliorer leur positionnement vis-à-vis des concurrents »22. L’information est donc capitale pour une négociation et une action convenable sur le marché. Elle permet d’appréhender les différentes facettes du marché, qu’un acteur seul ne peut constater, ainsi que les évènements imprévisibles qui apparaitraient. Pourtant, si cette collecte d’informations peut apporter plus de transparence sur le marché, et est à ce titre tout à fait souhaitable, elle n’est néanmoins pas toujours bien perçue, des pratiques anticoncurrentielles pouvant naître, notamment par l’utilisation frauduleuse d’informations collectées sur un concurrent. Si le risque est prégnant entre concurrents (ententes, abus de position dominante), il existe aussi dans les relations verticales entre acheteur et vendeur. Néanmoins, il peut avoir une dissymétrie informationnelle lors d’un appel d’offres. L’acheteur pourrait ainsi décider de cibler sa diffusion d’information, ou communiquer à un des candidats des informations privilégiées, de façon soit à favoriser un des candidats soit à exclure les indésirables23. 47. Plan. Cependant, si l’opérateur doit donner l’information (Section 1), il ne le fait pas nécessairement seul, il existe aussi des intermédiaires à l’information (Section 2). La pratique veut en effet qu’il soit souvent fait appel à un intermédiaire pour la passation de contrat entre professionnels. C’est particulièrement le cas en matière de grande distribution où l’intermédiaire principal, la centrale d’achat ou de référencement, joue ce rôle. Celui-ci peut se révéler précieux et recherche souvent mieux le partenaire que le professionnel seul. Pourtant, sa rémunération est onéreuse et il n’est donc pas accessible à tous. Section 1. L’attractivité limitée de l’information diffusée par l’opérateur 48. L’appel d’offres. Outre négocier, il existe une autre technique, plus indirecte, qui permet de faire appel à l’offre, afin d’obtenir des partenaires potentiels. L’appel 22 D. Lescop, les échanges d’informations entre non-concurrents, D 2009, p.187 23 Ibidem, p.189 –19– d’offres n’est pas en soi une négociation, puisque l’offre engage juridiquement son auteur à l’acceptation du destinataire24. Cependant, l’appel d’offre n’a pas nécessairement une offre juridique comme objet, il s’agit bien souvent de pourparlers. Les pourparlers sont une négociation non commerciale par opposition à la négociation commerciale, qui est une négociation particulière. Il convient donc ici de les envisager. Elles s’avèrent être non seulement un outil qui a pour finalité l’obtention d’un contrat adapté et qui a aussi pour intérêt de faire circuler les informations. Ces dernières correspondent en réalité aux éléments –essentiels– que les futurs partenaires souhaitent voir figurer au contrat. La négociation commerciale (II) est légalement imposée et requiert que soient diffusés certains éléments dans les conditions générales. La négociation repose donc sur un socle informatif dont les composants sont imposés ad minima, l’auteur des conditions générales étant invité à aller au-delà de ce qui est prescrit. L’appel d’offre (I) ne vise pas en soi la négociation, mais diffuse largement une offre et informe donc par ce biais. Il constitue une technique particulière de communication, qui vise à obtenir le plus de partenaires possibles pour négocier, les pourparlers étant majoritairement l’objet de l’appel d’offre. I. — Le préalable informatif libre de l’appel d’offres 49. Définition. Il s’agit en effet d’un « procédé de mise en concurrence des entrepreneurs, encore appelé soumission, consistant pour le maître de l’ouvrage à inviter les entrepreneurs à proposer un prix, en s’engageant, en principe, à traiter avec celui qui offrira le prix le plus bas (si, par ailleurs, il présente les garanties exigées par le cahier des charges) »25. Il s’en dégage une chronologie dans l’appel d’offre : un appel aux offres (A) puis l’engagement d’une négociation (B). 24 V. en ce sens la définition retenue in Cass. Com. 6 mars 1990, n°88-12.477, Bull. Civ IV, 1990, n° 74 : « entre commerçants, une proposition de contracter ne constitue une offre que si elle indique la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation. » 25 G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, coll. Quadrige, 8ème éd. –20– 50. Exclusions. Il convient donc d’appréhender uniquement l’invitation aux pourparlers, qui n’est ni plus ni moins qu’une négociation. Les pourparlers sont à l’inverse des offres, libres de tout engagement, ce qui constitue leur principal intérêt. Si les offres sont généralement assorties d’un délai qui impose leur maintien jusqu’au terme prévu, elles sont en principe rétractables jusqu’à l’acceptation de leur destinataire. Mais, une fois cette acceptation faite, il n’est plus possible pour l’auteur de se rétracter sans frais : l’offre contient donc un engagement. A. L’appel aux offres 51. L’appel d’offres permet par nature de diffuser une information (ou offre) sur le contrat projeté par l’auteur (1). Cependant, en s’analysant comme des pourparlers, les appels d’offres permettent une négociation assez libre. Il est ainsi possible d’avantager une personne qui répond à l’offre, plutôt qu’une autre (2). 1. La diffusion naturelle d’offres 52. La finalité de l’appel d’offres. La finalité d’un appel d’offre est comme son nom l’indique, de collecter diverses offres pour ne retenir que celle ayant généralement le prix le plus bas ou le meilleur rapport qualité/prix. Un appel d’offres a pour première vocation de trouver et d’amener le plus possible de partenaires. En effet, plus le choix est large, plus il y aura d’offres potentiellement avantageuses, à condition toutefois, que ce qui est émis pour l’appel soit profitable. 53. Une diffusion de l’information par nature. Il est de l’essence même de l’appel d’offres de communiquer. Afin de trouver des partenaires, il est nécessaire de leur faire part d’une offre et de décrire celle-ci, afin qu’ils sachent au minimum quel en est l’objet. L’appel d’offre divulgue donc des informations pour appeler des partenaires. A la suite de l’annonce faite, il est tout à fait envisageable d’informer de manière différente les destinataires qui se sont manifestés. Toutefois, ceci n’est possible que dans la mesure où l’offre faite constitue des pourparlers. –21– 2. La diffusion privilégiée de l’offre pour un futur partenaire 54. Une différenciation possible de l’information. Il est tout à fait possible d’avantager un opérateur en lui divulguant plus d’informations, notamment sur l’avancée des autres négociations. Généralement, il s’agira d’un ancien cocontractant. 55. La possibilité d’avantager son ancien partenaire. L’arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 6 mars 199026 n’interdit pas, selon le Pr. Mestre, de communiquer à son partenaire, l’avancement des négociations pour lui permettre, judicieusement, « de s’aligner sur les propositions d’un tiers dans le cadre d’une clause d’offre concurrente à rebours »27. L’auteur de l’offre peut bénéficier d’une proposition satisfaisante tout en conservant un partenaire connu et exemplaire. D’un autre côté, le partenaire est quasiment sûr d’être retenu s’il s’aligne sur l’offre. 56. Par conséquent, s’il est possible de mener des négociations parallèles (voir cidessous), il est également possible d’avantager son ancien cocontractant. B. L’appel à la négociation 57. Comme il a été rapidement évoqué, l’appel d’offres s’analyse généralement non pas comme une offre, mais comme des pourparlers (1). Ils sont une forme libre de négociation qui permet de mener des négociations parallèles (2). Plus il y aura de négociations parallèles et plus le contrat pourra être avantageux : le nombre de concurrents va inciter ceux qui répondent à l’appel d’offres, à proposer une offre au meilleur prix. L’auteur a donc tout intérêt à mener des négociations parallèles. 1. La nécessité d’un appel aux pourparlers 58. Des pourparlers comme offre. Comme évoqué précédemment, l’appel d’offre s’il contient le terme d’offre, il ne constitue pas nécessairement une offre au sens 26 Cass. Com. 6 mars 1990, n°88-12.477, Bull. Civ IV, 1990, n° 74 précité. 27 Ibidem. –22– juridique. C’est d’ailleurs rarement le cas, puisqu’en l’absence de détermination de la personne, l’appel d’offre est considéré comme des pourparlers28, les appels d’offres ne ciblant généralement pas les personnes. Ils sont donc présumés équivalant à des pourparlers29 et non comme étant une offre juridique. 59. De plus, si en principe l’acceptation suffit à former le contrat30, l’auteur de l’offre se réserve bien souvent la faculté d’agréer l’acceptation. Cette faculté constitue une réserve subjective : l’offre n’est donc plus ferme31 et doit être disqualifiée en pourparlers. Le Pr. Chauvel retient à ce titre « l’auteur ayant indiqué qu’il ne se considérait pas comme lié en cas d’acceptation. Il se produit alors une véritable inversion du système : par la réserve de l’agrément, c’est le destinataire de la proposition de contracter qui devient pollicitant et qui pourra éventuellement révoquer son offre »32. 60. Les pourparlers et la négociation. Les pourparlers se définissent comme les « entretiens préalables à la conclusion d’un accord (convention, traité), négociations et tractations préliminaires ». Il s’agit donc d’un terme juridique qui s’adresse à la réalité précontractuelle qu’est la négociation33. Toutefois, elle est facultative en n’étant « ni une condition d’existence ni une condition de validité du contrat »34 28 L’article 14.2 de la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises retient à ce titre qu’ « une proposition adressée à des personnes indéterminées est considérée seulement comme une invitation à l’offre, à moins que la personne qui a fait la proposition n’ait clairement indiqué le contraire. » 29 « invitation à l’offre » selon l’article 14.2 de la Convention de Vienne précité. 30 Sous réserve que les éléments essentiels au contrat soient présents. 31 Cass. Com. 6 mars 1990, n°88-12.477, Bull. Civ IV, 1990, n° 74, précité. 32 P. Chauvel, Consentement, Rép. Civ. Dalloz, avril 2007. 33 Négociation qui s’entend ici comme en dehors de tout contrat, plus précisément de tout avant- contrat. 34 M. Fabre-Magnan, Droit des obligations–T.1–Contrats et engagement unilatéral, PUF, 2ème éd., p.231. –23– 61. L’intérêt de la négociation par rapport à l’offre. Les pourparlers ont pour principal intérêt de ne pas engager préalablement son auteur, celui-ci demeurant libre de conclure ou non, en vertu de la liberté de contracter. L’obligation de loyauté, issue de la bonne foi35, restreint quelque peu la liberté de contracter, sans toutefois aller jusqu’à imposer la conclusion du contrat. Elle vise seulement à offrir au futur cocontractant un consentement éclairé et donc non vicié, notamment par le dol36. 2. La nécessité de négociations parallèles 62. La possibilité de mener des négociations parallèles. Cependant, cette obligation de loyauté ne va pas jusqu’à interdire de mener des négociations parallèles, selon l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 15 décembre 199237 qui les autorise. La Cour de cassation rejette en ce sens le pourvoi aux motifs que « le GIE n’[a] pas d’obligation de révéler à la société Bertrand l’état de ses négociations avec les autres candidats ayant répondu à son appel d’offre ». L’obligation de bonne foi ne va donc pas jusqu’à imposer la révélation de l’avancée de ses négociations. A ce titre, le Pr. Mestre évoque que « le fait de s’engager dans un contrat avec autrui n’interdit pas d’envisager librement et discrètement l’aprèscontrat, en conduisant si nécessaire des négociations parallèles avec d’autres 35 Ce sont des principes assez largement reconnus et font ainsi partie des principes Unidroit. L’article 1.7 des principes Unidroit retient ainsi dans son 1) que « les parties sont tenues de se conformer aux exigences de la bonne foi dans le commerce international ». Le commentaire de cet article énonce qu’ « en indiquant que chaque partie est tenue de se conformer aux exigences de la bonne foi, le paragraphe 1 du présent article énonce clairement que même en l’absence de dispositions particulières dans les Principes, les parties doivent, pendant la durée du contrat, y compris pendant les négociations, agir de bonne foi ». 36 L’article 1116 du Code civil relatif au dol retient que : « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté ». 37 Cass. Com. 15 déc. 1992, n°90-19.608, RTD. Civ 1993, p.577, obs. J. Mestre ; RJDA 1993, n°296, p.260 –24– partenaires éventuels, et n’oblige pas à tenir son cocontractant informé de l’avancement de ces pourparlers »38. 63. L’obligation de mener des négociations parallèles : une technique d’obtention de meilleure proposition. Les négociations parallèles mettent les destinataires de l’appel dans l’insécurité, puisqu’ils ne savent pas s’ils vont être retenus. Cela va donc favoriser l’obtention d’un prix moins élevé ou d’une qualité supérieure. En ne sachant pas s’ils vont être retenus, ils ont tout intérêt à sacrifier beaucoup –de marges39– afin d’augmenter leur chance de contracter avec l’auteur de l’appel. Pour que ce système soit efficace et amène les destinataires à faire des sacrifices, il est nécessaire que l’auteur de l’appel est un contrat intéressant ou/et qu’il soit puissant. Par exemple, si un distributeur comme Carrefour émet un appel d’offres pour la fabrication d’un produit MDD, les fournisseurs vont se trouver dans l’obligation de consentir énormément de réduction, même pour un produit de bonne qualité. Ce phénomène de sacrifices est particulièrement amplifié dans le domaine de la grande distribution où il existe beaucoup de fournisseurs et très peu de distributeurs (sept en France) qui sont donc puissants. Mais, il faut également que l’auteur de l’offre ne divulgue pas l’avancée des autres négociations, sauf à vouloir avantager son ancien cocontractant. Par ailleurs, ces négociations parallèles peuvent être une technique qui oblige l’ancien partenaire à s’aligner sur les propositions faites pour les autres négociations, que l’auteur aura fort judicieusement divulguée. 64. Si l’appel aux pourparlers laisse une négociation libre, il en va différemment avec la négociation commerciale qui repose sur une base définie. II. — Le préalable informatif encadré de la négociation 65. Les conditions générales, départ de la négociation commerciale. La négociation commerciale est réglementée et impose aux professionnels de communiquer, sur demande, leurs conditions générales. Ces dernières constituent le 38 RTD Civ. 1993, p.577, obs. J. Mestre. 39 Il s’agit bien souvent de faire un prix bas à l’auteur de l’appel d’offres. –25– point de départ de la négociation commerciale (A). La circulaire Dutreil I40 retient à ce titre que « les conditions générales de vente doivent être le point de départ de toute négociation entre un fournisseur et un distributeur ».C’est en effet sur leur base que seront négociées des conditions particulières, résultat de la négociation commerciale (B). Les conditions générales servent de socle et informent sur le contrat souhaité par son auteur, ceux qui les demandent. Elles seront comparées pour choisir le meilleur partenaire commercial, puisqu’elles constituent en effet un bon moyen d’apprécier le futur contrat et sont à ce titre généralement reprises au sein des contrats. Elles comprennent les éléments essentiels au contrat projeté, éléments qui peuvent néanmoins être négociés. A. Le début de la négociation commerciale 66. Un devoir informatif minimal. La négociation commerciale, si elle s’apparente à la négociation de droit commun (les pourparlers), elle diverge puisqu’elle s’avère généralement plus complexe et qu’il existe de surcroit des règles particulières en la matière41, qui imposent un contenu minimum42. Le même régime juridique s’applique indistinctement aux conditions générales de vente et d’achat dont l’article L.441-6 du Code de commerce. Si les deux trouvent à s’appliquer et qu’elles sont conflictuelles, la préséance semble être accordée aux conditions générales de vente. Outre, les conditions générales (1) qui diffuse des informations générales et montrent les contrats que son auteur entend passer. L’auteur peut néanmoins choisir d’adapter l’information de manière plus précise suivant les catégories de clients visés (2). Ce 40 Circulaire dite « Dutreil I » du 16 mai 2003 relative à la négociation commerciale entre fournisseurs et distributeurs, JORF n° 121 du 25 mai 2003, texte n°8 ; NOR : ECOC0300050C. 41 D. Ferrier retient à cet effet que les règles qui encadrent les opérations entre fournisseur et distributeur, notamment les conditions générales de vente ou de prestations de services, relèvent plus du droit de la concurrence que du droit des contrats. La raison est issue de la satisfaction des consommateurs par le jeu de la libre concurrence. D. Ferrier, Droit de la distribution, Litec, 5ème éd., p. 128, n° 290. 42 V. en ce sens annexe –26– ciblage est réservé à une catégorie et ne peut porter sur une seule personne contrairement aux conditions particulières (cf. 2, ci-dessus). 1. Une diffusion large de l’information : les conditions générales 67. Une unique obligation de communication favorisant l’information précontractuelle. Les conditions générales de vente (ci-après CGV) ou d’achat (ciaprès CGA) ou encore de prestations de services, ne sont ni plus ni moins qu’un document précontractuel qui « englobent un ensemble de règles élaborées à l’avance par l’un des cocontractants –ou par l’organisme professionnel auquel il appartient– et systématiquement imposées par lui à ses partenaires contractuels »43. Ces conditions générales permettent selon l’article L.441-6 premier alinéa du Code de commerce à l’auteur des conditions de les diffuser largement afin de procurer au destinataire une information qui lui sera utile pour déterminer si l’offre en question lui siéra. Cet article pose en effet une obligation de communication des conditions générales44, selon les usages de la profession45. Elles visent à « informer l’acheteur [et inversement d’informer le vendeur dans les CGA] préalablement à toute transaction du barème de prix et des conditions de vente du vendeur et constituent le cadre de la négociation commerciale »46. Les CGV visent ainsi à informer l’acheteur sur les éléments que le vendeur considère comme essentiels et qui seront donc le point de départ des négociations à suivre, s’il y en a. La circulaire Dutreil I précise à 43 JCL Civil Code, Fasc. Unique, Contrats et Obligations, consentements, p.21 44 « Tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communique ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle. Celles-ci constituent le socle de la négociation commerciale » 45 Article L.441-6 alinéa 13 du Code de commerce : « La communication prévue au premier alinéa s’effectue par tout moyen conforme aux usages de la profession ». 46 Ibidem –27– ce titre les éléments essentiels dont les prix et les conditions de vente, ceux-ci doivent donc nécessairement figurer dans les CGV47. 68. Un gain de temps. De par leur devoir informatif, les conditions générales sont un gain de temps pour les deux parties : un opérateur qui ni trouve pas d’intérêt ne s’engagera pas dans des négociations longues et coûteuses et pourra se concentrer sur ses activités, tandis que l’auteur ne négociera qu’avec des cocontractants potentiels. Par ailleurs, elles visent les éléments essentiels au contrat projeté et permettent ainsi de les intégrer directement au contrat, lors de sa conclusion. Elles sont en effet généralement annexées. 69. Une rédaction recommandée. Si leur rédaction n’est pas imposée par la loi évoquée dans les circulaires Dutreil, elle est vivement recommandée puisque les conditions vont être le socle de la négociation à venir et le reflet des attentes d’un opérateur pour le contrat projeté. L’intégration des conditions générales au contrat témoigne de leur importance et de l’intérêt de recourir à leur rédaction. 2. Une diffusion ciblée de l’information : les conditions catégorielles 70. Une information ciblant une catégorie. Depuis la loi LME, les conditions catégorielles sont autorisées par l’article L.441-6 sixième alinéa du Code de commerce comme suit : « Les conditions générales de vente peuvent être différenciées selon les catégories d’acheteurs de produits ou de demandeurs de prestation de services. Dans ce cas, l’obligation de communication prescrite au premier alinéa porte sur les conditions générales de vente applicables aux acheteurs de produits ou aux demandeurs de prestation de services d’une même catégorie ». Leur intérêt réside dans l’identification d’une catégorie particulière d’acheteurs ou de vendeurs. Ce cloisonnement permet de recentrer la négociation commerciale sur une catégorie précise et donc d’optimiser le temps. De plus, ces « CGV » catégorielles ne sont pas nécessairement délimitées en fonction du secteur, du domaine concerné, 47 Le contenu des conditions générales de vente doit conformément à l’article L.441-6 du Code de commerce requérir un certain contenu, reproduit en annexe 2. –28– l’article L441-6 du Code de commerce se bornant à énoncer « d’une même catégorie ». Leurs répartitions peuvent être très différentes et peuvent concrètement aboutir à un véritable « ciblage ». Si la loi LME n’impose aucun critère de distinction, la circulaire Dutreil II permet une différenciation tarifaire suivant la clientèle48, grossistes et détaillants.49 La liste n’est pas limitative et il peut être imaginé d’autres catégories 71. L’importance des CGV ou des CGA est relative puisque deux CGV totalement différentes pourront se retrouver identiques à l’issue de la négociation50. L’aboutissement de celle-ci se cristallise dans les conditions particulières de vente, elles-mêmes reprises dans une convention récapitulative. B. La fin de la négociation commerciale 72. La négociation commerciale s’achève par l’obtention de conditions particulières (1) qui seront formalisées dans une convention récapitulative, généralement un contrat-cadre (2). 1. L’aboutissement de la négociation : les conditions particulières 73. Les conditions particulières. Les conditions particulières de vente sont le résultat de la négociation commerciale. Contrairement aux conditions catégorielles, elles ne sont plus proposées pour une catégorie d’acheteur, mais par un acheteur. Ces conditions particulières ne sont naturellement pas soumises à l’obligation de communication que connaissent les conditions générales. C’est l’article L.411-6 septième alinéa du Code de commerce qui le permet, en disposant : « Tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur peut convenir avec un 48 Circulaire dite « Dutreil II » du 8 déc. 2005 relative aux relations commerciales, JORF n°303 du 30 déc. 2005, texte 123, NOR : PMEA0510001C, point 2. a) 1°. 49 Point 2) a) 2° de la circulaire Dutreil II préc. citée. 50 R. Fabre, M. Dany, L. Sersiron, Le guide des négociations commerciales, Guides Dalloz, 2009- 2010, p.93. –29– acheteur de produits ou demandeur de prestation de services des conditions particulières de vente qui ne sont pas soumises à l’obligation de communication prescrite au premier alinéa. 2. La finalisation de la négociation : la formalisation des conventions 74. La convention récapitulative. Enfin, le résultat de cette négociation commerciale –les conditions particulières– devra être consigné dans un ou plusieurs contrats. Généralement, il s’agira d’un contrat-cadre Ce dernier reprendra tout ce qui a fait l’objet des négociations dont les conditions particulières, liées à l’opération d’achat-vente. 75. Le plébiscite du contrat-cadre. Le contrat-cadre prévoit les grandes lignes de l’opération envisagée entre un fournisseur et un distributeur. L’exécution du contrat se fera périodiquement par le biais de contrats d’applications, généralement des contrats de vente qui donneront lieu à des bons de commandes et des factures. C’est l’article L.441-7 du Code de commerce qui l’impose. Ce type de contrat est particulièrement avantageux et adapté aux relations professionnelles, puisqu’il est suffisamment souple pour évoluer en cours d’exécution, et s’adapter aux évènements. Il est donc la formule la plus couramment utilisée dans le domaine de la distribution. 76. Tant dans l’appel d’offres que lors de la négociation commerciale, l’information et la négociation sont le fait des professionnels. Il leur est également possible de recourir à un intermédiaire. Section 2. L’attractivité naturelle de l’information diffusée par un intermédiaire 77. Il existe plusieurs sortes d’intermédiaires qui ont la faculté de rapprocher des partenaires, de négocier pour la personne qui les mandate. L’intérêt principal de recourir à des intermédiaires-mandataires est issu de leur professionnalisme. A ce titre, « la médiation d’intermédiaires qualifiés, tenus de présenter les affaires avec –30– sérieux, précision et promptitude peut s’avérer une économie de temps et d’argent, une manière plus pleine de se consacrer à l’objet propre de son activité pour le donneur d’ordre, une moindre déperdition de temps et d’énergie en ciblant la clientèle recherchée et réellement intéressée »51. Ces intermédiaires sont donc les plus à même de diffuser efficacement l’offre et de négocier tout en leur permettant en parallèle d’optimiser leurs activités. Le Pr. Ferrier retient que la relation d’intermédiation se forme par trois contrats dont deux sont soumis à l’étude : le mandat, le courtage52, vu qu’il ne sera ici envisagé que les intermédiaires spécialisés dans la phase précontractuelle. Il s’agit ainsi du contrat de courtage (I) et du contrat d’agence commerciale (II), qui ne concernent a priori que la phase précontractuelle. L’un, le courtier, rapproche simplement les futurs contractants qui négocieront euxmêmes les termes de leur contrat. L’autre, l’agent commercial, trouve un cocontractant à son mandant et négocie au mieux, en fonction des intérêts de ce dernier. Toutefois, l’agent commercial pourra parfois être amené à conclure au nom et pour le compte de son mandant. 78. L’exclusion du référencement. Le contrat de référencement, est proposé par une centrale éponyme pour mettre en relation les adhérents. Il sera cependant évoqué dans le cadre du contrat de courtier, le contrat de référencement s’analysant comme tel. 79. L’exclusion du VRP. Le voyageur, représentant, placier (plus communément dénommé « VRP ») prospecte de la clientèle au nom et pour le compte de son employeur dans un territoire déterminé ou pour une clientèle déterminée. S’il peut s’apparenter à un intermédiaire, il n’en est rien puisqu’il s’agit d’un salarié. Ce dernier n’est pas un véritable intermédiaire du fait de cette qualité de l’autonomie requise pour l’exercice de son activité ne suffisant pas à l’assimiler à un intermédiaire. Il ne sera donc pas étudié. 51 G. Duranton, Courtiers, Rep. Com, Dalloz, 2007, p.4 52 D. Ferrier, Droit de la distribution, Litec, 5ème éd. p.363, n°794. –31– I. — L’obtention d’un partenaire adéquat par le courtage 80. Le courtier se définit comme « un intermédiaire qui effectue le courtage », « opération par laquelle un intermédiaire met en relation deux personnes en vue de la conclusion du contrat »53. Le courtier doit donc rechercher pour le compte de son donneur d’ordre le cocontractant qui est susceptible de lui sied au mieux (A). Cependant, il a également l’obligation d’informer le futur partenaire. Il en résulte une obligation double destinée tant à son donneur d’ordres qu’à son partenaire (B). A. La recherche du meilleur partenaire potentiel 81. Le courtage vise ainsi le simple rapprochement des cocontractants éventuels en mettant ceux-ci en relation. « Le courtier est [donc] un intermédiaire qui met en relation des personnes désireuses de traiter entre elles sans conclure lui-même le contrat »54. Sa principale obligation consiste en la recherche d’un futur cocontractant pour son donneur d’ordre55. Il ne lui est ainsi pas imposé l’obligation de négocier, contrairement à l’agent commercial. Il ne peut pas davantage conclure des contrats comme le ferait un mandataire ou un commissionnaire56. En droit de la distribution, l’exemple typique du courtier est celui des centrales de référencements. Elles réservent aux adhérents la conclusion du contrat57. 53 Ibidem 54 Lamy droit économique 2013, p.1408, n°3816 55 Donneur d’ordre et non mandant, puisque le courtage n’est pas forcément un mandat. Cf. op.cit 86. 56 Cass. Crim. 15 oct. 1964, D. 1965, 175 qui énonce que le courtier n’est qu’un intermédiaire qui ne fait pas lui-même le contrat et se borne à rapprocher les parties. Il est en cela différent du commissionnaire. 57 Pour exemple, Cass. Com. 17 mars 2004, Bull.2004 Civ IV, n°53 : « Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt constate que les relations entre la société Mapotel et la société X... se sont poursuivies après la résiliation du contrat de référencement intervenue le 31 décembre 1994 ; que l'arrêt relève qu'à compter de cette date la société Visea Thorn a elle-même sollicité son inscription au catalogue "best western" des fournisseurs référencés, qu'elle a communiqué à la société Mapotel le chiffre d'affaires réalisé avec ses clients adhérents de la centrale Mapotel, qu'elle n'a pas protesté à la –32– 82. Dès lors, la responsabilité du courtier ne pourra jamais être engagée en cas de défaut ou de faute issus du contrat, sauf à ce que le point litigieux ait pour origine un défaut d’information. B. La recherche fondée sur une double obligation d’information 83. Le courtier va seulement diffuser le contrat projeté aux partenaires qu’ils estiment être les plus adéquats au contrat projeté (1). C’est d’ailleurs en raison de son rôle d’intermédiaire, qu’il a l’obligation d’informer les futurs cocontractants (2). 1. L’utilisation de l’information aux fins de lier les futurs cocontractants 84. Le courtier a une obligation d’information sur les conditions connues au contrat projeté. Il devra ainsi connaître les points essentiels voulu par le donneur d’ordre, pour le futur contrat. Le courtier ne diffusera pas à proprement parler les différentes offres et les informations de son donneur d’ordres, le but étant de se baser sur cellesci, afin de trouver le partenaire le plus adéquat pour le donneur d’ordres 58. La finalité est en effet de mettre ce dernier en relation avec le cocontractant qui pourrait partager au mieux ses intérêts. 2. La diffusion de l’information bilatérale sur les personnes 85. Paradoxalement à son obligation d’information sur les éléments essentiels du contrat prévu, il n’a pas à le négocier, c’est l’affaire des personnes mises en relation. C’est la raison pour laquelle il se doit également de les informer sur l’identité réception du courrier par lequel la société Mapotel lui a communiqué les nouveaux établissements affiliés à la chaîne, acceptant ainsi le rôle d'intermédiaire que la société Mapotel continuait de jouer auprès d'elle ; que l'arrêt relève encore que la société Visea Thorn a continué de bénéficier des prestations fournies par la société Mapotel qui, en tant que centrale de référencement, lui a permis d'y développer sa clientèle pratiquant avec les adhérents "best western" les tarifs convenus aux conditions de la centrale ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu déduire que les relations entre les parties avaient la nature d'un contrat de courtage […] » 58 Rappelons que ceux-ci sont en effet généralement des adhérents. Les courtiers sont dans ce cas, des centrales de référencement dans le secteur de la distribution. –33– même59 du donneur d’ordre pour le cocontractant et du cocontractant pour le donneur d’ordre. Cette obligation peut aller jusqu’à l’information sur la capacité du cocontractant60 jusqu’à la dissimulation de l’insolvabilité61. 86. L’obligation d’information du courtier prend un tournent différent sur internet. En effet, s’il est reconnu la qualité de courtier (par opposition à celle d’hébergeur) d’un site internet, celui-ci doit présenter des informations suffisantes et véritables62. 87. Le courtier constitue un atout supplémentaire à une simple diffusion de l’information en ciblant et proposant le partenaire adéquat. Cependant, son obligation ne l’oblige pas à négocier, contrairement à l’agent commercial. II. — L’obtention d’un contrat adéquat par l’agence commerciale 88. L’agent commercial est avant tout une personne spécialisée dans la négociation (A). C’est le but premier de ce contrat. Afin d’accomplir au mieux sa mission, il doit recueillir des informations et également informer régulièrement son donneur d’ordres de l’avancée des négociations (B). Il ne contribue donc pas à la diffusion de l’information et se limite uniquement à la négociation du contrat. De plus, même s’il 59 Cass. Com. 8 janv. 1991, n°88-16.808 : « que l’arrêt a retenu à bon droit qu’il incombait à la société Incosa, en sa qualité de courtier professionnel dont le rôle consiste à mettre le donneur d’ordre en mesure de contracter, de garantir l’identité de l’autre partie ». 60 CA Versailles, 13 nov. 1985, Gaz. Pal. 1986. 2, somm. 281 in G. Duranton, Courtiers, Rep. Com, Dalloz, 2007, p.12, n°73, mais aussi in Lamy Droit économique 2013, p.1410, n°3826. 61 CA Paris, 2 mai 1874, DP 1877, 2, p.45 in D. Ferrier, Droit de la distribution, Litec, 5ème éd., p.117, n°273. 62 Pour exemple: Cass. Com. 3 mai 2012, n°11-10.508, Bull. 2012, Civ. IV. Dans cette espèce, le bénéfice de la qualité d’hébergeur a été refusé aux sociétés E-Bay en raison de son « rôle actif de nature à leur conférer la connaissance ou le contrôle des données qu’elles stockaient ». En sa qualité de courtier, E-Bay aurait du vérifier la licéité de ces produits contrefaits proposés, en vertu de l’obligation d’information qui lui incombe. –34– a la faculté de conclure des contrats, la pratique démontre qu’il n’effectue que la négociation ou la conclusion. Ainsi, soit il négocie, et le mandataire conclut le contrat, ou le mandataire négocie et il conclut. Il apparait qu’en pratique, le mandant se réservera bien souvent la faculté d’agréer le cocontractant proposé par l’agent commercial. A. Un contrat centré sur la négociation 89. L’obligation de négocier. Selon la lettre de l’article L. 134-1 du Code de commerce, l’agent commercial peut « éventuellement » conclure. Sa principale obligation, déterminante pour la qualification de l’agence commerciale, est de négocier le contrat, en vertu de l’article susmentionné. Il dispose que : « l’agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier, et éventuellement de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte des producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux ». L’agent a ainsi pour mission non seulement de rechercher une clientèle adaptée dans un secteur géographique déterminé, mais également de négocier avec celle-ci, afin qu’idéalement, le mandant n’est qu’à apposer sa signature au contrat. En étant l’apanage de l’agent commercial, la négociation sera généralement meilleure que celle que pourrait faire, seul, le mandant. Si l’agence commerciale est très attractive sur ce point, elle ne l’est pas par son coût et n’est donc pas accessible à tous les opérateurs. 90. Traditionnellement, dans le monde de la grande distribution, ce seront bien souvent des centrales d’achat ou de référencement qui joueront ce rôle d’intermédiaire. Cependant, il peut y avoir un agent commercial qui « [opère] dans [ce] domaine négocie avec les hypermarchés ou les centrales régionales les marchés encadrés par les référencements nationaux obtenus par ses mandants, transmet les commandes, tient les statistiques lui permettant de suivre la diffusion chez chaque –35– client des produits de ses mandants, intervient au moindre litige et assure ou surveille la tenue du linéaire négocié avec chaque grande surface »63. B. Une négociation issue de la concertation 91. Une obligation d’information réciproque. Selon l’article L.134-4 du Code de commerce, le mandant doit en effet mettre l’agent commercial en mesure d’exécuter sa mission. L’alinéa 2 de cet article impose de surcroit un « devoir réciproque d’information » qui découle d’une obligation de loyauté entre l’agent commercial et son mandant. L’obligation d’information impose également à l’agent commercial de rendre des comptes au mandant, conformément à ce qui est prévu en matière de mandat à l’article 1993 du Code civil64. 92. Une négociation concertée. La négociation est issue de ce double mouvement et est donc le résultat d’une concertation. Elle est donc adaptée au mieux des attentes du donneur d’ordres. De plus, contrairement au courtier, il n’a pas à informer le futur partenaire et peut avoir une négociation plus efficace. 93. Il s’avère en revanche que la seule diffusion de l’information ne suffit pas à attirer le consommateur. 63 J-M. Leloup, l’agent commercial, Rép. Com. Dalloz, oct. 2003, p.4, n°13 64 « Tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion, et de faire au mandant tout ce qu’il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce qu’il aurait reçu n’eût point été dû au mandant ». –36– Chapitre 2. L’ATTRACTION PREALABLE DU CONSOMMATEUR 94. Le consommateur ne peut se contenter de l’information en n’étant pas, par définition, dans la capacité d’apprécier sinon une partie, tous les tenants et aboutissants, lors de la conclusion d’un contrat. La seule communication de l’information sera bien souvent insuffisante et les professionnels doivent véritablement « séduire »65 le consommateur. La séduction du consommateur par le distributeur peut amener le consommateur à aller vers le distributeur, ou plus généralement le professionnel, comme c’est le cas avec la publicité (Section 1). Cependant, le professionnel peut procéder autrement et se déplacer vers le consommateur (Section 2). Section 1. L’optimisation par le déplacement du consommateur vers le professionnel 95. L’exclusion de la promotion des ventes. La promotion des ventes constitue elle-aussi un outil de séduction du consommateur. Cependant, il convient de distinguer entre la promotion des ventes par les prix –faibles– de la promotion issue de procédés incitatifs (jeux, cadeaux) à la vente à proprement parler. Ce type de promotion ne sera pas étudié, car le principal intérêt ne réside non pas dans la séduction, mais dans la fidélisation des consommateurs. Elle ne peut donc être contractualisée. 96. Les moyens de déplacement détenus par le professionnel. La promotion par les prix se distingue donc de la promotion des ventes. Elle est un élément attractif comme l’atteste un exemple récent. L’enseigne Virgin Mégastore en redressement judiciaire a annoncé une opération de soldes importants (de -50% à-70%). S’en est suivi un déferlement de clients, attirés par ces promotions, particulièrement sur les rayons liés aux médias ou à l’informatique. Il y a eu un tel effet de masse que ces soldes exceptionnels ont été arrêtés au bout de trois jours, contrairement aux deux 65 Expression utilisée in H. Davo et Y. Picod¸ Droit de la consommation, Sirey, 2ème éd. –37– semaines initialement prévues. La réduction du prix était tellement attractive que les consommateurs achetaient compulsivement, puisque tout est moins cher66. Ici, c’est « le bouche à oreilles » qui a fonctionné. Deux auteurs retiennent en ce sens que la meilleure publicité est celle faite par les consommateurs, à condition qu’ils soient satisfaits67. Au-delà, la publicité est au sens large le meilleur moyen de séduction du consommateur. La publicité et la promotion des prix ont toutes deux pour vocation d’amener le consommateur vers le professionnel, par la promesse d’un contrat intéressant. Il s’agit en effet de techniques de commercialisation. Si l’une –la publicité– va porter sur la promotion du produit ou du service lui-même (I), l’autre – la promotion– va viser le prix auquel est proposé ce produit ou ce service (II), c’està-dire la contrepartie que supportera effectivement le consommateur. I. — Le déplacement encouragé par la promotion publicitaire 97. Définition. La publicité est communément définit comme une : « activité ayant pour but de faire connaître une marque, d’inciter le public à acheter un produit, à utiliser un service, etc »68. Une définition plus juridique a été adoptée par la Cour de cassation, qui retient constamment que la publicité est : « un moyen d’information destiné à permettre au client potentiel de se faire une opinion sur les caractéristiques des biens ou services qui lui sont proposés »69. La définition pose clairement comme point d’orgue la compréhension du message publicitaire par le consommateur, peu 66 V. en ce sens, A. Michel, Soldes à Virgin : « Vous vous êtes comportés comme des pourritures », Rue 89, 16 mai 2013 : http://www.rue89.com/2013/05/16/soldes-a-virgin-etes-comportes-commepourritures-242388 67 Kotler et Dubois, marketing et management, Publi Union, 10ème éd. p.579 : « ce sont les clients satisfaits qui font la meilleure publicité ». 68 Dictionnaire Larousse. 69 Cass. Com. 6 mai 2008, n°04-19.713. Avant, la définition était : « tout document commercial, tel un bon de commande, dont les indications et la présentation permettent aux clients potentiels auprès desquels il est diffusé de se forme une opinion sur les résultats attendus du bien ou du service proposé », V. en ce sens Cass. Crim. 23 mars 1994, Bull 1994 Crim. n°114. La publicité n’a ainsi jamais changé de sens. –38– important que l’information soit réelle ou hyperbolique, tant qu’elle n’engendre pas un décalage entre la compréhension qu’en a un consommateur et la réalité. Il convient de noter l’absence de référence faite au caractère incitatif de la publicité, absence qui se comprend par la nature incitative de la publicité. 98. Un moyen de promotion. La publicité vise essentiellement à promouvoir le produit ou le service, objet du contrat à venir. Elle va donc vanter les mérites du produit et pousser ainsi le consommateur à les obtenir, en concluant un contrat. Audelà de l’incitation à contracter, la publicité a pour but de favoriser le déplacement du consommateur pour qu’il aille chercher le produit (A). S’il a l’habitude de se déplacer, la publicité l’incitera dans ce cas à choisir le produit. Grâce à elle, le professionnel se démarquera donc de ses concurrents. Du fait de son attractivité pour le consommateur, la publicité est soumise à une réglementation (B). 99. Une publicité parfois informative : la publicité comparative. La publicité n’est donc pas un vrai moyen d’informations, puisqu’elle est édulcorée. Cependant, la publicité comparative tient une place à part dans le domaine de la publicité, du fait de sa fonction nécessairement informative, la neutralité lui étant imposée. L’article L121-8 du Code de la consommation prescrit à ce titre « la [comparaison] objective d’une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services… ». La publicité comparative vise ainsi à informer le consommateur et ne peut être laudative. Elle s’apparente ainsi plus à une information qu’à une publicité. Pourtant, cette information vise à promouvoir un produit. Cette promotion neutre porte bien souvent sur une comparaison des prix, le professionnel montrant que c’est lui qui a le prix le plus bas. Elle est donc clairement utilisée dans le domaine de la grande distribution et vise essentiellement une stratégie par les prix. 100. Outre ces conditions positives, il est nécessaire de respecter des conditions négatives. Elles sont aussi liées à la loyauté, mais il s’agit de la loyauté envers les autres professionnels et particulièrement les concurrents. L’article L121-9 du Code de la consommation pose ces conditions qui s’inscrivent dans le sillage de la concurrence déloyale. –39– A. L’attrait illimité de la publicité sur le consommateur 101. La publicité est à la fois un moyen efficace pour séduire le consommateur et l’amener à se déplacer (1) mais également un avantage concurrentiel en soi (2). 1. Le pouvoir d’attraction intrinsèque de la publicité 102. La publicité : la séduction du consommateur. L’insufflation du déplacement provient également de la promotion au sens large : la publicité. Un auteur relève à ce titre que « les dépenses de publicité, la promotion des marques contribuent également à la diffusion d’une information utile auprès des clients »70. Cependant, la publicité n’est pas qu’un moyen d’information. Elle a aussi et surtout pour but, la séduction du consommateur. C’est d’ailleurs pour cela que l’information est édulcorée. 103. Une attractivité facilitant le déplacement ou dans une moindre mesure le choix. Par nature, la publicité et plus particulièrement son contenu, l’information sur le service ou le produit, est donc attractif et déclenche l’envie d’achat du consommateur. C’est précisément la raison pour laquelle les publicités sont créées par des professionnels en marketing qui peuvent parfois user du « neuromarketing », science qui permet d’optimiser la diffusion du message en adaptant celui-ci aux mécanismes du cerveau, particulièrement ceux concernant le choix et l’envie du consommateur71. Il est évident qu’une information hyperbolique incitera le consommateur à se déplacer pour obtenir le produit ou le service en question, s’il s’agit d’un produit non quotidien. Il se développe par ailleurs, une promotion plus subtile des produits par une publicité dissimulée. Il est de plus en plus répandu d’avoir des films, des évènements sponsorisés par des marques. Le produit ou le service bénéficiera d’une exposition différente de la publicité. Celle-ci est en effet identifiée comme telle par le consommateur, car elle est présentée comme telle. La publicité audiovisuelle est par exemple encadrée par des slogans indiquant que ce qui 70 M. Glais, L’analyse économique de la clientèle, in Y. CHAPUT, Clientèle et Concurrence : approche juridique du marché, Etude du CRDA, Litec, 2000, p.15, n°18. 71 L. Arcelin-Lécuyer, Droit de la publicité, PUR, coll. Didact Droit, 2011, p.12-13 –40– suit est une publicité. La publicité dans la presse se démarque par nature, puisqu’il s’agit généralement d’images qui s’insèrent au milieu d’articles. Ce propos est toutefois à nuancer par l’utilisation de publicité qui s’apparente à des articles, ou en matière de télévision, à des émissions, des avis d’experts… Ce type de publicité se veut réaliste afin d’apporter par rapport aux autres publicités, sous-entendues comme fictives et incitative, une vraie information, quitte à ce que le consommateur les confonde et y accorde du crédit. Le but est que le consommateur y voit un gage de qualité : ce produit est bon, du fait de la recommandation faite par les experts. Par ailleurs, un produit qui serait présent dans un film sera indéniablement associé à l’environnement du film et aura un caractère incitatif. Généralement, plus le film est amené à être un succès, plus le placement de produits sera efficace et atteindra divers publics. Les films James Bond constituent un exemple particulièrement éloquent où les marques n’hésitent pas à dépenser de fortes sommes (60 000 000 € pour qu’Heineken figure dans le dernier James Bond « Skyfall ») 72. 2. L’avantage concurrentiel intrinsèque de la publicité 104. Un avantage concurrentiel. En attirant les consommateurs, elle constitue un moyen de démarcation efficace pour un professionnel par rapport à ces concurrents. Elle ne doit cependant pas avilir leur image, la publicité devant être loyal. Cette absence de banalisation, de dénigrement ou encore de récupération de l’image du concurrent est une exigence accrue dans le cadre de la publicité comparative. La pratique témoigne de l’efficacité de la publicité : elle s’avère être le premier moyen de promotion des ventes73, devant la promotion par les prix. B. La limitation de la publicité à sa loyauté 105. La publicité est licite en l’absence de déloyauté : elle doit donc être loyale (1). Afin de simplifier l’appréciation du caractère déloyal, certaines pratiques sont présumés trompeuses et doivent donc être évitées (2). 72 . V. J. Bénabent, Pub et cinéma : le compte est Bond, James Bond, Télérama, 6 nov. 2012, http://www.telerama.fr/cinema/pub-et-cinema-le-compte-est-bond-james-bond,89240.php 73 H. Davo et Y. Picod, Droit de la consommation, Sirey, 2ème éd. p.85, n°121 –41– 1. L’absence de déloyauté requise pour la licéité de la publicité 106. L’absence de déloyauté. Sauf produits spéciaux, la publicité n’est sanctionnée que si elle revêt un caractère déloyal, conformément à l’article L.120-1 du Code de la consommation. Il dispose à ce titre qu’ « une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service ». A contrario, la publicité est donc licite si elle est loyale. 2. La loyauté issue de l’absence de pratiques présumées trompeuses 107. Une pratique pouvant être présumée trompeuse. Le Code de la consommation pose une présomption pour établir la déloyauté des pratiques commerciales, à l’article L.120-1 II du Code de commerce. Ce dernier renvoie notamment à l’article L121-1 du même code, qui énonce dans son I qu’une pratique commerciale est trompeuse si elle est de nature à opérer une confusion avec un autre bien ou service, une marque concurrente ou autre signe distinctif (1° du I). Elle est également trompeuse si elle repose sur des prétentions fausses ou de nature à induire en erreur (2° du I). Dans ce deuxième cas, le plus fréquent, il est prohibé la publicité 108. qui serait trop hyperbolique, parce que reposant sur des allégations trompeuses, ou en étant si laudative, que la publicité induirait le consommateur en erreur. Ce décalage entre la publicité et la réalité, est appréhendée suivant la compréhension qu’aurait le consommateur moyen. Il existe par ailleurs, une liste indicative qui présume certaines pratiques trompeuses74. La publicité doit donc être loyale envers les consommateurs, mais doit aussi être présente envers les concurrents de l’annonceur, qui ne doivent ni être dénigrés ni être copiés. Il s’agit ici d’un « fair- 74 Article L121-1 du Code de la consommation –42– play », dont la présence est requise dans le monde des affaires et particulièrement en droit de la concurrence qui interdit la concurrence déloyale. II. — Le déplacement favorisé par la promotion pécuniaire 109. L’avantage concurrentiel et la promotion par le prix. La promotion par les prix et plus généralement le prix, est un facteur incitatif. Comme le retient le Pr. Porter75, le prix constitue une stratégie classique, renforcée en temps de crise. Les clients, et plus particulièrement les consommateurs, pourront être attirés par des prix bas, ou plus simplement s’ils sont temporairement baissés. 110. La promotion par les prix. La promotion par les prix peut passer par trois fondements. Il peut s’agir d’une diminution du prix pratiqué, d’une promotion par un « avantage-prix »76 ou encore par le biais de facilités de paiements (par le crédit)77. Ce dernier point n’est pas à proprement parler une promotion par le prix, puisque celui-ci ne s’en trouve pas modifié. Il s’agit en effet de faciliter au consommateur le paiement du prix, en accordant un crédit ou en échelonnant ce paiement (technique dit du « crédit gratuit » qui comme son nom l’indique n’est pas un véritable crédit, puisque sans intérêts stipulés, mais un échelonnement des paiements78). Les promotions qui diminuent le prix payé par le consommateur n’existent que parce que le distributeur final en profite aussi. Elles résultent généralement de la coopération commerciale soumise à l’étude ci-après. Il sera pourtant fait une exception en ce qui concerne les soldes, puisqu’ils concourent à diminuer le stock des professionnels (A) et surtout parce qu’ils sont perfectibles par le consommateur, contrairement aux 75 76 M. Porter, l’avantage concurrentiel, Dunod, 2003 Expression issue de G. Raymond, Promotion des ventes par les prix, JCL Concurrence- Consommation, Fasc. 905. 77 Cette distinction est proposée in G. Raymond, Promotion des ventes par les prix, JCL Concurrence- Consommation, Fasc. 905. 78 Généralement les professionnels l’annoncent comme « payer en X fois sans frais » –43– rabais, remises et ristournes79. Communément, les soldes sont en effet considérés comme « des ventes de marchandises à prix réduit pour cause de dépréciation, liquidation, etc, ou à certaines époques de l’année»80. Ne seront enfin envisagées que les promotions qui emportent un « avantage-prix » (B). Dans ce cas, ce n’est pas nécessairement le prix qui fait l’objet d’une diminution, mais la quantité de produits pour ce prix. Il en résulte, directement, une diminution du prix unitaire du produit. A. La promotion de produits soldés 111. L’exclusion des liquidations. La liquidation ne sera ici pas envisagée. Elle intervient en effet souvent dans un contexte où la démarcation de la concurrence importe peu, c’est-à-dire en cas de cessation d’activité consécutive à une liquidation judiciaire. 112. Définition. La définition juridique est posée par l’article L.310-3, I du Code de commerce qui retient : « Sont considérées comme soldes les ventes qui, d’une part, sont accompagnées ou précédées de publicité et sont annoncées comme tendant, par une réduction de prix, à l’écoulement accélérée de marchandises en stock et qui, d’autre part, ont lieu durant les périodes définies pour l’année civile ». Les périodes sont énoncées dans ce même article au 1° et 2° du I. Il est possible de faire ici une distinction entre les ventes saisonnières et des réductions de prix en dehors de ces périodes qui portent généralement sur des produits démodés, hors rayon et qui sont laissés à la libre-disposition de la clientèle81. 113. Les soldes sont autorisés et strictement encadrés par cet article L310-3, puisque celui-ci est sanctionné pénalement dans le cadre de l’article L.310-5 du Code de commerce. Il est nécessaire de respecter quatre conditions, en vertu de l’article L.310-3 précédemment mentionné : la vente doit porter sur l’écoulement des stocks, 79 La décision d’impacter sur le consommateur, les rabais, remises et ristournes dont le distributeur – final– bénéficie relève d’une décision commerciale de ce dernier. 80 Dictionnaire Larousse 81 G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 8ème éd. « Quadrige » –44– être à prix réduit durant des périodes prévues à cet effet, une annonce (publicité) est faite pour informer de ces soldes. 114. Avec la publicité, les soldes sont un des moyens les plus attractifs facilitant le déplacement du consommateur (1). Ils ont néanmoins des intérêts pour le professionnel (2). 1. L’attrait consumériste pour les soldes 115. Un élément attractif en soi pour le consommateur. Un auteur a pu retenir que « la promotion à son mot magique : « soldes ». Attendu habituellement par les consommateurs, les soldes sont devenus synonymes de bonnes affaires »82. Ainsi, dès que le mot « soldes » est utilisé, les consommateurs savent qu’ils vont bénéficier de prix réduits voire très réduits, nécessairement plus bas que ceux habituellement pratiqués. C’est pour cette raison que l’utilisation fallacieuse de ce terme est pénalement sanctionnée83. 2. L’attrait professionnel pour les soldes 116. Les soldes ont le double intérêt de promouvoir la marque auprès des consommateurs (a) tout en leur permettant de liquider les stocks (b). a) Une promotion de marque soldée 117. Une promotion de la marque. Par ailleurs, une entreprise qui aura l’habitude de pratiquer des réductions importantes lors des soldes, bénéficiera d’une attention accrue par rapport aux autres, particulièrement si le rapport qualité/prix devient très avantageux pour le consommateur. En effet, un rapport qualité/prix favorable aux consommateurs constituent un avantage concurrentiel par les prix (cf. Chapitre 2, Section 1, I, A, 1). Les consommateurs auront ainsi plus de considérations pour une entreprise qui concède de fort rabais. Elle sera généralement perçue comme 82 B. Lestrade, Publicité et promotion des ventes : le cadre juridique, Revue fiduciaire, coll. La Villeguérin, p. 198, n°353. 83 En vertu de l’article L.310-5,4° du Code de commerce –45– bienveillante envers ses clients. C’est en ce sens que la réduction doit être véritable. La pratique visant à augmenter les prix avant les soldes ou de vendre aux mêmes prix pendant les soldes, est sanctionnée pénalement par l’article L310-5, 4° du Code de commerce qui sanctionne l’appellation « soldes » à des opérations qui ne s’y rapportent pas. La réduction doit être immédiate, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté la qualification de soldes à la remise de bons d’achat 84. Elle doit toujours être présente quelle que soit son importance. L’annonce faite pour la réduction doit être effective et correspondre à la réalité. b) Une diminution des stocks sans frais 118. Un moyen de diminuer les stocks invendus sans frais pour le professionnel. Le Pr. Raymond85 relève que les soldes visent à une diminution du stock et ont un intérêt pour les commerçants qui peuvent se débarrasser des invendus 86 avant la prochaine saison (soldes) ou avant le changement d’activité (liquidation). Les soldes ne constituent pas véritablement un avantage sur la concurrence, puisqu’en consentant un rabais, le professionnel renie sa marge. Mais, ils sont néanmoins profitables puisque l’élimination des stocks lui permet de tirer un profit par des 84 Cass. Crim 23 janv. 2001, Bull. 2001 Crim. n°22: « que le client, ayant acquitté le prix habituel du prix vendu, ne pouvait utiliser le bon remis à cette occasion qu’à compter du lendemain, pour, le cas échéant, acheter d’autres marchandises ; qu’ils [les juges d’appel] énoncent que ce procédé de vente, destinés à fidéliser la clientèle en accordant, pour des achats ultérieurs, un avoir dont le montant est fixé en proportion du prix des achats réalisés, ne confère pas une réduction de prix sur le produit vendu ; Attendu que les juges déduisent de ces énonciations, procédant à leur appréciation souveraine, que, si l’opération promotionnelle, précédée de publicité, a eu pour l’objet l’écoulement accéléré des stocks de marchandises à caractère saisonnier, elle ne peut caractériser une vente en soldes ». 85 G. Raymond, Promotion des ventes par les prix, JCL Concurrence-Consommation, Fasc. 905, p.10, n°24 86 Cass. Crim. 15 oct. 2002, n° 02-82.212 ; Cass. Crim. 19 fév. 2003, Bull. 2003 Crim, n°47: « que les éléments du dossier font apparaitre un réassortiment très ponctuel, insuffisant pour assurer une réelle disponibilité des modèles et que le but manifeste de l’opération était de réaliser un écoulement accélérée des stocks par une réduction de prix » –46– ventes supplémentaires, peu importe que le prix soit diminué. De plus, les soldes évitent les frais de renvois des invendus. Au-delà, il est généralement stipulé des clauses de quotas, qui peuvent prévoir un nombre minimum de vente ou en amont, un nombre minimum de commandes (naturellement liées aux ventes faites). Les soldes permettent d’atteindre les quotas sans que les sanctions –pécuniaires– ne soient prises. B. La promotion à prix réduits 119. Les opportunités des réductions de prix. Jack Trout87 pose des lignes directrices pour l’utilité et l’efficacité d’une réduction de prix. Tout comme les soldes, elle devra notamment avoir pour effet de réduire les stocks, même si ce n’est pas une obligation légale, et sa durée sera courte. Sa finalité étant d’attirer de nouveaux clients, elle devra être inventive. 120. L’avantage-prix et l’avantage-produit. L’avantage-produit, tel que décrit par G. Raymond88, ne constitue pas une réduction de prix direct. Il reste néanmoins intéressant pour le consommateur qui pourra pour le prix habituel obtenir des produits supplémentaires. Il s’agit des ventes liées (2). Cependant, il existe de vrai avantage par le prix tel que le prix coûtant et le prix d’appel, techniques similaires (1). 1. L’avantage-prix 121. L’avantage-prix. Le prix coûtant et le prix d’appel vise une réduction de prix. Cependant, cette réduction est limitée par l’interdiction de la revente à perte, particulièrement le prix coûtant qui correspond au prix d’achat effectif, c’est-à-dire qu’il est égal au seuil de revente à perte. S’il est inférieur à ce dernier, il sera sanctionné89. Le seuil de revente à perte est développé dans le chapitre 2. 87 In Kotler et Dubois, marketing et management, Publi Union, 10ème éd. p.481, n°15.5 88 G. Raymond, Promotion des ventes par les prix, JCL Concurrence-Consommation, Fasc. 905. 89 B. Lestrade, Publicité et promotion des ventes : le cadre juridique, Revue fiduciaire, coll. La Villeguérin, précité. –47– 122. Le prix d’appel. Pourtant, le prix d’appel est mal perçu puisqu’il vise pour le distributeur, à proposer un produit –de marque– à un prix très avantageux, pour attirer la clientèle tout en n’ayant pas suffisamment de stocks nécessaires pour répondre à la demande de la clientèle. Le but étant de faire dériver la clientèle sur des produits similaires aux produits de marques, non promus90 et de se rémunérer sur les marges ainsi faites. Cette technique est donc déloyale envers le consommateur, qui ne trouve pas le produit promu et est ainsi dupé. Cependant, cette pratique n’est interdite que par la circulaire du 22 décembre 1980, dite « Monory »91, sous réserve de la réunion de deux éléments92. Tout d’abord, il doit exister une disproportion entre la promotion de prix sur un produit déterminé et le stock de celui-ci. Outre l’absence de stock évidemment fautive93, l’insuffisance de stocks est délicate à apprécier94. Puis, il est nécessaire d’avoir aussi une « discrimination entre le niveau de marge adopté pour le produit sur lequel porte la campagne et pour les produits substituables », selon la circulaire Monory. En vertu de celle-ci, la marge doit être « très inférieure » à celle habituelle pour des produits substituables. 123. Le prix coûtant. « Le prix coûtant doit s’entendre comme étant le prix d’achat, déduction faite de l’ensemble des remises consenties par le fournisseur et connue au moment de la facturation, majoré de la TVA et éventuellement du coût de 90 Lamy Droit économique 2013, p.1232, n°3258 91 Bien que les circulaires soient en principe réservées à l’usage interne de l’Administration et n’ont donc pas valeur réglementaire. 92 Il s’agit d’une prohibition pénale selon l’article L.121-1 du Code de la consommation 93 Cass. Crim 14 juin 1988, n°87-83.494. Dans cette espèce, une publicité annonçait la promotion d’un magnétoscope. Seulement, le magasin n’avait pas de stock de ce produit et uniquement trois commandes avaient pu être honorées. Dès lors, cette absence de stocks rendait la publicité de nature à induire en erreur le consommateur. 94 Pour exemple : Cass. Com. 30 janv 2001, Bull. 2001, Civ IV, n°28: « est illicite toute offre publicitaire portant sur des produits de marque dont le distributeur ne dispose pas en quantité suffisant pour satisfaire la demande de la clientèle ; que néanmoins la disponibilité peut ne pas être immédiate dès lors que l’offreur détient ces produits dans les lieux et conditions permettant de les remettre à l’acheteur dans des délais adéquats eu égard à leur nature » –48– transport »95. Le « prix coûtant » est fréquemment utilisé pour attirer les clients, à l’instar du prix d’appel96 et est donc prohibé sous les mêmes conditions. Outre, sa sanction, s’il est inférieur au seuil de revente à perte, il peut également être sanctionné au titre des pratiques commerciales trompeuses, le prix coûtant étant toujours annoncé par de la publicité97. Il ne devra à ce titre pas être supérieur au prix inscrit sur la publicité : il sera nécessairement égal au seuil de revente à perte98. 2. L’avantage-produit 124. L’avantage produit. L’avantage produit est une réduction de prix indirect, vu qu’un produit a été adjoint sans que soit modifié –à la hausse– le prix. La finalité pour le consommateur demeure la même que dans la promotion par réduction du prix : il payera moins que ce qu’il fait d’habitude ou de ce qu’il aurait pu verser. Le distributeur retire lui aussi les mêmes profits que dans une réduction de prix : l’augmentation de la fréquentation de son magasin et donc potentiellement plus de ventes. 125. Les ventes liées. Cette technique se nomme « ventes liées » et est strictement encadrée par le Code de la consommation, au sein de l’article L.122-199. Ce dernier interdit de subordonner la vente d’un produit à l’achat d’une quantité imposée ou d’un autre produit ou encore d’un service. La vente liée regroupe les ventes jumelées et les ventes par lots. La première portera sur une quantité d’un même produit, ce qui est autorisé et la deuxième consiste à subordonner un achat à une prestation de service ou à un autre achat et inversement. 95 Circulaire du 10 janvier 1978 in B. Lestrade, publicité et promotion des ventes – le cadre juridique, Revue Fiduciaire, coll. La Villeguérin, p.183, n°320. 96 V. en ce sens Kotler et Dubois, marketing et management, Publi Union, 10ème éd. p.480 : « Grands magasins et hypermarchés, proposent des articles à prix coutant destinés à attirer la clientèle qui, une fois sur place, achètera également d’autres produits au prix normal ». 97 Comme le prix d’appel. 98 Article L.121-1 du Code de la consommation. 99 L’infraction à l’interdiction des ventes liées constitue une pratique commerciale déloyale. –49– 126. L’autorisation des ventes par lots par la possibilité de délier les lots. Cependant, les ventes par lots sont autorisées dès lors que le consommateur a la faculté d’acheter le produit à l’unité : il doit pouvoir délier les lots. 127. L’autorisation des ventes liées de produits identiques. Les ventes liées ne sont pas non plus prohibées s’il s’agit d’une prime en espèces ou d’une prime portant sur un produit identique100. Ces dernières s’apparentent en effet à une vente portant sur une série complémentaire de produits. 128. Ces moyens de promotion, qu’ils soient publicitaires ou par les prix, ont tous deux pour vocation d’attirer le consommateur dans le magasin du professionnel. Ces outils ne sont pas dénués d’intérêt pour le consommateur, qui peut particulièrement avec la promotion par les prix, bénéficier d’un prix moins élevé ; la publicité permet au consommateur d’avoir une information plus facile, particulièrement en matière de publicité comparative. Mais, le professionnel peut aussi aller à la rencontre du consommateur pour l’inciter à contracter. Le consommateur n’a plus à se déplacer et se sent en confiance, puisqu’il est généralement chez lui101. Il sera donc plus incité à se déplacer. Section 2. L’optimisation par le déplacement du professionnel vers le consommateur 129. Déplacement physique et déplacement virtuel. Le déplacement physique du professionnel permet d’avoir toute l’attention du consommateur, qui est seul chez lui, dans un environnement connu et dont la finalité n’est pas liée au commerce. Consciente de ce phénomène, la loi encadre ainsi ces pratiques dites « réglementées », qui tendent à forcer le consentement du consommateur dans des lieux autres que ceux de la commercialisation, particulièrement à son domicile. Depuis quelques années, il se développe un autre démarchage virtuel où le 100 H. Davo et Y. Picod, Droit de la consommation, Sirey, 2ème éd., p.108, n°166 101 Toutefois, la loi retient outre le domicile, le lieu de travail du consommateur. V. en ce sens, l’article L.121-21 du Code de la consommation. –50– consommateur pourra par le biais d’Internet conclure un contrat à domicile, sans se déplacer102. Cette vente à distance est un type particulier de vente, puisque le professionnel et le consommateur ne se rencontrent jamais et ce qui est plus grave, ne voient pas le produit avant sa livraison. La vente à distance ne peut toutefois être véritablement qualifiée de démarchage, le professionnel ne se déplaçant pas, physiquement103. Il existe en effet diverses techniques, assimilables à de la publicité très ciblée, qui incitent le consommateur à contracter, en lui présentant des produits qui répondent à ces goûts104. Ces deux pratiques se rapprochent pourtant puisqu’elles visent à contracter avec un consommateur qui est à son domicile. Il convient donc d’envisager d’une part le démarchage à domicile (I) et d’autre part la vente à distance (II). I. — Le démarchage au domicile 130. Parce que le démarchage est une méthode de distribution efficace (A), il est soumis à une réglementation protectrice du consentement du démarché (B). A. Le consentement facilité du démarché 131. Le démarchage. Les ventes en réunion sont envisagées par le droit pareillement au démarchage à domicile. La notion de démarchage est en effet volontairement large. La Chambre criminelle de la Cour de cassation105 a ainsi assimilé l’envoi d’un 102 Le démarchage se distingue des contrats de vente à distance parce qu’il suppose la présence physique du démarcheur. V. en ce sens, J. Calais-Auloy, H. Temple, Droit de la consommation, Dalloz, 8ème éd. p.126, n°110. 103 Une analogie peut être faite en ce sens avec le démarchage téléphonique qui ne constitue pas un démarchage physique. 104 Des données sont récupérées par des sites internet sur le site visité, grâce à des « cookies ». Les données sont traitées et il apparait après, sur d’autres sites, des produits analogues ou identiques à ceux consultés. 105 Cass. Crim. 4 oct. 2005, Bull. 2005, Crim. n°249: « Attendu que, pour caractériser l’existence au sens de l’article L.121-21 alinéa 2, du Code de la consommation, l’arrêt relève que les deux clients –51– prospectus incitant le consommateur à se rendre sur le lieu de vente, à du démarchage106. Comme le retient un auteur, l’intérêt de cette notion large est d’accorder au consommateur la possibilité d’obtenir la restitution des sommes versées en demandant la nullité et non la rétractation du contrat conclu et regretté107. 132. Un procédé efficace. Le démarchage est particulièrement efficace. Son principal avantage réside pour le consommateur dans l’absence de déplacement. Mais, c’est un procédé qui peut être agressif. Les consommateurs surpris à leur domicile ne résistent pas toujours aux offres qui leur sont faites et achètent sans réfléchir des objets inutiles ou dispendieux108. Le consommateur a aussi sa liberté de choix restreinte, puisqu’il n’est pas chez lui en mesure de comparer les différents biens ou services comme il pourrait le faire en magasin109. Les abus sont une réalité du démarchage à domicile, pourtant prohibé, comme les abus de faiblesse110. 133. Par ailleurs, la diversité des lieux visés par le démarchage atteste de sa dangerosité. L’article L.121-21 du Code de commerce les liste comme suit : « [le] domicile d’une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail». Ce sont donc des endroits non habituellement réservés au commerce. avaient été conviés, par correspondance en nombre adressée à leur domicile, à se rendre sur les lieux de la vente au déballage, durant un laps de temps réduit, afin de retirer les cadeaux qui leur étaient destinés ; Attendu qu’en l’état de ces seules énonciations, d’où il résulte que les consommateurs ont été attirés hors de leur domicile par l’annonce publicitaire reçu dans leur courrier, fût-elle non nominative, pour se rendre dans un lieu non habituellement destiné à la commercialisation du bien proposé, la cour d’appel a justifié sa décision ; » 106 Cette technique est particulièrement efficace, puisqu’une fois que le consommateur est dans le magasin pour retirer le cadeau, les vendeurs le solliciteront, et l’empêcheront généralement de sortir du magasin, jusqu’à ce qu’il conclut un contrat généralement plus onéreux que dans un magasin classique. V. J. Julien, Retour sur la notion de démarchage, RLDC 2006, n°24, p.7 107 J. Julien, Retour sur la notion de démarchage, RLDC 2006, n°24, p.6 108 V. en ce sens, H. Davo et Y Picod¸ Droit de la consommation, Sirey, 2ème éd. p.53, n°78 ; J. Calais- Auloy, H. Temple, Droit de la consommation, Dalloz, 8ème éd., p.126, n°110. 109 J. Julien, Retour sur la notion de démarchage, RLDC 2006, n°24, p.5 et suiv. 110 Article L 122-8 du Code de la consommation. –52– B. Le consentement protégé du démarché 134. La protection du consommateur passe en amont par une information renforcée du démarché (1) et en aval par la faculté de rétracter le consentement (2). Cette dernière faculté est efficace puisqu’elle permet en quelque sorte au consommateur d’annuler le contrat pour lequel le consentement a été mal donné. 1. L’obligation d’éclairer le consentement du consommateur 135. Une information renforcée du démarché par rapport aux contrats de consommation classiques. Un exemplaire du contrat conclu devra être remis au démarché et comporter impérativement les mentions de l’article L.121-23 du Code de la consommation. La préoccupation principale du législateur est d’apporter au consommateur les informations nécessaires à son consentement éclairé, même après le contrat, afin de pouvoir se rétracter s’il le souhaite, la faculté de rétractation est la protection la plus efficace. 2. La faculté de retrait du consentement par le consommateur 136. La faculté du démarché de rétracter son consentement. Le consommateur doit pouvoir revenir sur son consentement s’il regrette le contrat conclu111. Cette protection est d’autant plus importante que le démarcheur peut parfois s’avérer particulièrement incitant. Il est ainsi posé par l’article L.121-25 du Code de la consommation, un délai de réflexion de sept jours (selon le premier alinéa de l’article L.121-26 du Code de la consommation) durant lequel le consommateur peut se rétracter. En pratique, le consommateur retournera un formulaire détachable de rétractation112. Par ailleurs, le professionnel ne peut s’affranchir de ce droit, la clause de renonciation au droit de rétractation serait nulle. Si la sanction est pénale, le consommateur lésé peut aussi se constituer partie civile, selon l’article L.121-31 du Code de la consommation, pour demander à titre de peine, une somme égale au 111 Toutefois, le contrat n’est pas conclu et l’offre doit faire l’objet d’une confirmation, s’il s’agit de démarchage téléphonique, selon l’article L.121-27 du Code de la consommation. 112 Article L.121-24 du Code de la consommation. –53– montant des sommes versées, sans que soit remise en cause son droit à obtenir des dommages-intérêts plus tard, devant la juridiction civile. La protection lui est donc particulièrement favorable et compense l’avantage que peut avoir le démarcheur en surprenant le consommateur. II. — La passation du contrat au domicile 137. Le cantonnement à la vente à distance. Il existe de nombreux contrats à distance, mais le plus emblématique et le plus courant pour le consommateur est la vente à distance. Ce sera donc celui-ci qui sera envisagé. La définition de la vente à distance est issue de l’article L.121-16 du Code de la consommation. Il retient que : « toute vente d’un bien […] conclue, sans la présence physique simultanée des parties, entre un consommateur et un professionnel qui, pour la conclusion de ce contrat, utilisent exclusivement une ou plusieurs techniques de communication à distance ». La vente à distance est un contrat très efficace et en développement. C’est un contrat qui est plus incitatif (A) que la vente classique. C’est pourquoi, la loi pose une protection accrue du consommateur (B). A. Le constat de l’attractivité du contrat à distance 138. La vente à distance est un contrat efficace qui consiste à démarcher virtuellement le consommateur (1). De cette virtualité découle son attractivité : le consommateur est dans un environnement connu et dispose de tout le temps qu’il souhaite sans avoir à se déplacer. Actuellement, il s’avère que la vente à distance est un contrat particulièrement efficace (2). 1. L’intérêt virtuel du contrat pour le consommateur 139. Un contrat de vente évitant le déplacement. Le consommateur n’a pas à se déplacer physiquement, puisque la vente à distance est une vente qui se fait sans que le vendeur et l’acheteur entrent directement en contact. La vente à distance à un intérêt supplémentaire par rapport au démarchage. Le consommateur n’est pas –54– assailli par le professionnel et il a le temps de réfléchir au contrat projeté 113, même si sur Internet tout est fait pour amener le consommateur à prendre rapidement une décision, par le biais de « vente flash » ou vente promotionnelle à durée très limitée. 140. L’efficacité du démarchage virtuel par un ciblage précis des goûts du consommateur. Cependant, c’est le consommateur qui se dirige virtuellement vers le professionnel, en allant par exemple sur le site internet. Toutefois, il faut nuancer car le professionnel démarche aussi le consommateur : Internet ciblant très précisément sa clientèle. Elle se voit proposer des produits correspondants à ses attentes, sans qu’il y ait véritablement de contrôle114. 2. L’intérêt pratique du professionnel pour le contrat 141. La vente à distance a un défaut puisqu’elle ne permet pas au consommateur d’apprécier le produit qu’il a l’intention d’acquérir. La pratique démontre que le consommateur, soucieux de voir le produit et d’avoir un conseil, va dans un magasin physique prendre des renseignements, puis contracte le contrat sur Internet, les promotions étant plus fréquente et grandes. Enfin, la vente à distance est un contrat qui évite au consommateur de se déplacer et de perdre du temps en recherchant un produit dans le magasin. Les sites internet optent en effet pour des présentations claires où le consommateur peut trier de diverses manières et obtenir facilement et rapidement les produits qui correspondent à ses attentes. B. La protection du consommateur consécutive à l’attractivité 142. Pareillement au démarchage, la forte protection du consommateur atteste de l’attractivité de ce contrat. Outre les obligations classiques issues du droit de la consommation (1) le consommateur dispose d’une faculté de résolution du contrat (2). De plus, cette protection accrue est également un élément attractif pour le 113 J. Calais-Auloy et H. Temple, Droit de la consommation, Dalloz, 8ème éd. p.108, n°97 ; H. Davo et Y Picot, Droit de la consommation, Sirey, 2ème éd. p.63, n°91 114 V. en ce sens, X. Linant de Bellefonds, Clientèle et nouvelles technologies de l’information, in Y. Chaput, Clientèle et concurrence-approche juridique du marché, Litec, coll. CREDA, p. 90. –55– consommateur. Si la chose achetée ne lui convient pas, il peut toujours la retourner, puisqu’il sera intégralement remboursé, exceptions faites des frais de retour. Cependant, il n’est pas rare que certains professionnels remboursent ces frais de retour. Cette faveur contractuelle est très efficace pour inciter le consommateur à contracter, celui-ci pouvant toujours renvoyer la chose sans frais. Le procédé est efficace, puisqu’une fois la chose en possession du consommateur, même avec des frais de retour offerts, peu d’entre eux renvoient effectivement la chose, l’envoi étant fastidieux. 1. Le droit commun de la protection du consentement du consommateur 143. Les obligations générales de protection du consommateur. Outre le régime de la vente à proprement parler, il existe des obligations qui incombent pour la protection de la clientèle, dont une obligation de conseil, en pratique inférieure au conseil que pourra véritablement apporter un vendeur physique115. Tel est le cas avec Amazon qui dispense des conseils laconiques et propose parfois des extraits d’ouvrages. Pour y pallier, il existe deux délais : un de rétractation et l’autre à l’issue duquel la résolution du contrat est possible. 144. Le délai de rétractation. Comme dans le démarchage, le consommateur dispose d’un droit à la rétractation de sept jours à compter de la réception des biens, en vertu de l’article L.121-20 du Code de la consommation. Le professionnel est pareillement tenu de rembourser « dans les meilleurs délais », toutes les sommes perçues (prix, frais de livraison)116, exceptions faites des frais de retour117. 115 Ibidem, p.101 116 Article L.121-21 du Code de la consommation 117 Article L121-20 du Code de la consommation –56– 2. Le cas particulier de la résolution pour inexécution du professionnel 145. Une faculté de résolution. Le consommateur dispose d’une faculté de résolution du contrat en cas d’exécution trop lente ou impossible. Le premier alinéa de l’article L121-20-3 du Code de la consommation permet au fournisseur de retenir une date limite à laquelle il s’engage à livrer le bien, à défaut il est réputé avoir livré le bien dès la conclusion du contrat. A cette date, si le bien n’a pas été livré, le consommateur peut demander la résolution du contrat. Le consommateur devra être remboursé des sommes qu’il a payées118. Il en va de même pour le bien indisponible après la conclusion du contrat, sauf s’il a été prévu contractuellement la possibilité que soit substitué un autre bien de prix et de qualité équivalents 119. Pareillement au démarchage à domicile, la protection du consommateur est élevée pour compenser les effets d’une vente sans la présence physique du vendeur. Un vendeur apportera toujours de meilleurs conseils et sera plus précis qu’un descriptif. 118 Article L.121-20-3 alinéa 2 du Code de la consommation 119 Ibidem alinéa 3 –57– L’ESSENTIEL DE LA PARTIE 1 147. Il résulte de la phase précontractuelle envisagée que celui qui propose le contrat, le professionnel, ne mettra pas en œuvre les mêmes moyens selon qu’il cible ou non un professionnel. 148. S’il cible un consommateur, il tentera véritablement de le séduire et d’amener celui-ci à se déplacer, par le biais de la publicité ou de promotions, qu’elles soient directement (avantage-prix) ou indirectement (avantage-produit) liées au prix, sachant que la plus efficace des réductions de prix demeure les soldes. Mais, il lui est également possible d’aller physiquement (démarchage) vers le consommateur ou de lui proposer virtuellement de conclure un contrat (vente à distance). Ces dernières ont pour intérêt de contracter avec un consommateur moins vigilent, puisque dans un environnement non réservé à la commercialisation. La conclusion du contrat sera plus aisée. 149. En revanche, si le professionnel veut conclure avec un autre professionnel, il tâchera de diffuser de la manière la plus claire possible son offre, que ce soit par le biais des conditions générales –voire particulières– de vente ou que ce soit par un appel d’offre. Cela permet d’obtenir un nombre plus important de cocontractants potentiels en vue de négocier plus efficacement le contrat et augmenter la probabilité d’obtenir un contrat favorable. Il lui est également possible de ne pas diffuser seul son offre et de recourir à un intermédiaire. Celui-ci sera plus efficace en choisissant le meilleur partenaire possible pour son donneur d’ordre (courtier) ou en négociant au mieux des intérêts de ce dernier (agent commercial). –58– PARTIE 2. LA CONTRACTUALISATION DE L’AVANTAGE CONCURRENTIEL 151. Création ou reprise d’un avantage concurrentiel. Après la phase précontractuelle, le contrat prend place. Pour qu’un contrat permette aux parties de surpasser leurs concurrents et être ainsi profitable, il faut qu’il contienne un avantage concurrentiel. Un avantage concurrentiel par le contrat peut s’obtenir de deux manières différentes. L’une consiste à le créer (Chapitre 1), l’autre à réutiliser un avantage déjà acquis (Chapitre 2). La création de l’avantage nécessite plus d’efforts que la reprise d’un avantage concurrentiel, qui ne nécessite pas d’investissements – financiers– autres que la rémunération de cet avantage (redevances, droit d’entrée). Reprendre un succès est de surcroit peu risqué, la formule ayant positivement fait ses preuves. En revanche, tout reste à créer si l’avantage n’est pas repris. Ce sera donc plus risqué, mais moins onéreux, du fait de l’absence de redevances. Un nouvel entrepreneur, qui n’a pas fait ses preuves, devra créer l’avantage. Il ne dispose pas effet des fonds suffisants et ne sera jamais choisi pour reprendre un avantage, faute d’expérience suffisante. Ainsi, la reprise d’un avantage est réservée à des personnes qui ont elles-mêmes une certaine expérience. Celui qui a créé un avantage profitable choisit son partenaire afin de ne pas voir son entreprise péricliter, une entreprise sur deux prenant fin avant sa cinquième année120. 152. Les deux avantages concurrentiels. M. Porter121 propose trois voies différentes qui permettent d’aboutir à cet avantage sur la concurrence. Les deux principales seront soumises à étude. La création de l’avantage concurrentiel repose ainsi sur les prix bas ou au contraire, sur une différenciation. Celle-ci est en opposition avec le prix, puisqu’il est généralement élevé et rémunère une certaine qualité. Le prix bas sera en revanche détaché de la qualité, celle-ci étant moindre, 120 Dépêche de l’AFP du 14 janv. 2010. 121 M. Porter, l’avantage concurrentiel, Dunod, 2003 –59– sauf pour une entreprise ayant opté –temporairement– pour des réductions de prix122, ce qui ne constitue naturellement pas un avantage concurrentiel à long terme. La reprise d’un avantage se fonde sur une des deux démarches précédentes. Cependant, elle s’en détache et est généralement plus complexe, puisqu’il s’agit d’adopter la même formule que celle qui a triomphé. Un contrat entier pourra être proposé par l’entrepreneur initial à une personne intéressée par son succès. Tel est le cas du contrat de franchise dont l’élément central est la présence de ce succès commercial. Cependant, la reprise de l’avantage peut porter indirectement sur une entreprise florissante. Il s’agira plus d’une prise que d’une reprise, la personne désireuse d’obtenir l’avantage intégrant un groupement, ce qui lui permet d’obtenir des conditions qu’une personne seule ne pourrait avoir. Chapitre 1. LA CREATION DE L’AVANTAGE CONTRACTUEL 153. Les deux stratégies envisageables. Une entreprise peut ainsi se démarquer de ses concurrents, en optant pour une stratégie portant soit sur les prix, soit sur la différenciation. L’avantage par les prix se comprend aisément : il s’agit d’avoir des prix plus bas que ceux pratiqués par ses concurrents. En revanche, l’avantage qui se fonde sur la différenciation se moque d’être à bas prix : la différenciation suffit par nature à démarquer une entreprise de ses concurrents. Pour obtenir des prix bas ou se différencier de la concurrence123 des investissements sont nécessaires. Pour le premier de nombreuses économies d’échelles sont nécessaires, tandis que pour la différenciation, on se basera essentiellement sur la qualité et les services entourant la vente124. Les entreprises proposant des services seront principalement concernées par la différenciation, ainsi que les entreprises proposant des produits de luxe, la qualité étant l’élément central et non le prix125. Elles tâcheront de différencier au maximum 122 V. en ce sens Annexe n°2. 123 M. Porter, l’avantage concurrentiel, Dunod, 2003 124 Kotler et Dubois, marketing et management, Publi Union, 10ème éd, p. 450 à 459. 125 Voir en ce sens Annexe n°2. –60– leurs offres, des propositions des concurrents, en gérant la qualité des prestations fournies selon les attentes de sa clientèle126. 154. La place de l’avantage dans le contrat. Par ailleurs, si le prix (Section 1) est un des composants du contrat, peu de contrats étant ici à titre gratuit, la différenciation n’est qu’indirecte. Dans un contrat, celle-ci portera nécessairement sur la chose ou le service stipulé. Il en résulte une différenciation par rapport à la concurrence, sans qu’il soit requis une véritable originalité du produit ou du service. Cependant, la différenciation peut également être directement prévue au contrat, en mettant en avant le bien ou le service. L’exclusivité (Section 2) permet ainsi de distribuer des biens différents, qui sont généralement rares et « méritent » cette exclusivité. C’est pourquoi, le secteur du luxe recourt généralement à un mode de distribution sélectif, exclusif. Section 1. La différenciation par le prix 155. La multiplicité du prix. Les contrats sont généralement à titre onéreux et imposent une contrepartie. Le prix est une contrepartie particulière, puisque financière, à une opération contractuelle127, les contreparties en nature étant possibles mais rares. C’est pourquoi en droit des contrats, dont la vente, le prix s’analyse comme une « somme d’argent due par l’acquéreur au vendeur »128, conformément à l’article 1583 du Code civil. Il impose en effet que le prix soit convenu entre les parties, l’acheteur devant payer la chose, selon l’article 1582 du même Code. Pour le consommateur, le prix payé correspond à la chose ou au service du contrat. Cependant, cette vision est fausse. Le prix est en réalité moins celui de la chose ou du service, que celui du contrat129. En effet, entre fournisseurs et distributeurs, il 126 Ibidem p.450 127 J-M. Mousseron¸ P. Mousseron, J. Raynard, J-B. Seube, technique contractuelle, EFL, 4ème éd., p.169, n°351 128 G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association H. Capitant, PUF, 8ème éd., « Quadrige » 129 J-M. Mousseron¸ P. Mousseron, J. Raynard, J-B. Seube, technique contractuelle, EFL, 4ème éd., p.169, n°352 –61– existe un prix initial qui est pondéré par des stipulations ou avantages extracontractuels qui vont majorer ou réduire le prix de base130. Deux auteurs retiennent également sur ce point, que si « autrefois, [le prix] résultait d’une négociation entre acheteur et vendeur »131, « au fil des années cependant, d’autres facteurs (publicité, promotion, vendeur) ont vu leur importance s’accroitre, même si le prix reste un élément fondamental »132. Par ailleurs, une même opération contiendra souvent divers prix du fait de sa complexité133. Ce sera par exemple le cas pour un contrat de franchise : le franchisé devra les redevances au titre de la concession de marque, d’enseigne mais aussi pour l’approvisionnement… Le prix en question ne sera traité que dans le cadre de la relation entre fournisseur et distributeur. L’étude s’attachera d’une part, au prix initial fixé majoritairement par le fournisseur (I), puis, aux mécanismes permettant au distributeur de réduire le prix (II). I. — La formation du prix initial 156. La formation d’un prix dépend de nombreuses circonstances comme l’environnement juridique (B). Celui-ci n’intervient que dans la contractualisation du prix, qui est postérieure à l’adoption elle-même de la stratégie par les prix (A). A. L’adoption d’une stratégie de prix 157. L’adoption d’une stratégie par les prix impose d’avoir des prix bas (1) qui n’ont pas à être forcément les plus bas. Il s’avère en effet qu’un rapport qualité/prix favorable aux consommateurs est plus efficace que les prix bas (2). 130 Ibidem. 131 Kotler et Dubois, Marketing, Management, Publi Union, 10ème éd. p.463 132 Ibidem. 133 Ibidem, p.170, n°354 –62– 1. L’intérêt concurrentiel du prix bas 158. Des prix bas non nécessairement les plus bas. S’il est évident que le prix plus bas que celui de concurrents -pour un même produit- constitue une stratégie par le prix, elle n’est pas la seule. Par ailleurs, elle ne permet pas forcément d’obtenir un avantage concurrentiel, à l’inverse d’un bon rapport qualité/prix. Quand ce dernier est favorable aux consommateurs, il constitue un avantage concurrentiel134. Ce rapport correspond en effet à des réductions de prix, dont l’efficacité sur les consommateurs a été développée précédemment (cf. Chapitre 1, Section 2, I). 159. La stratégie de la maximisation de la part de marché135. Les entreprises peuvent poursuivre cinq objectifs de tarification136. Le prix peut avoir ainsi pour finalité d’assurer la survie de l’entreprise, de maximiser le profit ou la part de marché, « d’écrémer » ou encore de rechercher une image. Cependant, il n’en existe qu’un qui assure une stratégie par les prix : la maximisation de la part de marché. Il s’agit d’augmenter le nombre de ventes en diminuant les coûts, ce qui permet finalement d’obtenir un profit. Les coûts bas auront une répercussion sur le prix pratiqué. Le profit ne se fait donc pas sur le prix mais sur le nombre de ventes. Une stratégie par les prix bas n’est donc logiquement profitable que s’il y a un nombre important de ventes. La société H&M adopte cette stratégie en proposant des vêtements à prix bas, vendus en grand nombre. 160. Une stratégie par les prix réservés aux produits substituables. Outre l’indispensable prise en compte des prix pratiqués par les concurrents137, la substituabilité du produit a un rôle central dans le prix. Plus un produit sera substituable et plus le prix sera pris en considération. Ainsi, une stratégie par les prix 134 Kotler et Dubois, Marketing, Mangement, Publi Union, 10ème édition, p.465. Ces stratégies sont reproduite en annexe 3 et sont de couleur jaune. 135 Ibidem. 136 Kotler et Dubois, Marketing, Management, Publi Union, 10ème éd., p.465 137 L’entreprise ne doit pas tenter de pratiquer les mêmes prix ou des prix si proches, qu’il pourrait constituer une entente répréhensible. –63– se justifie pour un bien substituable, ce qui corrobore le fait que l’originalité se dispense de stratégie par les prix. Les produits sont particulièrement substituables lorsqu’ils sont quotidiens (ex : pâtes), exceptions faites des produits incontournables138. 2. L’intérêt concurrentiel du bon rapport qualité/prix 161. L’avantage concurrentiel issu d’un rapport qualité/prix favorable aux consommateurs139. L’élément essentiel dans une stratégie par les prix repose sur la valeur du bien, telle que perçue par la demande, c’est-à-dire le consommateur140. Ce sont MM. Nagle et Hodle qui identifient neuf facteurs relatifs à la demande, influant sur le prix, dont un important : le rapport qualité/prix. Les consommateurs vérifient ce rapport en se référant à la qualité – qu’ils supposent- pour apprécier le prix, et inversement (un fort prix constitue un indice de qualité). Un rapport défavorable, issu du prix surévalué par rapport à la qualité141, a un risque de déception de la clientèle, de perte de clients. En revanche, le rapport est favorable si la qualité élevée ne correspond pas au prix normal, car sous-évalué. Ce second cas constitue un avantage concurrentiel142, fondé en pratique sur des réductions de prix. Afin de ne pas dévaluer son image de marque en habituant le consommateur à ce rapport avantageux, ces réductions de prix doivent être temporaires. Dans ce cas, la perception du prix devient faussée : il est perçu comme surévalué alors qu’il est sousévalué ! 162. Au-delà de ses aspects marketing, le prix bas au contrat s’inscrit dans un univers juridique particulier, qu’il convient d’envisager. 138 Op.cit 1. 139 Stratégies de couleur verte, reproduites en annexe n°2. 140 T. Nagle, R.K.Holden, the strategy and tactics of pricing, Prentice Hall, 3ème éd. in Kotler et Dubois, Marketing, Management, Publi Union, 10ème éd. p.467 141 Stratégies de couleur verte, reproduites en annexe n°2. 142 Kotler et Dubois, Marketing, Mangement, Publi Union, 10ème édition, p.465. Ces stratégies sont reproduite en annexe 3 et sont de couleur jaune. –64– B. L’adoption du prix initial bas 163. Un prix initial fixé par le fournisseur. Classiquement le prix initial est posé par le fournisseur (1). Cependant, il n’est qu’une base puisque le distributeur va bénéficier de diverses réductions, qui diminueront le prix initialement fixé. Le prix qui en résultera servira de base pour le prix de revente posé par le distributeur. Mais ce prix de revente ne peut être trop bas (2), car il se heurte à des restrictions légales pour le distributeur. La stratégie du prix bas est donc limitée pour la revente, car c’est au contact des consommateurs qu’elle est la plus efficace et dangereuse, même si elle joue un rôle notable dans les relations entre fournisseurs et distributeurs. 1. La fixation du prix initial par le fournisseur 164. Un prix au minimum déterminable. Si la fixation est libre, il y a eu longtemps, un problème pour fixer le prix dans le domaine de la distribution, notamment en ce qui concerne les contrats-cadre, formule la plus utilisée dans ce secteur. Avant 1995, toute la difficulté se nouait autour du prix déterminé –le prix est fixé– ou déterminable – les éléments entourant la détermination du prix sont fixés. La détermination du prix diverge en fonction du moment auquel le prix à payer est connu par les parties. Le prix est dit « déterminé » lorsqu’il est su lors de la conclusion du contrat. En revanche, il est déterminable, lorsque les éléments qui serviront à sa fixation sont connus dès la conclusion du contrat. Par la suite, le prix sera évalué en fonction des stipulations présentes au jour où le prix devra être payé143. La question ne se pose que pour les contrats cadres, puisque les contrats d’application, contrats de vente, peuvent indifféremment avoir un prix déterminé144 ou déterminable145. En 1987146, la jurisprudence estimait que le prix devait être 143 J.M Mousseron, P. Mousseron, J. Raynard, J.B. Seube, technique contractuelle, EFL, 4ème éd., p.177, n°380. 144 L’article 1591 du Code civil retient en effet que « le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties ». 145 La jurisprudence est constante en la matière et pose clairement que l’article 1591 n’impose pas que l’acte porte en lui-même indication du prix, mais seulement que ce prix soit déterminable. V. en ce sens : Cass. Req. 7 janv. 1925 in H. Capitant, F. Terré, Y. Lequette, Les grands arrêts de la –65– déterminé, le contrat-cadre n’était pas soumis au régime du contrat de vente, mais aux obligations de faire. L’article 1129 s’applique aux obligations de faire et énonce notamment qu’ : « il faut que l’obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce. ». Par la suite, la jurisprudence a continué d’appliquer cet article pour exiger que le prix soit déterminé, le contrat-cadre s’analysant en une obligation de faire. Puis, en 1995 par quatre arrêts de l’Assemblée plénière147, la Cour de cassation retient que le prix n’a plus à être déterminé : il peut désormais être simplement déterminable. C’est désormais l’article 1591 du Code civil et la jurisprudence lui étant liée qui s’appliquent. Cependant, s’il peut être déterminable, les parties peuvent également le déterminer, bien que dans un contratcadre cela ne joue par nature pas en leur faveur. 2. La fixation d’un prix bas par le distributeur 165. Les diverses problématiques liées au prix bas. Le prix bas est un moyen efficace de s’imposer face à ses concurrents. C’est pour cela qu’il est soumis à une réglementation particulière, qui sera traitée en contrebas, à l’exception de l’interdiction faite de la revente des produits en dessous du prix auquel ils ont été achetés. Il s’agit de la revente à perte (a). Si cette interdiction de revente en dessous du seuil de revente à perte ne concerne pas directement la relation entre fournisseur et distributeur, le fournisseur peut néanmoins être le distributeur d’un autre fournisseur. Il sera ainsi concerné à ce phénomène en sa qualité de distributeur. Une autre exception concerne le prix bas : il ne doit pas être abusivement bas (b). En outre, le fournisseur, soucieux de contrôler la distribution de ses produits, peut jurisprudence civile, t. 2, 12e éd., Dalloz, 2008, n° 260 ; Cass. Civ. 3. 26 sept. 2007, Bull 2007, Civ III, n°159. 146 Cass. Com. 9 nov. 1987, n°86-13.984, Bull 1987, Civ. IV, n°237: « la cour d’appel a pu considérer que la convention ne s’analysait pas comme une vente avec obligation de mentionner le prix mais comme une obligation de faire et se prononcer comme elle l’a fait, sans violer les textes liés au moyen (dont l’article 1129 et 1591 du Code civil)». 147 Cass. Ass. P. 1 déc. 1995, n°91-15.578, Bull. 1995 A.P, n°7; n°91-15.999, Bull. 1995 A.P, n°7; n°91-19.653, Bull. 1995 A.P, n°8; n°93-13.688, Bull. 1995 A.P, n°8. –66– vouloir contrôler le prix de revente. Cependant, il lui est impossible d’imposer un prix minimal de revente. 166. Le prix bas de revente : l’interdiction de l’imposition d’un prix de revente minimal. Il est en effet fréquent que le fournisseur, soucieux de proposer des prix bas, impose au distributeur de revendre ses produits à un prix déterminé. L’article L.442-5 du Code de commerce le dispose comme suit : « est puni d’une amende de 15 000 € le fait par toute personne d’imposer, directement ou indirectement, un caractère minimal au prix de revente d’un produit ou d’un bien, au prix d’une prestation de service ou à une marge commerciale ».Il est donc interdit au fournisseur de s’immiscer dans la politique commerciale du distributeur en lui imposant un prix minimum de revente de ses produits. L’article L.442-5 du Code de commerce retient une conception large de l’imposition : elle peut être directe ou indirecte. Directe, elle figure au contrat, tandis qu’indirecte, non. Dans ce cas, il s’agit typiquement des produits pré-étiquetés. La jurisprudence bannit les produits qui sont livrés au distributeur avec une étiquette comportant un prix minimum148, même si une juridiction a pu retenir que le pré-étiquetage ne constituait pas une imposition du prix de revente149. En tous cas, cela ne concerne que le prix minimum et donc bas. Il est donc tout à fait envisageable de poser un prix plafond pour la revente et également de conseiller véritablement un prix, étant donné que seule l’imposition est proscrite. Cette interdiction d’imposition ne concerne cependant que les fournisseurs et distributeurs indépendants. Un intermédiaire, mandataire pour la distribution des produits du fournisseur, devra respecter le prix bas imposé par son 148 Cass. Com. 7 oct. 1997, n°95-19.518. Il s’agissait en l’espèce de produits qui étaient livrés au franchisé avec sur chacun une étiquette de prix conseillés. Le franchisé ne pouvait enlever les étiquettes sans que soit supprimé la garantie contractuelle du franchiseur. La Cour de cassation conclut ainsi : « le prix d’achat des marchandises achetées par le franchisé était déterminée par le franchiseur ; que la cour d’appel a pu en déduire, de ces constatations et appréciations, en justifiant légitimement sa décision d’annulation, que par l’effet de la clause d’approvisionnement exclusif, les prix étaient déterminés dans des conditions contraires aux dispositions de l’article 34 de l’ordonnance du 1 décembre 1986 ». 149 CA Montpellier, 30 août 2000, LD 2000-9 –67– donneur d’ordre. Il n’y a en effet pas de revente puisqu’il s’agit d’un mandat : le mandataire vend pour le compte de son mandant. a) La limite basse fixée au prix d’achat effectif 167. Le prix bas de revente : la limite du seuil de revente à perte. La vente à perte est susceptible de fausser le jeu de la concurrence150 et est protégé par l’article L.442.2 du Code de commerce. Il prohibe à ce titre : « le fait, par tout commerçant, de revendre ou d’annoncer la revente d’un produit en l’état à un prix inférieur à son prix d’achat effectif est puni de 75 000€ d’amende […] ». Ce seuil de revente à perte correspond donc à la revente d’un produit en dessous de son prix d’achat effectif. Par la suite, l’article L442-2 du Code de commerce impose une certaine méthode permettant de calculer ce prix d’achat. Elle est reprise plus clairement par le Pr. Ferrier151 et reproduite en annexe 4. 168. Les conséquences sur la fixation du prix bas : la limite basse du prix d’achat. Le distributeur doit veiller à ne pas vendre en dessous du prix d’achat qu’il a effectivement déboursé pour le produit, y compris lorsqu’il fait une opération de promotion (prix coûtant…). Un prix bas est donc nécessairement limité par ce prix d’achat effectif pour sa revente. Cette interdiction ne s’applique pas si le produit fait l’objet d’une transformation ; la revente à perte ne concerne que la revente en l’état. b) La limite du prix non abusivement bas 169. Le prix bas de vente aux consommateurs : la limite du prix abusivement bas. Le prix bas que fixe le distributeur pour la vente aux consommateurs, ne doit pas être abusivement bas. Cette pratique anticoncurrentielle se nomme aussi « prix prédateurs ». L’article L.420-5 du Code de commerce bannit aussi bien les offres que la vente aux consommateurs à des prix abusivement bas. Le caractère abusif du prix bas s’apprécie par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation. Mais la prohibition n’a lieu que si « ces offres ou ces pratiques 150 J-J. Biolay, Transparence tarifaire et pratiques relatives aux prix – organisation de la concurrence par les prix, JCL Concurrence-Consommation, Fasc. 285, 2009, p.23, n°52 151 D. Ferrier, Droit de la distribution, Litec, 5ème éd. p.169, n°364 –68– ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’éliminer d’un marché ou d’empêcher d’accéder à un marché une entreprise ou l’un de ses produits ». Le distributeur devra donc veiller, à ne pas fixer un prix inférieur au prix d’achat, mais aussi un prix qui aura pour effet d’évincer toutes concurrences sur son marché. Ainsi, ce prix bas peut être une pratique anticoncurrentielle, tout en étant supérieur au seuil de revente à perte et donc valable sur ce dernier point. II. — La réduction du prix initial 170. Entre professionnels, les réductions de prix ne peuvent être sans contrepartie, conformément aux 1° de l’article L.442-6, I du Code de commerce (infra). Classiquement, trois réductions de prix existent. Il s’agit des rabais, remises et ristournes, nommés « RRR » en pratique (B). Elles diminuent directement ou indirectement le prix : tout dépend de leur présence sur la facture. Cependant, le prix initial dû par le distributeur peut également être diminué, par compensation, suivant les services qu’il rend au fournisseur (A). A. Le prix initial du fournisseur diminué par les services rendus par le distributeur 171. Les services peuvent être variés (1) mais contribuent en tous cas à diminuer le prix initial (2) par compensation, les services n’étant pas liés à l’achat-vente. 1. La variété des services accompagnant l’opération d’achatvente 172. Les différents services. Les services sont énoncés par l’article L.441-7 du Code de commerce. Le point 3.1 de la circulaire Dutreil II retient sur ce point que « l‘article L.441-7 vise deux catégories de services rendus par un distributeur ou un prestataire de services et qui relèvent de leur politique commerciale, les services de coopération commerciale et les services distincts de ceux figurant dans le contrat de coopération commerciale ». Il ne sera envisagé que la coopération commerciale qui figure à l’article L.441-7, 2° du Code de commerce et vise la promotion des produits –69– du fournisseur152. Au sujet de la promotion, un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation153 retient : « la promotion par le distributeur des produits du fournisseur constitue un service spécifique en ce sens qu’elle ne se situe pas dans le champ normal des relations contractuelles ». Les services rendus dans le cadre de la coopération commerciale peuvent néanmoins aller au-delà de la simple promotion et peuvent par exemple viser en la démonstration, la préconisation active des produits du fournisseur ou encore en la réalisation d’opération marketing destinées à développer la notoriété des produits154. La coopération commerciale devra faire l’objet d’un contrat distinct du contrat initial d’achat-vente. 173. Les bénéfices de la coopération commerciale. Un jugement décrit le bénéfice des services de la coopération commerciale, ils « recouvrent des actions de nature à stimuler ou à faciliter au bénéfice du fournisseur la revente de ses produits par le distributeur »155. Elle constitue aussi une source importante de profits. La loi LME156 a néanmoins rétabli ce déséquilibre : la coopération commerciale doit être réelle et reposer sur des services effectifs157, conformément à l’article L.442-6, I, 1° du Code de commerce. 152 Point. 3.1.1 de la circulaire Dutreil II. 153 Cass. Crim, 15 oct. 1996, LD 1996/1. 154 Cass. Com. 6 déc. 2005, D 2006, pan. p.512, obs. D. Ferrier : « En énonçant que les prestations visées par des contrats de coopération avaient pour objet, notamment, la promotion, la démonstration, la préconisation active des produits du fournisseur, ainsi que la réalisation d’opération « marketing » destinées à développer la notoriété de ces produits, la Cour d’appel a fait ressortir que ces prestations portaient sur la fourniture par le distributeur de services spécifiques détachables des simples obligations résultant des achats et des ventes, procurant une contrepartie réelle au fournisseur ». 155 156 TGI Strasbourg, 25 nov. 2005, LD 2006/1, obs. J-M. Vertut. Le rapport Canivet proposait pour « assainir les relations commerciales » d’ « encadrer la coopération commerciale ». G. Canivet, Rapport : restaurer la concurrence par les prix les produits de grande consommation et les relations entre industrie et commerce, oct. 2004, p.93 et suiv. 157 Ibidem, p. 93 –70– 2. Une diminution du prix par compensation 174. La compensation entre le prix d’achat dû par le distributeur et le prix des services dû par les fournisseurs. Les services rendus par le distributeur vont compenser le prix qu’il doit au fournisseur et vont venir diminuer le prix qu’il payera. La coopération commerciale et l’opération d’achat-vente sont des contrats distincts. Bien que la coopération commerciale vise à favoriser la commercialisation des produits, elle ne peut porter sur les conditions de l’opération d’achat-vente, en vertu de l’article L.441-7, 2° du Code de commerce. Ainsi, en étant des contrats distincts, elles font l’objet de facturations différentes : la réduction de prix ne peut donc être directe et se fera donc par l’objet de compensation. La compensation est une des modalités les plus utilisées dans le secteur de la distribution. Elle permet de neutraliser des dettes à l’aide des créances à hauteur du montant des créances. Cette compensation est automatique dès lors que les créances sont réciproques entre les parties, certaines, liquides et exigibles. Si en théorie le solde peut être négatif, le fournisseur sera en pratique toujours payé, la créance de coopération commerciale ne fera que réduire la dette que le distributeur a auprès du fournisseur pour les marchandises achetées. Autrement dit, la dette de coopération commerciale du fournisseur diminue la créance qu’il a sur le distributeur pour les marchandises vendues. 175. Se rajoutent à ce phénomène de compensation, les réductions de prix classiques entre professionnels. B. Le prix initial du fournisseur réduit 176. Les réductions de prix constituent indéniablement des avantages qui peuvent être qualitatifs ou quantitatifs (1). Ces réductions de prix influent différemment sur le prix selon le moment de leur paiement (2). 1. Les avantages qualitatifs ou quantitatifs issus des réductions de prix 177. Les réductions de prix : avantages qualitatifs ou quantitatifs. Les RRR sont des réductions de prix qui ont des modalités différentes. Les réductions peuvent aussi –71– être différenciées selon l’avantage qu’elles procurent. A ce titre, le Pr. Mousseron distingue les avantages qualitatifs de ceux quantitatifs158. L’avantage est dit quantitatif quand il porte sur l’obtention d’une certaine quantité, alors que l’avantage est qualitatif lorsqu’il se fonde sur la qualité du produit ou du client. La remise sera un avantage qualitatif tandis que la ristourne sera quantitative, les deux étant liées à la passation de commandes par le distributeur. La remise est en effet octroyée en considération de la qualité de la personne, tandis que la ristourne est octroyée en fonction d’un seuil –important–, évalué en fin d’année, des commandes passées, et vient en diminution du montant global des commandes. Le rabais est également qualitatif, sa vocation étant de réduire le prix de la marchandise défectueuse ou nonconforme à la commande ou encore obsolète159, contrairement aux remises et ristournes qui concernent une marchandise en parfait état. 178. Avantages qualitatifs et coopération commerciale, avantage quantitatif et opération d’achat-vente. Ces avantages qualitatifs (remises et rabais) correspondent à des avantages-fonction ou des avantages-partenariat, services offerts par le distributeur au fournisseur160. Comme son nom l’indique, l’avantage-fonction se rattache à la fonction qu’effectue le distributeur. Les services doivent être effectivement rendus et ils le sont bien souvent pour renforcer l’opération d’achatsventes : livraison, stockage, conditionnement… L’avantage partenariat est à l’inverse, plus diffus. Il rémunère un service empreint d’intuitus personae et vise ainsi à la promotion ou à la diffusion de l’image de marque du fournisseur. Quelques soient leurs avantages, ils rentrent dans le cadre de la coopération commerciale, puisqu’ils visent à favoriser la commercialisation des produits. L’avantage quantitatif (ristournes) est en revanche nécessairement lié à l’opération d’achat-vente, puisqu’il est octroyé suivant le nombre de commandes passées. 158 J-M. Mousseron, P. Mousseron, J. Raynard, J-B. Seube, Technique contractuelle, EFL, 4ème éd. p.184, n°399 159 Ibidem, n°397 160 Ibidem, n°400 –72– 2. La réduction immédiate ou différée du prix initial 179. Des réductions immédiates ou différées dans leur paiement. Ces trois réductions entrent dans le processus de formation du prix en diminuant le prix initialement fixé, de manière plus ou moins directe. La réduction immédiate (rabais et remise) intervient directement et diminue le prix qui sera finalement facturé. En revanche, la ristourne en étant une réduction différée, n’entre pas dans la facturation. Cette réduction en ayant lieu en fin d’année, diminuera indirectement la facture par l’émission d’un avoir161. L’avoir ne diminue pas le prix facturé, mais alloue une somme à son créancier qui compense le « trop payé ». Elle fait partie de la coopération commerciale ou marges-arrière. En revanche, les rabais et remises interviennent immédiatement dans le prix et donc dans la facturation. On parle alors de « marges-avant ». 180. Toutefois, le rabais peut selon l’objectif recherché être immédiat ou différé. Dans le premier cas, il incite à l’achat tandis que dans le deuxième cas, il incite à la fidélité du cocontractant162. Section 2. La différenciation par le produit 181. Le rôle du produit dans la différenciation. La différenciation ne repose pas sur le prix mais sur le produit ou le service163. C’est en effet la mise en avant d’un produit innovant ou original qui permet de se démarquer des concurrents. Contrairement aux prix, la différenciation ne peut être contractuellement prévue. Cependant, le contrat peut mettre en avant et conforter l’originalité du produit en faisant de lui une denrée rare. C’est le mécanisme de l’exclusivité. 161 Il s’agit ici d’avoir puisque la ristourne intervient postérieurement à la facturation, l’avoir permettant schématiquement de compenser une facture. 162 D. Ferrier, Droit de la distribution, Litec, 5ème éd. p.203, n°453. 163 M. Porter, l’avantage concurrentiel, Dunod, 2003. –73– 182. L’exclusivité. L’exclusivité contient à la fois un privilège et une privation164 : c’est un privilège pour celui qui en bénéficie, qui exclut dans un même temps toute autre personne, constituant ainsi une privation165. L’exclusivité évincera ceux à qui elle n’est pas destinée et profitera aux personnes qu’elle vise. Voici un produit dont l’exclusivité est accordée à un distributeur. Celui-ci peut en profiter sans que d’autres distributeurs puissent le concurrencer. Dans ce cas de figure, le fournisseur doit également respecter l’exclusivité et ne doit pas tenter de contracter avec d’autres distributeurs. Le fournisseur peut insérer des clauses d’exclusivité ou mettre en place des réseaux d’exclusivité qui vont limiter la distribution du produit jusqu’à avoir parfois un seul point de vente par territoire. La distribution exclusive contient les deux types de clause d’exclusivité qui peut être prévue dans les contrats. Il existe un autre mécanisme permettant de réserver et limiter la distribution d’un produit : la sélection. 183. La sélection. Si elle n’est pas l’essence du contrat de distribution exclusive, la sélection est néanmoins présente dans ce contrat, comme dans la distribution sélective, dont elle constitue un élément essentiel. La sélection permet de limiter l’accès au réseau aux personnes voulues. Toutefois, cette volonté est à nuancer puisque dans les deux contrats, le fournisseur doit mettre en œuvre de manière non discrétionnaire166 les critères de sélection choisis. La distribution sélective contient néanmoins une exclusivité de fourniture, contrepartie de la sélection. D. Ferrier énonce à ce titre que « le fournisseur s’engage à ne vendre ses produits qu’aux 164 N. Eréséo, l’exclusivité contractuelle n°79, préf. D.Ferrier, coll. FNDE, Litec, p.14 165 V. en ce sens les définitions retenues par le dictionnaire Larousse. 166 En matière de distribution exclusive, le choix du fournisseur ne peut plus être discrétionnaire depuis l’arrêt de la Cass. Com. 25 janv. 2000, n° 97-15.292 : « Attendu qu’en se déterminant ainsi, par référence à des critères quantitatifs et qualitatifs imprécis, discrétionnairement mis en application par la SEITA, et qui ne permettent pas de vérifier si les concessionnaires sont choisis selon les mêmes critères objectifs opposables à tous les candidats, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ». –74– distributeurs dans la mesure où le fournisseur s’engage à ne vendre ses produits qu’aux distributeurs qui satisfont les critères qu’il a définis »167. 184. Exclusion de l’exclusivité dans les contrats de consommation. Précisons que l’exclusivité ne sera ici envisagée que dans des contrats entre professionnels. En effet, même si elle se retrouve de plus en plus dans les contrats de consommation, elle a une finalité différente des contrats entre professionnels. Par exemple, dans les contrats de téléphonie, sous peine de s’acquitter d’une forte somme, le consommateur s’engage à conserver le contrat pour une certaine durée. Le but premier de l’exclusivité ne vise pas en l’obtention d’un avantage concurrentiel, mais en la fidélisation du consommateur. 185. Plus précisément, il conviendra d’envisager l’exclusivité et la sélection qui organisent le réseau du fournisseur de façon à protéger et mettre en avant au mieux ses produits, sur lesquels se basent son avantage concurrentiel de différenciation. Elles sont donc des outils qui seront traités au travers des réseaux qu’elles structurent : réseaux fondés sur la distribution exclusive (I) et sur la distribution sélective (II). L’exclusivité, particulièrement territoriale, est l’apanage de la distribution exclusive, tandis que la sélection est, comme son nom l’indique, l’essence de la distribution sélective. I. — La distribution exclusive du produit 186. L’exclusivité, un avantage concurrentiel en soi. « En octroyant le privilège de l’exclusivité, le producteur espère susciter un effort de vente plus vigoureux, conserver un meilleur contrôle des intermédiaires et garder à son produit une image de prestige autorisant un prix élevé »168. L’avantage est prégnant pour le bénéficiaire de l’exclusivité, il n’a pas de concurrent. Il bénéficie alors en soi d’un avantage concurrentiel, sous réserve de l’attractivité du produit. Si le produit n’est pas original ou technique, la demande sera faible. L’exclusivité réduit la distribution d’un produit 167 D. Ferrier, Droit de la distribution, Litec, 5ème éd. p.265, n°586. 168 Kotler et Dubois, Marketing et Management, Publi Union, 10ème éd., p.504. –75– et ne peut jouer son rôle que si la demande est suffisamment forte. L’avantage est plus ténu pour le fournisseur, mais existe néanmoins. En consentant une exclusivité, le fournisseur proposant un produit fort, est sûr de pouvoir choisir le partenaire qui distribuera au mieux son produit. Par ailleurs, l’exclusivité est un élément attractif en soi. En effet, à l’instar de la présomption selon laquelle un bien cher est nécessairement de bonne qualité, l’exclusivité se mérite : un bien qui en bénéfice ne peut ainsi être de mauvaise qualité. Derrière l’exclusivité, c’est ici la rareté qui joue un rôle central. Un bien exclusif est en effet nécessairement en nombre limité et parfois distribué dans un nombre de points de vente limité. L’exclusivité peut effectivement porter sur un territoire ou une clientèle. Cependant, et comme il l’a été suggéré, l’exclusivité vise aussi le produit, objet du contrat de distribution. 187. L’exclusivité protège donc la distribution du produit du fournisseur et en conséquence l’intégrité du réseau. A. La distribution exclusive : le contrôle de la distribution par l’exclusivité 188. L’exclusivité sur le produit limite sa distribution (1), tandis que l’exclusivité territoriale limite la faculté de vente du distributeur (2). 1. La limitation de la distribution du produit 189. Les achats et ventes exclusifs. Comme son nom l’indique, l’exclusivité porte sur un ou plusieurs produits. Plus précisément, l’exclusivité portera soit sur la vente du produit (fourniture exclusive) soit sur l’achat du produit (approvisionnement exclusif). Dans une fourniture exclusive, c’est le fournisseur qui réserve exclusivement son produit à un distributeur, tandis que dans l’approvisionnement exclusif c’est l’inverse qui se produit : le distributeur s’engage à acheter les seuls produits du distributeur. Enfin, les deux peuvent s’engager réciproquement. –76– 190. Les variations de l’exclusivité. Les cocontractants peuvent décider de se soumettre seul ou tous deux à une clause d’exclusivité, et d’avoir une exclusivité qui porte sur tous les produits ou seulement quelques-uns169. 191. L’exclusivité réciproque de la distribution exclusive. Relativement au contrat de distribution exclusive, l’exclusivité est généralement réciproque. L’exclusivité de fourniture est un des éléments du contrat de distribution exclusive, tandis que l’exclusivité d’achat est facultative. Bien qu’en principe facultative, l’exclusivité d’approvisionnement est classiquement présente et confère au contrat une exclusivité réciproque170. L’analyse économique a en effet établi l’intérêt de l’approvisionnement exclusif, puisqu’il permet notamment « une meilleure prévisibilité de production, une réduction des coûts de transaction, une stimulation de la revente des produits, une bonne collaboration du distributeur »171. Outre la sélection faite des distributeurs, l’exclusivité de fourniture assure un véritable contrôle de la distribution des produits du fournisseur172. Elle est la contrepartie de la sélection des distributeurs et permet à ceux-ci de s’assurer une stabilité en ayant pas de distributeurs concurrents sur le territoire concédé. La stabilité et la force du réseau sont encore accrues par l’octroi au distributeur d’un nom commercial, d’une marque ou encore d’une enseigne173. 192. Une durée limitée de la clause d’approvisionnement. L’article L.330-1 du Code de commerce174 limite à dix ans la durée des clauses d’exclusivité 169 J-M. Mousseron, P. Mousseron, J. Raynard, J-B. Seube, Technique contractuelle, EFL, 4ème éd. p.290, n° 683 170 L’exclusivité de fourniture étant de l’essence même de la distribution exclusive, l’exclusivité réciproque se forme par l’adjonction d’une exclusivité d’achats. 171 G. Demme, Le droit des restrictions verticales, Economica, 2010, Pratiques du droit, p.161-162, n°221. 172 D. Ferrier, Droit de la distribution, Litec, 5ème éd. p.264, n°585. 173 Lamy Droit économique 2013, p. 1560, n°4281. 174 « Est limitée à un maximum de dix ans la durée de validité de toute clause d'exclusivité par laquelle l'acheteur, cessionnaire ou locataire de biens meubles s'engage vis à vis de son vendeur, –77– d’approvisionnement, durée qui s’impose à des contrats similaires concluent ultérieurement entre les parties et qui pose aussi ces clauses d’exclusivité, conformément à l’article L.330-2 du Code de commerce175. La jurisprudence l’a étendu à tout contrat d’achat exclusif. 193. Le droit européen retient une durée inférieure pour les clauses d’exclusivité. L’article 5.1.a) du Règlement d’exemption n°330/2010 limite par une lecture a contrario la durée à cinq ans. C’est en effet si la durée dépasse ce délai que l’exemption tombe. Les clauses d’exclusivité (qualifiées de clause de nonconcurrence par l’Union européenne) constituent une restriction exclue, qui n’est exemptée que si elle est inférieure à cinq ans. Toutefois, cette « durée de cinq ans n’est pas applicable lorsque les biens ou services contractuels sont vendus par l'acheteur à partir de locaux et de terrains dont le fournisseur est propriétaire ou que le fournisseur loue à des tiers non liés à l'acheteur, à condition que la durée de l'obligation de non-concurrence ne dépasse pas la période d'occupation des locaux et des terrains par l'acheteur »176. Ainsi, le distributeur dont le point de vente appartient ou est loué par le fournisseur, peut se voir imposer une clause d’exclusivité plus longue, limitée par la durée d’occupation du lieu. 194. Une nécessité requise de la clause d’exclusivité. Toute clause d’exclusivité et plus généralement de clause de non-concurrence, par les obligations qu’elle impose doit être proportionnée. Classiquement, la jurisprudence impose que la clause d’exclusivité soit limitée dans le temps et l’espace et soit proportionnée au but recherché177. cédant ou bailleur, à ne pas faire usage d'objets semblables ou complémentaires en provenance d'un autre fournisseur ». 175 « Lorsque le contrat comportant la clause d'exclusivité mentionnée à l'article L. 330-1 est suivi ultérieurement, entre les mêmes parties, d'autres engagements analogues portant sur le même genre de biens, les clauses d'exclusivité contenues dans ces nouvelles conventions prennent fin à la même date que celle figurant au premier contrat. » 176 Article 5, 2 du Règlement précité. 177 V. en ce sens J-M. Mousseron, P. Mousseron, J. Raynard, J-B. Seube, Technique contractuelle, EFL, 4ème éd. p. 219, n° 507. –78– 2. Un territoire exclusif 195. Le territoire exclusif. Si l’exclusivité de produits n’est pas un élément essentiel au contrat de distribution exclusive (la collaboration commerciale ne se limitant pas à la seule exclusivité), il en va autrement de l’exclusivité territoriale178. La clause d’exclusivité territoriale est en effet celle « par laquelle le fournisseur s’engage à ne contracter qu’avec le distributeur dans un secteur déterminé, constitue un élément du contrat de distribution exclusive »179. Le territoire doit être inscrit contractuellement180 et être suffisamment vaste pour permettre au distributeur de rentabiliser les investissements faits181. Il est également possible de réserver une « zone de clientèle »182 au distributeur. Cette clause s’apparentera à une exclusivité territoriale si le fournisseur livre uniquement dans cette zone. Le fournisseur devra respecter le territoire donné et ne pourra ainsi placer un autre distributeur que celui à qui il est concédé, sauf à diminuer le territoire. Les territoires sont en effet susceptibles d’évoluer en fonction de la clientèle (démographie) et il est nécessaire de prévoir une clause d’adaptation du territoire183. A défaut, le fournisseur ne peut modifier le territoire sans l’accord du concédant. 196. Une modalité d’organisation de réseau pour le fournisseur. Pour le fournisseur, l’exclusivité territoriale vise ainsi à restreindre l’action du distributeur qui doit revendre les produits du fournisseur uniquement dans le territoire défini, afin qu’il n’existe pas de concurrence avec les autres distributeurs liés au fournisseur. Elle lui permet donc d’organiser son réseau et de contrôler au maximum la distribution du produit184. 178 D. Ferrier, Droit de la distribution, Litec, 5ème éd. p.286, n°622. 179 Lamy droit économique 2013, p.1562, n°4290. 180 CA Pau, 25 juin 1992 in Lamy droit économique 2013, p. 1562, n° 4290. 181 Ibidem. 182 Ibidem 183 D. Ferrier, Droit de la distribution, Litec, 5ème éd. p. 286, n°622. 184 V. en ce sens, Lamy droit économique 2013, p. 1157, n°4275. –79– 197. Un avantage concurrentiel pour le distributeur. En revanche, pour le distributeur, elle a pour avantage de lui permettre d’être le seul à proposer le produit sur le territoire concédé. Il n’aura donc pas de concurrents, ce qui constitue par nature un avantage concurrentiel. Il en résulte une atteinte au jeu de la concurrence. Cependant, le droit français, comme le droit européen, admet des exemptions sous réserve de certaines conditions qui limitent l’absolutisme de la clause d’exclusivité territoriale. 198. La limitation des clauses d’exclusivité territoriale. Le droit français, comme le droit européen, traite des exclusivités. Sont ainsi distingués trois degrés dans la clause d’exclusivité territoriale : l’exclusivité territoriale absolue, l’exclusivité territoriale renforcée et l’exclusivité territoriale simple185. 199. L’interdiction de l’exclusivité territoriale absolue. Elle constitue une exclusivité caractérisée et est interdite à ce titre. L’exclusivité absolue est prohibée par l’article 4.b) du Règlement d’exemption 330/2010186. Cet article retient que « restreindre le territoire sur lequel, ou la clientèle à laquelle, un acheteur partie à l'accord, peut vendre les biens ou services contractuels » constitue une restriction caractérisée. Le fournisseur ne peut pas interdire au distributeur les ventes actives (le distributeur démarche les clients hors du territoire) et les ventes passives (le client non sollicité187 d’un autre territoire démarche le distributeur). 200. L’autorisation de l’exclusivité territoriale renforcée. Il est en effet impossible d’interdire les ventes passives, seule l’interdiction des ventes actives est autorisée, en vertu de l’article 4.b) i du Règlement d’exemption susmentionné188.Ce 185 J-M. Mousseron, P. Mousseron, J. Raynard, J-B. Seube, Technique contractuelle, EFL, 4ème éd., p.294, n°693. 186 Règlement n° 330/2010 de la Commission Européenne du 20 avril 2010, précité. 187 S’il est sollicité, c’est une vente active. 188 Cet article énonce que : «L'exemption prévue à l'article 2 ne s'applique pas aux accords verticaux qui, directement ou indirectement, isolément ou cumulés avec d'autres facteurs sur lesquels les parties peuvent influer, ont pour objet: b) de restreindre le territoire sur lequel, ou la clientèle à laquelle, un acheteur partie à l'accord, peut vendre les biens ou services contractuels sans préjudice d’une –80– cas de figure se nomme d’exclusivité territoriale renforcée. Il a l’avantage d’éviter une désorganisation du réseau par l’empiètement des différents distributeurs exclusifs sur le territoire des uns et des autres. Les ventes actives visent en effet à démarcher à l’extérieur du réseau, ce qui se fait généralement par le biais d’annonces publicitaires, de promotions dans le territoire d’un autre distributeur. Cette clause est donc avantageuse pour le fournisseur sans trop renier les possibilités de vente du distributeur, contrairement à l’exclusivité territoriale simple. L’exclusivité territoriale simple est une exclusivité de fourniture couplée avec une exclusivité territoriale qui impose donc au fournisseur de livrer uniquement le distributeur, dans le territoire de ce dernier189. En revanche, le distributeur ne supporte aucune exclusivité, celui-ci pouvant vendre en dehors du territoire et s’approvisionner auprès d’autres distributeurs. 201. L’intérêt de la clause d’exclusivité territoriale renforcée. L’exclusivité territoriale stipulée est très profitable au distributeur et ne permet pas au fournisseur de contrôler la distribution, elle n’est donc pas avantageuse pour ce dernier. L’exclusivité territoriale absolue est l’extrême inverse de l’exclusivité territoriale renforcée, puisqu’elle n’est profitable qu’au fournisseur et non au distributeur, car celui-ci ne peut vendre que dans le territoire concerné. L’exclusivité territoriale renforcée est à mi-chemin et présume les intérêts des deux parties sans être prohibée (exclusivité territoriale absolue) ou favorable au distributeur et non au fournisseur (exclusivité territoriale simple). 202. Cas particulier : Internet et l’exclusivité territoriale. L’utilisation d’un site internet par le distributeur est tantôt considérée comme une vente passive et tantôt considérée comme une vente active : tout dépend en réalité de la présence du démarchage de la clientèle, située hors du territoire du distributeur, par celui-ci. Le restriction quant à son lieu d’établissement, sauf s'il s'agit de: i) restreindre ses ventes actives sur un territoire ou à une clientèle que le fournisseur s'est exclusivement réservés ou qu'il a alloués à un autre acheteur, lorsque cette restriction ne limite pas les ventes réalisées par les clients de l'acheteur ». 189 J-M. Mousseron, P. Mousseron, J. Raynard, J-B. Seube, Technique contractuelle, EFL, 4ème éd., p.294, n°693. –81– critère de la sollicitation permet de distinguer les ventes actives des ventes passives. Le fournisseur ne pourra interdire que la vente active (envoi de mail, publicité..). En revanche, la création d’un site Internet par le distributeur ne peut être refusée par le fournisseur190. B. La distribution exclusive : le contrôle de l’intégrité du réseau 203. L’exclusivité protectrice de l’intégrité du réseau. Le contrat de distribution exclusive permet de contrôler et de restreindre la distribution des produits en leur conférant un caractère rare. Ce contrat et en filigrane l’exclusivité, protège véritablement le produit ainsi que sa distribution, car tout manquement contractuel sur ces points, est une cause de résiliation. Le distributeur ne peut à ce titre, modifier le produit ou violer l’exclusivité, en se fournissant ailleurs. En effet, la modification des produits par le distributeur est une cause de résiliation du contrat de distribution exclusive, notamment en modifiant leur conditionnement191. Il en va de même du non-respect de l’exclusivité, que ce soit de la part du fournisseur (violation de l’exclusivité de fourniture et territoriale), du distributeur (violation de l’exclusivité d’achats) ou des autres distributeurs (violation par empiètement actif sur le territoire). En revanche, si la distribution sélective protège en soi le réseau contre la violation par un tiers distributeur–, il en va différemment ici. Le contrat leur est toutefois opposable et une action en concurrence déloyale pourra être engagée s’il y a des actes déloyaux. A ce titre, un distributeur hors réseau qui acquiert normalement les produits, peut les revendre sur un territoire concédé par le fournisseur, sans que cela constitue une faute déloyale192. Le fournisseur ne peut en effet interdire au 190 Cass. Com. 14 mars 2006, n° 03-14.639, Bull, 2006 Civ IV, n° 65 : « que le contrat souscrit par les parties se bornait à garantir au franchisé l'exclusivité territoriale dans un secteur déterminé et que la création d'un site internetn'est pas assimilable à l'implantation d'un point de vente dans le secteur protégé » 191 CA Paris 29 mai 1992, D.1992, I.R, p.237, in Lamy Droit économique 2013, n° 4335 p. 1572. 192 Cass. Com. 19 oct. 1999, n°97-16.506, Bull Civ IV n°168: « Vu les articles 1315 et 1382 du Code civil ; Attendu qu'en statuant ainsi, alors que s'il est vrai qu'il appartient à l'opérateur ayant acquis des véhicules neufs pour les revendre de faire la preuve qu'il les a régulièrement acquis sur un réseau –82– distributeur de revendre ses produits hors du réseau en droit européen. Les lignes directrices, dont la vocation est de clarifier le Règlement d’exemption n°330/2010193, énoncent en ce sens que « l’éviction d’autres distributeurs n’est pas un problème si le fournisseur qui exploite un réseau de distribution exclusive désigne un grand nombre de distributeurs exclusifs sur le même marché et que les ventes de ces distributeurs exclusifs à d’autres distributeurs non désignés, ne sont pas soumises à restrictions »194. Cependant, le droit français, par le biais de l’article L.442-6, I, 6° du Code de commerce, adopte une position contraire en interdisant aux distributeurs la revente hors réseau195. 204. L’exclusivité est donc un avantage, fréquemment utilisé en droit de la distribution. Un autre contrat que la distribution exclusive, comportant une exclusivité de fourniture, permet aussi de contrôler la distribution des produits. Il s’agit de la distribution sélective. II. — La distribution sélective du produit 205. Définitions. La distribution sélective se définit en droit européen comme : « un système de distribution dans lequel le fournisseur s'engage à ne vendre les biens ou les services contractuels, directement ou indirectement, qu'à des distributeurs sélectionnés sur la base de critères définis, et dans lequel ces distributeurs s'engagent parallèle ou auprès d'un autre concessionnaire, il ne saurait être tenu, aucune présomption d'approvisionnement illicite ne pouvant lui être opposée, de rapporter la preuve de l'acquisition régulière des véhicules litigieux par le vendeur auquel il s'est adressé, cette recherche incombant aux concessionnaires ou aux fabricants ». 193 Règlement n° 330/2010 de la Commission Européenne du 20 avril 2010 : Règlement d’exemption concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union. 194 195 Lignes directrices du 19 mai 2010 précitées, JOUE C-130/01, pt.156. « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : 6° De participer directement ou indirectement à la violation de l'interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence » –83– à ne pas vendre ces biens ou ces services à des distributeurs non agréés dans le territoire réservé par le fournisseur pour l'opération de ce système »196. La Cour de cassation retient une définition similaire, puisque c’est un contrat « par lequel, d’une part, le fournisseur s’engage à approvisionner dans un secteur déterminé un ou plusieurs commerçants qu’il choisit en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, sans discrimination et sans limitation quantitative injustifiée, et par lequel, d’autre part, le distributeur est autorisé à vendre d’autres produits concurrents »197. 206. Le territoire n’est à la différence de la distribution exclusive, pas un élément essentiel pour le contrat de distribution sélective. Par contre, elle pose nécessairement une exclusivité de fourniture, qui comme dans la distribution exclusive est la contrepartie de la sélection des distributeurs. Mais, à la lecture de ces deux définitions, il apparait les éléments principaux de la distribution sélective : la sélection (A) et le verrouillage du réseau aux seuls distributeurs agréés (B). Ici, le nombre restreint de distributeurs ne dépend pas du territoire comme dans la distribution exclusive, mais de la sélection : ne sont choisis que ceux qui remplissent les critères posés198. Comme la distribution exclusive, le fournisseur organise son réseau avec la distribution sélective, réseau qui sera néanmoins plus étanche que celui exclusif. A. Une sélection non discriminatoire fondée sur des critères objectifs et qualitatifs 207. La distribution sélective repose nécessairement sur des critères de sélection (1). Si à l’origine, ces critères ne pouvaient être quantitatifs, la prohibition per se est abandonnée, particulièrement lorsqu’elle porte sur des produits luxueux ou de hautetechnologie (2). 196 Article 1.e) du Règlement n° 330/2010 de la Commission Européenne du 20 avril 2010, précité. 197 Cass. Crim. 3 nov. 1982, n°82-90.446, Bull 1982 Crim. n°244. 198 Lignes directrices de la Commission européenne, du 19 mai 2010, JOUE C-130/01, pt 174. –84– 1. Une sélection fondée sur des critères qualitatifs 208. La distinction entre les critères qualitatifs et quantitatifs. Naturellement, le caractère qualitatif s’oppose au caractère quantitatif. La distribution qualitative « consiste à agréer les revendeurs sur la seule base de critères objectifs requis par la nature du produit. L’application de ces critères n’impose pas une limitation directe des revendeurs agréés »199. Quand elle est quantitative, elle « ajoute d’autres critère de sélection qui limitent plus directement le nombre potentiel de revendeurs agréés200. 209. Une sélection non discrétionnaire basée sur des critères qualitatifs. L’arrêt de la CJCE Metro SB-Grossmärkte GmbH c./ Commission (ci-après « arrêt Metro ») impose que ne soient utilisés que des critères qualitatifs, mis en œuvre de manière non discriminatoire201. Le Règlement d’exemption n°330/2010 ne condamne pas la sélection comme étant une restriction caractérisée ou exclue. Cependant, les lignes directrices202 reprennent les conditions de l’arrêt Metro comme suit : « les revendeurs doivent être choisis sur la base de critères objectifs de caractère qualitatif, qui sont fixés de manière uniforme pour tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire »203. Sur cette base, les lignes directrices développent trois conditions : la nature du produit exige un réseau de distribution sélective pour la protection de sa qualité, les distributeurs doivent être sélectionnés sur des critères 199 Ibidem pt 175. 200 Ibidem. 201 objectifs de nature qualitative, précis, appliqués non CJCE, 25 oct. 1977, Metro SB-Grossmärkte GmbH, aff. 26-76: « la Commission a, à juste titre, reconnu que des systèmes de distribution sélective constituaient, parmi d'autres, un élément de concurrence conforme à l'article 85, paragraphe 1, à condition que le choix des revendeurs s'opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, relatifs à la qualification professionnelle du revendeur, de son personnel et de ses installations, que ces conditions soient fixées d'une manière uniforme à l'égard de tous les revendeurs potentiels et appliquées de façon non discriminatoire » 202 Lignes directrices de la Commission du 19 mai 2010, précitées. 203 Ibidem, pt 175 –85– discrétionnairement, avec une proportion entre la sélection et le but recherché par la distribution sélective. 2. Une sélection possible fondée sur des critères quantitatifs 210. La sélection peut également se faire sur des critères quantitatifs, puisqu’ils ne sont plus prohibés en soi (a). De plus, il existe certains produits pour lesquels il y a une présomption autorisant le recours à un réseau de distribution sélective (b). a) Le recours possible à des critères quantitatifs 211. L’abandon de la prohibition per se de l’utilisation de critères quantitatifs. Les lignes directrices n’interdisent plus en soi l’utilisation des critères quantitatifs. Elle dispose en effet que « la distribution sélective qu’elle soit qualitative ou quantitative, bénéficie de l’exemption par catégorie pour autant que la part de marché n’excède pas 30 %, même si elle est associée à d’autres restrictions verticales qui ne sont pas caractérisées, telles qu’une obligation de non concurrence ou de distribution exclusive, sous réserve que les distributeurs agréés puissent procéder à des ventes actives tant entre eux qu’aux consommateurs finals »204. Les critères qualitatifs restent néanmoins fautifs s’ils visent à limiter le nombre de revendeurs sans justification. Constitue une motivation permettant la sélection quantitative, la nécessité de contrôler le développement du réseau205. Le Conseil de la concurrence a ainsi pu valider l’utilisation de critères quantitatifs dans l’affaire dite Rolex206. Le fournisseur, Rolex, refuse d’agréer un distributeur, la SARL Bijouterie 6 Paradis, remplissant pourtant les critères qualitatifs posés, pour des considérations quantitatives. Un distributeur était déjà présent sur la zone considérée et Rolex ne souhaitait pas développer un autre point de vente dans la région visée, ce qui est justifié par la nature des produits. 204 Ibidem, pt 176. 205 CA Versailles 4 mai 1983 : « le fournisseur qui envisage l’augmentation de ses points de vente selon une progression qui ne mette en péril ni la renommée de ces produits, ni des impératifs économiques ». in Lamy Droit économique 2013, p. 1687, n° 4706. 206 CC 13 déc. 2000 SARL Bijouterie 6 Paradis, n° 00-D-61. –86– b) Le recours à la distribution sélective présumé nécessaire pour des produits exigeants 212. La distribution sélective nécessaire pour des produits luxueux ou de haute technologie. La nature des produits doit exiger un niveau élevé de protection que la distribution sélective peut apporter. La jurisprudence, constante, établit à cet égard une sorte de présomption de nécessité, permettant de recourir à la distribution sélective, pour des produits luxueux ou de haute technicité. Les produits de luxe ont des propriétés matérielles mais également une « aura de luxe », qualités intrinsèques et marqueurs de luxe, que la distribution sélective se doit de protéger207. Il en va de même des produits de haute technicité qui en raison de leur caractère technique nécessitent des investissements de recherche et de publicité208. 213. Cette méthode de distribution permet au fournisseur de sélectionner les distributeurs les plus à même de conserver les qualités de ses produits. La distribution sélective est en effet utilisée pour les produits de luxe ou de haute technicité. En outre, la distribution sélective est un réseau étanche, ce qui augmente encore la protection des produits. B. L’organisation d’un réseau étanche 214. Le réseau de distribution sélective est par nature étanche (1). Cette étanchéité est renforcée par les diverses interdictions de revente hors réseau (2). 207 TPICE 12 déc. 1996, Leclerc c./ Commission et Yves-Saint-Laurent, aff. 19/92 : « la notion de propriétés des cosmétiques de luxe […] ne peut être limitée à leurs caractéristiques matérielles mais englobe également la perception spécifique qu’en ont les consommateurs, et plus particulièrement leur aura de luxe. Il s’agit donc dans le cas d’espèce de produits qui, d’une part, sont de haute qualité intrinsèque et, d’autre part, possèdent un caractère de luxe qui relève de leur nature même ». 208 V. en ce sens TGI Strasbourg, 8 janv. 2008, Sté PUMA France c./ France Télécom, RLDI 2008/35, p.56-57 –87– 1. Un réseau de distribution intrinsèquement étanche 215. Un réseau par nature étanche. Le contrat de distribution sélective contiendra toujours une clause qui donne interdiction au distributeur de revendre le produit à des distributeurs hors réseaux. C’est en effet une prohibition essentielle au contrat de distribution sélective qui figure à ce titre dans sa définition, le Règlement d’exemption susmentionné retient que les « distributeurs s'engagent à ne pas vendre ces biens ou ces services à des distributeurs non agréés ».Cette clause est licite en droit de la concurrence européen et français, car elle vise à préserver l’identité du réseau et de la méthode de distribution209. 2. L’interdiction de la revente hors du réseau de distribution sélective 216. Une interdiction limitée aux revendeurs hors réseaux. Toutefois, le fournisseur ne peut interdire ni les reventes (« ventes croisées ») entre les distributeurs agréés ni limiter les ventes actives et passives210 aux utilisateurs finaaux –consommateurs–.Pour la première, c’est l’article 4 d) du Règlement d’exemption n°330/2010211 qui retire l’exemption catégorielle en cas d’interdiction des ventes croisées entre distributeurs. La clause s’analyse en effet en une restriction caractérisée. Pour la deuxième, il s’agit de l’article 4 c) du même Règlement d’exemption212 qui énonce que restreindre les ventes actives ou passives aux 209 Lamy de Droit économique, p.1701, n°4744. 210 Le contrat de distribution exclusive peut interdire les ventes actives. 211 Règlement n° 330/2010 de la Commission Européenne du 20 avril 2010, précité, art 4 d) : « L'exemption prévue à l'article 2 ne s'applique pas aux accords verticaux qui, directement ou indirectement, isolément ou cumulés avec d'autres facteurs sur lesquels les parties peuvent influer, ont pour objet: d) de restreindre les fournitures croisées entre distributeurs à l'intérieur d'un système de distribution sélective, y compris entre des distributeurs agissant à des stades commerciaux différents». 212 Règlement n° 330/2010 de la Commission Européenne du 20 avril 2010, précité, art 4 c) : « l'exemption prévue à l'article 2 ne s'applique pas aux accords verticaux qui, directement ou indirectement, isolément ou cumulés avec d'autres facteurs sur lesquels les parties peuvent influer, ont –88– utilisateurs finaux, dans le cadre d’une distribution sélective, retire le bénéfice de l’exemption, la clause constituant une restriction caractérisée. Il est en outre impossible, pour le fournisseur, d’interdire la vente par le distributeur agréé sur Internet ; le point 57 des lignes directrices du 19 mai 2010 estime que le site ne peut être assimilé à la création d’un nouveau point de vente. 217. Diverses sanctions disponibles en cas de revente hors réseau. La première des sanctions réside dans la résiliation du contrat conclu avec un distributeur du réseau contrevenant à l’interdiction de revente hors réseau213. Mais, il est également possible d’agir contre le distributeur hors réseau, sous réserve de la preuve préalable, par le fournisseur, de la licéité de son réseau sélectif214. Cette action est fondée sur la responsabilité délictuelle : la concurrence déloyale et sera envisagée dans le cadre du chapitre 2, partie 2. Il convient en outre de préciser qu’une action est également possible sur le fondement des pratiques commerciales trompeuses. Une telle pratique illégale a lieu lorsque le distributeur hors réseau vend un produit comportant une mention comparable à la suivante : « ne peut être vendu que par des distributeurs agréés ». L’action est recevable, même si ce n’est pas le fournisseur qui appose la mention215, mais le fabriquant. pour objet: c) de restreindre les ventes actives ou les ventes passives aux utilisateurs finals par les membres d'un système de distribution sélective qui agissent en tant que détaillants sur le marché, sans préjudice de la possibilité d'interdire à un membre du système d'exercer ses activités à partir d'un lieu d'établissement non autorisé ». 213 Cass. Com. 29 mars 1989, n° 87-14.435 : « Ayant constaté que des clientes avaient acheté chez un parfumeur non agréé par la société Chanel des produits de cette marque provenant du magasin de M. Y... , la cour d'appel a pu, sans inverser la charge de la preuve et hors toute dénaturation, retenir que la société Chanel était fondée à se plaindre de ce que ses produits avaient été, par le fait de M. Y..., distribués par un parfumeur qu'elle n'avait pas agréé et dès lors appliquer la loi du contrat » 214 C’est une jurisprudence constante, pour exemple récent : Cass. Com. 21 juin 2011, n°09-70.304 : « il appartenait à la société PFDC, qui invoquait l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de la commercialisation de ses produits hors réseau, d'établir la licéité de ce dernier au regard des règles du droit de la concurrence ». 215 Cass. Crim. 15 mars 1990, n°88-87.096, Bull 1990 Crim. n°119. –89– 218. Deux auteurs retiennent qu’ « en général, une distribution sélective permet à un fabriquant d’obtenir une couverture satisfaisante de marché et un bon contrôle de son réseau à un coût inférieur à celui d’une distribution intensive »216. Cependant, elle est légalement contraignante et outre la distribution exclusive, il existe deux alternatives de substitution à la distribution sélective : la franchise et le regroupement217. Tout comme la distribution sélective, ces contrats préservent l’image de luxe des produits et mettent en place un réseau de distribution. L’exclusivité et la sélection favorisent un avantage concurrentiel, tandis que ces contrats vont plus loin en étant avantageux en soi, ce ne sont plus simplement des outils à l’avantage. 216 Kotler et Dubois, Marketing, Management, Publi Union, 10ème éd. p.504. 217 D. Ferrier, La distribution sélective : deux alternatives de substitution : JCP E 1993, CDE., 1993, n°1, p. 6 et s. –90– Chapitre 2. LA REPRISE CONTRACTUELLE D’UN AVANTAGE CONCURRENTIEL 219. Certains contrats constituent ainsi en eux-mêmes un avantage concurrentiel : la franchise permet de réitérer un succès commercial en se basant sur un certain savoirfaire (Section 2). Le but même du contrat de franchise consiste en effet à reprendre une formule commerciale qui a fonctionné. La franchise est donc une réussite en soi qui peut adopter indifféremment une stratégie par les prix ou de la différenciation. Un autre type de pratique commerciale est également un avantage concurrentiel. Elle se base sur le célèbre adage, « l’union fait la force ». Il s’agit du regroupement qui constitue, quant à lui, un moyen de réaliser des économies (Section 1). Le regroupement va permettre au fournisseur de vendre en grande quantité, ce qui diminuera le prix payé par les distributeurs. A la différence de la franchise, le regroupement ne contient pas en lui la réussite commerciale. Toutefois, c’est un moyen sûr de réaliser des économies, pour le distributeur, et de vendre pour le fournisseur. Section 1. L’obtention de conditions avantageuses par le regroupement 220. Le regroupement. Le regroupement est opéré par des centrales d’achat ou des centrales de référencement. La centrale d’achat va, comme son nom l’indique, acheter des produits auprès d’un fournisseur en son nom et pour le compte de ses adhérents. La centrale de référencement ne contractera pas, elle se contente de mettre en relation fournisseur et distributeur, adhérents. 221. Cas particulier de la centrale de référencement. Le contrat de référencement se définit comme une « convention de globalisation des commandes en vertu de laquelle une centrale négocie auprès de certains fournisseurs, moyennant leur inscription à son catalogue, des conditions d’achats en faveur de ses adhérents (appelés à passer directement des commandes –91– aux fournisseurs ainsi « référencés ») »218. Le référencement consiste pour un professionnel, puisque c’est généralement le monde de la grande distribution qui est concerné, à être inséré dans le catalogue d’une centrale qui le propose à ses adhérents. La centrale de référencement se contente, en sa qualité de courtier, de présenter les futures parties. M. Fabre219 fait une distinction entre les référencements « ouverts » et « fermés ». Le référencement fermé pose des engagements plus forts qui vont au-delà du référencement ouvert, la centrale d’achat se bornant dans ce cas à mettre en relation ses adhérents. Le référencement ouvert s’analyse alors en un contrat de courtage, déjà traité (cf. Partie 1, Chapitre 1, Section 1, II, A). Quant au référencement fermé, il s’agit en réalité d’une centrale d’achat qui pratique également le référencement. Le référencement ne sera donc pas traité. 222. Les centrales d’achat. Les centrales d’achat sont définies comme « un commissionnaire qui regroupe les commandes de ses adhérents, en négociant les conditions de vente de biens ou d’espaces publicitaires en grande quantité et qui s’engage personnellement auprès du fournisseur ou support de communication »220. Les adhérents de la centrale d’achat sont des distributeurs qui s’affilient à la centrale d’achat afin d’obtenir des conditions contractuelles plus avantageuses auprès des fournisseurs, que celles qu’ils obtiendraient seuls. L’avantage est donc issu du groupe : la centrale d’achat en réalisant des achats en grosse quantité, parvient à obtenir des conditions tarifaires intéressantes pour ses adhérents. La centrale d’achat est un intermédiaire qui contracte avec un fournisseur en son nom et pour le compte de ses adhérents (contrat d’affiliation), vu qu’elle est le commissionnaire de ses adhérents (commettants). La centrale d’achat présente donc des avantages surtout pour l’adhérent. Le fournisseur sera quant à lui sûr de vendre en grande quantité ses produits auprès de la centrale. En contrepartie de rémunérations et d’un engagement exclusif minimal d’approvisionnement, l’adhérent obtient des remises de prix importantes (I) ou peut bénéficier de certaines prestations de services (II). 218 G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, coll. Quadrige, 8ème éd. 219 R. Fabre, Guide juridique et pratiques des achats, Litec, coll. JCL afffaires-finances, p.90, n°172. 220 G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, coll. Quadrige, 8ème éd. –92– I. — Les économies financières permises par le regroupement 223. Le regroupement permet par l’achat en grandes quantités d’obtenir des réductions de prix importantes (A). Il est généralement conclu une exclusivité territoriale au profit de l’adhérent : il sera seul adhérent de la centrale sur le territoire concédé (B). L’adhérent supporte également une exclusivité d’approvisionnement au profit de la centrale d’achat. A. Un avantage par le prix 224. La finalité du regroupement, des centrales d’achats, est d’obtenir des réductions de prix qui seront reversées aux adhérents (1). Cependant, ces réductions de prix sont proportionnelles à la participation de l’adhérent (2). 1. Le reversement aux adhérents des réductions acquises par le regroupement 225. Les réductions de prix comme finalité du regroupement. Un auteur relève que la finalité « d’un regroupement à l’achat est avant tout un moyen qui doit permettre à l’adhérent de réaliser des économies en achetant moins cher »221. 226. Le reversement des réductions de prix perçues par la centrale d’achats. La centrale d’achat est liée avec l’adhérent par une relation d’affiliation, qui prend la forme d’un contrat de commission. La commission est un contrat qui permet à une personne, le commettant, de distribuer ses produits par le biais d’un intermédiaire, le commissionnaire. Le commissionnaire est un mandataire commerçant particulier. Selon l’article L132-1 alinéa 1 du Code de commerce222, il agit en son nom et pour le compte de son commettant223. Le commissionnaire est tenu d’exécuter la mission 221 R. Fabre, Guide juridique et pratiques des achats, Litec, coll. JCL afffaires-finances, p.63, n°113. 222 « Le commissionnaire est celui qui agit en son propre nom ou sous un nom social pour le compte d'un commettant ». 223 L’article 1984 du Code civil énonce en effet : « le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à un autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant en son nom ». –93– selon les ordres que lui a donnés le commettant. Il doit donc conclure au prix indiqué. S’il est consenti des réductions de prix, le commissionnaire, la centrale, devra les reverser à son commettant, l’adhérent. Cependant, en achetant de grandes quantités, l’individualisation des remises et ristournes est impossible à faire. La centrale d’achat redistribuera donc celles-ci par le biais de rémunération de l’adhérent en prenant en compte la quantité d’achats qu’il a effectué, les promotions faites, l’évolution du chiffre d’affaires, les prestations et les services224 consentis. 2. Des réductions de prix consenties proportionnellement à l’engagement de l’adhérent 227. Des réductions de prix liées à la participation de l’adhérent dans la centrale. L’adhérent bénéficiera de réductions de prix au prorata de ses achats et plus généralement de son implication dans la vie de la centrale d’achats. Le regroupement fonctionne en effet de la façon suivante : plus un adhérent s’investie225 dans la centrale d’achat, et plus il bénéficie d’avantages. De la même manière, la centrale d’achat exige souvent une participation minimale, par le biais d’approvisionnement exclusif, ou tout autre mécanisme de quotas qui impose une quantité minimale d’achats. B. Un avantage entouré d’exclusivité 228. Il existe deux types d’exclusivité : une qui est favorable à la centrale d’achat et l’autre favorable à l’adhérent. La centrale d’achat désire avoir une relation unique avec l’adhérent et pose des clauses contractuelles en ce sens. En revanche, l’adhérent bénéficiera d’une exclusivité territoriale. 229. Une relation d’affiliation exclusive. La centrale d’achat soucieuse que l’adhérent lui soit fidèle, lui impose une exclusivité d’approvisionnement. Elle vise à renforcer la relation d’affiliation en évitant que l’adhérent se contente de profiter des 224 R. Fabre, Guide juridique et pratiques des achats, Litec, coll. JCL afffaires-finances, p.67, n°122. 225 L’investissement est ici financier : plus l’adhérent veut des réductions, des prestations, plus il devra payer. –94– réductions de la centrale et aille dans d’autres. Au-delà de l’exclusivité d’approvisionnement, il pourra également être notamment imposé des clauses de quotas d’achats, de chiffre d’affaires minimum. Elles sont généralement efficaces, car assorties de sanctions pécuniaires très dissuasives. 230. L’exclusivité territoriale de l’adhérent. L’adhérent bénéficie bien souvent d’une clause territoriale, ce qui lui permet d’être le seul adhérent de la centrale à bénéficier des réductions de celle-ci. Il bénéficie donc d’un avantage, qui est d’autant plus important que la centrale d’achat propose bien souvent des prestations. Ces prestations sont généralement des licences de marque ou d’enseigne. Elles permettent donc une identification de l’adhérent comme étant rattaché à l’enseigne de la centrale. Ainsi, il sera le seul sur le territoire à représenter la centrale d’achats. II. — Les prestations de service proposées par le regroupement 231. Les prestations de service proposées par les centrales visent à faciliter la distribution des produits. Elle met généralement à disposition des signes distinctifs notoires (A). Cependant, la pratique a également développé un contrat hybride, par lequel une centrale d’achat développe son propre réseau de franchise : la commission-affiliation (B). A. La mise à disposition de signes distinctifs notoires facilitant la distribution 232. La mise à disposition de signes distinctifs notoires : licence de marque ou d’enseigne. Outre l’approvisionnement de l’adhérent-distributeur, la centrale d’achat peut également lui proposer un certain nombre de prestations dont le but sera de faciliter la revente des produits qu’il lui a achetés. M. Fabre226 retient comme principales prestations, la licence de marque et la concession d’enseigne, dont les avantages ont été développés préalablement et dans le cadre du contrat de franchise, comme éléments de réussite. 226 Ibidem, p.77-78. –95– 233. L’enseigne et de la marque227 : la confiance du consommateur. Le consommateur sera amené à se déplacer et ira dans des entreprises qu’il connaît et pour lesquelles il accorde une certaine confiance. C’est pourquoi, les entreprises – nationales ou au minimum celles qui possèdent plusieurs établissements– vont uniformiser leur image afin d’être clairement identifiables. Elles sont alors regroupées sous une enseigne. L’enseigne rend une entreprise reconnaissable sur un territoire donné. Ainsi, si le consommateur se déplace dans ce territoire, il reconnaitrait l’enseigne, signe qui distinguera l’entreprise des autres, même s’il ne connait pas le territoire en question. De même, s’il existe un site internet de la marque ou si les produits de la marque font l’objet de démarchages, les consommateurs seront enclins à plus facilement conclure un contrat, sans avoir à se déplacer. La marque doit selon le Pr. Glais228 : « être analysée comme une sorte de contrat implicite liant à long terme un fabricant à ses clients. Tout se passe comme si ceux-ci acceptaient d’accorder une certaine confiance aux produits offerts par leur fournisseur de référence, fondée sur le fait que les marques qui leur sont attachées constituent le symbole d’une lente accumulation de connaissances dont ils bénéficient, le fabricant s’engageant pour sa part, non seulement à offrir un certain niveau de qualité, mais également un « plus » par rapport à d’autres produits ». B. La commission-affiliation, un contrat a priori avantageux 234. La commission-affiliation. Cependant, les centrales d’achat qui possèdent une enseigne de distribution proposent bien souvent à l’adhérent, en plus de sa marque, son savoir-faire, ce qui constitue un contrat de franchise. La pratique a créé un contrat qui résulte de la fusion entre contrat de commission et contrat de franchise. Il se nomme la commission affiliation. Ce contrat contient comme la franchise, la transmission de signes distinctifs notoires et d’un savoir-faire original (cf. cidessous), mais possède également les caractéristiques de la commission. Ainsi, le 227 La marque et l’enseigne ont un but similaire de reconnaissance et d’identification et il est donc possible d’en faire une analogie. 228 M. Glais, L’analyse économique de la clientèle, in Y. CHAPUT, Clientèle et Concurrence : approche juridique du marché, Etude du CRDA, Litec, 2000, p.15, n°18. –96– commissionnaire-affilié dispose de tous les avantages de la franchise en ce qui concerne ces éléments de réussite, sans l’indépendance : le commissionnaire agissant en son nom et pour le compte du commettant-affiliant. 235. La commission-affiliation, un contrat a priori avantageux. Un auteur229 énonce les divers avantages qu’un tel contrat peut avoir, tout en signalant le fort risque jurisprudentiel de requalification d’un tel contrat. « En centralisant la gestion des stocks pour l’ensemble du réseau, le commettant-affiliant réaliserait d’abord d’importantes économies d’échelle dont bénéficieraient également les affiliés et consommateurs. Il contrôlerait beaucoup mieux son circuit de distribution dans la mesure où les commissionnaires sont tenus de respecter les instructions »230. Le commettant-affiliant peut ainsi continuer son activité de regroupement, tout en développant en parallèle un réseau de distribution de franchise. Ce réseau de franchise est particulier, puisque plus encadré, le commettant n’étant pas indépendant et soumis au respect de ses ordres, dont un très intéressant : la revente à un prix déterminé231. Le commettant a donc la maîtrise des prix pratiqués dans son réseau : les prix sont uniformes et bas, tel qu’issus des réductions du regroupement. D’un autre côté, le principal intérêt du commissionnaire-affilié réside dans l’absence de gestion de stocks, puisqu’il n’en est pas le propriétaire232. Il ne supporte donc aucun risque, particulièrement en ce qui concerne les invendus, dont la décision de retour ou de soldes n’appartient qu’au commettant-affiliant233. 236. La commission-affiliation, un contrat récent et risqué. Cependant, ce régime récent, qui a eu peu d’applications jurisprudentielles, reste dangereux. Le contrat, très avantageux pour le commettant-affiliant, n’est pas dénué de risques234. Le principal 229 N. Dissaux, La commission-affiliation : un monstre juridique ?, RTD Com. 2011, p. 33 et s. 230 Ibidem, p.34 231 L’imposition d’un prix de revente n’a pas lieu d’être, puisque le distributeur est un commissionnaire qui agit certes en son nom, mais pour le compte du commettant. 232 N. Dissaux, La commission-affiliation : un monstre juridique ?, RTD Com. 2011, p.34. 233 Ibidem. 234 Ibidem, p.38-39. –97– est de voir le contrat requalifié, notamment contrat de travail, du fait de la dépendance du commissionnaire-affilié. Il pourrait également leur être imposé de verser une indemnité de clientèle lors de la cessation du contrat, le commissionnaireaffilié développant la clientèle pour le compte du commettant235. De plus, l’article L132-1 alinéa 2 du Code de commerce fait application des règles de mandat en matière de commission, dont l’article 2000 du Code civil, qui préconise l’indemnisation des pertes subies. Le commettant-affiliant pourrait ainsi devoir indemniser les pertes subies par le commissionnaire-affilié, ce qu’il n’a pas à faire dans un contrat de franchise. La commission-affiliation comporte également des risques pour le commissionnaire-affiliant236, qui rentre dans un réseau où il n’y trouvera aucun intérêt, faute d’indépendance. Il résulte de cette dernière, l’absence de développement de clientèle, son seul client étant le commettant-affiliant. Or, le commissionnaire dispose normalement de sa propre clientèle, dont il n’a pas à révéler l’identité au commettant. C’est pourquoi, il contracte en son nom auprès de ses clients, mais pour le compte du commettant, s’apparentant ainsi à un prêtenom237. Par conséquent et vu qu’il ne dispose généralement pas de fonds de commerce, le commissionnaire-affiliant, ne peut faire valoriser le développement qu’il a réalisé et en retirer un bénéfice. 237. La proximité entre le contrat d’affiliation et le contrat de franchise. Le regroupement, et au travers, les contrats d’affiliation sont par nature des contrats avantageux puisque leur seule vocation réside dans la fourniture d’avantages (réductions de prix ou fourniture de prestations notoires) en contrepartie d’une rémunération. Le regroupement ne sert ici qu’à obtenir des conditions favorables par le nombre. Les contrats d’affiliation sont donc des modalités intéressantes. La pratique a instauré la commission-affiliation, qui permet théoriquement de cumuler les avantages du contrat d’affiliation (qui est un contrat de commission) et du contrat 235 Contrairement à la commission classique qui n’impose pas au commissionnaire de divulguer sa clientèle au commettant. C’est ici la franchise qui, en étant pas indépendante, amène une clientèle au commettant-affiliant. 236 N. Dissaux, La commission-affiliation : un monstre juridique ?, RTD Com 2011, p.40-41. 237 Même remarque op.cit 218. –98– de franchise. Cependant, ce contrat s’avère dangereux, car l’affiliation (franchise) est exacerbée, sauf en ce qui concerne l’indépendance du commissionnaire-affilié. Il convient donc d’envisager le « véritable » contrat de franchise, qui n’est pas aussi pernicieux que la commission-affiliation. Section 2. La réitération de conditions avantageuses par la franchise 238. Définition. La franchise est un contrat innomé qui est « l’opération par laquelle le titulaire d’une réussite commerciale, le franchiseur, permet, moyennant rémunération, à d’autres industriels ou commerçants, les franchisés, de répéter son expérience industrielle ou commerciale, fructueuse, en vue d’obtenir les mêmes résultats que lui »238. La franchise peut être qualifiée de telle dès lors qu’il y a la transmission d’un savoir-faire, une mise à disposition d’un signe distinctif permettant à la clientèle de se rallier239. 239. Un contrat par nature avantageux. La définition même du contrat de franchise impose la réitération d’un succès commercial et donc porte en elle un avantage concurrentiel. Les éléments fondamentaux du contrat de franchise sont la matrice de ce succès. A ce titre, les signes distinctifs doivent impérativement avoir une certaine notoriété et le savoir-faire doit être original. L’originalité est ici entendue largement. La reprise de l’avantage n’a d’intérêt que pour le franchisé (I). Le franchiseur tire d’autres bénéfices du contrat de franchise (II). Outre, les redevances perçues, le contrat de franchise lui permet de développer un réseau et d’assoir ainsi sa position sur le marché, en surpassant finalement ses concurrents. 238 D. Ferrier, Franchise, Rép. Dalloz 239 H. Aubry, L’entrée dans la franchise : la franchise et les modèles concurrents, in Colloque la Franchise : questions sensibles, in RLDA. –99– I. — Un succès assuré pour le franchisé 240. Deux éléments essentiels à tout contrat de franchise sont les vecteurs du succès réitéré : les signes distinctifs (A) et le savoir-faire (B). A. La condition préalable de signes distinctifs notoires 241. Les différents signes distinctifs. Les signes distinctifs sont des éléments qui se différencient d’autres, permettant à son possesseur de se distinguer de ses concurrents. Ces signes distinctifs visent la marque et l’enseigne, qui comme il a été vu précédemment sont proches. Elles sont les éléments représentatifs et visibles d’une entreprise auprès des consommateurs. Outre le lien naturel qu’elles ont dans l’avantage-différenciation, la marque et l’enseigne doivent également être notoires. 242. Le caractère impératif de la notoriété. Le contrat de franchise et plus particulièrement les signes distinctifs doivent être pourvus d’une notoriété. A défaut, le contrat de franchise pourra être requalifié. La chambre commerciale de la Cour de cassation retient sur ce point, dans son arrêt du 9 octobre 1990240 qu’en l’absence de notoriété de la marque, le contrat de franchisage est dépourvu de cause. Toutefois, un nouveau réseau de franchise dont la marque est inconnue en France pourra compenser l’absence de notoriété par des investissements importants en termes de publicité et de promotion241. En devant nécessairement transmettre une notoriété, le 240 Cass. Com, 9 oct. 1990, RTD Civ. 1991, p.325: « faute de notoriété et d'un caractère distinctif approprié, la marque offerte par le franchiseur n'était pas de nature à procurer à M. X... le profit que son propre engagement impliquait et que le savoir-faire contractuellement promis ne se distinguait pas des règles de l'art qu'en sa qualité de professionnel M. X... connaissait ou était à même d'acquérir par ses seuls moyens, la cour d'appel, qui, en ayant déduit que les obligations souscrites par celui-ci étaient dès leur naissance dépourvues de contrepartie, a exactement retenu que le contrat de franchisage était privé de cause, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ». 241 Cass. Com. 12 juill. 1993, n° 91-20.540 : « le contrat litigieux devait être replacé dans le contexte du lancement d'un nouveau réseau de franchise en France, ce dont il résultait que la marque n'était pas connue, a retenu qu'en matière de commercialisation de produits de luxe, la renommée d'une marque devait compenser l'importance des investissements mis à la charge du franchisé et que cette compensation nécessaire à l'équilibre du contrat la liant à son unique franchisé en France nécessitait –100– contrat de franchisage permet au franchisé de se rattacher au réseau et d’être reconnu par les clients de celui-ci. Comme il a été précédemment énoncé, la marque et l’enseigne sont des éléments permettant aux consommateurs de distinguer et d’appréhender une entreprise, un réseau. C’est pourquoi, on parle de signes distinctifs. La notoriété va au-delà de la simple distinction : elle fournit une image – positive vu qu’il y a un succès– que les consommateurs reconnaissent. La notoriété permet de retrouver ce symbolisme quel que soit le point de franchise242. 243. L’accroissement du succès. Les signes distinctifs et donc le contrat de franchise favorisent aussi une cohérence du réseau. L’effort doit s’axer autour de la marque et aller au-delà de la simple réitération du succès, il faut continuer à faire augmenter celui-ci. Pour se faire, il faut donc développer la marque en satisfaisant la clientèle, ce qui aboutira à un accroissement du réseau243. B. La condition préalable d’un savoir-faire original 244. Définition. L’article 1 g) du Règlement d’exemption n°330/2010 définit le savoir-faire comme « un ensemble secret, substantiel et identifié d'informations pratiques non brevetées, résultant de l'expérience du fournisseur et testées par celuici ». Toujours selon cet article, le caractère secret signifie que le savoir-faire n’est pas facilement accessible, la substantialité du savoir-faire nécessite qu’il soit utile au franchisé et enfin l’identification du savoir-faire impose qu’il soit décrit précisément, ce qui permet d’apprécier la substantialité. 245. Un savoir-faire original. Le savoir-faire vise donc en l’obtention de méthodes ou procédés que le franchisé n’aurait pas pu trouver lui –même sans engager des de la part du franchiseur un effort particulièrement important de publicité et de promotion pour faire connaître sa marque et pallier ainsi l'absence de notoriété ». 242 D. Ferrier, Franchise, Rép. Dalloz 243 Ph. Le Tourneau, Les contrats de franchisage, Litec, coll. Litec professionnel, 2ème éd. p.214, n°446. –101– recherches dispendieuses. La Cour de cassation244 évoque sur ce point, la nécessité d’une originalité du savoir-faire. Un arrêt de la Cour d’appel de Colmar245 met en avant l’originalité au travers des produits ou des services. Ceux –ci doivent être présentés de manière originale et spécifique. A propos de cet arrêt, un auteur246 retient deux conceptions de l’originalité. L’une, absolue, nécessite que le savoir-faire soit inconnu de tous, l’autre, relative, veut que le savoir-faire soit seulement inconnu du franchisé. L’originalité ne se rattache pas nécessairement à la différenciation, puisque le savoir-faire n’est entendu que comme relativement original. L’originalité du savoir-faire recoupe son caractère secret. Le savoir-faire doit être nécessairement secret selon le Règlement d’exemption n°330/2010. Afin que le franchisé puisse réitérer le succès, il est nécessaire que le savoir-faire soit décrit précisément. C’est pourquoi, il est requis comme condition l’identification du savoir-faire. 246. L’originalité source du succès. L’originalité du savoir-faire, et en creux le contrat de franchise, évite au franchisé les tâtonnements et les errements de recherche247. En transmettant le savoir, le contrat de franchise permet au franchisé d’éviter les recherches et l’expérimentation –infructueuse– de ces recherches. Il bénéficie d’un gain de temps. Mais il est également sûr d’obtenir un succès commercial en appliquant les méthodes et procédés qui ont contribué à la réussite du franchiseur. C’est là que réside l’intérêt du contrat de franchise, avec la présence de signes distinctifs notoires. 244 Cass. Com. 9 oct. 1990, n°89-13.384 : « le savoir-faire contractuellement promis ne se distinguait pas des règles de l’art qu’en sa qualité de professionnel M. Jaeger connaissait ou était à même d’acquérir par ses seuls moyens. » 245 J-J. Burst, note sous arrêt CA Colmar, 9 juin 1982, D. 1982, p.53 e s. 246 Ibidem. 247 Ibidem. –102– II. — Le développement du réseau du franchiseur 247. Le savoir-faire transmis ne demeure pas figé248 et est constamment mis à jour par le franchiseur. Il incombe en effet une obligation d’assistance technique ou commerciale (A). Ainsi, le réseau continue à se développer tout au long des contrats de franchise. Le franchisé met en place un réseau de distribution qui divisera les tâches et permettra donc un accroissement de la performance initiale. De plus, la pratique montre que la franchise est le premier pas dans la mise en place d’un réseau (B). A. Une évolution cordonnée du réseau entre le franchisé et le franchiseur 248. Une assistance au démarrage. Lors de la mise en œuvre des éléments de réussite évoqués, le franchiseur est amené à assister le franchisé tant techniquement que commercialement. Le but de cette assistance est pour le démarrage d’assurer un bon lancement de l’activité du franchisé. C’est pourquoi, elle visera généralement à former le franchisé et son personnel, faire une publicité. Le défaut ou la carence de conseils lors du démarrage peut justifier la résiliation du contrat249. Cette assistance doit néanmoins se poursuivre après ce démarrage. 249. Une assistance durable. L’assistance ne vise plus au lancement de l’activité, mais au bon développement de celle-ci. La finalité est de conseiller, d’aider le franchisé à utiliser au mieux les éléments de réussite transmis, afin qu’il accède lui aussi au succès. L’assistance du franchisé est une obligation logique, sans ses conseils, le réseau risquerait de péricliter. Le franchisé doit donc suivre l’exécution du contrat par le franchisé, contrôler son activité. Cette assistance peut lui imposer de pallier aux difficultés rencontrées par un franchisé lorsque celui-ci lui en fait part. Si le franchiseur n’a pas connaissance de ces difficultés, il ne pourra lui être reproché 248 Lamy Droit économique 2013, p.1646, n°4595. 249 TGI Paris, 1re Ch., 20 nov. 1989, D. 1990, somm. P.170, obs. D. Ferrier –103– son inaction250. Plusieurs solutions sont alors envisageables : il peut rompre le contrat de franchise avec le franchisé251, sanctionner ce dernier252 ou encore apporter un concours financier au franchisé. 250. Une assistance évoluant avec le savoir-faire. Le franchisé a une obligation d’assistance commerciale ou technique qui lui impose de transmettre aux franchisés, les diverses avancées technologiques ou commerciales qu’il a faites. Cette obligation est de moyen et cela ne peut être reproché au franchiseur, sauf si l’assistance est lacunaire253. En ayant lieu au début et lors de l’exécution du contrat, l’assistance rend parfaite la réitération du succès en complétant les signes distinctifs et le savoir-faire transmis. Le réseau peut grâce à elle perdurer et évoluer dans le temps. Généralement, la franchise est utilisée pour former le réseau. B. La franchise : un contrat de lancement du réseau du franchiseur 251. La franchise une étape vers le succursalisme. La pratique démontre que la franchise est utilisée par des entrepreneurs innovants qui souhaitent créer un réseau. Une fois le réseau de franchise stable, le franchiseur va instaurer un réseau plus durable que celui fondé sur le contrat254 : le réseau succursaliste255. 250 CA Paris, 25ème Ch. B, 19 janv. 1990, D. 1990, somm p.170, obs. D. Ferrier. 251 Dans ce cas, il s’avère que c’est le savoir-faire qui est inefficace ou périmé. D. Ferrier, Droit de la distribution, Litec, 5ème éd. p. 316, n°692. 252 Cass. Com. 19 mai 1992, n°90-16.872 où la Cour d’appel avait engagé la responsabilité du franchiseur qui n’avait pas respecté le plan de financement établi par le franchisé. La Cour de cassation lui donne raison comme suit : « la cour d'appel a pu décider que la société Disco n'avait pas commis de faute en relation avec le dommage invoqué, sans avoir à rechercher si les dirigeants de la société franchisée avaient les compétences leur permettant de vérifier la pertinence des analyses reçues ». 253 CA Paris, 5ème Ch. C, 27 avr. 1990, D. 1990, somm. P.370, obs. D. Ferrier. 254 La franchise est un réseau fondé sur un ensemble de contrats. 255 R. Fabre, Guide juridique et pratiques des achats, Litec, coll. JCL afffaires-finances, p.79, n°153 ; Ph. Letourneau, Les contrats de franchisage, Litec, coll. Litec professionnel, 2ème éd. p. 127, n°277 –104– 252. Une limitation des coûts issue de l’indépendance des franchiseurs. Le franchisé est un commerçant indépendant qui a des intérêts à voir l’entreprise se développer. Il va donc participer activement à l’essor du réseau de franchise. D’un autre côté, en étant indépendant, il limite les coûts supportés par le franchiseur. Il n’a en ce sens pas à supporter les fautes du franchisé et ne peut être tenu de ses dettes256. De plus, le franchisé a l’obligation de rémunérer le franchiseur. Ce dernier perçoit donc régulièrement une redevance pour la mise à disposition de la marque et de l’assistance. Il bénéficie également d’un droit sur l’entrée du franchisé dans le réseau de franchise. L’indépendance du franchisé, qui rémunère le franchiseur et développe parallèlement le réseau de celui-ci (par le développement de son entreprise) ; confère au contrat un avantage pour les franchiseurs qui souhaitent créer à long terme, un réseau. Cependant, le réseau de franchises, en étant fondé sur un ensemble de contrats est précaire puisqu’ils sont toujours rompus. La précarité provient aussi de l’indépendance du franchisé : le réseau n’appartient pas véritablement au franchiseur. C’est pourquoi, les réseaux de franchise sont sinon remplacés, généralement couplés avec du succursalisme. Les succursales appartiennent à la tête de réseau (exfranchiseur) mais sont extrêmement coûteuses. 256 Ph. Letourneau, Les contrats de franchisage, Litec, coll. Litec professionnel, 2ème éd. p. 134, n°310. –105– L’ESSENTIEL DE LA PARTIE 2 254. L’obtention d’un avantage concurrentiel passe par deux stratégies différentes : le prix ou la différenciation. Si le prix –bas– est un élément du contrat, la différenciation, en concernant le produit original ou technique, ne peut être qu’indirectement contractualisée. La différenciation est mise en valeur par une exclusivité, qu’elle soit territoriale ou liée au produit (exclusivité d’approvisionnement pour le distributeur, exclusivité de fourniture pour le fournisseur). L’exclusivité permet en effet de réserver le produit, de le rendre rare et donc d’accentuer son caractère différent. Deux réseaux de distribution visent à mettre en œuvre cette exclusivité : la distribution exclusive et la distribution sélective. La distribution sélective présente un avantage concurrentiel par l’obtention d’un réseau étanche tandis que la distribution exclusive évince de fait tous les concurrents, en instaurant un distributeur par territoire concédé. 255. Par ailleurs, il est possible de passer outre cette étape de création d’un avantage concurrentiel en utilisant un contrat qui est avantageux par lui-même. La franchise vise ainsi en la réitération d’un contrat qui a été une réussite commerciale. Le franchisé bénéficiera alors des éléments de cette réussite (marque, enseigne et savoirfaire) ainsi que de l’assistance du franchiseur pour les mettre convenablement en œuvre. Le franchiseur développera en parallèle son réseau de distribution. Le regroupement et plus particulièrement les contrats d’affiliation ne sont pas une réussite commerciale, mais contiennent en eux un avantage, celui effectivement issu du groupe. Les centrales d’achats, en ayant de nombreux adhérents obtiennent des conditions plus favorables et permettent ainsi aux adhérents de faire des économies et donc finalement de revendre à prix plus bas. Ils peuvent également bénéficier de prestations notoires (marque et enseigne) qui vont, comme en matière de franchise, accroitre leur potentiel de succès. Le paroxysme est ici atteint avec la commissionaffiliation qui se situe au carrefour du contrat d’affiliation et de la franchise, elle propose en effet les éléments de réussite de ce contrat. Notons que le fournisseur a également un intérêt au regroupement, puisqu’il concède de fortes remises aux centrales en l’échange d’achats en très grandes quantités. –106– CONCLUSION GENERALE 256. L’avantage concurrentiel s’il passe par le contrat, est nécessairement favorisé par la négociation. Qu’elle soit commerciale ou de simples pourparlers, elle permet d’obtenir une assise précontractuelle et un partenaire commercial, éléments optimaux pour l’obtention d’un contrat favorable et potentiellement concurrentiel. Il est possible d’accroître ce phénomène en recourant à des intermédiaires, professionnels de la négociation. En outre, si ce n’est pas un professionnel qui est ciblé, mais un consommateur, il sera nécessaire de séduire celui-ci pour l’amener à se déplacer. Contrairement au professionnel, l’information ne suffit pas à lui déclencher une envie de contracter. La séduction de ce consommateur peut se faire par le biais de la publicité ou de certaines promotions, d’autres viseront, quant à elles, à le fidéliser. Toutefois, il est également possible d’aller physiquement (démarchage) vers le consommateur ou de lui proposer virtuellement de conclure un contrat (vente à distance). Ces dernières ont pour intérêt de contracter avec un consommateur moins vigilent, puisque dans un environnement non réservé à la commercialisation. La conclusion du contrat sera ainsi plus aisée. 257. Après cette phase précontractuelle, les professionnels vont être amenés à conclure le contrat. Pour que celui-ci revête un avantage concurrentiel, il faut soit le créer, soit conclure un contrat par nature avantageux. La création de l’avantage nécessite d’opter soit pour une stratégie par les prix bas, soit pour une stratégie de la différenciation, qui en se basant sur les qualités du produit, n’a pas à être à bas prix. Cependant, la différenciation ne peut être contractualisée en tant que telle, vu qu’elle est intrinsèque au produit. Il est donc nécessaire de trouver une clause contractuelle qui puisse accentuer ces qualités intrinsèques du produit : c’est la finalité de l’exclusivité. Elle accroit la valeur du produit en le rendant rare. L’exclusivité peut être simplement contractualisée ou au-delà être l’objet d’un ensemble de contrats. C’est ainsi que les réseaux exclusifs ou sélectifs se fondent sur elle pour distribuer le produit. Toutefois, il est possible de ne pas créer l’avantage et de conclure un contrat déjà avantageux. Le contrat l’est soit parce qu’il réitère une réussite commerciale (franchise) soit parce qu’il contient en lui-même un avantage (le regroupement) qui lui permet en l’occurrence de favoriser une stratégie à bas prix. Mais le groupe peut –107– également proposer de reprendre une réussite commerciale, comme le contrat de franchise, tout en conservant les qualités de prix bas du groupement (la commissionaffiliation), ce qui n’est pas sans dangers. –108– ANNEXES ANNEXE 1. LE CONTENU DES CGV Les conditions générales doivent toutefois requérir un certain contenu, conformément à l’article L.441-6 du Code de commerce, modifiée par la loi LME. Cet article impose le contenu suivant : - Les conditions de vente ; - Le barème des prix unitaires ; - Les réductions de prix ; - Les conditions de règlement. » Conditions de vente. La circulaire Dutreil II n’apporte absolument aucune précision sur ce point. Elle retient que ces conditions de vente « s’entendent des modalités de vente offertes par le fournisseur à ses clients ». La circulaire précise par la suite qu’: « elles peuvent récapituler l’ensemble des possibilités offertes », sachant qu’elles peuvent être adaptées en fonction des différentes catégories faites. Les conditions de vente pouvant regrouper l’ensemble des modalités de vente, il convient de se recentrer préalablement sur la vente, au sens civil. La vente est selon l’article 1582 du Code civil « une convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose et l’autre à la payer ». L’article suivant dispose que la vente ne devient parfaite que lorsque les parties ont convenu de la chose et du prix, peu importe qu’il y ait eu effectivement transfert de propriété, celui-ci est réputé acquis au jour du consentement257. Les conditions de vente seraient donc les conditions essentielles requises pour toute vente, conformément au régime de l’offre qui requiert que soit mentionné les éléments essentiels au contrat projeté. Ainsi, il est nécessaire qu’il y ait un prix et la chose, objet du contrat en question. Or, sur le prix, l’article L.411-6 257 L’article 1583 du Code civil énonce : « elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé ». –109– du Code de commerce l’impose déjà. Sans compter que la circulaire Dutreil II susmentionnée permet d’incorporer « l’ensemble des possibilités offertes ». Qu’est-il donc possible d’incorporer en plus de la chose et du prix ? Une analogie entre les GGV et la convention récapitulative mentionnée à l’article L.441-7 du Code de commerce peut éclairer sur ce point. Celui-ci dispose : « I. Une convention écrite conclue entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services indique les obligations auxquelles se sont engagées les parties en vue de fixer le prix à l’issue de la négociation commerciale. Etablie soit dans un document unique, soit dans un ensemble formé par un contrat-cadre annuel et des contrats d’application, elle fixe : 1° les conditions de l’opération de vente des produits ou des prestations de services telles qu’elles résultent de la négociation commerciale dans le respect de l’article L441-6 ; 2° Les conditions dans lesquelles le distributeur ou le prestataire de services s’oblige à rendre au fournisseur, à l’occasion de la revente de ses produits ou services aux consommateurs ou en vue de leur revente aux professionnels, tout service propre à favoriser leur commercialisation ne relevant pas des obligations d’achat et de vente, en précisant l’objet, la date prévue, les modalités d’exécution, la rémunération des obligations ainsi que les produits ou services auxquels elles se rapportent ; 3° Les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services, en précisant pour chacune l’objet, la date prévue et les modalités d’exécution. Les obligations relevant des 1° et 3° concourent à la détermination du prix convenu. La convention unique ou le contrat-cadre annuel est conclu avant le 1er mars ou dans les deux mois suivants le point de départ de la période de commercialisation des produits ou de services soumis à un cycle de commercialisation particulier. Le présent I n’est pas applicable aux produits mentionnés au premier alinéa de l’article L.441-2-1 du Code de commerce. II. Est puni d’une amende de 75 000 € le fait de ne pas pouvoir justifier avoir conclu dans les délais prévus une convention satisfaisant aux exigences du I. » –110– A la lecture de cet article, qui a vocation à s’appliquer au contrat conclu suite à la négociation, il apparait les catégories d’obligation qui doivent figurer sur ce contrat récapitulatif. Outre les conditions de vente issues de l’article L.441-6 du Code de commerce, il doit figurer les services destinés à favoriser la commercialisation des produits du fournisseur. Ces services offerts par le distributeur se regroupent sous le terme générique de « coopération commerciale ». Il en va de même pour les autres obligations présentées au 3°. Le Pr. Ferrier propose sur ce point, de distinguer la vente civile de la vente commerciale258. En effet, la vente commerciale, du fait de l’opération complexe envisagée entre fournisseur et distributeur emporte plus d’obligations, notamment en ce qui concerne la revente. Ainsi, « Le distributeur n’est pas qu’un simple acheteur, il est un revendeur dont l’image (enseigne), le poids économique (chiffre d’affaires), l’activité (services accessoires à la revente), la localisation (chalandise), les installations (« standing »), peuvent appeler un traitement particulier, avec un élargissement corrélatif du contenu de l’opération d’achat-vente et, par-là, des conditions générales de vente »259. Pratiquement, il est souvent associé une coopération commerciale au contrat entre fournisseur et distributeur. Celle-ci devra aussi figurer dans les CGV, même s’il s’agit d’un contrat de prestation de services accessoires. Par conséquent, ces conditions de vente doivent comprendre l’ensemble des stipulations qui vont définir le contrat de vente projeté. Il s’agit de « l’ensemble des modalités juridiques et financières que le fournisseur propose à ses clients pour régir la vente, en dehors du prix, des réductions de prix et des règlements [délais de règlements] »260. Ces derniers sont en effet repris par l’article L.441-6 du Code de commerce. 258 D. Ferrier, Droit de la distribution, Litec, 5ème éd. p.132. 259 Ibidem. 260 R. Fabre, M. Dany, L. Sersiron, Le guide des négociations commerciales, Guides Dalloz, 2009- 2010, p.75 –111– Conditions de prestations de services. Comme le retient le Pr. Ferrier, il n’y a curieusement aucune référence faite aux CGP dans l’article L.441-6 du Code de Commerce. Le régime des CGV devra donc être aussi appliqué pour les CGV. L’article L.441-7 du Code de commerce, dont il a été précédemment fait une analogie, retient en effet que « la convention écrite est conclue entre le fournisseur et le distributeur ou prestataire de service ». Dès lors, ce ne sera pas la chose qui devra être envisagée, mais la prestation de services. Barème des prix unitaires. Comme son nom l’indique, le barème des prix unitaires est généralement un tableau dans lequel il existe une concordance entre la chose et son prix unitaire, c’est-à-dire pour une unité, une quantité de la chose. Les prix correspondent donc aux différents produits, avant que soient pratiquées des réductions. Cependant, l’existence d’un barème de prix n’est pas obligatoire, conformément à la circulaire Dutreil II. Celle-ci prévoit que le barème de prix ne peut exister que si l’activité en question le permet. Les prix qui sont soumis à des fluctuations en cours, comme les denrées agricoles, ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un barème. Il en va de même des produits et services sur devis. Il n’est en revanche pas interdit d’établir plusieurs barèmes suivant les catégories auxquelles ils sont destinés, à l’instar des conditions catégorielles. La communication du barème portera ainsi sur les prix applicables à la catégorie en question dans les conditions générales. Enfin, la date d’application et la durée de validité de ces barèmes de prix sont fixées librement. Ce tarif de base est susceptible d’évolution au regard des réductions de prix. Réductions de prix. Les réductions de prix dont pourra bénéficier le distributeur doivent être prévues et mentionnées dans les CGV. Ces réductions de prix sont des remises, rabais, ristournes. La circulaire Dutreil II dispose que ce sont les conditions d’obtention de ces réductions de prix qui doivent être mentionnées dans les CGV. La remise est une « réduction immédiate sur le prix d’une bien ou d’un service. Elle est –112– calculée sur le prix de vente brut hors taxe »261, tandis que le rabais est « une réduction à caractère commercial accordée en cas de défaut de qualité, de retard de livraison ou de non-conformité de la commande »262. Enfin, la ristourne est « un remboursement au client d’une partie de la somme qu’il a déjà payée. Elle est généralement accordée périodiquement en fonction de la réalisation des objectifs qui conditionnent son versement »263. L’escompte est différent, puisqu’il vise à inciter le débiteur à payer plus rapidement et est accordé en fonction de ce paiement anticipé264. Conditions de règlement. Les conditions de règlement prévoient d’une part certains délais pour payer et des taux de pénalités en cas de retard. Les délais de règlements. Sur les délais, c’est l’article L.441-6 neuvième alinéa du Code de commerce : « Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser quarante-cinq jours fin de mois et soixante jours à compter de la date d’émission de la facture. » Les CGV devront préciser si le règlement est à quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de l’émission de la facture, puisque ce choix relève de la liberté contractuelle. Ce sont des délais plafond, le délai qui est imposé est théoriquement de trente jours même si celui est supplétif, en vertu du huitième alinéa de l’article L.441-6 du Code de commerce265. En pratique, les parties concluront un délai supérieur à trente jours, celui-ci étant supplétif, soit de quarante-cinq jours ou de soixante jours au maximum. Il est en fait 261 G. Canivet, Rapport : restaurer la concurrence par les prix les produits de grande consommation et les relations entre industrie et commerce, dit « rapport Canivet », oct. 2004, glossaire, p.142 262 Ibidem. 263 Ibidem, p.143 264 « Avantage dont bénéficie le débiteur d’une dette à terme lorsqu’il paie sa dette avant l’échéance ». G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, coll. Quadrige, 8ème éd. 265 « Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée » –113– pénalement condamné266 le fait de dépasser ces délais conformément aux prescriptions du dernier alinéa de l’article L441-6 du Code de commerce. Le dixième alinéa accorde cependant des dérogations, notamment par des accords du professionnel du secteur. Le dixième alinéa de l’article L.441-6 du Code de commerce suppose à ce titre que : « les professionnels d’un secteur, clients et fournisseurs, peuvent décider conjointement de réduire le délai maximum de paiement fixé à l’alinéa précédent. Ils peuvent également proposer de retenir la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation de services demandée comme point de départ de ce délai. Des accords sont conclus à cet effet par leurs organisations professionnelles. Un décret peut étendre le nouveau délai maximum de paiement à tous les opérateurs du secteur ou, le cas échéant, valider le nouveau mode de computation et l’étendre à ces mêmes opérateurs ». De plus, le dixième alinéa impose des délais de paiement différents pour le secteur du transport, qui ne peuvent dépasser trente jours à compter de la date d’émission de la facture267. Les pénalités de retard. Il doit en outre être incorporé dans les conditions de règlement, le taux des pénalités de retard. Le douzième alinéa dispose à cet effet que : « les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d’intérêt légal, ce taux est égal aux taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Les pénalités de retard sont 266 La sanction est une amende civile de 15 000 €. 267 « Nonobstant les dispositions précédentes, pour le transport routier de marchandises, pour la location de véhicules avec ou sans conducteur, pour la commission de transport ainsi que pour les activités de transitaire, d’agent maritime et de fret aérien, de courtier en fret et de commissionnaire en douane, les délais de paiement convenus ne peuvent en aucun cas dépasser trente jours à compter de la date d’émission de la facture ». –114– exigibles sans qu’un rappel soit nécessaire. ». Il existe toutefois un taux plancher dans la fixation contractuelle du taux d’intérêt ; ce taux ne peut être inférieur à trois fois le taux d’intérêts légal. Comme précédemment mentionné, la sanction du nonrespect des règles encadrant les délais de paiement est une amende pénale de 15 000 €. Mais, cette amende concerne aussi le fait de ne pas mentionner ce qui est énoncé au douzième alinéa268. Ainsi, les pénalités de retard des CGV doivent mentionner dans quel cas elles peuvent être mises en œuvre et le taux qui sera appliqué dans ce cas. 268 C’est le dernier alinéa de l’article L.411-6 du Code de commerce qui pose cette amende, comme suit : « est puni d’une amende de 15 000 € le fait de ne pas respecter les délais de paiement mentionnés aux huitièmes et onzième alinéas, le fait de ne pas indiquer dans les conditions de règlement les mentions figurant à la première phrase du douzième alinéa ainsi que le fait de fixer un taux ou des conditions d’exigibilité selon les modalités non conformes aux dispositions du même alinéa ». –115– ANNEXE 2. LA FIXATION DU PRIX Prix Elevé Moyenne Basse Stratégie du Stratégie du rapport Stratégie du luxe qualité/prix cadeau Qualité Elevée supérieur Moyenne Basse Stratégie de surprime Stratégie d’exploitation Stratégie du Stratégie du milieu de bon rapport gamme qualité/prix Stratégie de la fausse économie Stratégie d’économie Tableau représentant les neuf stratégies de gestion du rapport qualité/prix269. — Légende — Stratégie du bas prix : le rapport qualité-prix est profitable à l’acheteur : il bénéficie d’une bonne qualité à un moindre coût. La stratégie dite du cadeau a, comme son nom l’indique, vocation à être temporaire et cela correspond aux promotions par le prix. 269 Kotler et Dubois, Marketing, Mangement, Publi Union, 10ème édition, p.465, figure 15.1 –116– Absence de stratégie par les prix issue de la surprime : le prix est trop élevé. Cela correspond donc à une situation où la clientèle est captive et ne peut se tourner vers des opérateurs pratiquant des prix plus raisonnables ou préférentiels. Absence de stratégie par les prix : le prix correspond à la qualité attendue par la clientèle. Cependant, la stratégie d’économie qui correspond à un prix bas (pour une qualité basse) constitue aussi une stratégie par les prix : le prix sera généralement plus bas que celui posé pour un bon rapport qualité/prix. Celle-ci sera néanmoins moins favorable que celle fondée sur un meilleur rapport qualité/prix puisque les clients préfèreront dépenser un peu plus pour avoir une meilleure qualité. En revanche, la stratégie du luxe se moque du prix et il sera au contraire anormal qu’un produit dit de luxe soit peu onéreux. Le luxe se fonde en effet sur une stratégie de différenciation et non par les prix. La recherche d’un avantage concurrentiel par le prix réside donc dans la stratégie par les prix et plus précisément par la stratégie du bon rapport qualité prix : le prix est bas par rapport au prix attendu pour la qualité. –117– ANNEXE 3. LES NEUFS FACTEURS DE T. NAGLE ET R.K. HODLE270 - (1) L’originalité du produit. Plus un produit sera original, innovant, moins il sera sensible aux prix, conformément à ce qui a été dit précédemment sur « l’écrémage ». Le produit devra être à prix suffisamment bas pour être attractif, ce ne seront donc pas ses qualités (originalité, innovation) qui seront prises en compte. Il n’est donc pas possible d’avoir un produit innovant à bas prix, sauf à pratiquer une stratégie du cadeau271, qui se devra d’être temporaire. Maintenant, s’il s’agit de protéger l’image, le prix ne pourra jamais être bas, sauf à dégrader l’image de ce produit. C’est pourquoi, il n’y a que très rarement des soldes ou de promotions dans le domaine du luxe. Par ailleurs, de telles réductions s’avèreraient suspicieuses, notamment en ce qui concerne la qualité et la provenance du produit272. - (2) La connaissance des produits de substitution et (3) leur facilité de comparaison. Plus les consommateurs connaitront les produits de substitution et plus ils rechercheront le meilleur prix. La non-connaissance de ces produits de substitution permet ainsi de mettre en place une politique tarifaire plus élevée. Le prix devra être abaissé si les produits de substitutions sont connus, puisqu’il s’agit d’offres concurrentes. L’influence sur le prix sera encore accrue s’il est facile de comparer les produits. - (4) Le poids du prix dans le budget et (5) son poids dans le coût total. Plus le prix que devra payer le consommateur grèvera son budget et plus il y sera sensible. Ainsi, un consommateur qui a peu des revenus fera plus attention et aura tendance à s’orienter vers des prix bas. Cependant, le prix en question devra également être apprécié dans l’environnement du consommateur : le consommateur sera moins sensible au prix d’un article qui intervient faiblement dans une grosse dépense. 270 T. Nagle, R.K.Holden, the strategy and tactics of pricing, Prentice Hall, 3ème éd. in Kotler et Dubois, Marketing, Management, Publi Union, 10ème éd. p.467 271 V. en ce sens, l’annexe 3 272 Bien souvent, des produits de luxe à prix sinon bas, modérés sont souvent des contrefaçons. –118– L’exemple avancé est celui de l’accessoire lors de l’achat d’une voiture. Dans le cadre d’une grosse dépense, le prix de l’accessoire pourra ainsi être augmenté sans que ce soit rédhibitoire pour l’achat de la voiture. Il en irait différemment si ce même accessoire fait l’objet d’une vente à l’unité. - (6) Le partage des coûts. Le consommateur est là encore moins sensible au prix, s’il n’est pas le seul à l’acquitter. Un groupe dépensera ainsi plus et seront donc moins sensible au prix bas. Le prix bas s’attachera donc à des produits ou des services non susceptibles d’être partagés. - (7) Les achats déjà amortis. La dépense pour un produit déjà acheté et amorti sera moins soumise à l’influence des prix bas. L’entretien d’un camion amorti paraitra moins onéreux à l’entrepreneur qui a acheté le camion. Les biens non amortissables ou les services portant sur ces biens auront tendance à être moins onéreux si l’entreprise souhaite opter pour une stratégie par les prix. - (8) La qualité perçue. Il s’agit du critère le plus important. C’est à partir de la qualité que percevra la clientèle d’un service ou d’un produit que celle-ci appréciera la gamme de prix à laquelle se rapporte le prix ou le service en question. Un produit luxueux aura ainsi nécessairement un prix élevé alors qu’un produit de qualité médiocre devra avoir un prix faible. Dès lors, plus le produit sera d’une qualité peu élevé, plus la clientèle sera sensible à son prix et plus ce prix devra être bas. - (9) Le stockage. Plus le stockage du produit acheté par le consommateur sera difficile et moins le prix influencera son choix. C’est en ce sens, qu’un acheteur sera moins attiré par des prix plus bas sur des denrées périssables (comme les fruits et légumes) que sur des produits non périssables. Rarement, les entreprises concurrentes ne font de grands écarts de prix sur des produits périssables. Par ailleurs, la grande distribution, notamment en matière de publicité comparative, fait fréquemment référence à des produits du quotidien qui ne sont pas périssables (produits d’hygiène, fournitures scolaires) ou faiblement (huile végétale, biscuits) pour vanter un prix bas273. 273 Elle utilise également le concept abstrait du caddie de la ménagère qui ne permet pas de distinguer les produits périssables de ceux non périssables. –119– ANNEXE 4. LE CALCUL DU SEUIL DE REVENTE A PERTE274 Première étape : calcul du prix unitaire hors taxe Prix tarif H.T (il s’agit du prix figurant au contrat) — Réductions de prix acquises à la date de la vente et directement liées à cette opération de vente : les rabais et les remises Prix unitaire H.T Deuxième étape : calcul du prix d’achat effectif Prix unitaire H.T — Ensemble des autres avantages financiers consentis par le fournisseur exprimé en pourcentage du prix unitaire net. Y figurent les réductions hors factures : les ristournes ainsi que les rémunérations versées au titre de l’article L.441-7, 2° et 3° du Code de commerce : services et obligations qui favorisent la commercialisation des produits du fournisseur (2°) ou plus simplement la relation commerciale entre fournisseur et distributeur (3°). + TVA et taxes afférentes à la revente + Prix du transport PRIX D’ACHAT EFFECTIF OU SEUIL DE REVENTE A PERTE 274 Tel que proposé in D. Ferrier, Droit de la distribution, Litec, 5ème éd. p. n° –120– BIBLIOGRAPHIE OUVRAGES GENERAUX –A– L. ARCELIN-LECUYER, Droit de la publicité, PUR, Coll. Didact. Dt, 2011 –B– R. BOUT, G. CAS, M. LUBY, M. BRUSCHI, S. POILLOT-PERUZZETTO, Lamy droit économique, 2013. M.C BOUTARD LABARDE, G. CANIVET, E. CLAUDEL, V. MICHELAMSELLEM, J. VIALENS, L’application en France du droit des pratiques anticoncurrentielles, LGDJ, coll. Droit des affaires, 2008. –C– J. CALAIS-AULOY, H.TEMPLE, Droit de la consommation, Précis, Dalloz, 8ème éd. H. CAPITANT, F. TERRE, Y. LEQUETTE, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, t. 2, 12e éd., Dalloz, 2008 G. CORNU, Vocabulaire juridique, Assoc. Henri Capitant, PUF, 8ème édition, « Quadrige ». –D– H. DAVO, Y. PICOD, Droit de la consommation, Sirey, 2ème éd. –121– G. DEMME, Le droit des restrictions verticales, préf. L. VOGEL, Economica, 2010. –F– M. FABRE-MAGNAN, Droit des obligations –T.1– Contrat et engagement unilatéral, PUF, 2ème éd. D. FERRIER, Droit de la distribution, 5ème éd., Litec, 2008. –G– C. GAVALDA, G. PARLEANI, Droit des affaires de l’Union européenne, 6ème éd., Litec, 2010 –K– P. KOTLER, B. DUBOIS, Marketing Management, 10ème éd., Publi-Union, 2000. –M– D. MAINGUY, J.L. RESPAUD, M. DEPINCE, Droit de la concurrence, Litec, 2010. OUVRAGES SPECIAUX –C– Y. CHAPUT, Clientèle et concurrence : approche juridique du marché, Etude du CRDA, Litec, 2000 –122– –E– N. ERESEO, l’exclusivité contractuelle n°79, préf. D.Ferrier, coll. FNDE, Litec –F– R. FABRE, M. DANY, L. SERSIRON, le guide des négociations commerciales, Guides Dalloz, 2009-2010 –L– P. LE TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, coll. Litec professionnel, 2ème éd. B. LESTRADE, Publicité et promotion des ventes : le cadre juridique, Revue fiduciaire, Coll. La Villeguérin –M– J.M. MOUSSERON, P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.B. SEUBE, Technique contractuelle, 4ème éd., Francis Lefebvre, 2010. -P– M. PORTER, L’avantage concurrentiel, Dunod, 2003. –123– ARTICLES –A– H. AUBRY, L’entrée dans le franchise : la franchise et les modèles concurrents, Colloque La franchise : questions sensibles in RLDA 2012, 73. –B– J-J. BIOLAY, Transparence tarifaire et pratiques relatives aux prix – organisation de la concurrence par les prix, JCL Concurrence-Consommation, Fasc. 285, 2009 J.J. BURST, note sous CA Colmar 9 juin 1992, D. 1982, p. 553. –C– P. CHAUVEL, Consentement, Rép. Civ. Dalloz, avril 2007 –D– N. DISSAUX, La commission-affiliation : un monstre juridique ?, RTD Com. 2011, p. 33 et s. G. DURANTON, Courtiers, Rép. Com. Dalloz, 2007 –F– D. FERRIER, Concurrence–Distribution, D. 2012, p.577 –124– D. FERRIER, La distribution sélective : deux alternatives de substitution, CDE 1993, p. 6. D. FERRIER, Franchise, Rép. Com., 1996. –G– C. GRYNFOGEL, Droit français des ententes – Article L.420-1 du Code de commerce, JCL Comm., Fasc. 262. –J– J. JULIEN, Retour sur la notion de démarchage, RLDC 2006, n°24, p.5 et s. –L– B. LABORRIER, Accords de coopération commerciale, JCL ContratsDistribution, Fasc. 1100. J-M. LELOUP, l’agent commercial, Rép. Com. Dalloz, oct. 2003 D. LESCOP, Les échanges d’informations entre non-concurrents, D.2009, p.187 –M– C. MARECHAL, Application du droit de la concurrence de l’Union européenne par une autorité nationale : restrictions de concurrence par l’objet et seuil de sensibilité, JCP E, 2013, n°2, comm. 1020. J.MESTRE, note ss Cass. Com. 15 déc.1992, RTD Civ. 1993, p.577 –125– J.J. MOUSSERON, La gestion des risques par le contrat, RTD Civ. 1988, p.481 –N– L. NICOLAS-VULLIERME, Pratiques restrictives sanctionnées civilement – Article L.442-6 du Code de commerce, JCL Concurrence-Consommation, Fasc. 290. –P– B. PETIT, Contrats et obligations, consentements, JCL Civil Code, Fasc. Unique –R– G. RAYMOND, Promotion des ventes par les prix, JCL. Concurrence, Consommation, Fasc.905 AUTRES –C– G. CANIVET, Rapport : restaurer la concurrence par les prix les produits de grande consommation et les relations entre industrie et commerce, oct. 2004 –126– INDEX ALPHABETIQUE –A– Contrat commerciale : Appel d’offres : 49-54, 59 Procédure de non contestation Convention récapitulative : 75-77, Procédure de clémence : 24, 36 annexe 1 –D– Centrales : Démarchage : 130-135 Centrales de référencements : 82, 91, 222-223 - 181, 138-140, 142 –C– - 174-176, Contrat de vente à distance : 130, des griefs : 25 - 6, coopération annexe 1 Autorité de la concurrence : - de Centrales d’achats : 91, 224, - Démarché : 135-137 - Internet : 204, 235 Distribution sélective : 228 Commission-affiliation : 236-239 Concurrence déloyale : 14, 32, 109, - Critères qualitatifs : 210-211 - Critère quantitatifs : 212-215 - Etanchéité : 216-217 205, 219 Distribution Conditions de vente : Conditions catégorielles : 71 - Conditions générales de vente : - Exclusivité produit : 191-196 - Exclusivité territoriale : 197- 66-68, 71, annexe 1 Conditions particulières 184-185, 187-189 - - exclusive : 204 de - vente : 67, 72-74, annexe 1 –127– Etanchéité : 205 –E– Pourparlers : 46, 61-62, 64-65 Prix : Ententes : - - Accord : 15,16 - Ententes verticales : 3, 9-12, 47 - Preuve : 15- 16 Bas : 13, 15, 110, 154-155, 159-165, 167-171, 259, annexe 2 Exemption : Fixation : 12-13, 20, 166-167, 170, annexe 2 - Individuelle : 21 - Par catégorie : 19, 20 - Diminution : 97, 110-111, 120123, 125, 129 Publicité : 41, 97-109 –F– –R– Faisceau d’indices : 10, 15, 31 Franchise : 221, 240-241, 253 - Assistance du Référencement : 6, 48, 79 franchiseur : Regroupement : 222, 231 250-254 - Revente à perte : 112, 122, 124, 167, Redevances du franchisé : 153, 169-171 157, 241 Revente hors réseau : 218-220 –O– –S– Offre : 60, 62, 68, 78, 85, 133, 151, Savoir-faire : 221, 236, 240-241, 246- 171, annexe 3 249, 252, 257 Signes distinctifs : 234, 236, 243-245, –P– 248 Pratique restrictive de concurrence : Soldes : 97, 111-120, 150 7, 9, 11, 15, 20 –128– TABLE DES MATIERES Introduction................................................................................................................. 1 Section 1. La constatation du traitement négatif de l’avantage contractuel par le droit de la concurrence ............................................................................................................................... 2 I. — Le traitement anticoncurrentiel de l’avantage ............................................................ 2 A. L’avantage contractuel restrictif de la concurrence .................................................... 2 B. L’avantage contractuel contraire à la concurrence ..................................................... 4 1. La prohibition per se de l’avantage anticoncurrentiel........................................... 4 2. La sanction aléatoire de l’avantage anti-concurrentiel .......................................... 6 a) La difficulté intrinsèque de la preuve ............................................................... 6 b) La faculté extrinsèque de rachat ....................................................................... 7 (i) L’exemption de la pratique ............................................................................ 7 (ii) L’exemption de la sanction ........................................................................... 9 II. — Le traitement déloyal de l’avantage ......................................................................... 11 A. La difficulté probatoire du lien de causalité ............................................................. 11 B. La difficulté de détermination du préjudice ............................................................. 12 Section 2. La limitation de l’avantage concurrentiel à une optimisation contractuelle ........ 13 PARTIE 1. La préparation de l’avantage concurrentiel ........................................ 17 Chapitre 1. L’attraction préalable du professionnel .............................................. 17 Section 1. L’attractivité limitée de l’information diffusée par l’opérateur ........................... 19 I. — Le préalable informatif libre de l’appel d’offres ...................................................... 20 L’appel aux offres .................................................................................................... 21 A. 1. La diffusion naturelle d’offres ............................................................................. 21 2. La diffusion privilégiée de l’offre pour un futur partenaire ................................. 22 L’appel à la négociation ........................................................................................... 22 B. 1. La nécessité d’un appel aux pourparlers .............................................................. 22 2. La nécessité de négociations parallèles ............................................................... 24 II. — Le préalable informatif encadré de la négociation ................................................... 25 A. Le début de la négociation commerciale .................................................................. 26 1. Une diffusion large de l’information : les conditions générales .......................... 27 2. Une diffusion ciblée de l’information : les conditions catégorielles ................... 28 B. La fin de la négociation commerciale ...................................................................... 29 1. L’aboutissement de la négociation : les conditions particulières ......................... 29 2. La finalisation de la négociation : la formalisation des conventions ................... 30 –129– L’attractivité naturelle de l’information diffusée par un intermédiaire ............... 30 Section 2. I. — L’obtention d’un partenaire adéquat par le courtage ................................................ 32 A. La recherche du meilleur partenaire potentiel .......................................................... 32 B. La recherche fondée sur une double obligation d’information ................................. 33 1. L’utilisation de l’information aux fins de lier les futurs cocontractants .............. 33 2. La diffusion de l’information bilatérale sur les personnes ................................... 33 II. — L’obtention d’un contrat adéquat par l’agence commerciale ................................... 34 A. Un contrat centré sur la négociation ......................................................................... 35 B. Une négociation issue de la concertation ................................................................. 36 Chapitre 2. L’attraction préalable du consommateur ............................................ 37 Section 1. L’optimisation par le déplacement du consommateur vers le professionnel ....... 37 I. — Le déplacement encouragé par la promotion publicitaire ......................................... 38 L’attrait illimité de la publicité sur le consommateur ............................................... 40 A. 1. Le pouvoir d’attraction intrinsèque de la publicité .............................................. 40 2. L’avantage concurrentiel intrinsèque de la publicité ........................................... 41 B. La limitation de la publicité à sa loyauté .................................................................. 41 1. L’absence de déloyauté requise pour la licéité de la publicité ............................. 42 2. La loyauté issue de l’absence de pratiques présumées trompeuses ..................... 42 II. — Le déplacement favorisé par la promotion pécuniaire .............................................. 43 A. La promotion de produits soldés .............................................................................. 44 1. L’attrait consumériste pour les soldes ................................................................. 45 2. L’attrait professionnel pour les soldes ................................................................. 45 B. a) Une promotion de marque soldée ................................................................... 45 b) Une diminution des stocks sans frais .............................................................. 46 La promotion à prix réduits ...................................................................................... 47 1. L’avantage-prix ................................................................................................... 47 2. L’avantage-produit .............................................................................................. 49 Section 2. I. — L’optimisation par le déplacement du professionnel vers le consommateur ....... 50 Le démarchage au domicile ...................................................................................... 51 A. Le consentement facilité du démarché ..................................................................... 51 B. Le consentement protégé du démarché .................................................................... 53 1. L’obligation d’éclairer le consentement du consommateur ................................. 53 2. La faculté de retrait du consentement par le consommateur ................................ 53 II. — La passation du contrat au domicile ......................................................................... 54 A. Le constat de l’attractivité du contrat à distance ...................................................... 54 B. 1. L’intérêt virtuel du contrat pour le consommateur .............................................. 54 2. L’intérêt pratique du professionnel pour le contrat ............................................. 55 La protection du consommateur consécutive à l’attractivité .................................... 55 –130– 1. Le droit commun de la protection du consentement du consommateur............... 56 2. Le cas particulier de la résolution pour inexécution du professionnel ................. 57 PARTIE 2. La contractualisation de l’avantage concurrentiel .............................. 59 Chapitre 1. La création de l’avantage contractuel.................................................. 60 Section 1. La différenciation par le prix ............................................................................... 61 I. — La formation du prix initial ...................................................................................... 62 L’adoption d’une stratégie de prix ........................................................................... 62 A. 1. L’intérêt concurrentiel du prix bas ...................................................................... 63 2. L’intérêt concurrentiel du bon rapport qualité/prix ............................................. 64 L’adoption du prix initial bas ................................................................................... 65 B. 1. La fixation du prix initial par le fournisseur ........................................................ 65 2. La fixation d’un prix bas par le distributeur ........................................................ 66 a) La limite basse fixée au prix d’achat effectif .................................................. 68 b) La limite du prix non abusivement bas ........................................................... 68 II. — La réduction du prix initial ....................................................................................... 69 A. Le prix initial du fournisseur diminué par les services rendus par le distributeur .... 69 1. La variété des services accompagnant l’opération d’achat-vente ........................ 69 2. Une diminution du prix par compensation .......................................................... 71 B. Le prix initial du fournisseur réduit .......................................................................... 71 1. Les avantages qualitatifs ou quantitatifs issus des réductions de prix ................. 71 2. La réduction immédiate ou différée du prix initial .............................................. 73 Section 2. I. — La différenciation par le produit .......................................................................... 73 La distribution exclusive du produit ......................................................................... 75 La distribution exclusive : le contrôle de la distribution par l’exclusivité ................ 76 A. 1. La limitation de la distribution du produit ........................................................... 76 2. Un territoire exclusif............................................................................................ 79 B. La distribution exclusive : le contrôle de l’intégrité du réseau ................................. 82 II. — La distribution sélective du produit .......................................................................... 83 A. Une sélection non discriminatoire fondée sur des critères objectifs et qualitatifs .... 84 1. Une sélection fondée sur des critères qualitatifs .................................................. 85 2. Une sélection possible fondée sur des critères quantitatifs .................................. 86 a) Le recours possible à des critères quantitatifs ................................................. 86 b) Le recours à la distribution sélective présumé nécessaire pour des produits exigeants................................................................................................................... 87 L’organisation d’un réseau étanche .......................................................................... 87 B. 1. Un réseau de distribution intrinsèquement étanche ............................................. 88 2. L’interdiction de la revente hors du réseau de distribution sélective ................... 88 –131– Chapitre 2. La reprise contractuelle d’un avantage concurrentiel ....................... 91 Section 1. L’obtention de conditions avantageuses par le regroupement ............................. 91 I. — Les économies financières permises par le regroupement ....................................... 93 A. Un avantage par le prix ............................................................................................ 93 1. Le reversement aux adhérents des réductions acquises par le regroupement ...... 93 2. Des réductions de prix consenties proportionnellement à l’engagement de l’adhérent ...................................................................................................................... 94 B. Un avantage entouré d’exclusivité ........................................................................... 94 II. — Les prestations de service proposées par le regroupement ....................................... 95 A. La mise à disposition de signes distinctifs notoires facilitant la distribution ........... 95 B. La commission-affiliation, un contrat a priori avantageux ...................................... 96 Section 2. I. — La réitération de conditions avantageuses par la franchise .................................. 99 Un succès assuré pour le franchisé ......................................................................... 100 A. La condition préalable de signes distinctifs notoires .............................................. 100 B. La condition préalable d’un savoir-faire original ................................................... 101 II. — Le développement du réseau du franchiseur .......................................................... 103 A. Une évolution cordonnée du réseau entre le franchisé et le franchiseur................. 103 B. La franchise : un contrat de lancement du réseau du franchiseur ........................... 104 Annexes ................................................................................................................... 109 Annexe 1. Le contenu des CGV .................................................................................... 109 Annexe 2. La fixation du prix ....................................................................................... 116 Annexe 3. Les neufs facteurs de T. Nagle et R.K. Hodle ............................................ 118 Annexe 4. Le calcul du Seuil de Revente à Perte ........................................................ 120 Bibliographie ........................................................................................................... 121 Index alphabétique.................................................................................................. 127 –132–