Polyarthrite rhumatoïde - Société Française de Rhumatologie

publicité
Journal de L’AFP (Association Française des Polyarthrites) 2005
Polyarthrite rhumatoïde
le diagnostic de la sévérité : quel est l’intérêt de mesurer la sévérité de la PR et quels sont les
conséquences sur la prise en charge de la maladie ?
Professeur Bernard Combe
Service d’Immuno-Rhumatologie, CHU Lapeyronie
La polyarthrite rhumatoïde (PR) est le rhumatisme inflammatoire chronique le plus fréquent et le plus
grave. La PR est une source potentielle d’un handicap important, notamment dans les formes sévères.
Cependant, la PR est une maladie hétérogène avec des formes ou relativement bénignes (30 %
environ), qui certes peuvent entraîner des douleurs ou des gonflements articulaires mais sont
responsables à moyen ou long terme, d’un handicap nul ou faible, permettant aux patients de mener
une vie quasi normale. A l’opposé, il existe des formes sévères (20 % environ) entraînant des
destructions articulaires rapides et handicap fonctionnel précoce. Entre les deux, il existe tous les
intermédiaires en terme de sévérité et de handicap.
L’objectif actuel de la stratégie thérapeutique dans la PR est de réduire au maximum le handicap et la
destruction articulaire et d’identifier le plus tôt possible, les patients à risque de développer des PR
sévères afin de leur proposer des traitements les plus efficaces.
Qu’est-ce qu’une PR sévère ? : le diagnostic de sévérité
Dans bon nombre de maladies, la sévérité est diagnostiquée en fonction de la mortalité
potentielle. Dans le cadre de la PR, même s’il existe globalement une réduction de la durée de
vie, celle-ci est modérée. La survenue de manifestations extra-articulaires (nodules,
vascularite, atteinte cardiaque ou pulmonaire) est souvent considérée comme un facteur de
gravité mais les manifestations extra-articulaires comme la mortalité sont des évènements
relativement rares qui ne peuvent pas être pris en compte comme un élément de sévérité pour
l’ensemble des patients atteints de PR. Le diagnostic de sévérité dans une PR est donc
habituellement effectué en fonction de la survenue d’un handicap fonctionnel, ou de lésions
articulaires réversibles. Le handicap fonctionnel se développe progressivement et peut être
évalué par des scores, tels que le score HAQ. Les lésions articulaires irréversibles sont au
mieux évaluées par des clichés radiographiques qui permettent de visualiser les lésions
osseuses (érosions) et les lésions du cartilage (pincement articulaire). Ceci justifie de réaliser
régulièrement des radiographies des articulations atteintes mais également systématiquement
des radiographies des mains et des pieds où les lésions objectives sont habituellement les plus
précoces. Il faut différencier dans la PR, la notion de sévérité et d’activité. La sévérité, on l’a
vu, repose essentiellement sur la survenue d’un handicap et sur des lésions articulaires
irréversibles, et augmente avec le temps. L’activité de la maladie est définie en fonction de
l’inflammation à un moment donné et est évaluée sur la douleur, les gonflements articulaires
ou des examens biologiques tels que la vitesse de sédimentation ou la C-réactive protéine. Ces
éléments reflétant l’inflammation articulaire sont habituellement transitoires et doivent
s’améliorer si ce n’est régresser complètement sous l’effet des traitements. Dans la prise en
charge d’un patient atteint de PR, on doit tenir compte à la fois des éléments de sévérité et d’
activité de la maladie.
Prédire précocément une PR sévère
On s’aperçoit habituellement au bout de quelques mois ou quelques années seulement, qu’une
PR a une forme sévère. Il est devenu de plus en plus évident qu’il fallait essayer de déterminer
le plus précocément possible, les éléments permettant de prédire le risque de développer une
maladie sévère. Actuellement, on considère que les meilleurs éléments prédictifs de sévérité
chez un patient ayant une PR débutante, sont le nombre d’articulations douloureuses et
gonflées, les examens biologiques d’inflammation (vitesse de sédimentation, C-réactive
protéine), la positivité du facteur rhumatoïde et/ou des anticorps anti-CCP et la survenue
précoce d’érosions osseuses sur les radiographies. La présence de certains gènes HLADR
(DR4) est également associée à la sévérité mais moins utilisée en pratique courante. La
présence de l’un de ces facteurs pronostiques de sévérité n’est pas suffisant à l’échelon
individuel pour prédire efficacement la sévérité d’une PR. Ce n’est que l’association de
plusieurs facteurs qui permettent de prédire avec une meilleure probabilité, l’évolution
ultérieure d’une PR.
Par exemple, un patient ayant une vitesse de sédimentation élevée, un facteur rhumatoïde
positif, les anti-CCP positifs a plus de risque de développer une polyarthrite avec destruction
articulaire qu’un patient ayant une vitesse de sédimentation normale ou peu élevée et un
facteur rhumatoïde et des anti-CCP négatifs.
Conséquences sur la prise en charge de la maladie
On dispose actuellement de traitements de plus en plus efficaces, en particulier les
biothérapies, au premier rang desquels figurent actuellement les anti-TNF. Cependant, ces
2
médicaments ont une toxicité notamment infectieuse qui peut être grave et une toxicité à long
terme qui est encore mal connue. D’autre part, ces nouveaux médicaments ont un coût
extrêmement élevé. Il paraît donc difficile, voire impossible, en terme d’économie de santé,
de les proposer à tous les patients atteints de PR, d’autant plus que l’on a montré que ceci
n’était pas utile. Ainsi un nombre important de malades ont des résultats cliniques et sur
l’évolution radiographique équivalents s’ils reçoivent un traitement plus classique, tel que le
methotrexate. Il est donc important comme pour tout traitement, de définir le rapport
bénéfice/risque du médicament adapté à chaque patient. En d’autre terme, il faut déterminer
quels sont les patients qui en tireront un réel bénéfice par rapport à un traitement plus
classique. Différentes études ont montré que les patients ayant les PR les plus actives et les
plus sévères ou ceux à risque de développer une PR sévère avaient un résultat meilleur sous
anti-TNF, que sous traitement conventionnel, y compris le methotrexate. En revanche, pour
les autres groupes de patients, il n’y a pas semble t’il, de bénéfice supplémentaire. Des
recommandations internationales et plus récemment des recommandations nationales de la
Société Française de Rhumatologie ont précisé quel type de patients devaient recevoir ces
traitements biologiques particulièrement actifs. Il a été retenu qu’il s’agissait des PR
franchement actives sur des données cliniques et biologiques, potentiellement sévères et
réfractaires à au-moins un premier traitement conventionnel.
La notion de sévérité est donc un élément particulièrement important à prendre en compte
lorsqu’un médecin prend en charge un patient atteint de PR car c’est cette notion, associée à la
notion d’activité (inflammation), qui va guider les stratégies thérapeutiques.
3
Téléchargement